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Message par Saint-Ex Dim 21 Jan 2024 - 9:14

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Extrait d'un cours de neurosciences publié par une équipe d'étudiants de l'université McGill de Montréal

LIBERTÉ (1)

CONSCIENCE

En 2005, Bjorn Merker a proposé une fonction, vitale selon lui, pour la conscience subjective. Une fonction qui aurait permis à la pression sélective de la sélectionner au cours de l'évolution.

Son raisonnement part de la distinction nette qu'il voit entre le type d'information traité consciemment et inconsciemment par notre cerveau. Car si la conscience nous présente un monde stable propice à l'action, elle exclut de son champ les multiples transformations sensorielles et motrices nécessaires à cette action. Transformations à travers lesquelles cette image stable du monde est extraite des informations sensorielles ambiguës.

Cette ambiguïté est due, entre autres, au fait que les récepteurs sensoriels sont situés sur différentes parties mobiles d'un corps en mouvement. Notre cerveau distingue ainsi aisément le mouvement d'un objet du mouvement apparent de cet objet crée par notre déplacement dans l'espace. De la même façon est exclu du champ de la conscience l'orchestration complexe des milliers de mouvements impliqués dans l'exécution quotidienne de nos actions.

Cela amène Merker à suggérer que la conscience aurait émergé comme une solution aux problèmes de logistique dans la prise de décision chez les animaux mobiles ayant un encéphale centralisant l'information. Autrement dit, notre conscience subjective a évolué pour nous donner d'une part une image simplifiée et unifiée du monde à partir d'informations sensorielles parcellaires et complexe, et d'autre part de nous permettre, à partir de cette image stable du monde, de choisir rapidement des comportements appropriés en fonction d'intentions et de buts à atteindre sans se soucier encore une fois de la complexité des commandes motrices à donner. Bref, la conscience aurait émergé pour nous simplifier la vie, proposition qui cadre bien, en tout cas, avec le fait que l'on ne peut avoir qu'un état conscient à la fois.

La complexité du mouvement a inspiré d'autres modèles de l'origine de notre conscience comme celui du primatologue Daniel Povinelli. Povinelli constate que certaines espèces de babouins ont une organisation sociale encore plus complexe que celle des chimpanzés ou des orang-outang et demeurent incapables de se reconnaître comme individu dans un miroir. Il voit là une faille dans les théories sociales des origines de la conscience qui posent la complexité de la vie sociale comme moteur de l'émergence de la conscience et d'une théorie de l'esprit. Pourquoi alors la vie sociale raffinée des babouins ne leur permettrait pas d'accéder au stade de la reconnaissance de soi dans un miroir comme c'est le cas pour les grands singes ? Y aurait-il un autre facteur commun que la complexité sociale qui caractériserait ceux qu'on appelle les grands singes (chimpanzé, bonobo, orang-outan et gorille) ? Réponse de Povinelli : oui, leur grande taille, justement.

À la suite d'observations attentives du déplacement arboricole de plusieurs espèces de singes, Povinelli et son équipe en sont venus à une distinction importante. Alors que les plus petits singes se déplacent de branche en branche à l'aide de mouvements stéréotypés, les chimpanzés et les orangs-outangs ont une façon très différente de se déplacer. À cause de leur grande taille et de la fragilité des branches pour eux, ils se déplacent avec des mouvements non stéréotypés, très créatifs et variables d'un arbre à l'autre.

Povinelli fait l'hypothèse que cette différence pourrait être lié à l'émergence d'un concept de soi. Ces grands singes, leurs ancêtres et les nôtres, auraient ainsi été amenés à développer pour la première fois une conception interne de leur corps dans le but de mieux négocier leurs déplacements dans les branches fragiles des arbres. Et c'est à partir de ce début de conscience corporelle de soi que la conscience subjective humaine se serait développée, propose Povinelli.

Francisco Varela utilise le concept d'émergence pour décrire la conscience mais surtout dans le sens dynamique, et moins dans le sens évolutif. Pour lui, nos capacités cognitives se présentent sous des formes diverses qui doivent, à tout moment, être «cousues» ensemble pour qu'émerge la conscience. Et cette mise en commun des traitements cognitifs, compatible avec les idées de Mithen sur l'origine de la conscience ou celles de Baars sur l'espace de travail global, se manifeste de diverses façons chez différentes espèces. Le chat, la chauve-souris, le poisson, l'insecte, ont chacun leur type d'expérience «consciente» ainsi définie.

Pour Varela, la spécificité humaine, ce qui nous est unique, c'est d'avoir ajouté la possibilité réflexive à tout le reste. Il y a donc là effectivement une émergence sur le plan évolutif. Mais qui dit «émergence évolutive» ne dit pas nécessairement «avantage évolutif» affirme Varela qui se méfie des idées trop adaptationnistes. Il rappelle que pour qu'il y ait avantage évolutif, il faut qu'il y ait eu un paramètre optimum. Autrement dit, qu'est-ce qui a été amélioré pour que telle ou telle chose soit sélectionnée ?

Et pour lui, les gènes dépendent tellement les uns des autres qu'on ne peut raisonner en terme de pic adaptatif, d'expression optimale pour un gène donné. Pour Varela, si la conscience a émergé, c'est simplement parce qu'il y avait, parmi toutes les possibilités des cerveaux de toutes les espèces, la possibilité qu'elle émerge de l'un de ceux-là. Cela aurait pu se passer ou ne pas se passer. C'est un effet contingent ou de «situation», un côté très aléatoire lié à la notion d'évolution douce ou de dérive génétique développée par Varela et Maturana.

Par ailleurs, de nombreux chercheurs et philosophes pensent que la conscience joue réellement un rôle fonctionnel dans nos processus mentaux et qu'elle a été sélectionnée pour cela. Pour eux, la conscience ne s'est pas développée simplement en corrélation avec d'autres structures qui, elles, auraient été sélectionnées pour la valeur adaptative de leurs fonctions. En d'autres termes, ils refusent d'appliquer le concept de «spandrel» proposé par Gould et Lewontin à la conscience. La conscience subjective serait, de leur point de vue, trop centrale et trop coûteuse énergétiquement parlant pour avoir évolué sans avoir une fonction vitale.

De nombreux auteurs ont par exemple parlé d'une fonction de monitoring pour la conscience. Autrement dit un rôle de contrôleur de soi et de l'environnement, de nos pensées et de nos comportements. Un système s'informant constamment de l'activité d'une multitude de sous-systèmes inconscients fonctionnant en parallèle afin de coordonner toute cette activité et de la contrôler.

Ce contrôle de l'activité se ferait soit en lançant des actions soit en autorisant ou en inhibant des actions déjà initiées de manière automatique. Le mécanisme de la conscience ne serait ainsi qu'une fine couche de commande ajoutée sur un ensemble de mécanismes non conscients largement majoritaires. Ces mécanismes inconscients et automatisés apportent une grande efficacité et une grande capacité de traitement, mais le coût associé à ces avantages est leur rigidité. Les mécanismes conscients, en revanche, offrent un contrôle flexible sur le comportement, flexibilité qui se paie par la capacité de traitement sériel limité de la conscience.

Mais certains voient justement dans la lenteur du traitement sériel de la conscience un gage de précision pour nos faits et gestes. Un processus mental plus rapide et trop complexe risquerait, selon eux, d'entraîner des erreurs coûteuses. Différentes tâches qui requièrent la conscience entrent en compétition les unes avec les autres, mais une seule ne pourrait être sélectionnée à la fois pour s'assurer qu'elle est réalisée convenablement.

La conscience pourrait aussi avoir une fonction de «déclencheur» de processus inconscients. Elle nous donnerait ainsi accès sur demande à tout une gamme de connaissances inconscientes. Car c'est consciemment qu'on accède à notre discours intérieur qui accompagne la lecture silencieuse; c'est aussi consciemment qu'on initie les inférences automatiques concernant les jugements que nous portons en situation sociale; et c'est encore consciemment que nous amorçons les transformations automatiques qui surviennent lorsque l'on déchiffre les différents caractères formant les mots d'une phrase. Aucun de ces automatismes n'est conscient, mais ils se mettent en marche consciemment.

Une autre idée fréquente part du constat que si la plupart de nos comportements se font automatiquement sans faire appel à la conscience, c'est souvent lorsque les choses ne se passent pas comme prévu, que nous faisons face à un défi nouveau ou une situation menaçante, que la conscience entre en jeu. Elle devient alors un outil précieux en allouant davantage de ressources cognitives à la résolution du problème.

La proposition d'un Guy Claxton va par exemple en ce sens. Celui-ci suggère que la conscience aurait émergé comme un phénomène rare associé à cet état d'hypervigilance qui survient lors de situations d'urgence mettant en jeu la survie. Le cerveau aurait développé la capacité de créer en permanence ces états d'hypervigilance qui n'étaient à l'origine que des effets secondaires n'ayant pas plus d'intérêt fonctionnel que la couleur du foie ou le fait que la mer, dans certaines conditions d'agitation, passe du bleu au blanc. Et ce serait selon lui le grand malheur de l'être humain que d'avoir vu cet état rare et éphémère, comme un éternuement ou un orgasme, devenir notre état mental de base qui nous fait construire constamment des histoires douteuses sur nous et les autres pour rendre cohérente cette impression «d'être soi».

Toujours dans une perspective évolutive, plusieurs considèrent enfin la conscience comme faisant partie du «kit de survie» d'un organisme lui permettant de planifier ses actions plutôt que de ne fournir que des réponses stéréotypées. Antonio Damasio note par exemple que la conscience de soi pourrait être adaptative de façon générale en nous amenant à nous préoccuper davantage de notre propre survie. L'impression que la conscience nous donne d'avoir un esprit détaché du corps, même si elle est fausse, pourrait être adaptative dans la mesure où elle augmenterait la valeur que nous accordons à notre existence et à celle des autres.

Nicholas Humphrey se rallie à cette vision de la conscience produisant un sentiment de soi qui incite à préserver ce «soi». Les «machines à survie» que nous sommes, pour employer l'expression de Richard Dawkins, trouveraient là un motif et donc un avantage évolutif supplémentaire pour accomplir leur tâche de survie.

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Message par Saint-Ex Dim 21 Jan 2024 - 9:20

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LIBERTÉ (2)

LIBRE ARBITRE

Certaines observations cliniques appuient l'hypothèse d'un mécanisme qui fabrique un sentiment apparent de libre arbitre. Les patients souffrants d'une lésion cérébrale menant au syndrome de la main étrangère ont par exemple l'impression qu'une de leur main a sa propre volonté, faisant souvent des gestes élaborés et qui semblent volontaires en l'absence de volonté consciente de la part du patient.

Wegner a identifié trois conditions qui nous portent à croire que nous sommes l'auteur d'une action : quand une pensée surgit à la conscience juste avant une action (priorité); qu'elle est cohérente avec cette action (cohérence); et quand elle n'est pas accompagnée par d'autres causes possibles pour cette action (exclusivité). Prenons un exemple très courant, celui d'une personne qui appuie sur un interrupteur pour allumer une ampoule électrique dans une pièce, et appliquons-le aux trois conditions.

- D'abord la priorité. Si l'on décide d'appuyer sur l'interrupteur et que la lumière s'allume immédiatement après, on aura une forte impression d'être responsable de l'illumination de la pièce. Mais si la lumière s'allume quelques secondes avant notre décision ou une trentaine de secondes après, on n'aura pas cette impression.

- Ensuite la cohérence. Si l'on ne pense pas à allumer la lumière et que l'on se surprend à appuyer sur l'interrupteur, le manque de cohérence entre pensée et action va affaiblir le sentiment de conscience volontaire pour l'action.

- Et finalement l'exclusivité. Si l'on voit la main de quelqu'un d'autre sur un autre interrupteur près de l'autre porte à l'autre bout de la pièce, il est fort probable que nous doutions davantage d'être l'auteur de l'action même si nous avons pensé à appuyer sur l'interrupteur juste avant le mouvement de notre main qui a permis d'éclairer la pièce.

Ensemble, les trois conditions identifiées par Wegner (priorité, cohérence et exclusivité) forment ce qu'il appelle la théorie des causes mentales apparentes. Cette théorie, dont on retrouve déjà les prémices au 18e siècle chez le philosophe David Hume, suggère que la volonté consciente est expérimentée chaque fois que nous faisons l'inférence que nos pensées causent nos actions, peu importe si cette inférence est correcte. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ces inférences sont loin d'être toujours correctes.

On l'a vu par exemple dans l'expérience de Wegner sur la manipulation des conditions de priorité. Même quand la pensée de l'action provient d'une source externe, son apparition juste avant l'action conduit à une augmentation de l'expérience d'être l'auteur de l'action.

Une autre source d'erreur vient du simple fait que nous envisageons généralement que nos actions vont se dérouler avec succès. Le principe de cohérence suggère donc ici que les gens vont expérimenter plus fortement l'impression d'être volontairement responsable d'un acte si celui-ci s'avère un succès qu'un échec. Et c'est effectivement ce que l'on observe : des sujets vont avoir le sentiment qu'ils contrôlent des événements complètement aléatoires si ceux-ci sont biaisés en leur faveur au début de l'expérience. Le fait que les personnes dépressives, qui pensent donc moins au succès, sont moins susceptibles que les autres à tomber dans ce panneau est aussi très révélateur.

Enfin, des dérives liées à la condition d'exclusivité sont aussi observables. Lorsqu'une personne est sous hypnose, l'expérience d'effectuer les actions qu'on lui suggère donne aux sujets les plus sensibles à la suggestion une forte impression de ne pas être l'auteur de ces actions malgré leur implication évidente dans celles-ci.

Stanley Milgram a également interprété les résultats de sa célèbre expérience en des termes similaires. Pour lui, les sujets qui obéissaient aux ordres en appliquant un choc électrique puissant à une autre personne subissaient un déplacement de leur sentiment d'être l'auteur de leurs actes accompagné d'une réduction de leur volonté consciente quand ces actions étaient faites à la demande d'une tierce personne représentant l'autorité.

Ces observations montrent à quel point nous sommes prompts à attribuer à nos pensées conscientes la cause de nos comportements, et ce d'autant plus que les circonstances (priorité, cohérence et exclusivité) sont favorables. Alors que pour Wegner, la pensée et l'action pourraient très bien être tous les deux causées par des événements mentaux inconscients, qui peuvent ou non être liés entre eux. Il en résulte alors une relation apparente, et non réelle, entre la pensée et l'action.

Wegner pense que le seul rôle que notre conscience pourrait jouer dans notre libre arbitre est de découvrir quelles décisions sont en cours d'exécution après qu'elles aient été déclenchées. De sorte que lorsque nous décidons de faire quelque chose, nous ne ferions que devenir conscient d'une décision inconsciente déjà prise à notre insu. Mais pourquoi en serait-il ainsi ? Pourquoi notre cerveau entretiendrait-il cette illusion de conscience volontaire si ce n'est pas elle qui agit véritablement ?

Parce que, répond Wegner, qu'il crée ainsi une sorte d'émotion nous donnant l'impression que l'auteur de nos actes est bien nous-mêmes et pas un autre. Et cela s'accorde avec de nombreuses autres données des sciences cognitives qui mettent en évidence la nécessité, du point de vue fonctionnel, d'avoir une robuste représentation de soi-même. Cette émotion permettrait par exemple de toujours bien distinguer qui (moi ou quelqu'un d'autre) fait quoi. Et cela nous aiderait énormément à gérer correctement nos relations sociales, par exemple.

Faire partie d'un groupe humain nécessite un certain sens de la responsabilité, et pour se sentir responsable il faudrait se reconnaître comme l'agent à l'origine de nos actes. Et l'on ne pourrait faire cela convenablement qu'à moins de croire fermement que nous sommes, justement, l'auteur de nos actes. Passer son temps à essayer de se déresponsabiliser de ses actes en disant des choses comme «j'étais hors de moi» ou «j'ai été émotif, je n'étais pas moi-même» ne crée pas de très bons liens sociaux. L'idée que l'individu qu'on a en face de nous peut répondre de ses actes, qu'il n'est pas un délinquant relationnel, faciliterait l'établissement de ces liens essentiels pour une espèce sociale comme la nôtre.

Une autre explication veut que cette impression d'être l'agent causal de nos actions facilite l'établissement d'une boucle de rétroaction accompagnée d'une signification cognitive utile : en recevant une récompense ou une punition pour un acte volontaire donné, le sujet peut apprendre et mémoriser les conséquences causées par cet «acte issu de sa conscience volontaire» et mieux élaborer une stratégie gagnante à l'avenir.

Wegner tient aussi à rappeler que la possibilité que notre volonté consciente soit de l'ordre de l'illusion ne constitue en rien les bases d'un système explicatif qui se situerait à l'extérieur des voies matérielles du déterminisme causal. Et que dans la vie de tous les jours, la causalité mentale est fort utile et pas plus menacée par la présence de processus inconscients sous-jacents que ces derniers ne sont menacés par la présence de processus neurochimiques sous-jacents.

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Message par Saint-Ex Dim 21 Jan 2024 - 9:26

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LIBERTÉ (3) 

CONCLUSION

Est-ce que la possibilité que la conscience volontaire soit de l'ordre de l'illusion, mine la notion de libre arbitre ou les bases de nos pratiques morales ?

Il y a toujours cette peur qu'en rejetant le libre arbitre on rende du même coup toute existence absurde et inutile. Pourquoi, en effet, nous soucierions-nous de quoi que ce soit si tout a été déterminé pour nous depuis longtemps ? Mais pour nombre de biologistes, nous continuerons toujours à nous soucier de nous-mêmes et des autres tout simplement parce que nous sommes des êtres humains, et c'est ce que les êtres humains font. Si par exemple vous décidez que vous allez rester assis sans rien faire parce que vous avez conclu que vous n'aviez pas de libre arbitre et que tout était absurde et inutile, eh bien va venir un moment où vous allez décider de vous lever pour vous faire un sandwich…

Cette boutade illustre bien la position de ceux qui ne s'inquiètent pas outre mesure que le libre arbitre ne s'avère qu'une illusion et que tous les comportements humains, même ceux qui nous semblent les plus volontaires, ne soient finalement que la somme d'innombrables déterminismes. C'est le cas du biologiste et philosophe Henri Atlan, qui pense qu'au contraire il est même possible que, en pénétrant ainsi dans les détails de cette illusion de notre volonté consciente, on soit en mesure de devenir des agents plus éclairés.

Car très souvent, rappelle Atlan, nous croyons décider librement de notre comportement tout simplement parce que nous ignorons les causes de nos décisions. Outre les déterminismes génétiques dont on parle beaucoup, il existe quantité d'autres déterminismes, biologiques non génétiques, historiques, géographiques, sociaux, psychologiques, et environnementaux au sens large, qui tous influencent nos comportements.

Atlan croit aussi que, bien souvent, la satisfaction de notre «désir», qui serait le nec plus ultra de l'expression de notre liberté, est le fait d'un désir aliéné par des déterminations inconscientes comme celles induites par la publicité, par les grands médias, par la classe sociale à laquelle on appartient, par la région du monde où l'on a grandi, etc.

Reste pourtant, selon Atlan, une autre sorte de libre arbitre, ou plutôt une libération progressive, celle que peut conférer la connaissance de ces déterminismes. Leur connaissance permet une conduite possible de «ce qui dépend de soi», comme disaient les Stoïciens, ou encore l'exercice partiel de ce que Spinoza appelait «la libre nécessité». Cette liberté consiste alors en une sorte d'acquiescement, aussi joyeux que possible, à ce que la nature produit en nous, en-dehors de nous et à travers nous. L'Amor Fati de Nietzsche prend alors tout son sens.

La connaissance scientifique et la réflexion philosophique peuvent contribuer à cette libération qui, en cela, ne se réduit pas à une résignation fataliste passive. Elles nous forcent plutôt à exercer ce qui nous apparaît toujours comme des possibilités de choix libres, sur le mode du «comme si», tant que nous n'en connaissons pas les causes. 

Atlan rappelle que nous n'avons pas d'autre options, quand nous sommes confrontés à des choix dans la vie de tous les jours, que de jouer le rôle du libre arbitre, comme le garçon de café du Flore joue le rôle du garçon de café lorsqu'il sert le café, au Flore. C'est peut-être dans ce sens qu'on peut comprendre le «Nous sommes condamnés à être libres» de Jean-Paul Sartre.

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Message par Saint-Ex Dim 21 Jan 2024 - 9:32

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Supprimé, tiens !

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