Le Deal du moment :
Pokémon EV06 : où acheter le Bundle Lot ...
Voir le deal

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

+12
aliochaverkiev
benfifi
alain
kercoz
Bergame
denis_h
jean tardieu
Jans
baptiste
hks
Crosswind
maraud
16 participants

Page 20 sur 40 Précédent  1 ... 11 ... 19, 20, 21 ... 30 ... 40  Suivant

Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Jeu 8 Avr 2021 - 9:52

Martin Steffens a écrit:Le christianisme est la religion de ceux qui, ayant un jour connu un excès de joie, ayant pleinement goûté « la joie fragile et impérissable d’être né », ont ressenti l’irrépressible besoin non seulement d’entretenir cet état de grâce mais, ce qui finalement est la même chose, d’en remercier. Dieu se découvre dans le sentiment de gratitude. Et ce sentiment s’entretient par la vie sacramentelle. Tout, dans la religion chrétienne, dit le Dieu donateur, le Dieu relation, la joie d’avoir reçu et de pouvoir ainsi donner. Et tout ce qui ne dit pas cette Bonne Nouvelle, qui est le cœur du message du Christ, est nommé chrétien par erreur. On n’est pas chrétien pour telle ou telle raison : pour se rassurer, pour se consoler, pour donner un sens à sa vie (si d’ailleurs on le donne, ce sens, c’est qu’il n’en a pas…). On est chrétien comme la fauvette grisette chante : ni le chrétien ni la fauvette n’ont le choix, il leur faut dire quelle joie est la leur. (Petit traité de la joie)

Le vrai chrétien sifflote.
C’est d’ailleurs à ça qu’on le reconnaît.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Sam 10 Avr 2021 - 9:03

Il est remarquable de constater que le but de l’Ethique : « Bien agir et être dans la joie » (bene agere et laetari) est également l’objectif de la spiritualité ignatienne.
Cette spiritualité repose sur le discernement des esprits afin d’agir, inspiré par l’esprit bon, celui qui donne la joie spirituelle (consolation).

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Mer 14 Avr 2021 - 9:49

La maxime de Spinoza : « bien agir et être dans la joie » (bene agere et laetari) s’exprime, de façon résumée dans la fortitude (fortitudo) que Spinoza introduit comme affect actif à la fin de la partie III de l’Ethique. (E III 59 sc.)

Je donne la traduction de Pierre-François Moreau aux PUF :

Spinoza a écrit:Toutes les actions qui suivent d’affects se rapportant à l’âme en tant qu’elle comprend, je les rapporte à la force d’âme, que je divise en résolution et générosité. Car par résolution j’entends le désir par lequel chacun s’efforce de conserver son être sous le seul commandement de la Raison. Tandis que par générosité j’entends le désir par lequel chacun s’efforce sous le seul commandement de la Raison d’aider les autres hommes et de les joindre à lui d’amitié.

Spinoza définit la joie et la tristesse (déf aff 2 et 3) :

Spinoza a écrit:La joie est le passage de l’homme d’une moins grande à une plus grande perfection.
La tristesse est le passage de l’homme d’une plus grande à une moins grande perfection.

En combinant ces définitions, je dirais que bien agir c’est agir afin que la joie augmente, la sienne et celle d’autrui.
Paraphrasant Saint Paul (Rom. 5, 20) : que, là où la tristesse abonde, la joie surabonde.
La joie dont il est question ici n’est pas le plaisir ou l’euphorie.
Être dans la joie, c’est plutôt « avoir le moral » et ce, même dans l’épreuve qui fait souffrir.
C’est dans ce sens aussi qu’il faut entendre la joie dans la spiritualité ignatienne, la consolation.
Le suivant de l’Evangile est ainsi l’homme qui répand la joie que lui inspire l’Esprit.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Lun 19 Avr 2021 - 9:50

Je cite, à nouveau, un extrait de Vers le bonheur durable, introduction à la spiritualité ignatienne :

Adrien Demoustier a écrit:De cet affrontement [de difficultés et d’obstacles] une leçon se dégage peu à peu. Elle apprend à distinguer, d’une part ce qui agit d’abord à partir de la tête pour répercuter ensuite dans l’affectivité et finalement l’être tout entier en provoquant le désaccord et la division de l’être, et, d’autre part ce qui se vit à la fois dans la tête et dans l’affectivité selon un mouvement qui les accorde l’une à l’autre. Il convient donc de distinguer ce qu’on peut appeler l’activité mentale et l’activité affective ou psychique à laquelle sont liées des réactions corporelles.
Selon la tradition spirituelle, l’esprit n’est pas d’abord l’affectivité, mais plus précisément le centre à partir duquel l’unité de ces deux dimensions peut se faire.

Il apparaît que deux approches du monde peuvent être envisagées : une approche abstraite et une approche spirituelle.
L’approche abstraite isole dans le monde ce qui correspond à nos idées et nos préjugés .
L’approche spirituelle est une approche holistique dans laquelle nous nous mettons en présence du monde dans toutes ses dimensions : intellectuelle, affective et corporelle.
L’expérience montre que l’approche spirituelle est source de joie alors que l’approche abstraite « en provoquant le désaccord et la division de l’être » provoque trouble et tristesse.
L’art de la vie consistera à ne pas oublier de se placer dans une perspective spirituelle.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Lun 26 Avr 2021 - 10:08

Si on a pu dire que la philosophie de Spinoza était une philosophie de la joie, il faut ajouter que cette philosophie débouche, dans la partie V de l’Ethique, sur une philosophie de la béatitude.
Spinoza définit la béatitude au chapitre 4 de l’Appendice de la partie IV :

Spinoza a écrit:la béatitude n’est rien d’autre que la satisfaction même de l’âme [ipsa animi acquiescentia] qui naît de la connaissance intuitive de Dieu
(traduction Pautrat)

Pierre-François Moreau traduit ipsa animi acquiescentia par « la satisfaction intérieure même ».
Cette expression renvoie à la satisfaction de soi que Spinoza définit dans la partie III (déf. 25) :

Spinoza a écrit:La satisfaction de soi-même [acquiescentia in se ipso] est une joie qui naît de ce que l’homme se représente lui-même ainsi que sa propre puissance d’agir.
(traduction P.F. Moreau)

Si l’acquiescentia in se ipso est bien une joie, la béatitude (ipsa animi acquiescentia) n’en est pas exactement une, comme Spinoza le note dans le scolie d’E V 33 :

Spinoza a écrit:Si la joie consiste dans le passage à une plus grande perfection, la béatitude assurément doit consister pour l’âme à posséder la perfection elle-même.

Pascal Sévérac précise et montre même que la béatitude peut être contemporaine de la tristesse (Spinoza Union et désunion p. 252) :

Pascal Sévérac a écrit:La béatitude ne saurait donc être une transition de perfection, enveloppant une certaine durée, mesurée par un certain temps ; et c’est pourquoi le terme même de « joie » décrit mal ce que nous éprouvons( voir E V 33 sc. Et V 36 sc.). La béatitude, ou amour intellectuel de Dieu, est la réjouissance (gaudium) de la perfection même, quels que soient par ailleurs son augmentation ou sa diminution, ses adjuvants ou ses empêchements… Est-ce à dire que la béatitude n’est pas nécessairement gaie, et qu’il serait possible d’éprouver sa liberté même dans la tristesse ? La béatitude est satisfaction de l’esprit, jouissance de perfection, réjouissance de son union avec Dieu ; elle ne saurait donc être, en elle-même, diminution de puissance, passion de tristesse. Mais si nous la comprenons dans l’unité concrète de la durée et de l’éternité, la béatitude peut alors se concevoir comme contemporaine d’une tristesse, puisque pour diminuer en perfection, il faut en être doté : s’il est possible de jouir de sa perfection en même temps qu’on en perd, alors on peut être béat et triste à la fois. Cette béatitude est alors vécue comme un pôle de résistance à tout amoindrissement de la vie en soi : amour envers Dieu, elle affirme la puissance infinie du réel en notre être singulier. Bien plus, amour de notre esprit pour Dieu, la béatitude se comprend et se vit comme participation à l’amour infini que Dieu se porte à lui-même. Le réel, en toutes ses dimensions, pensée et matière à la fois, est aussi affect, c’est-à-dire puissance d’amour éternel et infini dont tout être vivant, à la mesure de son esprit et de sa conscience, fait l’expérience.

On verra dans le prochain post le lien de la béatitude spinozienne avec la joie évangélique.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Mar 27 Avr 2021 - 9:08

On l’a vu, la béatitude, que Spinoza définit comme « la satisfaction intérieure même » (ipsa animi acquiescentia), n’est pas une joie à proprement parler mais « la réjouissance (gaudium) de la perfection même, quels que soient par ailleurs son augmentation ou sa diminution, ses adjuvants ou ses empêchements… » (Pascal Sévérac).
Elle peut être « contemporaine d’une tristesse ».
Or, les tristesses sont inévitables car, comme le montre la proposition E IV 4 et son corollaire :

Spinoza a écrit:Il est impossible que l’homme ne soit pas une partie de la Nature, et ne puisse subir d’autres changements que ceux qui se peuvent comprendre par sa seule nature et dont il est cause adéquate.

Il en résulte que l’homme, nécessairement, est toujours en proie aux passions et suit l’ordre commun de la nature, qu’il lui obéit et qu’il s’y adapte autant que la nature des choses l’exige.

Jean Gouvernaire, commentant les Exercices Spirituels d’Ignace de Loyola (Mener sa vie selon l’esprit op. cit.) va dans le même sens.
Il écrit que la béatitude « est un contentement au fond de l’âme : on est content de Dieu, d’être avec lui. […] Ce contentement peut coexister avec un malaise physique, une souffrance, une épreuve morale. » (p. 12)
Nous avons déjà vu, avec Adrien Demoustier, que la consolation, autre nom de la béatitude dans la spiritualité ignatienne, est toujours offerte, quelles que soient les circonstances.
Cette spiritualité s’enracine dans l’Évangile et prend pour modèle la figure du Christ qui a vécu dans la béatitude, même quand il a du affronter la mort.
Jésus n’est pas quelqu’un qui a prêché une doctrine mais celui qui, par ses paroles et ses actes a enseigné une manière de vivre dans la béatitude dans toutes les circonstances de la vie, aussi défavorables et attristantes soient-elles.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Mer 28 Avr 2021 - 9:15

Jérôme Prieur et Gérard Mordillat on produit une série en dix épisodes « Jésus après Jésus » que l’on peut voir sur Arte jusqu’à fin 2022.
Le recueil des entretiens a également été publié.
Les exégètes et historiens consultés montrent toute la complexité de la transmission de ce que Jésus a dit et fait, ce qui a abouti à la construction du christianisme primitif.
Si on considère l’Évangile comme la bonne nouvelle d’une manière de vivre dans la béatitude, il est nécessaire de retrouver le sens des paroles et des actes de Jésus, au-delà des interprétations et des aléas qui ont accompagné les premières transmissions.
C’est à chacun d’y procéder, à sa façon.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Jans Mer 28 Avr 2021 - 10:09

Oui, Prieur et Mordillat ont fait un travail remarquable. Mais cela se heurte aux Églises chrétiennes constituées, qui ont choisi une fois pour toutes de prendre les textes à la lettre et sans autre souhait que de les faire correspondre aux dogmes... qui mirent des siècles à s'établir ! Ainsi, on prétend que les sacrements ont été institués par Jésus lui-même (difficile : ils n'existent pas dans le judaïsme, et Jésus n'a jamais souhaité en sortir).. ce qui revient à recréer une hiérarchie sacerdotale orientant tout sur le culte — ce que justement Jésus a combattu de son vivant. L'évangile, bonne parole disant que Dieu est bon et miséricordieux, devient "bonne parole : Jésus-Christ est le Fils de Dieu".

_________________
‚καλούμενός τε κἄκλητος θεὸς παρέσται'
Vocatus atque non vocatus deus aderit

Invoqué ou non, Dieu sera là.
Jans
Jans
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 558
Localisation : IdF
Date d'inscription : 27/09/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Mer 28 Avr 2021 - 20:17

Jésus n’a pas prêché une morale du devoir mais il a enseigné une éthique nouvelle de la grâce.
C’est à chacun de découvrir cet Évangile à travers ce qu’en ont transmis les Églises tant bien que mal.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Sam 1 Mai 2021 - 10:01

Il est étonnant de constater à quel point le message de Jésus a été mal compris et même rejeté dès le départ. Il l’a payé de sa vie.
Jésus annonçait qu’il était possible de vivre dans l’allégresse, et que telle était la volonté de Dieu.
Mais, tout se passe comme si l’homme était d’abord attiré par le négatif, la tristesse et avait peur du positif, de la joie, du bonheur.
L’Évangile reste donc, encore aujourd’hui, largement in-ouï, pour reprendre l’expression de Dominique Collin.
Comment entendre, ou réentendre, l’Évangile ?
Les chemins sont multiples et on essaie, sur ce fil, d’explorer une voie qui s’appuie sur Spinoza et Ignace de Loyola.
L’un et l’autre ont mis l’allégresse au centre de leur œuvre, ce que Spinoza appelle la béatitude et Ignace la consolation spirituelle.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Lun 3 Mai 2021 - 10:09

Dans  le discours des béatitudes de l’évangile de Matthieu (5 1-16), le grec makarios est traduit le plus souvent par « bienheureux ».
Une autre traduction : « vivants » est proposée en :

https://www.youtube.com/watch?v=_Hy_wgJkf4g

« Vivants les pauvres en esprit, vivants les doux, vivants les miséricordieux,... »
Tous ceux qui sont désignés par les béatitudes sont déclarés « vivants », c’est-à-dire vivant de la vraie vie (Zôê).
Vivre dans la béatitude, c’est vivre vraiment, ce qu’on retrouve dans le scolie de la dernière proposition de l’Ethique.
Spinoza y oppose l’ignorant qui « dès qu’il cesse de pâtir, aussitôt il cesse aussi d’être » et le sage  qui « jamais il ne cesse d’être, mais c’est toujours qu’il possède la vraie satisfaction de l’âme »
La vraie satisfaction de l’âme, on l’a vu, c’est la béatitude (Ethique IV App. ch. 4)
Il n’y a donc pas de différence, dans l’Ethique, entre vivre dans la béatitude et vivre vraiment.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Mer 19 Mai 2021 - 9:05

Tout au long de son œuvre, Nicolas Berdiaeff a défendu l’« aristocratisme », ce que relève Laurent Gagnebin dans Nicolas Berdiaeff ou de la destination créatrice de l’homme – L’Age d’Homme 1994.
Il explique que, pour Berdiaeff, l’aristocratisme, comme le « bourgeoisisme » auquel il s’oppose, sont des catégorie spirituelles, des orientations de l’esprit.
Cette orientation est distincte de l’aristocratisme nietzschéen :

Laurent Gagnebin a écrit:Résumant sa position à ce sujet, Berdiaeff déclare : « La principale contradiction de ma pensée relative à la vie sociale consiste dans la coexistence de deux éléments à l’intérieur de cette pensée : de la conception aristocratique de la personne, de la liberté et de l’activité créatrice d’une part, de l’affirmation de la dignité de l’homme, du droit à la vie de tous les hommes, jusqu’au dernier, de l’autre. Il s’agit d’un conflit de deux sentiments : attachement à un monde supérieur, aspiration à la hauteur, et pitié pour un monde inférieur, pour un monde qui souffre. Contradiction éternelle, conflit inapaisable ». Et Berdiaeff d’ajouter aussitôt : « Je me sens également proche de Nietzsche et de Léon Tolstoï ». Il cite ainsi, pour illustrer cette tension dialectique qui l’habite, deux de ses auteurs préférés, mais que tout oppose et qui pourtant coexistent en lui : Tolstoï, c’est le représentant de l’humanisme universel, Nietzsche, celui d’un aristocratisme à dominante individualiste. Dans un passage significatif, où Berdiaeff affirme ne pas se reconnaître dans une époque dominée par les masses et la quantité, il déclare appartenir, comme Nietzsche, à un « type aristocratique radical », mais, précise-t-il alors – et cela le sépare de Nietzsche –, cet aristocratisme n’a rien à voir avec « l’isolement d’une élite cultivée ». (pp. 24-25)

On peut lire ce texte en :

https://books.google.fr/books?id=DdMKjQ2OzxMC&pg=PA24&lpg=PA26&ots=Cx4ibCfCI1&focus=viewport&dq=%C3%A9vangile+aristocratisme&hl=fr

L’aristocratisme de Berdiaeff, conçu en tant que catégorie spirituelle, a son équivalent dans l’Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par neopilina Jeu 20 Mai 2021 - 2:02

Vanleers a écrit:
Laurent Gagnebin a écrit:Dans un passage significatif, où Berdiaeff affirme ne pas se reconnaître dans une époque dominée par les masses et la quantité, il déclare appartenir, comme Nietzsche, à un « type aristocratique radical », mais, précise-t-il alors – et cela le sépare de Nietzsche –, cet aristocratisme n’a rien à voir avec « l’isolement d’une élite cultivée ». (pp. 24-25)

L’aristocratisme de Berdiaeff, conçu en tant que catégorie spirituelle, a son équivalent dans l’Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne.

C'est donc à dessein que j'ai " amputé " la citation que Vanleers fait de Gagnebin : c'est bien connu, ce qui se conçoit bien s'énonce bien. Mais pour Nietzsche, dans le cadre de Son combat contre le romantisme, passer d'un " aristocratisme " à l'autre fut l'affaire d'une vie, exténuante, cet homme a terriblement souffert.

_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina
neopilina
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 8364
Date d'inscription : 31/10/2009

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Ven 21 Mai 2021 - 8:48

Nicolas Berdiaeff oppose deux catégories spirituelles : l’aristocratisme et le bourgeoisisme.
Laurent Gagnebin détaille les caractéristiques de ce dernier :

Laurent Gagnebin a écrit:Trois caractéristiques importantes le désignent encore. Premièrement, il considère l’autre non pas pour ce qu’il est mais pour ce qu’il a ; il est lui-même « esclave de sa propriété et de son argent, de sa volonté d’enrichissement, de l’opinion publique bourgeoise, des situation sociales (...) ». Il est ainsi possédé à la fois par ce qu’il a et ce qu’il n’a pas. Son symbole préféré est par conséquent l’argent, mais l’argent qui ignore le pauvre et, par conséquent, n’est pas transfiguré par l’esprit. Il y a dans une telle attitude le règne d’un monde artificiel et tout compte fait fictif qui enlève à notre monde son vrai visage, à savoir humain, réduit l’homme à une chose et fait plus particulièrement de la femme une poupée ; le paraître remplace ici l’être. Deuxièmement, il est tout entier livré à ce que dénonce sans cesse Berdiaeff, parce qu’il y voit l’univers de l’objectivation, à savoir le monde de ce qu’il appelle « la quotidienneté sociale », le monde que l’homme de l’esprit et l’aristocratisme ont en horreur, monde de la banalité, de la médiocrité, monde sans âme, sans élan, sans esprit créateur. Troisièmement et enfin, le bourgeoisisme s’oppose, et c’est là que réside peut-être sa plus totale et radicale négation du monde spirituel, au tragique de la vie, et par là à celui du Golgotha et de la Croix ; il est incapable d’accéder à une vie inscrite dans une histoire douloureuse et divino-humaine dominée par l’amour, fût-il bafoué, par la liberté, dont le triomphe n’est pas l’apanage de la puissance qui écrase, mais du faible que l’on écrase. (op. cit. p. 23)

De la troisième caractéristique du bourgeoisisme, on peut déduire, a contrario, que l’aristocratisme accède « à une vie inscrite dans une histoire douloureuse et divino-humaine dominée par l’amour, fût-il bafoué ».
On retrouve, ici, la deuxième forme de consolation de la spiritualité ignatienne,
Rappelons l’énoncé de cette forme de consolation dans les Exercices Spirituels et le commentaire d’Adrien Demoustier :

Adrien Demoustier (op. cit. pp. 35-37) a écrit:La deuxième forme de la consolation qu’Ignace nous présente ensuite est plus déconcertante. Elle se présente sous la forme d’une douleur, d’une souffrance. Comment oser l’appeler consolation ?

« De même quand elle (l’âme) verse des larmes la portant à l’amour de son Seigneur que ce soit par la douleur [ressentie] pour ses péchés ou pour la passion du Christ notre Seigneur ou pour d’autres choses droitement ordonnées à son service et à sa louange » (E. S. n° 316)

Le sens exact de cette phrase est clair. Les larmes qui « jaillissent » - c’est le sens exact du mot employé en espagnol – ne sont pas des larmes de joie, mais de douleur. Ignace ose donc appeler consolation l’expérience de laisser s’exprimer la douleur par des larmes ou d’autres expressions de détresses, portant à l’amour à cause de la douleur ressentie pour un juste motif : ses péchés, la passion du Christ ou autre chose. Comment entendre une telle affirmation ?
Cette forme de consolation est un sentiment. Une émotion est ressentie qui n’est pas nécessairement forte, mais « nette et précise ». Elle est liée à la présence de la douleur, une douleur qui n’est plus à fuir. Elle peut se crier, se dire à quelqu’un. Elle n’est plus vécue comme un repli sur soi. Elle est tournée vers le Seigneur et vers les autres. Elle porte à l’amour. Il s’agit bien d’une douleur dont l’expression prend un caractère concret, corporel, physique : des larmes jaillissent.
[…]
C’est donc une forme de consolation que de vivre la douleur en l’exprimant dans une attitude qui l’ouvre à l’amour de Dieu et fait sortir de l’enfermement. Il y a une manière de pleurer, d’être triste, de souffrir d’un souvenir douloureux ou d’une perspective difficile, qui est consolation ; en effet, elle n’est pas seulement vécue comme souffrance mais dans la vérité d’une douleur qui a quelque chose du paradoxe de la béatitude évangélique : « Heureux vous qui pleurez maintenant... » (Lc 6, 21)

L’eudémonisme chrétien est à la fois réaliste et paradoxal.
Réaliste, car il ne nie pas la douleur et la souffrance des hommes : « Contradiction éternelle, conflit inapaisable », écrit Berdiaeff (cf. post précédent).
Paradoxal, car la douleur que l’on ressent directement ou par compassion pour la douleur des autres peut être vécue comme une consolation si on la rapporte à Dieu (en évitant l’impasse du dolorisme).

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Sam 22 Mai 2021 - 16:46

Développons le caractère réaliste de l’eudémonisme chrétien en citant Adrien  Demoustier (op. cit. pp. 10-11) :
Adrien Demoustier a écrit:L’affirmation qu’on peut être heureux alors qu’on souffre est de l’ordre du scandale. Elle soulève la question de la présence du mal dans le monde. C’est une objection sérieuse. Mais précisément, la pratique du discernement exige au point de départ un acte de foi : la recherche d’un bonheur possible. Recherche qui conduit à l’expérience d’un affrontement au mal et au malheur qui découvre, telle une racine cachée, l’existence d’un fondement qui est déjà paix et joie. Le mal alors n’est plus seulement une entité abstraite, le mal en soi, ni même un enjeu moral, mais la réalité de ce qui fait souffrir et, déjà, enferme dans le malheur.
La question de l’existence du mal change de sens lorsque le choix de chercher le bonheur, la mise en œuvre des moyens d’être heureux, l’attention à identifier notre complicité avec le mal et le malheur qui en résulte, font entrer dans un chemin qui loin d’éviter la difficulté et la souffrance, ose l’affronter. On découvre alors une manière de vivre qui est sortie du malheur, ouverture sur le bonheur, sans que pour autant le mal disparaisse.
Le mal, c’est ce qui fait mal et fait du mal. Le malheur est l’enfermement dans ce qui fait mal. L’expérience du bonheur n’est pas immédiatement liée à l’absence de ce qui fait mal, même si elle exige la dénonciation de toute complicité avec la cause du mal. Bonheur et mal ne sont pas du même ordre.
Le discernement dans la foi éduque à un réalisme qui ne se bouche pas les yeux. Il apprend à identifier le mal et à lui faire face. C’est pourquoi il comporte toujours une dimension de combat, de lutte et de résistance à la fascination du mal qui, bien souvent, a pris les apparences du bien.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Jeu 3 Juin 2021 - 9:56

Thierry Collaud a publié un article intéressant Le rôle des témoins dans la dimension spirituelle du prendre soin en :

https://www.cairn.info/revue-infokara-2011-4-page-333.htm

Il caractérise la dimension spirituelle comme suit :

Thierry Collaud a écrit:Ce que nous appelons dimension spirituelle, c’est la capacité et la manière qu’a une personne de s’ouvrir au monde de l’Esprit, c’est-à-dire de reconnaître et d’appréhender qu’il y a un au-delà de la matérialité ou du visible et de la causalité propre à cet ordre. Cette dimension se différencie de la triade bio-psycho-sociale dans le fait qu’elle ne peut être l’objet d’une compréhension et d’une intervention de la même manière que ces dernières le sont. La spiritualité n’est pas de l’ordre d’un faire, d’un connaître ou d’un agir-sur, mais elle est de l’ordre d’un se-laisser-(sur)prendre, d’un recevoir, d’un être-rempli-de et ultimement d’un être-aimé. Elle renvoie à un au-delà sur lequel on s’ouvre, mais que l’on ne peut recevoir que par bribes et furtivement, au-delà qui va se dire comme invisible, insaisissable, inattendu, altérité, excès-débordement, qui toujours nous surprend et nous interpelle. Il s’agit donc de se reconnaître envahi, transpercé, aimé par l’Autre. Cette définition est capitale pour comprendre la posture spirituelle qui ne doit jamais se donner comme un mouvement volontariste qui cherche à augmenter sa prise au monde, mais au contraire comme la capacité de se laisser prendre par le monde riche et plein.

L’auteur caractérise la spiritualité par une capacité à se laisser prendre et surprendre par une réalité inattendue.
C’est bien cette expérience de surprise qui est vécue dans la spiritualité ignatienne, la consolation spirituelle survenant apparemment à l’improviste.
L’Ethique de Spinoza garde son caractère étrange et surprenant, même après de nombreuses lectures. Il faut, à chaque fois, se laisser surprendre par ce qu’on lit.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Ven 4 Juin 2021 - 12:27

Dans l’article cité dans le post précédent, Thierry Collaud décrit ce qu’est une vision spirituelle du monde : c’est une vision du monde qui accepte « de reconnaître et d’appréhender qu’il y a un au-delà de la matérialité ou du visible et de la causalité propre à cet ordre ».
Cette vision spirituelle du monde est une ouverture qui sort d’un enfermement en nous-mêmes et nous relie aux autres :

Thierry Collaud a écrit: [...], la spiritualité nous est nécessaire pour nous faire sortir de nous-mêmes et éviter un repli mortifère. Et chacun d’entre nous quand nous sortons de nous-mêmes, nous nous trouvons devant un plus-grand que nous avons en commun. Il n’y a pas plusieurs absolus, mais fondamentalement un seul que nous habillons de différentes façons. La spiritualité serait une tension vers lui, donc quelque chose d’absolument universel qui nous interpelle et nous atteint tous.

L’absolu que vise la spiritualité peut prendre divers noms : Dieu, Substance, Vie, Zôê,...
Une vision spirituelle du monde se communique non pas, d’abord, par la transmission d’ « un corpus de connaissances sur un mode explicatif » mais  essentiellement par un témoignage vécu :

Thierry Collaud a écrit:Le témoin ne vise pas l’exemplarité, il ne veut pas être copié. La situation des moines de Tibhirine est tout à fait étrangère à la grande majorité d’entre nous qui ne sommes ni dans la situation dramatique de l’Algérie des années 1990, ni membres d’une communauté monastique. Le témoignage ne porte pas sur un mode de vie, mais sur le fait que cette vie, quelles que soient ses conditions, puisse être habitée, reliée, déterminée par quelque chose qui la dépasse. La vie trouverait sens parce qu’elle peut être reliée à une dimension plus vaste que la simple apparence des choses matérielles qui nous conditionnent. Le témoin nous fait savoir que, dans des situations désespérées, certains n’ont pas été détruits et que, au contraire, ils ont réussi à atteindre cette harmonie spirituelle qui prend le contre-pied de l’absurde, de la dissonance.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par alain Ven 4 Juin 2021 - 13:29

Oui mais certains n'ont aucune spiritualité, sont totalement matérialistes, et trouvent quand même un sens positif a donner à l'existence et aux relations.
Mais si ce ne sont pas que des mots, une façade, une présentation de l' égo ... on ne sait plus vraiment ce qu' il y a derrière.
Il y a des " athées " beaucoup plus profonds et humains que des " croyants ".
Pour ma part je n' en reste jamais à la présentation boutique ...Je rentre pour voir.
alain
alain
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 1632
Localisation : Toulouse
Date d'inscription : 27/07/2012

http://voinot-pastels.waibe.fr/index.php

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Ven 4 Juin 2021 - 15:50

toniov a écrit:
Pour ma part je n' en reste jamais à la présentation boutique ...Je rentre pour voir.

C’est précisément l’objet de ce fil, depuis le 11/11/2019, date du premier post, jusqu’à aujourd’hui, un an et demi et 20 pages plus tard : entrer dans la boutique « Ignace et Spinoza réunis, spiritualités en tous genres » pour voir.
Vous en êtes-vous rendu compte ?

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Ven 4 Juin 2021 - 16:48

Je poursuis la lecture de l’article de Thierry Collaud.
L’auteur précise ce qu’il entend par « être un témoin » :

Thiery Collaud a écrit:Un témoin ne devient tel que quand d’autres voient ce qu’il montre, autrement dit quand ils valident ce rapport à l’absolu, cette ouverture spirituelle qui se dévoile dans sa vie. Un témoignage doit être reçu. Cette réception du témoignage, c’est la mise en résonance, la manière de vibrer ensemble du témoin et de celui qui le reconnaît. Elle n’est pas automatique, elle dépend d’une coïncidence qui se crée entre deux expériences de vie. Dans ce sens, le témoin n’a rien d’une figure officielle dont l’exemplarité serait proposée aux adhérents d’un courant spirituel. La vie pleine a ceci de particulier qu’elle n’est pas maîtrisable, elle peut surgir dans l’expérience concrète d’un moine algérien ou d’un prisonnier de camp de concentration, comme dans celle d’un habitant, soignant ou soigné, d’une unité de soins palliatifs.

Le témoin montre concrètement ce que c’est que vivre d’une vraie vie, une manière de vivre, ouverte et riche, étant offerte à chacun :

Thierry Collaud a écrit:L’absolu peut se donner à voir chez chacun d’entre nous. En ce sens que, chacun, nous avons cette capacité que nous actualisons avec plus ou moins de bonheur, de sortir de l’enfermement des circonstances et de « vivre autrement ». Heidegger, commentant un vers du poète Hölderlin : « …l’homme habite en poète… »  feint de s’étonner du fait que tout homme soit appelé à l’état de poésie et non les seuls poètes. Mais peut-être qu’habiter le monde « en poète » est la vraie manière d’habiter. Si nous ne le faisons pas, c’est que nous sommes absorbés par la matérialité de nos préoccupations, notre fureur à calculer et à mesurer, dit-il. Nous ne pouvons espérer un renversement de notre existence non-poétique étriquée que « si nous ne perdons pas de vue ce qui est poétique ». Le philosophe dit là la possibilité pour chacun d’être témoin d’une manière de vivre ouverte et riche et en même temps notre dépendance des poètes.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par alain Ven 4 Juin 2021 - 22:05

Vanleers a écrit:
toniov a écrit:
Pour ma part je n' en reste jamais à la présentation boutique ...Je rentre pour voir.

C’est précisément l’objet de ce fil, depuis le 11/11/2019, date du premier post, jusqu’à aujourd’hui, un an et demi et 20 pages plus tard : entrer dans la boutique « Ignace et Spinoza réunis, spiritualités en tous genres » pour voir.
Vous en êtes-vous rendu compte ?
Oui mais il me faut une période d' adaptation ...
alain
alain
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 1632
Localisation : Toulouse
Date d'inscription : 27/07/2012

http://voinot-pastels.waibe.fr/index.php

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Sam 5 Juin 2021 - 9:40

Je continue la lecture de l’article de Thierry Collaud.
L’auteur explique qu’avoir une vision spirituelle du monde, c’est habiter le monde en poète :

Thierry Collaud a écrit:« Quand la poésie apparaît, alors l’homme habite sur terre en homme » dit Heidegger à la fin de son essai. Cette apparition de la poésie, qui, pour lui, a valeur de spiritualité parce qu’elle « tourne vers l’ouvert » et amène au Divin, se concrétise de manière particulière chez certains qui ont une sensibilité, une transparence à l’invisible, un contact particulier avec cette dimension qui nous englobe et nous dépasse. C’est parce qu’il y a des poètes qui nous disent la possibilité de la poésie que nous regardons avec leurs yeux et que parfois il nous arrive de dire autre chose du monde que ce que nous en montrent nos mesures et nos calculs. Sans nous donner de recettes, les grands témoins sont comme des guides de montagne qui donnent leurs noms à des voies qu’ils ont ouvertes, ils indiquent la possibilité de passer par là parce qu’eux l’ont fait. Ils donnent aussi des indications sur la direction vers laquelle orienter notre recherche. Il est alors capital que nous ayons à disposition dans notre espace culturel un certain nombre de ces figures exemplaires qui nous donnent à espérer pour que nous puissions les convoquer quand la grisaille menace.

On a vu, sur ce fil, qu’Ignace de Loyola est l’un de ces grands témoins qui a ouvert une voie spirituelle à laquelle son nom est attaché.
T. Collaud cite Etty Hillesum comme grand témoin et donne deux caractéristiques de sa spiritualité :

Thierry Collaud a écrit:On retiendra deux éléments intéressants dans sa spiritualité : d’abord son ouverture à la beauté, en lien en partie avec la forte influence qu’exerce sur elle la poésie de R.M. Rilke. Or le rapport à la beauté, la capacité d’être touchée par elle sont un témoignage de l’existence même de cette beauté. Dire cela dans un camp, c’est-à-dire dans un des endroits les plus hideux, signifie que cette jeune femme est capable d’aller au-delà de l’apparente laideur pour rejoindre une dimension que celle-ci ne peut pas détruire. Egalement frappante est cette capacité de sortir d’elle-même, de s’oublier pour être disponible, capacité aussi de sortir du fantasme d’un destin que l’internement viendrait briser, pour vivre pleinement l’instant présent parce que celui-ci est vu comme relié à un temps complètement autre.

Ce « temps complètement autre » n’est pas  réellement un temps mais l’éternité, ce qui, comme l’a montré clairement Spinoza est une autre manière d’être.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par alain Sam 5 Juin 2021 - 10:06

Ce que je crois c'est que la poésie s'approche davantage de la " vérité " que nos démarches intellectuelles et rationnelles.
Mais tout a son importance.
alain
alain
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 1632
Localisation : Toulouse
Date d'inscription : 27/07/2012

http://voinot-pastels.waibe.fr/index.php

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Dim 6 Juin 2021 - 8:47

toniov a écrit:Ce que je crois c'est que la poésie s'approche davantage de la " vérité " que nos démarches intellectuelles et rationnelles.
Mais tout a son importance.

Le poète, au sens où l’emploie Thierry Collaud en se référant à Hölderlin et Heidegger, c’est le Voyant de Rimbaud, celui qui voit au-delà de ce que voit le sens commun et que voient les sciences.
Spinoza est également un « voyant », lui qui « voit » la structure du monde : une Substance cause de soi et ses modes.
Il s’agit ici d’une vision rationnelle :

Spinoza a écrit:En effet les yeux de l’esprit par lesquels il voit et observe les choses, ce sont les démonstrations mêmes. (Ethique V 23 sc.)

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Dim 6 Juin 2021 - 9:10

J’ai mentionné, sur un autre fil, que j’avais assisté récemment à un procès en assises.
On y jugeait un homme de 63 ans pour avoir tenté d’étrangler une femme qui avait décidé de rompre avec lui.
Il ne lui avait pas dit qu’il avait déjà tué deux femmes pour le même motif, ne pouvant supporter la rupture sentimentale, et avait passé 29 ans en prison.
Il a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté des 2/3.

Il a été question dans les posts précédents d’une vision spirituelle du monde, c’est-à-dire, selon Thierry Collaud, d’une vision du monde qui accepte « de reconnaître et d’appréhender qu’il y a un au-delà de la matérialité ou du visible et de la causalité propre à cet ordre ».
C’est ce que j’appellerai le « regard de l’ange ».
Quel pourrait être le regard de l’ange sur l’affaire criminelle évoquée ci-dessus ?
Il ne s’agit pas de commenter une décision de justice et je me bornerai, ici, à la situation du criminel.
Maxence Van der Meersch, méditant sur la vie de Thérèse de Lisieux, écrit :

Maxence Van der Meersch a écrit:Ainsi, chacun de nous peut se faire une sainteté à partir d’où il est, à partir de la plus sordide bassesse. Dans ce déclassé, dans cet adultère, dans cet inverti [1], oui, disons-le audacieusement, il y a encore assez pour faire un saint. Même s’il est trop tard pour qu’il soit désormais autre chose qu’un déclassé, un adultère, un inverti...

https://books.openedition.org/apu/16948?lang=fr

Le regard de l’ange est un regard qui sauve et qui ne condamne pas.
L’homme qui a été condamné à une longue peine de prison pour récidive de tentative de meurtre peut encore être regardé comme ayant l’étoffe d’un saint !

[1] « inverti » au sens de homosexuel est littéraire et tombé en désuétude (le texte de M. Van der Meersch a été publié en 1947).
Les mœurs ont évolué et on ne mettrait plus ensemble, aujourd’hui, le déclassé, l’adultère et l’inverti.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3970
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par alain Dim 6 Juin 2021 - 10:33

Vanleers a écrit:
toniov a écrit:Ce que je crois c'est que la poésie s'approche davantage de la " vérité " que nos démarches intellectuelles et rationnelles.
Mais tout a son importance.

Le poète, au sens où l’emploie Thierry Collaud en se référant à Hölderlin et Heidegger, c’est le Voyant de Rimbaud, celui qui voit au-delà de ce que voit le sens commun et que voient les sciences.
Spinoza est également un « voyant », lui qui « voit » la structure du monde : une Substance cause de soi et ses modes.
Il s’agit ici d’une vision rationnelle :

Spinoza a écrit:En effet les yeux de l’esprit par lesquels il voit et observe les choses, ce sont les démonstrations mêmes. (Ethique V 23 sc.)
Spinoza, comme tous les grands philosophes, est une sorte de monument rationnel ou tout inter agit et se relie de façon à obtenir une cohérence parfaite.
Je pourrai comparer cela au tableau d'un grand peintre ou a une composition musicale parfaite.

Mais je ne sais pas s'il est possible de vraiment capter toute la " Vérité " par des chemins aussi directs. 
Justement la poésie emprunte des chemins détournés parce qu'il est impossible , probablement, de voir la Vérité en face.
Ce faisant elle s'en approche peut être davantage.
alain
alain
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 1632
Localisation : Toulouse
Date d'inscription : 27/07/2012

http://voinot-pastels.waibe.fr/index.php

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 20 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Page 20 sur 40 Précédent  1 ... 11 ... 19, 20, 21 ... 30 ... 40  Suivant

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum