L'opium du peuple
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L'opium du peuple
Le fondement de la critique irréligieuse est : c'est l'homme qui fait la religion, ce n'est pas la religion qui fait l'homme. Certes, la religion est la conscience de soi et le sentiment de soi qu'a l'homme qui ne s'est pas encore trouvé lui-même, ou bien s'est déjà reperdu. Mais l'homme, ce n'est pas un être abstrait blotti quelque part hors du monde. L'homme, c'est le monde de l'homme, l'État, la société. Cet État, cette société produisent la religion, conscience inversée du monde, parce qu'ils sont eux-mêmes un monde à l'envers. La religion est la théorie générale de ce monde, sa somme encyclopédique, sa logique sous forme populaire, son point d'honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, sa consolation et sa justification universelles. Elle est la réalisation fantastique de l'être humain, parce que l'être humain ne possède pas de vraie réalité. Lutter contre la religion c'est donc indirectement lutter contre ce monde-là, dont la religion est l'arôme spirituel.
La détresse religieuse est, pour une part, l'expression de la détresse réelle et, pour une autre, la protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit de conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple.
L'abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l'exigence que formule son bonheur réel. Exiger qu'il renonce aux illusions sur sa situation c'est exiger qu'il renonce à une situation qui a besoin d'illusions.[…] La critique de la religion détruit les illusions de l'homme pour qu'il pense, agisse, façonne sa réalité comme un homme sans illusions parvenu à l'âge de la raison, pour qu'il gravite autour de lui-même, c'est-à-dire de son soleil réel.
Critique de la philosophie du droit de Hegel. Marx.
La réalité, mot important pour Marx, qui considère ses prédécesseurs idéalistes comme penseurs bourgeois, à la solde du système. Le réalisme, c'est le contraire de l'idéalisme. Marx s'oppose par conséquent à Hegel, directement, et à Platon, indirectement. Si on y regarde bien, c'est vrai que Hegel voit le monde et l'homme comme la réalisation de ce qu'il appelle "l'Esprit absolu", sans trop concrétiser ce concept. Peut-on y voir Dieu ? Ou est-ce un avatar du monde des Idées de Platon ? En tout cas, Marx critiquant Hegel y voit l'homme qui marche à l'envers. D'où la nécessité du retournement matérialiste préconisé par la philosophie marxiste.
Dans ce contexte, la phrase "La religion [...] est la réalisation fantastique de l'être humain, parce que l'être humain ne possède pas de vraie réalité" est compréhensible dans le cadre du réalisme marxiste.
Le fantastique, c'est la production imaginaire, et pourtant d'apparence cohérente, d'une explication transcendante, idéale, contre ce monde là-devant, et à ses phénomènes incompris. Du moins quand ce monde même résiste à l'explication, évidemment, le fantastique naissant de la stupeur, du manque de sens donné à la réalité par l'individu.
En pratique, cet individu, il ne "possède pas de réalité", il lui manque ce rapport avec le monde qui l'entoure. Marx avance que le prolétaire en est la parfaite illustration : le travail à la chaîne, qui habitue l'ouvrier à sa tâche répétitive, le réduit de fait à une machine. Ne pas posséder de réalité, c'est ne pas trouver de sens au monde, à sa vie. La vie d'esclave n'a pas de sens. Le monde devient absurde. Je dirais pour employer une expression moderne, que l'individu aliéné "décroche".
Que reste-t-il alors pour cet être aliéné ? Le rêve, l'imaginaire. La religion, comme consolation, illusion, opium comblant le vide de l'existence. La promesse d'un monde meilleur dès lors qu'il rentre en religion.
Marx a raison au moins pour son époque, et même à moindre échelle pour aujourd'hui. Dans le passé, la religion avait son utilité (maintient de l'ordre moral, recherche métaphysique, refuge pour les opprimés). L'époque de Marx suit celle de l'industrialisation à outrance, notamment en Angleterre, avec l'apparition des machines et des nouvelles méthodes de travail, qui se veulent plus compétitives pour l'industrie. La critique de Marx, replacée dans ce contexte, répond aux grandes famines, et au début des fameuses crises du système capitaliste, au détriment de la classe ouvrière.
Le conseil de Marx ? Laissons tomber la religion, les penseurs idéalistes, et tout ce petit monde bourgeois. Ils pensent certainement plus à leur confort et à faire salon qu'à résoudre les soucis du peuple. Tout ceci avec la bénédiction de la religion qui propose pour remède de croire ou d'espérer.
La détresse religieuse est, pour une part, l'expression de la détresse réelle et, pour une autre, la protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit de conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple.
L'abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l'exigence que formule son bonheur réel. Exiger qu'il renonce aux illusions sur sa situation c'est exiger qu'il renonce à une situation qui a besoin d'illusions.[…] La critique de la religion détruit les illusions de l'homme pour qu'il pense, agisse, façonne sa réalité comme un homme sans illusions parvenu à l'âge de la raison, pour qu'il gravite autour de lui-même, c'est-à-dire de son soleil réel.
Critique de la philosophie du droit de Hegel. Marx.
La réalité, mot important pour Marx, qui considère ses prédécesseurs idéalistes comme penseurs bourgeois, à la solde du système. Le réalisme, c'est le contraire de l'idéalisme. Marx s'oppose par conséquent à Hegel, directement, et à Platon, indirectement. Si on y regarde bien, c'est vrai que Hegel voit le monde et l'homme comme la réalisation de ce qu'il appelle "l'Esprit absolu", sans trop concrétiser ce concept. Peut-on y voir Dieu ? Ou est-ce un avatar du monde des Idées de Platon ? En tout cas, Marx critiquant Hegel y voit l'homme qui marche à l'envers. D'où la nécessité du retournement matérialiste préconisé par la philosophie marxiste.
Dans ce contexte, la phrase "La religion [...] est la réalisation fantastique de l'être humain, parce que l'être humain ne possède pas de vraie réalité" est compréhensible dans le cadre du réalisme marxiste.
Le fantastique, c'est la production imaginaire, et pourtant d'apparence cohérente, d'une explication transcendante, idéale, contre ce monde là-devant, et à ses phénomènes incompris. Du moins quand ce monde même résiste à l'explication, évidemment, le fantastique naissant de la stupeur, du manque de sens donné à la réalité par l'individu.
En pratique, cet individu, il ne "possède pas de réalité", il lui manque ce rapport avec le monde qui l'entoure. Marx avance que le prolétaire en est la parfaite illustration : le travail à la chaîne, qui habitue l'ouvrier à sa tâche répétitive, le réduit de fait à une machine. Ne pas posséder de réalité, c'est ne pas trouver de sens au monde, à sa vie. La vie d'esclave n'a pas de sens. Le monde devient absurde. Je dirais pour employer une expression moderne, que l'individu aliéné "décroche".
Que reste-t-il alors pour cet être aliéné ? Le rêve, l'imaginaire. La religion, comme consolation, illusion, opium comblant le vide de l'existence. La promesse d'un monde meilleur dès lors qu'il rentre en religion.
Marx a raison au moins pour son époque, et même à moindre échelle pour aujourd'hui. Dans le passé, la religion avait son utilité (maintient de l'ordre moral, recherche métaphysique, refuge pour les opprimés). L'époque de Marx suit celle de l'industrialisation à outrance, notamment en Angleterre, avec l'apparition des machines et des nouvelles méthodes de travail, qui se veulent plus compétitives pour l'industrie. La critique de Marx, replacée dans ce contexte, répond aux grandes famines, et au début des fameuses crises du système capitaliste, au détriment de la classe ouvrière.
Le conseil de Marx ? Laissons tomber la religion, les penseurs idéalistes, et tout ce petit monde bourgeois. Ils pensent certainement plus à leur confort et à faire salon qu'à résoudre les soucis du peuple. Tout ceci avec la bénédiction de la religion qui propose pour remède de croire ou d'espérer.
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La vérité n'est que la simple découverte du monde
Re: L'opium du peuple
Et si cette "rigidité comportementale " n' était squattée par la religion que depuis peu ...tres peu de temps ...Issue de rites anciens ( en usage chez toutes les espèces sociales) . L' émergence du cogito nécessitant pour ces comportements non immédiatement logiques des raisons auxquelles la "Raison" n' a pas accès ?jghislain a écrit:
Marx avance que le prolétaire en est la parfaite illustration : le travail à la chaîne, qui habitue l'ouvrier à sa tâche répétitive, le réduit de fait à une machine. Ne pas posséder de réalité, c'est ne pas trouver de sens au monde, à sa vie. La vie d'esclave n'a pas de sens. Le monde devient absurde. Je dirais pour employer une expression moderne, que l'individu aliéné "décroche".Kercoz : Et pourtant, dans le 18 Brumaire, il critique et ridiculise même ( en le comparant à un sac de pommes de terre),le système morcelé agraire qui ne pratique pas la "rationalisation" du travail . Il préconise en fait un système identique a celui qu'il critique : productiviste
Que reste-t-il alors pour cet être aliéné ? Le rêve, l'imaginaire. La religion, comme consolation, illusion, opium comblant le vide de l'existence. La promesse d'un monde meilleur dès lors qu'il rentre en religion.
Marx a raison au moins pour son époque, et même à moindre échelle pour aujourd'hui. Dans le passé, la religion avait son utilité (maintient de l'ordre moral, recherche métaphysique, refuge pour les opprimés).Kercoz:"avait"? cette utilité est bien sur devenue inutile ....!
kercoz- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 01/07/2014
Re: L'opium du peuple
J'aurais tendance à considérer que c'est l'apparition et la mise en place des religions qui ont renforcé la rigidité comportementale et favoriser l'apparition d'altérités intra-spécifiques potentiellement violentes, puisque toute religion considère que l'autre, celui qui a une autre religion, a forcément tort. C'est notre histoire, plurielle, qui a créé des fossés culturels, où la religion tient une place prépondérante.
Je suis athée, a contrario ça ne m'empêche pas de constater que ma morale ontogénique est d'obédience judéo-chrétienne, et constitue un obstacle dans mon rapport à l'Autre, ce qui vaut pour lui.
Je suis athée, a contrario ça ne m'empêche pas de constater que ma morale ontogénique est d'obédience judéo-chrétienne, et constitue un obstacle dans mon rapport à l'Autre, ce qui vaut pour lui.
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 31/10/2009
Re: L'opium du peuple
La réalité, mot important pour Marx, qui considère ses prédécesseurs idéalistes comme penseurs bourgeois, à la solde du système. Le réalisme, c'est le contraire de l'idéalisme.
Oui, nous sommes d'accord, mais je dirais les choses un peu autrement, pour compléter (je veux dire : cela ne contredit pas ton propos, j'essaye de le mettre en perspective).
L'opposition entre "réalisme" et "idéalisme" est un aspect, mais qui ne suffit pas comme tel et peut s'avérer leurrant. Pour simplifier, disons que le "réalisme" s'oppose à la prétention de "l'idéalisme" à réduire toute chose à la pensée que j'en ai. Le réalisme, cela veut dire qu'il y a hors de moi une réalité effective irréductible, et que c'est d'ailleurs de celle-ci que je tiens mes idées, qui n'ont par conséquent aucune existence autonome. (Elles ont au contraire une existence dérivée, seconde, par rapport à un réel dont elles sont, en gros, des copies, ou des images, des "portraits" ou des "tableaux", pour parler comme Wittgenstein).
Ceci est vrai mais est insuffisant, et l'on doit davantage se rapporter à ce que tu dis plus loin (en évoquant la société industrielle, le prolétariat, etc) qui est plus essentiel et plus original. A savoir que le mot "réalité" ne suffit pas si on ne comprend pas qu'il faut comprendre celle-ci comme activité, comme praxis. Le "réel" dont il est question, ce n'est pas simplement des choses, des objets, de la matière au sens usuel du terme, c'est l'activité pratique des individus.
Une remarque détachée : pour ce qui touche à l'idéal, l'idéalisation et l'idéalité, il n'est évidemment pas question pour Marx d'empêcher qui que ce soit d'idéaliser : il se trouve que l'homme est un être capable de penser, d'instituer des processus imaginatifs plus ou moins intéressants, plus ou moins développés et dire qu'il faudrait y renoncer serait absurde. On ne va pas décréter que "le Réalisme" ou le Matérialisme interdit le rêve, l'art, la morale, etc. Il s'agit surtout de les mettre en place correctement et pas de manière illusoire.
jghislain a écrit:Marx s'oppose par conséquent à Hegel, directement, et à Platon, indirectement. Si on y regarde bien, c'est vrai que Hegel voit le monde et l'homme comme la réalisation de ce qu'il appelle "l'Esprit absolu", sans trop concrétiser ce concept. Peut-on y voir Dieu ? Ou est-ce un avatar du monde des Idées de Platon ? En tout cas, Marx critiquant Hegel y voit l'homme qui marche à l'envers. D'où la nécessité du retournement matérialiste préconisé par la philosophie marxiste.
Dans ce contexte, la phrase "La religion [...] est la réalisation fantastique de l'être humain, parce que l'être humain ne possède pas de vraie réalité" est compréhensible dans le cadre du réalisme marxiste.
Le fantastique, c'est la production imaginaire, et pourtant d'apparence cohérente, d'une explication transcendante, idéale, contre ce monde là-devant, et à ses phénomènes incompris. Du moins quand ce monde même résiste à l'explication, évidemment, le fantastique naissant de la stupeur, du manque de sens donné à la réalité par l'individu.
Oui, nous sommes d'accord, mais je dirais les choses un peu autrement, pour compléter (je veux dire : cela ne contredit pas ton propos, j'essaye de le mettre en perspective).
L'opposition entre "réalisme" et "idéalisme" est un aspect, mais qui ne suffit pas comme tel et peut s'avérer leurrant. Pour simplifier, disons que le "réalisme" s'oppose à la prétention de "l'idéalisme" à réduire toute chose à la pensée que j'en ai. Le réalisme, cela veut dire qu'il y a hors de moi une réalité effective irréductible, et que c'est d'ailleurs de celle-ci que je tiens mes idées, qui n'ont par conséquent aucune existence autonome. (Elles ont au contraire une existence dérivée, seconde, par rapport à un réel dont elles sont, en gros, des copies, ou des images, des "portraits" ou des "tableaux", pour parler comme Wittgenstein).
Ceci est vrai mais est insuffisant, et l'on doit davantage se rapporter à ce que tu dis plus loin (en évoquant la société industrielle, le prolétariat, etc) qui est plus essentiel et plus original. A savoir que le mot "réalité" ne suffit pas si on ne comprend pas qu'il faut comprendre celle-ci comme activité, comme praxis. Le "réel" dont il est question, ce n'est pas simplement des choses, des objets, de la matière au sens usuel du terme, c'est l'activité pratique des individus.
Une remarque détachée : pour ce qui touche à l'idéal, l'idéalisation et l'idéalité, il n'est évidemment pas question pour Marx d'empêcher qui que ce soit d'idéaliser : il se trouve que l'homme est un être capable de penser, d'instituer des processus imaginatifs plus ou moins intéressants, plus ou moins développés et dire qu'il faudrait y renoncer serait absurde. On ne va pas décréter que "le Réalisme" ou le Matérialisme interdit le rêve, l'art, la morale, etc. Il s'agit surtout de les mettre en place correctement et pas de manière illusoire.
Courtial- Digressi(f/ve)
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Re: L'opium du peuple
Est-ce qu'il ne ferait pas tout de même en sorte d'exclure l'idéalisme de certains domaines, notamment la politique ?
Et si je comprends, tu veux dire que quand Sarkozy ou Valls se réclament d'un réalisme politique, ils sont marxistes ?!
Et si je comprends, tu veux dire que quand Sarkozy ou Valls se réclament d'un réalisme politique, ils sont marxistes ?!
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poussbois- Digressi(f/ve)
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Re: L'opium du peuple
... où comment le jargon philosophique arrive à inverser les acceptions communes des mot : voilà une parfaite définition de l'idéalisme dans l'acception commune !Courtial a écrit:Le réalisme, cela veut dire qu'il y a hors de moi une réalité effective irréductible, et que c'est d'ailleurs de celle-ci que je tiens mes idées
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Aldo- Digressi(f/ve)
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Re: L'opium du peuple
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Dernière édition par neopilina le Mer 23 Juil 2014 - 21:21, édité 5 fois
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: L'opium du peuple
Aldo a écrit:... où comment le jargon philosophique arrive à inverser les acceptions communes des mot : voilà une parfaite définition de l'idéalisme dans l'acception commune !Courtial a écrit:Le réalisme, cela veut dire qu'il y a hors de moi une réalité effective irréductible, et que c'est d'ailleurs de celle-ci que je tiens mes idées
C'est à mon tour de ne pas comprendre... Dans l'acception commune, on entend par "idéalisme" le fait de reconnaître qu'il y a une réalité extérieure à mes idées (opinions, rêves, fantasmes, etc.) et que je dois me conformer à cette réalité ?
Si tel est le cas, ceci nous confirme bien que nous devons nous méfier du langage commun. Et si c'est seulement, non pas l'usage commun, mais un langage privé propre à Aldo, que d'appeler "idéalisme" le fait qu'il faut partir du réel (et non pas des idées que nous avons sur ce réel) pour réfléchir ou agir, oserais-je te suggérer de parler plutôt de "réalisme", dans ce cas-là, juste pour qu'on comprenne et qu'on puisse poursuivre la conversation ?
poussbois a écrit:Est-ce qu'il ne ferait pas tout de même en sorte d'exclure l'idéalisme de certains domaines, notamment la politique ?
Et si je comprends, tu veux dire que quand Sarkozy ou Valls se réclament d'un réalisme politique, ils sont marxistes ?!
L'idéalisme, c'est une doctrine. Au moins, je l'entendais ainsi, répondant à jghislain qui semblait l'employer aussi dans ce sens. Doctrine que je résume en disant qu'elle consiste à penser en gros que le réel se réduit à ce que j'en pense. Le vrai cheval, le cheval réel, c'est l'Idée du cheval, pour faire très court. "Le reste" - tout ce qui n'est pas réduit par là, n'existe pas vraiment (Platon). Ceci très à la louche.
Je crois que Marx rejette l'idéalisme de sa pensée politique. Il a combattu fermement les utopistes, càd ceux qui voulaient dériver le socialisme d'une idée.
La question de ce qu'il y a d'idéaliste ou disons d'utopiste, ici le terme est peut-être plus juste, dans le socialisme est un sujet en soi et nous pourrons y revenir.
Nous tomberons d'accord que même en admettant qu'une politique socialiste désidéalisée soit possible, il n'en reste pas moins que le "réalisme" n'est pas le privilège, l'apanage de celui-ci. On peut en effet fort bien, comme c'est le cas des deux personnages que tu cites, gérer cyniquement (et sans la moindre idéalité) les intérêts plus ou moins bien compris de la bourgeoisie.
Courtial- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 03/07/2008
Re: L'opium du peuple
Merci tout d'abord à jghislain de nous fournir un texte avec ses commentaires, cela fournit selon moi une base de discussion intéressante.
J'ai ma petite question.
Il me semble que ce texte se construit autour de la notion de conscience inversée, qui provient je suppose de Feuerbach. Chez Feuerbach je comprends à peu près ce qu'est la religion comme conscience inversée puisqu'il n'arrête pas de l'expliquer : l'inversion est, pour ceux que cela intéresse, du sujet et du prédicat. Le discours religieux fait de Dieu un sujet de prédicats transcendants : "Dieu est amour". Or, cette phrase ne prend sens que si on la retourne (retournons sans pitié les inversés!), ce qui donne l'amour est divin, et renvoie à la réalité humaine.
Bien, mais chez Marx? Telle est ma petite question. Quel est l'envers de l'inversion? Que se passe-t-il si on remet la conscience religieuse à l'endroit? Quel est cet endroit?
Une lecture superficielle du texte me fait dire que l'endroit c'est la réalité.
Alors voici ma question derrière ma question : quelle est la conscience de cette réalité, à l'opposé de la conscience fantastique qui élabore des mythes religieux? La perception immédiate, et par conséquent naïve, ou bien autre chose?
J'ai ma petite question.
Il me semble que ce texte se construit autour de la notion de conscience inversée, qui provient je suppose de Feuerbach. Chez Feuerbach je comprends à peu près ce qu'est la religion comme conscience inversée puisqu'il n'arrête pas de l'expliquer : l'inversion est, pour ceux que cela intéresse, du sujet et du prédicat. Le discours religieux fait de Dieu un sujet de prédicats transcendants : "Dieu est amour". Or, cette phrase ne prend sens que si on la retourne (retournons sans pitié les inversés!), ce qui donne l'amour est divin, et renvoie à la réalité humaine.
Bien, mais chez Marx? Telle est ma petite question. Quel est l'envers de l'inversion? Que se passe-t-il si on remet la conscience religieuse à l'endroit? Quel est cet endroit?
Une lecture superficielle du texte me fait dire que l'endroit c'est la réalité.
Alors voici ma question derrière ma question : quelle est la conscience de cette réalité, à l'opposé de la conscience fantastique qui élabore des mythes religieux? La perception immédiate, et par conséquent naïve, ou bien autre chose?
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euthyphron- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 01/06/2011
Re: L'opium du peuple
Il s'agit bien de Feuerbach, mais avec la mention que j'ai ajoutée. Pour la question de l'inversion, il faudra essayer d'y voir clair dans une chambre noire et l'on ne pourra éviter de relire cela :
Marx, l'Idéologie allemande section 1 Feuerbach a écrit:Voici donc les faits : des individus déterminés qui ont une activité productrice selon un mode déterminé entrent dans des rapports sociaux et politiques déterminés. Il faut que dans chaque cas isolé, l'observation empirique montre dans les faits, et sans aucune spéculation ni mystification, le lien entre la structure sociale et politique et la production. La structure sociale et l'Etat résultent constamment du processus vital d'individus déterminés ; mais de ces individus non point tels qu'ils peuvent s'apparaître dans leur propre représentation ou apparaître dans celle d'autrui, mais tels qu'ils sont en réalité, c'est-à-dire, tels qu'ils oeuvrent et produisent matériellement ; donc tels qu'ils agissent sur des bases et dans des conditions et limites matérielles déterminées et indépendantes de leur volonté.[...]
La production des idées, des représentations et de la conscience est d'abord directement et intimement mêlée à l'activité matérielle et au commerce matériel des hommes, elle est le langage de la vie réelle. Les représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaissent ici encore comme l'émanation directe de leur comportement matériel. Il en va de même de la production intellectuelle telle qu'elle se présente dans la langue de la politique, celle des lois, de la morale, de la religion, de la métaphysique, etc. de tout un peuple. Ce sont les hommes qui sont les producteurs de leurs représentations, de leurs idées, etc., mais les hommes réels agissants, tels qu'ils sont conditionnés par un développement déterminé de leurs forces productives et des rapports qui y correspondent, y compris les formes les plus larges que ceux-ci peuvent prendre. La conscience ne peut jamais être autre chose que l'être conscient et l'être des hommes est leur processus de vie réel. Et si, dans toute l'idéologie, les hommes et leurs rapports nous apparaissent placés la tête en bas comme dans une camera obscura, ce phénomène découle de leur processus de vie historique, absolument comme le renversement des objets sur la rétine découle de son processus de vie directement physique.
A l'encontre de la philosophie allemande qui descend du ciel sur la terre, c'est de la terre au ciel que l'on monte ici. Autrement dit, on ne part pas de ce que les hommes disent, s'imaginent, se représentent, ni non plus de ce qu'ils sont dans les paroles, la pensée, l'imagination et la représentation d'autrui, pour aboutir ensuite aux hommes en chair et en os ; non, on part des hommes dans leur activité réelle, c'est à partir de leur processus de vie réel que l'on représente aussi le développement des reflets et des échos idéologiques de ce processus vital. Et même les fantasmagories dans le cerveau humain sont des sublimations résultant nécessairement du processus de leur vie matérielle que l'on peut constater empiriquement et qui repose sur des bases matérielles.
De ce fait, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de l'idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent, perdent aussitôt toute apparence d'autonomie. Elles n'ont pas d'histoire, elles n'ont pas de développement ; ce sont au contraire les hommes qui, en développant leur production matérielle et leurs rapports matériels, transforment, avec cette réalité qui leur est propre, et leur pensée et les produits de leur pensée. Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience. Dans la première façon de considérer les choses, on part de la conscience comme étant l'individu vivant, dans la seconde façon, qui correspond à la vie réelle, on part des individus réels et vivants eux-mêmes et l'on considère la conscience uniquement comme leur conscience.
MARX / ENGELS
Courtial- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 03/07/2008
Re: L'opium du peuple
@euthyrphron, oublié de souligner : "l'inversion" signifie un changement de rapport entre des termes qui restent identiques à eux-mêmes.
Si l'on parle "d'inverser" un rapport, on ne modifie évidemment pas les termes. Par conséquent, la question essentielle n'est pas, dans une inversion, quel est le terme que l'on met en face d'un autre, puisque cela ne peut être modifié.
La question est de savoir quel autre rapport on veut instituer entre ces termes qui resteront éternellement les mêmes.
C'est pourquoi le mode d'argumentation par "inversion" me paraît (personnellement) faible au moins quand on touche à une question radicale. (Pour le reste, je suis favorable à enseigner aux enfants que ce n'est pas parce que les voitures s'arrêtent que le feu est rouge, mais parce que le feu est rouge qu'elles s'arrêtent).
Et plus particulièrement (ceci répond aussi au message initial, touchant au fait d'inverser Hegel, de le remettre sur ses pieds, etc.), le fait d'inverser une dialectique.
Je n'ai jamais rien compris à l'idée marxienne qu'il faudrait "inverser" la dialectique : en temps normal, si j'ose dire, inverser ne change rien, dans le cas d'une dialectique, c'est seulement naïf.
J'ai connu un des plus grands moments de pitié sincère, dans ma vie philosophique, en lisant les tentatives dérisoires et pathétiques d'Althusser pour essayer de justifier cela.
Si l'on parle "d'inverser" un rapport, on ne modifie évidemment pas les termes. Par conséquent, la question essentielle n'est pas, dans une inversion, quel est le terme que l'on met en face d'un autre, puisque cela ne peut être modifié.
La question est de savoir quel autre rapport on veut instituer entre ces termes qui resteront éternellement les mêmes.
C'est pourquoi le mode d'argumentation par "inversion" me paraît (personnellement) faible au moins quand on touche à une question radicale. (Pour le reste, je suis favorable à enseigner aux enfants que ce n'est pas parce que les voitures s'arrêtent que le feu est rouge, mais parce que le feu est rouge qu'elles s'arrêtent).
Et plus particulièrement (ceci répond aussi au message initial, touchant au fait d'inverser Hegel, de le remettre sur ses pieds, etc.), le fait d'inverser une dialectique.
Je n'ai jamais rien compris à l'idée marxienne qu'il faudrait "inverser" la dialectique : en temps normal, si j'ose dire, inverser ne change rien, dans le cas d'une dialectique, c'est seulement naïf.
J'ai connu un des plus grands moments de pitié sincère, dans ma vie philosophique, en lisant les tentatives dérisoires et pathétiques d'Althusser pour essayer de justifier cela.
Courtial- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 03/07/2008
Re: L'opium du peuple
Courtial a écrit:
C'est pourquoi le mode d'argumentation par "inversion" me paraît (personnellement) faible au moins quand on touche à une question radicale. (Pour le reste, je suis favorable à enseigner aux enfants que ce n'est pas parce que les voitures s'arrêtent que le feu est rouge, mais parce que le feu est rouge qu'elles s'arrêtent). ................
Je n'ai jamais rien compris à l'idée marxienne qu'il faudrait "inverser" la dialectique : en temps normal, si j'ose dire, inverser ne change rien, dans le cas d'une dialectique, c'est seulement naïf.
Que dire de Durkheim qui pique a un pote a lui les concepts de "solidarité mécanique" et "solidarité biologique" en inversant carrément leur signifiant .
Taxer de "mécanique" des rapports des plus complexes ( au sens math)..c'est a dire inaccessibles a la raison .....pour refourguer le qualificatif "biologique" une procédure de solidarité créée , inventée, en tant qu'outil, par l' homme , me parait un peu gros .
Néopilina pratique , a mon sens , aussi une inversion en échangeant cause et conséquence pour le concept de rigidité comportementale associée à la religion.....La religion rigidifie le système ancien animiste ou totémiste , dans le sens ou il va regrouper les rigidifications , mais , ce faisant , il n'est pas certain que la rigidification comportementale de l' individu y gagne en quantité ou qualité.
kercoz- Digressi(f/ve)
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Re: L'opium du peuple
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Dernière édition par neopilina le Mer 23 Juil 2014 - 21:19, édité 12 fois
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
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Re: L'opium du peuple
euthyphron a écrit:quelle est la conscience de cette réalité, à l'opposé de la conscience fantastique qui élabore des mythes religieux? La perception immédiate, et par conséquent naïve, ou bien autre chose?
J'y vois la même chose. L'inverse du monde idéal, c'est ce monde ici (ou plutôt l'inversion du monde conduit au monde idéal... )
Quant à la perception immédiate, non, je ne crois pas. Plutôt voir le monde tel qu'il est. Ainsi que nous-mêmes, sans artifices, sans excuses, comme dirait Sartre.
Pour cela, il peut être bon de reprendre Nietzsche.conscience inversée.
"Toutes les valeurs qui servent aujourd'hui aux hommes à résumer leurs plus hauts désirs sont des valeurs de décadence. J'appelle corrompu soit un animal, soit une espèce, soit un individu, quand il perd ses instincts, quand il choisit et préfère ce qui lui est désavantageux."
Nietzsche. L'Antéchrist, §6.
"La théologie, cette perversion de la raison par le péché originel."
Nietzsche. Le Crépuscule des Idoles, IX, §2.
Marx et Nietzsche, deux philosophies différentes ? Pas si sûr...
En tout cas, on y retrouve au moins une base commune : la critique de la religion.
Un ennemi référent commun aussi : l'idéalisme.
Où Marx voit une inversion, Nietzsche parle de perversion de la raison.
Où Nietzsche fulmine contre la corruption, la décadence, Marx explique l'aliénation.
C'est un constat : les éminences grises, ces théologiens qui aiment tant à porter leur regard vers un autre monde, soi-disant meilleur (sous-entendu ce monde ici est maudit) ont depuis longtemps influencé les philosophes.
Mais avec la période moderne, à partir de Nietzsche et Marx, nous retrouvons des bases saines. C'est un retournement, un revers, un retour aux choses même... on peut l'appeler comme on veut. Mais en définitive, c'est une possibilité donnée à l'homme de renouer avec son environnement (Umwelt), et aussi sa propre nature.
Dernière édition par jghislain le Lun 21 Juil 2014 - 22:59, édité 2 fois
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Re: L'opium du peuple
Deleuze parle d'idéal et d'idéel, c'est plus simple...Courtial a écrit:Aldo a écrit:... où comment le jargon philosophique arrive à inverser les acceptions communes des mot : voilà une parfaite définition de l'idéalisme dans l'acception commune !Courtial a écrit:Le réalisme, cela veut dire qu'il y a hors de moi une réalité effective irréductible, et que c'est d'ailleurs de celle-ci que je tiens mes idées
C'est à mon tour de ne pas comprendre... Dans l'acception commune, on entend par "idéalisme" le fait de reconnaître qu'il y a une réalité extérieure à mes idées (opinions, rêves, fantasmes, etc.) et que je dois me conformer à cette réalité ?
Dans le langage commun donc, un type réaliste est supposé avoir les pieds sur terre et se confronter au "réel". Un idéaliste rêver le monde, vivre dans son rêve, voilà tout.
La phrase devient donc : "L'idéalisme, c'est qu'il y a hors de moi une réalité irréductible (celle de l'idéal, qui a plus de valeur que l'autre), et que c'est de celle-ci que je tiens mes idées".
Je t'accorde que "effective" ne colle pas...
(mais bon, ça m'a juste fait sourire, c'est sans importance)
Dernière édition par Aldo le Lun 21 Juil 2014 - 22:58, édité 1 fois
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Re: L'opium du peuple
jghislain a écrit:Mais avec la période moderne, à partir de Nietzsche et Marx, nous retrouvons des bases saines. C'est un retournement, un revers, un retour aux choses même... on peut l'appeler comme on veut. Mais en définitive, c'est une possibilité donnée à l'homme de renouer avec son environnement (Umwelt), et aussi sa propre nature.
Oui pour le retour direct aux choses. Mais ni l'un ni l'autre ne l'ont philosophiquement formalisé, explicité. Deux immenses penseurs, oui, mais, de ce fait, philosophiquement, des électrons libres, avec tous les inconvénients induits.
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Re: L'opium du peuple
kercoz a écrit:Néopilina pratique , a mon sens , aussi une inversion en échangeant cause et conséquence pour le concept de rigidité comportementale associée à la religion.....La religion rigidifie le système ancien animiste ou totémiste , dans le sens ou il va regrouper les rigidifications , mais , ce faisant , il n'est pas certain que la rigidification comportementale de l' individu y gagne en quantité ou qualité.
Je n'inverse rien du tout. Notre espèce a fait preuve d'une remarquable plasticité adaptative, génétique mais pas seulement, avant de se diviser en cultures, avec leurs religions. Animisme, totémisme, etc, les premières religions sont notoirement rigides. Les quelques cultures paléolithiques ( Chasseurs, cueilleurs. ) qui subsistent encore l'illustrent parfaitement. Elles n'ont pas changé d'un iota depuis des millénaires. En terme de rigidité, non pas spécifique donc, mais bien culturelles, on ne fait pas mieux, si j'ose dire. Ce qu'on appelle " conservateurs " chez nous sont " d'aimables" " enfants de choeur ".
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neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: L'opium du peuple
.neopilina a écrit:
Je n'inverse rien du tout. Notre espèce a fait preuve d'une remarquable plasticité adaptative, génétique mais pas seulement, avant de se diviser en cultures, avec leurs religions. Animisme, totémisme, etc, les premières religions sont notoirement rigides. Les quelques cultures paléolithiques ( Chasseurs, cueilleurs. ) qui subsistent encore l'illustrent parfaitement. Elles n'ont pas changé d'un iota depuis des millénaires. En terme de rigidité, non pas spécifique donc, mais bien culturelles,.
- Un point quand même, les cultures paléo qui subsistent ont le même age que nous ( comme le dit L.Strauss) , elles sont aussi souvent rétrogrades qu' archaiques, et surtout elles ont une densité de population bien plus importante qu' au paléo.
- Tu sembles placer animisme sur le même plan que religion.....ce qui me semble poser problème et tu parles de rigidité pour l' animisme , qui , par définition me semble au contraire laisser l' individu traiter lui même de ses relations avec sa propre mystique.
- Il me parait trivial d' établir une progression des besoins humains de déporter ses questionnements .
+L' animal ne se pose pas de ces questions ....son comportement est géré par des instincts complètés par éventuellement des "rites" inhibiteurs.
+la simultanéité de l' émergence du mystique et du cogito me parait évidente ( bon , ça peut se contester , correlation n' est pas causalité ...mais ça aide)
+Mon hypothèse est que les "Rites" ne sont pas toujours "logiques" ( pas baiser la femme du copain)....et avec l'émergence de la "raison", il faut à l' individu des "raisons" qui ne contredisent pas trop la "Raison" .
il faut se souvenirs que la contrainte de l' observance des rites fait que seuls ceux qui les observent survivent ...donc même chose pour le glissement animiste ....
+Avec la religion , on entre dans l' histoire , c'est rien que de la politique qui s'appuie sur le commerce .....Ca peut tout aussi bien etre considéré comme une déviance , longtemps freiné par le manque d'énergie , mais qui, comme on le constate , est ingérable et mène a la cata actuelle.
kercoz- Digressi(f/ve)
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Re: L'opium du peuple
Merci pour ces précisions, très claires.Courtial a écrit:@euthyrphron, oublié de souligner : "l'inversion" signifie un changement de rapport entre des termes qui restent identiques à eux-mêmes.
Si l'on parle "d'inverser" un rapport, on ne modifie évidemment pas les termes. Par conséquent, la question essentielle n'est pas, dans une inversion, quel est le terme que l'on met en face d'un autre, puisque cela ne peut être modifié.
La question est de savoir quel autre rapport on veut instituer entre ces termes qui resteront éternellement les mêmes.
C'est pourquoi le mode d'argumentation par "inversion" me paraît (personnellement) faible au moins quand on touche à une question radicale. (Pour le reste, je suis favorable à enseigner aux enfants que ce n'est pas parce que les voitures s'arrêtent que le feu est rouge, mais parce que le feu est rouge qu'elles s'arrêtent).
Et plus particulièrement (ceci répond aussi au message initial, touchant au fait d'inverser Hegel, de le remettre sur ses pieds, etc.), le fait d'inverser une dialectique.
Je n'ai jamais rien compris à l'idée marxienne qu'il faudrait "inverser" la dialectique : en temps normal, si j'ose dire, inverser ne change rien, dans le cas d'une dialectique, c'est seulement naïf.
J'ai connu un des plus grands moments de pitié sincère, dans ma vie philosophique, en lisant les tentatives dérisoires et pathétiques d'Althusser pour essayer de justifier cela.
J'approuve sans réserve ce que tu dis de l'inversion de la dialectique. Disons-le brutalement, ce sera plus clair. Quand Marx parle de "conscience inversée" ou de remettre sur pieds Hegel, ce ne sont que des métaphores. Il n'y a pas d'inversion à proprement parler. Il serait grossier, et même complètement faux, de dire que le discours religieux est une inversion du réel s'il est une affabulation. Une affabulation modifie les termes, pour reprendre ce que tu dis excellemment.
Comment alors lire Marx et sa critique des idéologies?
Il y a un premier niveau de lecture qu'on peut rejeter, comme superficiel, voire insultant à l'égard de Marx. C'est la lecture "gros beauf". Elle consiste à dire que ce qui est réel c'est ce qu'on fait avec les mains, c'est la plomberie, c'est quand on se lève tôt pour travailler, et que ce qui n'est pas réel, c'est la religion, la littérature, la philosophie et autres trucs d'invertis.
Si cette lecture était la bonne, il n'y aurait pas à dénoncer les illusions de la conscience, il faudrait au contraire s'immerger dans l'immédiat et l'irréfléchi pour être dans la vérité.
Or, deuxième lecture que je juge plus intéressante, la pensée marxienne est une pensée qui s'inscrit, paradoxalement, dans un schéma typiquement platonicien (je parle du Platon réel, hé hé): réalisme fondamental, illusion des représentations, appel au dépassement. Sauf que chez Platon le dépassement est un retournement (le mot est apparu plusieurs fois dans ce fil), une conversion. Le réel auquel il faut tendre était caché aux yeux de la conscience illusoire, il est l'univers du sens. Chez Marx, la réalité n'a clairement pas ce statut "sémantique". Mais alors, s'il n'est ni l'apparence première ni le sens caché, qu'est-ce que le réel selon Marx?
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euthyphron- Digressi(f/ve)
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Re: L'opium du peuple
Hey ! Pour ce qui est du Platon "réel", il doit se retourner dans sa tombe, à défaut de retourner le réel...
Reprenons.
-> Dire que le monde réel est un monde en dehors de nous.
Il y a là des présupposés.
1/ Le monde se sépare en deux : moi et le reste (le monde en dehors).
2/ Le monde qui m'est donné, je le reçois par le cogito, qui le découvre, l'analyse, et le formalise.
3/ Je ne peux que m'approcher plus ou moins de ce monde extérieur à moi (la vérité en soi n'est pas accessible)
-> Questions.
à 3/
L'en-soi, c'est l'invention de Kant. Le monde en-soi, n'est-il pas une forme moderne du monde idéal ?
La vérité, se résumerait-elle à l'adéquation impossible du cogito avec l'en-soi ?
à 2/
Ce qui est donné, est absolu (d'après Hegel), soi-disant. Peut-on partir d'emblée d'un monde donné absolu et se réclamer de réalisme ?
à 1/
On pourrait tout aussi bien considérer le lien au monde comme fondamental, au lieu de se séparer du monde. L'homme n'est-il pas au-monde ?
Reprenons.
-> Dire que le monde réel est un monde en dehors de nous.
Il y a là des présupposés.
1/ Le monde se sépare en deux : moi et le reste (le monde en dehors).
2/ Le monde qui m'est donné, je le reçois par le cogito, qui le découvre, l'analyse, et le formalise.
3/ Je ne peux que m'approcher plus ou moins de ce monde extérieur à moi (la vérité en soi n'est pas accessible)
-> Questions.
à 3/
L'en-soi, c'est l'invention de Kant. Le monde en-soi, n'est-il pas une forme moderne du monde idéal ?
La vérité, se résumerait-elle à l'adéquation impossible du cogito avec l'en-soi ?
à 2/
Ce qui est donné, est absolu (d'après Hegel), soi-disant. Peut-on partir d'emblée d'un monde donné absolu et se réclamer de réalisme ?
à 1/
On pourrait tout aussi bien considérer le lien au monde comme fondamental, au lieu de se séparer du monde. L'homme n'est-il pas au-monde ?
Dernière édition par jghislain le Mar 22 Juil 2014 - 9:39, édité 1 fois
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Re: L'opium du peuple
Pas en dehors de nous, mais en dehors de nos représentations. Tel est le monde réel, tel est ce qui sépare le réalisme de l'idéalisme.
Donc, les présupposés 1 et 2 tombent. Ils relèvent de l'idéalisme et pas du réalisme.
Le présupposé 3 n'a rien d'obligatoire. Bien des réalistes pensent pouvoir accéder à la vérité, à commencer par Platon, (je rappelle au passage que les Idées ne sont pas du tout des idées, mais des réalités, des formes réelles), mais par un processus de retournement ou de conversion.
Donc, en fait, je ne vois pas qui tu vises dans ce message, et ma question sur Marx revient toujours.
Donc, les présupposés 1 et 2 tombent. Ils relèvent de l'idéalisme et pas du réalisme.
Le présupposé 3 n'a rien d'obligatoire. Bien des réalistes pensent pouvoir accéder à la vérité, à commencer par Platon, (je rappelle au passage que les Idées ne sont pas du tout des idées, mais des réalités, des formes réelles), mais par un processus de retournement ou de conversion.
Donc, en fait, je ne vois pas qui tu vises dans ce message, et ma question sur Marx revient toujours.
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euthyphron- Digressi(f/ve)
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Re: L'opium du peuple
euthyphron a écrit:les Idées ne sont pas du tout des idées, mais des réalités, des formes réelles.
C'est de là que la confusion part. Les idées sont bien produites par nous, donc réelles, mais la réalité n'est pas constituée d'un ensemble d'idées.
Quant à Platon et son monde des Idées, c'est une théorie bien jolie mais qui reste une allégorie...
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Re: L'opium du peuple
Il n'y a pas de confusion. Je le redis : pour Platon, les Idées ne sont pas des idées. J'ajoute : tout est réel. Il s'ensuit que la réalité n'est pas constituée d'un ensemble d'idées, pour Platon toujours (il y a au moins aussi les Idées).
Tu viens d'éditer et d'ajouter la notion d'allégorie. Je veux bien, mais allégorie de quoi? Je comprends quand on me dit que les êtres sous le soleil sont l'allégorie des Idées dans la République, mais de quoi les Idées sont-elles elles-même allégories?
Et Marx? As-tu un avis sur le problème que j'ai posé?
Tu viens d'éditer et d'ajouter la notion d'allégorie. Je veux bien, mais allégorie de quoi? Je comprends quand on me dit que les êtres sous le soleil sont l'allégorie des Idées dans la République, mais de quoi les Idées sont-elles elles-même allégories?
Et Marx? As-tu un avis sur le problème que j'ai posé?
Dernière édition par euthyphron le Mar 22 Juil 2014 - 9:54, édité 1 fois (Raison : l)
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Re: L'opium du peuple
J'ai juste l'impression que le problème ne se pose comme ça...
A plus tard, donc.
A plus tard, donc.
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Re: L'opium du peuple
jghislain a écrit:Dans ce contexte, la phrase "La religion [...] est la réalisation fantastique de l'être humain, parce que l'être humain ne possède pas de vraie réalité" est compréhensible dans le cadre du réalisme marxiste.
Le fantastique, c'est la production imaginaire, et pourtant d'apparence cohérente, d'une explication transcendante, idéale, contre ce monde là-devant, et à ses phénomènes incompris. Du moins quand ce monde même résiste à l'explication, évidemment, le fantastique naissant de la stupeur, du manque de sens donné à la réalité par l'individu.
L'expérience du sacré se réduit-elle à la religion ?
Si la pensée religieuse peut constituer une étape passagère dans le développement de la conscience humaine, la recherche du sacré, elle, est structurellement inscrite dans cette conscience. Si la religion disparaît, j'ai bien peur que cette recherche investisse autre chose et ne disparaisse jamais. Quand l'homme fait l'amour, quand il contemple l'immensité de la mer ou qu'il écoute la plus belle musique il cherche une expérience qui le déborde, qui déborde toutes ses facultés et le projette hors de sa situation historique. Paradoxalement, c'est une expérience, donc une interaction avec le réel. Cette rupture ontologique répond peut-être à un besoin mais elle n'est pas forcément une fuite dans un paradis artificiel ou un indice de faiblesse. En tout cas pas toujours à mon avis. Il se trouve que dans la compréhension irrationnelle du monde par la religion il y a la promesse de ce genre d'expérience.
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