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Qu'est-ce que la littérature ?

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Message par Vargas Ven 14 Sep 2007 - 10:25

Qu'est-ce que la littérature ?


Ce livre, écrit en 1947, est une réponse aux critiques condamnant l’engagement de la littérature qu’opère Sartre dans sa production littéraire.
En effet, il lui a été reproché de prendre en otage la littérature sous une conception engagée, politique, utilitaire, reniant ainsi la littérarité de cet art.
Au contraire, Sartre va tenter de démontrer en quoi la littérature doit aussi se comprendre comme médium entre des pans de la société, comme opération révélatrice de ce qu’est celle-ci.
La montrer à elle-même, la faire (se) réfléchir.


***


I Qu’est-ce qu’écrire

Sartre différencie le geste d’ "écrire" des autres activités artistiques. Il ne s’agit pas de langage formé par les sons ou les couleurs, de créer un objet imaginaire mais d'en désigner.
Les productions de ces autres activités sont imprégnées de ce qu’elles expriment.
Elles ne disent, ne signifient pas seulement.
Elles représentent une chose qui est, pas qui existe.

Au contraire, l’écrivain s’intéresse aux significations, à la parole : elles expriment.

Ici encore, une autre différenciation est à faire au niveau des mots entre prose et poésie qui sert les mots, qui ne nomme pas le monde, n’utilise pas le langage.
« Le poète a choisi une fois pour toute l’attitude poétique qui considère les mots comme des choses et non comme des signes. »
Il est hors du langage qu’il conçoit comme structure du monde extérieur.
En somme, le poète crée un objet comme le peintre, il fait devenir, opacifie, matérialise le mot comme chose.

Le parleur, lui, est en situation dans le langage. Les mots prolongent ses sens, le corps verbal qu’il se constitue étend son action sur le monde.
Sur ce dernier point et sur l’imaginaire, Sartre se rapproche du regard et de la sensibilité de Merleau-ponty qui publie peu après Phénoménologie de la Perception.
En note, Sartre écrit « Originellement, la poésie crée le mythe de l’homme quand le prosateur trace son « portrait. »
Selon Sartre, le poète moderne s’engage à échouer. Il y a une poésie échec, (les poètes maudits, etc.) qui se distingue d’une prose réussite. La prose est utilitaire par essence. Le prosateur se sert des mots.
Parler, c‘est agir, dévoiler la situation, pas seulement témoigner.

*
(Digression sur le statut de la poésie dans ce livre) :
Trop peu souvent, Sartre précise, nuance ces différences pour qu’on ne puisse pas, à partir de cela, justifier une hiérarchie entre arts, entre poésie et prose.
Mais il n’ignore rien des poètes résistants tel qu’Eluard ou Char pour ne donner qu’un exemple.
La poésie a tout à voir aussi avec la condition humaine, même si son rapport au langage a connu la plus vive crise avec la guerre de 1914. Sartre écrit aussi que celle de 40 a revalorisé le langage.

De même, si la poésie s’est engouffré dans une conscience malheureuse (Baudelaire, Mallarmé, Valéry, Pessoa, etc), la prose n’est pas en reste.
Car c’est en dévoilant, en réfléchissant qu’on acquière et qu’on surmonte cette conscience.
Il est vrai qu’il s’agit aussi pour Sartre d’exprimer ici une première ramification au sein du geste d’écrire qui se prolonge au niveau de la fonction de la littérature même.

*

« Il s’agit dès lors de savoir quel aspect du monde dévoiler, quel autre passer sous silence, quel changement apporter par cette action. »
On le dit d’une certaine façon.
C’est le style, « la valeur de la prose » qui doit arriver comme en plus, de façon transparente pour que le regard qui traverse les mots ne s’y arrête pas mais glisse mieux dessus pour atteindre ce qu’on projette de dévoiler, de désigner.
Or ce sont les exigences du sujet qui engagent l’artiste à se forger de nouvelles techniques.

Enfin, Sartre fait sa fête aux critiques, ces gardiens de cimetière qui attendent la mort d’un auteur pour l’encenser, l’embaumer, le stériliser une fois que l’histoire a fourni leur place, le sens de leur œuvre.
Mais écrire, c’est chercher à avoir raison, chercher à révéler, à parier au présent sans savoir si l’histoire donnera tort à ce projet.

***


II Pourquoi écrit-on ?

L’homme dévoile ce qu’il y a. Nous organisons ce qui est par nos actes mais nous ne produisons pas l’être.
Or, la création artistique répond entre autre au fait d’être inessentiel.
Nous mettons en lumière, nous fournissons de la conscience à quelque chose.
Puis le dévoilement s’efface, jusqu’à ce que quelqu’un d’autre répète l’opération au même endroit. Toujours en sursis donc.

Mais notre création nous échappe toujours une fois produite. Ce sont nos opération de productions que nous y lisons à la place.
Pour Sartre, « l’objet littéraire est une étrange toupie qui n’existe qu’en mouvement ».
L’écrivain projette et le lecteur progresse, suppose, attend, envisage l’horizon reculé du livre jusqu’à son terme.

Partout l’écrivain retrouve sa propre subjectivité dans l’œuvre. Mais il ne touche que ses effets. Il ne peut pas lire, percevoir.
On n’écrit donc pas pour soi, puisqu’il ne s’agirait que d’un prolongement sans tension.
« L’opération d’écrire implique celle de lire comme son corrélatif dialectique », nécessite les régulations, les efforts, les exigences entrelacées de l’auteur et du lecteur.

Le lecteur fait la synthèse de la perception et de la création. C’est à partir de ses efforts que l’objet et le sujet sont essentiels. C’est le lecteur qui crée et dévoile l’œuvre comme totalité organique.
L’objet est produit dans le silence du lecteur, et créé dans celui de l’auteur et des ses intentions.
Silence d’avant le langage en tant que parole activée ; mais aussi durant leur communication, dans la durée de la lecture.
Ecrire un livre, c’est écrire une lecture, une création dirigée qui emprunte les chemins de la subjectivité du lecteur pour être achevée.
C’est un appel rendant le dévoilement objectif, un appel à la liberté du lecteur.

Le livre n’est pas un moyen pour cela mais « se propose comme une fin à la liberté du créateur ».
Kant, au contraire, parle de finalité sans fin de l’œuvre d’art.
Si l’appel est entendu, l’œuvre d’art est valeur (c’est aussi à entendre au sens nietzschéen).
« Car c’est bien le but final de l’art : récupérer ce monde-ci en le donnant à voir non pas tel qu’il est, mais comme s’il avait sa source dans la liberté humaine. »

***


III Pour qui écrit-on ?

Réponse de base ; toujours pour le lecteur universel, certes.
Sartre précise pour revenir sur ses descriptions précédentes idéales en traçant le parcours d’une certaine histoire de la littérature. En fonction du public, du pouvoir, des classes, du mode de reconnaissance.
Ici, aucun compte-rendu ne vaut la lecture de ces lignes.
C’est en fonction des lecteurs qu’on se donne, engagés dans l’histoire, en fonction de leur historicité qu’on se forge un sujet pour une œuvre.

Sartre donne l’exemple de Black Boy de Richard Wright, écrivain noir américain. Celui-ci s’adresse en période de ségrégation non pas seulement aux noirs, ni juste aux blancs, il ne se contente pas du succès de son œuvre en Europe, mais s’adresse à la fois aux noirs cultivés du nord et aux blancs de bonne volonté (intellectuels démocrate de gauche, radicaux, ouvriers syndiqués du C.I.O., etc.)

Dès lors, chaque mot renvoie, s’adresse à 2 contextes. L’originalité de son œuvre réside ainsi dans cette tension. Cette situation d’entre-deux, mais aussi de parasite de la classe dominante a connu pour Sartre son plus grand exemple avec les Lumières :
venant de la bourgeoisie, entretenus par l’aristocratie, écrivant pour les 2, dévoilant, travaillant et mettant en lumière la société entre ses groupes et dans sa corporalité.

« La littérature concrète sera la synthèse de la Négativité », au sens hégélien.

L’engagement de l’écrivain est la médiation ; « […] il fait passer pour lui et les autres l’engagement de la spontanéité immédiate au réfléchi. »

Cette partie débouche naturellement sur une dernière, "Situation de l’écrivain en 1947", avec les problèmes de l’époque qui sont en grande partie toujours actuels.
En particulier ceux essentiel du public à appeler et à trouver, ainsi que sur le rôle des mass médias.


Questions et enjeux pour la littérature à venir d’aujourd’hui


« Ces questions que notre temps nous pose et qui seront nos questions sont d’un autre ordre.
Comment peut-on se faire homme dans, par et pour l’histoire ?
Est-il une synthèse possible de notre conscience unique et irréductible et de notre relativité, c’est-à-dire d’un humanisme dogmatique et d’un perspectivisme ?
Quelle est la relation de la morale avec la politique ?
Comment assumer, outre nos intentions profondes, les conséquences objectives de nos actes ? »

« Le travail de base à exercer sur le langage est de nature synthétique, alors qu’il était analytique au siècle de Voltaire : il faut élargir, approfondir, ouvrir les portes et laisser entrer, en les contrôlant au passage le troupeau des idées neuves. Ce qui complique tout est que nous vivons en un siècle de propagande. »


NB : ce sujet fait partie d'une étude portant sur
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Message par talvera Dim 1 Mai 2016 - 16:02

Forum philosophie - Science et philosophie - Vangelis le Ven 22 Fév 2013 - 20:30
Je considère qu'il n'y a de sens que dans la narration, et non pas dans une liste d'assertions. Ce qui me semble intéressant c'est que la métaphysique classique n'a pas été déclassée par des scientifiques, mais par des philosophes…La quête du sens n'est tenable que si elle s'inscrit aussi dans un monde tenable, c'est-à-dire dans un monde qui nous dit quelque chose, un monde qui récite… Une découverte scientifique n'est rien d'autre qu'une découverte scientifique et l'homme doit se la réapproprier pour l'incorporer à son aventure. Sinon c'est le dictat de la singularité technologique. Ainsi nous pourrions bien avoir la connaissance absolue, qu'elle ne nous dira jamais ce que nous devons faire. Et ce qui lie les diverses activités de l'homme dans un récit qui peut lui donner un sens n'est autre que le langage narratif.

Forum philosophie - Science et philosophie - BOUDOU le Jeu 28 Avr 2016 - 18:09
…je suis ravi de découvrir la contribution de Vangelis (inspirée de Ricoeur ?) qui offre une magnifique synthèse de ce débat sur la science vs la philosophie.

Forum philosophie - Science et philosophie - Ianiscos Hier à 15:39
Comme cela vient d'être dit, alors que la science restreint, par nature, ses champs d'investigation, l’activité philosophique, qui est totalisante, serait la construction de perspectives interprétatives possibles du monde. Les modèles, récits, métaphores seraient des outils de l'interprétation philosophique (cf. mythe de la caverne), de la même manière qu'ils le sont dans d'autres disciplines à visée plus restreinte comme la science, l'art, la littérature, etc.
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Message par kercoz Dim 1 Mai 2016 - 21:12

Entendu Umberto ECO dire un truc sidérant et génial sur la Littérature: La littérature n'est pas contestable !
C'est à dire qu'en entrant en lecture on se soumet au fil de l' histoire, on abdique toute contestation pour SUIVRE LE CHEMINEMENT du narrateur.
Ce qui est impossible pour toute forme d' échange sensées confronter des idées....Les forum en étant la démonstration: Même en parfait accord sur une idée ou un concept, nous refusons de suivre le cheminement de pensée de l' autre. Pourquoi le ferait on puisque le notre ( cheminement) aboutit au même but!
Les confrontations portent sur le cheminement d' idées plus que sur les idées.
Il me semble qu' il faut rapprocher ce refus de celui de changer de trajet sur un chemin connu, même quand on vous démontre qu' un autre est plus rapide ou plus court.
Celà tient au fait qu' un chemin connu ( et il l' est apres le premier trajet), repose l' esprit, le cerveau du fait des reconnaissances visuelles du parcours. Ce là permet de conduire en automatique , de se reposer , voire d' utiliser le cerveau à d'autres taches.
Il me semble que c'est ce que voulait dire ECO : La litterature FORCE le lecteur à suivre un cheminement de pensée. C'est un procédé de domination.

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Message par hks Dim 1 Mai 2016 - 22:18

Forum philosophie - Science et philosophie
très exactement c'est

http://www.forumdephilosophie.com/

talvera a écrit:je suis ravi de découvrir la contribution de Vangelis (inspirée de Ricoeur ?)
Mais nous ne pouvons qu'être ravi que vous le soyez .
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Message par talvera Lun 2 Mai 2016 - 7:52

kercoz : merci pour cette réponse. Votre point de vue est original. On peut voir aussi le récit comme un modèle.
hkl : Je cite un extrait du forum de philo pour voir s'il s'inscrit dans le fil du forum tel qu'il a été conçu ici. Je ne suis pas membre du forum de philo. Je le lis simplement. En revanche, je suis membre du forum Futura Science où je pourrais discuter avec vous à perte de vue de physique si vs le souhaitez.
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Message par talvera Lun 2 Mai 2016 - 12:17

Réponse à kerkoz :
1) Forum : Ne pensez-vous pas qu'il est important de se montrer agréable avec les participants - même si on n'est pas toujours d'accord ?
2) Littérature : La pensée d'Umberto Eco en matière de théorie littéraire est subtile et mériterait d'être exposée en détail ici pas à pas. On peut en avoir un aperçu rapidement sur le site de l'ifé : litterature.ens-lyon.fr/litterature/dossiers/theories-litteraires/reception/eco
Par exemple d'après UE, le texte est une machine paresseuse qui exige un travail coopératif du lecteur pour remplir les blancs. En conséquence, le texte laisse ses contenus à l’état virtuel en attendant une actualisation par le lecteur : le texte est toujours réticent car il présuppose une coopération interprétative….
Cette réflexion mérite d'être développée et articulée avec la philosophie de Sartre et de Ricoeur, par exemple. Je reviendrai dessus. Pour le moment je dois m'absenter.
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Message par kercoz Lun 2 Mai 2016 - 13:01

talvera a écrit:Réponse à kerkoz :
1) Forum : Ne pensez-vous pas qu'il est important de se montrer agréable avec les participants - même si on n'est pas toujours d'accord ?
2) Littérature : La pensée d'Umberto Eco en matière de théorie littéraire est subtile et mériterait d'être exposée en détail ici pas à pas. On peut en avoir un aperçu rapidement sur le site de l'ifé : litterature.ens-lyon.fr/litterature/dossiers/theories-litteraires/reception/eco
Par exemple d'après UE, le texte est une machine paresseuse qui exige un travail coopératif du lecteur pour remplir les blancs. En conséquence, le texte laisse ses contenus à l’état virtuel en attendant une actualisation par le lecteur : le texte est toujours réticent car il présuppose une coopération interprétative….
Cette réflexion mérite d'être développée et articulée avec la philosophie de Sartre et de Ricoeur, par exemple. Je reviendrai dessus. Pour le moment je dois m'absenter.

1/Bonjour, je suis désolé si j' ai pu paraitre désagréable, ce n'était pas mon intention.

2/ Même si la littérature impose au lecteur le dictat du cheminement de pensée, du moins lui laisse t il le plaisir de la "mise en scène".....ce qui n'est pas le cas du cinéma.

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Message par Courtial Lun 2 Mai 2016 - 13:38

Kercoz a écrit:Il me semble qu' il faut rapprocher ce refus de celui de changer de trajet sur un chemin connu, même quand on vous démontre qu' un autre est plus rapide ou plus court.
Celà tient au fait qu' un chemin connu ( et il l' est apres le premier trajet), repose l' esprit, le cerveau du fait des reconnaissances visuelles du parcours.

Propos étrange : l'expérience de la lecture, c'est plutôt la non-connaissance du cheminement et du résultat. C'est particulièrement le cas dans le roman policier (ou "d'action"), mais ça se retrouve un peu dans toutes les oeuvres : il faut bien que l'auteur nous donne envie de continuer à lire, et on le fait parce qu'on ne connaît pas la suite. Un roman universel et nécessaire, a priori, téléphoné, on le laisse tomber.

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Message par kercoz Lun 2 Mai 2016 - 13:59

Courtial a écrit:
Kercoz a écrit:Il me semble qu' il faut rapprocher ce refus de celui de changer de trajet sur un chemin connu, même quand on vous démontre qu' un autre est plus rapide ou plus court.
Celà tient au fait qu' un chemin connu ( et il l' est apres le premier trajet), repose l' esprit, le cerveau du fait des reconnaissances visuelles du parcours.

Propos étrange :  l'expérience de la lecture, c'est plutôt la non-connaissance du cheminement et du résultat. C'est particulièrement le cas dans le roman policier (ou "d'action"), mais ça se retrouve un peu dans toutes les oeuvres : il faut bien que l'auteur nous donne envie de continuer à lire, et on le fait parce qu'on ne connaît pas la suite. Un roman universel et nécessaire, a priori, téléphoné, on le laisse tomber.

Soit je m' exprime mal, soit tu me lis trop vite.
Ce que veut dire ECO , me semble t il, c'est que la littérature et surtout le roman, oblige le lecteur à suivre un cheminement de pensée. Ce cheminement oblige le lecteur a adopter le point de vue du personnage ou du narrateur. Il est possible de refuser ce chemin, mais lire l' ouvrage c'est l' accepter , de se " prêter" au jeu de rôle.
On voit bien que dans les échanges ( notamment ce lui ci), cette acceptation n'est pas réalisée, et je me sers de l' analogie du cheminement physique pour expliquer le refus ou la résistance à accepter le cheminement d' autrui.
Sous couvert du romanesque, la littérature peut te forcer à suivre un cheminement de pensée que tu refuserais autrement.

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Message par Courtial Lun 2 Mai 2016 - 15:12

Le raisonnement mathématique semble bien davantage imposer un cheminement, Descartes disait que la méthode synthétique "arrache le consentement" du lecteur. Le raisonnement philosophique aussi, dans une moindre mesure.
Sur ce plan, le cheminement romanesque paraît le moins autoritaire.

On pourrait, puisqu'il s'agit d'un fil consacré à Sartre, citer un autre texte (pas mentionné ci-dessus), son article "M. Mauriac et la liberté", que l'on trouve dans Situations I. Le fameux texte qui se termine par : "Dieu n'est pas un artiste. M. Mauriac non plus". Il reproche (injustement) à Mauriac d'adopter le point de vue de Dieu et de ne laisser aucune liberté ni à ses personnages ni au lecteur. On n'est pas sûr que Sartre s'en tire mieux dans ses propres romans, mais passons.

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Message par talvera Mar 3 Mai 2016 - 12:34

kercoz
Les forums en étant la démonstration : même en parfait accord sur une idée ou un concept, nous refusons de suivre le cheminement de pensée de l'autre. Pourquoi le ferait-on puisque le nôtre (cheminement) aboutit au même but !

Ne faudrait-il pas le faire par empathie ?

Courtial
l'expérience de la lecture, c'est plutôt la non-connaissance du cheminement et du résultat.

La référence à Umberto est bienvenue dans le contexte de cette discussion sur le livre de Sartre (qui introduit ici un débat "littérature et philosophie"). Cependant l'approche de kerkoz doit être nuancée comme le fait justement Courtial.
Je dirais même davantage que pour Umberto Eco, le texte joue sur la plus-value de sens qui est introduite par le destinataire. Par la lecture, le lecteur va parvenir à construire et à habiter un univers que lui propose le texte. Pour Eco, comme pour Sartre et pour Ricoeur il y aurait une sorte d'interaction socio-constructiviste entre l'auteur et son texte et le texte et ses lecteurs. Le cercle herméneutique est un aller-retour incessant entre l’interprétation et nos structures d'anticipation, nécessaire à toute compréhension, qui l’alimentent. Il existe un domaine de la recherche propre à la science et à la philosophie, tandis que la littérature offre un domaine plus large qui permet aux sentiments de se manifester (dans le concept, que reste-t-il de l'orange ou de l'abricot ?). C’est de la notion de génie, qui émerge à la Renaissance, que naîtra le concept de littérature. Car c’est autour du génie que se cristalliseront les idées qui contribueront à la formation de notre conception de littérature. L'intérêt philosophique du roman, en tant qu'il est une représentation de la vie humaine par le biais de la représentation d'existences singulières, est de fournir à la philosophie morale le matériau pour une analyse plus juste de l'expérience morale. Écrire son autobiographie, c'est d'abord prendre conscience de soi. Chez Sartre, l'autobiographie achève, situe, et dépasse, la tâche de l'anthropologie philosophique. Le texte littéraire peut-être vue aussi comme un outil heuristique puissant. La textualisation met en oeuvre une relation dialectique entre expliquer et comprendre qui montre que l’explication ne saurait se réduire à la simple causalité. L’inscription de l’explication dans la compréhension est l’un des principaux indices de la conciliation épistémologique qui s’illustre dans la greffe de l’herméneutique sur la méthode phénoménologique. C'est ainsi que la littérature et l'art assument  à plein titre un droit à penser qui participe à une mise en œuvre de la vérité. On pourrait donc dire que la littérature est une manière supérieure de pensée philosophique, en retour, on pourrait dire que la philosophie, qui a toujours porté un intérêt très vif à la littérature, est un genre littéraire particulier.
Pierre Macherey : « Littérature et/ou Philosophie ».  philolarge.hypotheses.org/1175
Au fil d’un article sur Lautréamont, André Breton écrit : « Je crois que la littérature tend à devenir pour les modernes une machine puissante qui remplace avantageusement les anciennes manières de penser. ») Ceci paraît signifier que, à l’époque de la modernité, la littérature a vocation à prendre la relève, entre autres, de la philosophie, c’est-à-dire, en clair, de penser à sa place. L’auteur qui, dans la première moitié du XXe siècle, a fait expressément de cette possibilité le principe directeur de sa démarche d’écrivain, est Paul Valéry, comme il l’explique dans un texte sur « Léonard et les philosophes » repris dans Variétés : « Si donc l’on ne tient aucun compte de nos habitudes de pensée pour se réduire à ce que montre un regard actuel sur l’état des choses de l’esprit, on observe facilement que la philosophie, définie par son œuvre qui est œuvre écrite, est objectivement un genre littéraire particulier, caractérisé par certains sujets et par la fréquence de certains termes et de certaines formes. Ce genre si particulier de travail mental et de production verbale prétend toutefois à une situation supérieure par la généralité de ses visées et de ses formules : mais comme il est destitué de toute vérification extérieure, qu’il n’aboutit à l’institution d’aucun pouvoir, que cette généralité même qu’il invoque ne peut ni de doit être considérée comme transitoire, comme moyen ni comme expression de résultats vérifiables, il faut bien que nous le rangions non trop loin de la poésie. ».


Dernière édition par talvera le Mar 3 Mai 2016 - 19:36, édité 2 fois
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Message par kercoz Mar 3 Mai 2016 - 16:27

talvera a écrit:
kercoz
Les forums en étant la démonstration : même en parfait accord sur une idée ou un concept, nous refusons de suivre le cheminement de pensée de l'autre. Pourquoi le ferait-on puisque le nôtre (cheminement) aboutit au même but !

Ne faudrait-il pas le faire par empathie ?



Les interactions sur un forum limitent la possibilité d' empathie ( pas assez d' investissement dans l' interaction, du fait qu' il y a peu de risque de "perdre la face" avec les possibilité d'évitements qui n'existent pas dans la "vraie vie"// Goffman dit que toute interaction est une "prise de risque") ).
De plus , même dans la vraie vie quand il faut à la fois assurer les deux approches d' un sujet ( la sienne et celle d' un interlocuteur), c'est un effort difficile à assumer dans sa continuité.

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Message par talvera Mar 3 Mai 2016 - 18:38

Qu’est-ce que la littérature ? est un manifeste contre l’art pour l’art (que représente le mouvement surréaliste d'après guerre - pour les surréalistes de 1947, la poésie/la littérature, qui touche au coeur de toute culture est en elle-même sa propre cause, et à ce titre est dépourvue de transitivité). Selon Sartre, la responsabilité de l’écrivain n’est pas seulement de témoigner, mais aussi de changer la société : l’écrivain engagé sait que la parole est action : il sait que dévoiler (ce terme dévoiler indique la charge philosophique de la littérature) c’est changer et qu’on ne peut dévoiler qu’en projetant de changer. Aujourd'hui, nous savons, en effet, qu'écrire, c’est entrer en scène -telle qu'on la décrypte dans le roman (Stéphane Lojkine, La Scène de roman) ou que la décrit le sociologue Erving Goffman (La Mise en scène de la vie quotidienne). Selon Tzvetan Todorov, (La littérature en péril) un certain nombre d’écrivains, ont, par leur désir de couper la littérature du monde, imposé de cette dernière une vision réduite à l’absurde. Todorov analyse le déclin des sections littéraires en France comme le résultat des instructions officielles qui oublient de rappeler que la littérature est avant tout affaire de sentiments et de sens.
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