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Nietzsche et le darwinisme

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Message par raphael rollet Ven 4 Juin 2010 - 11:25


Nietzsche et le darwinisme
La position de Nietzsche est ambiguë envers le darwinisme. Dans des fragments de 1871à 1881, il manifeste son soutien à la théorie et l'utilise pour attaquer le christianisme en s'interrogeant sur "dans quelle mesure la présupposition et l'interprétation chrétienne survivent encore sous les formules "nature", "progrès", "perfectionnement", "darwinisme"" et parle du "darwinisme, que je tiens d'ailleurs pour vrai".



Après cette période, il s'avère de plus en plus sceptique à son égard*. Pour lui la lutte pour la vie du darwinisme" n'est qu'une exception, une restriction momentanée de la volonté de vivre; la grande et la petite lutte tournent partout autour de la prépondérance, de la croissance, du développement et de la naissance conformément à la volonté de la puissance qui est justement la volonté de vie."
Un passage du Gai Savoir relève bien cet état d'esprit: "Les physiologies devraient réfléchir avant de faire de l'instinct de conservation l'instinct fondamental d'un être organique. Avant tout un être veut donner libre cours à sa force,-la vie est volonté de puissance et l'instinct de conservation n'en qu'une des conséquences indirectes les plus fréquentes.-Bref, ici comme partout, méfions-nous des principes théologiques superflus, comme l'est l'instinct de conservation (que l'on doit à l'inconséquence de Spinoza)"
Dans Anti-Darwin (crépuscules des idoles), il réaffirme cette position et rajoute "elle se termine malheureusement d'une façon contraire à celle que désirait l'école de Darwin, à celle que l'on serait peut-être en droit de désirer d'elle: je veus dire au détriment des forts, des privilégiés, des exceptions heureuses. Les espèces ne croissent point dans la perfection: les faibles finissent toujours par se rendre maitres des forts- c'est parce qu'ils ont le plus grand nombre"
Le concept de l'eternel retour où la force centrifuge chasse et sélectionne le meilleur peut toutefois être rapproché de la théorie de l'évolution.

Notes et références

Cette page est isue d'une page dont je suis l'auteur sur le site: http://questions-du-monde.creerforums.fr/

*Vouloir se conserver soi-même, c'est l'expression d'un état de détresse, d'une restriction du véritable instinct de vie qui tend à l'élargissement de la puissance et qui, fort de cette volonté, met souvent en question et sacrifie la conservation de soi. Il faut voir un symptôme dans le fait que certains philosophes, comme par exemple Spinoza, le poitrinaire, ont considéré, ont du justement considérer ce que l'on appelle l'instinct de conservation comme cause déterminante:-c'est qu'ils étaient des hommes en plein état de détresse. Si nos sciences naturelles modernes se sont à tel point engagées dans le dogme spinoziste, (en dernier lieu et de la façon la plus grossière avec le darwinisme et sa doctrine incompréhensiblement unilatérale de la "lutte pour la vie"-), c'est probablement peuple l'origine de la plupart des naturalistes qui en est cause: en cela ils appartiennent au "peuple", leurs ancêtres étaient pauvres et petites gens qui connaissaient de trop près les difficultés qu'il ya à se tirer d'affaire; Le darwinisme anglais tout entier respire une atmosphère semblable à celle que produit l'excès de population dans les villes anglaises , l'odeur des petites gens misérablement à l'étroit. Mais lorsque l'on est naturaliste, on devrait sortir de ce recoin humain, car dans la nature règne non la détresse mais l'abondance, et même le gaspillage jusqu'à la folie ? La lutte pour la vie n'est qu'une exception, une restriction momentanée de la volonté de vivre; la grande et la petite lutte tournent partout autour de la prépondérance, de la croissance, du développement et de la naissance conformément à la volonté de la puissance qui est justement la volonté de vie.

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Message par Courtial Jeu 17 Juin 2010 - 15:38

Dans Anti-Darwin (crépuscules des idoles), il réaffirme cette position
et rajoute "elle se termine malheureusement d'une façon contraire à
celle que désirait l'école de Darwin, à celle que l'on serait peut-être
en droit de désirer d'elle: je veus dire au détriment des forts, des
privilégiés, des exceptions heureuses. Les espèces ne croissent point
dans la perfection: les faibles finissent toujours par se rendre
maitres des forts- c'est parce qu'ils ont le plus grand nombre"

Ne faudrait-il pas distinguer le darwinisme des théoriciens anglais (c'est le "darwinisme social" qui est visé ici, non?) et la compréhension que nous en avons aujourd'hui.
Les notions de "faible" et de "fort" sont des plaquages idéologiques fort contestables. On dira plutôt aujourd'hui que survivent ceux qui sont favorisés par le milieu et les modifications de celui-ci, ce qui se produit par hasard et non en vertu d'une "force" intrinsèque, encore moins "les meilleurs" (par rapport à quoi) ou "le petit nombre" (au nom de quelle finalité obscure?).

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Message par raphael rollet Ven 19 Nov 2010 - 18:26

Excusez moi de mon temps de réponse.
Avec le recul sur ce message, je pense qu'il y a effictivement beaucoup d'erreurs d'inteprétations de la théorie darwinienne, de rajouts personnels négatifs ou non. Je suis en train de lire "L'Origine des espèces" et je suis frappé de voir combien la notion d'évolution n'est pas présente mais plutot la notion de selection naturelle. Mais ces problèmes sont pour moi du au caractère non complet de la théorie de Darwin, qui a toujours craint sa théorie en opposition avec l'église. Je ne pense pas que l'onn puisse parler de hasard dans une théorie scientifique complète. Si c'est sous l'effet d'un milieu, alors ce n'est pas le hasard. Il y a donc bien une sélection des meilleurs mais le caractère non complet ne nous permet pas de voir les restrictions de cette règle vraie, "grosso modo"Par exemple le milieu est-il vraiment réprésentatif de la généralité et donc propice à un developpement uniforme de l'intelligence en fonction?

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Message par quid Dim 5 Aoû 2012 - 2:18

En lisant "Ainsi parlait Zarathoustra", seule oeuvre de Nietzche que j'ai lue, j'ai nettement senti cette trame darwiniste.

Retrospectivement, j'ai l'impression qu'avec cette théorie, montrant qu'une finalité ou un dessein n'est pas nécessaire , il a pu sereinement se lancer dans le démontage en règle des ces dernières et affirmer le caractère chimérique des croyances. C'est un peu le marteau qui lui permet d'enfoncer le clou.

D'ailleurs, après cela, il a du proposer une sorte d'alternative dans la seconde partie. Difficile de savoir si la première partie était le prélude ou l'objectif.

Il met entre autre en relief le caratère souhaitable de la mort pour ceux en bout de course.
En gros la mort est plus souhaitable que vouloir prolonger sa vie à tous prix au détriment d'une vérité de fait, où la mort fait partie du principe, et par là porter des idées aussi artificielles que les chimères précédentes.

On voit ainsi, que l'instinct de conservation n'est pas quelques chose que Nietzche approuve.

Cela est bien en accord avec le principe darwiniste, car effectivement l'instinct de survie d'un individu est un caractère parmi d'autres permettant la perpetuation d'une espèce, et de la vie en général.
Dans le darwinisme, la perpetuation d'un individu n'est rien, seule la perpetuation d'une espèce est probante, car tout individu biologique est appelé à mourir.

Cependant j'ai été surpris de l'apparition de sa notion de surhomme (que je n'ai pas forcément comprise). Comme s'il fallait combler son "Chiméricide" par une alternative cohérente et apportant du sens.

Sur la base d'une démarche s'apparentant au darwinisme, il venait de créer lui-mème une chimère, celle de l'interprétation de l'évolution en tant qu'amélioration, et non en tant qu'adaptation. Propulsant peut-être l'homme et son devenir comme la voie de l'évolution et un dessein assez vague : le Surhomme.

Mais surement n'ai-je pas compris cette dernière notion.
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Message par boutros Dim 5 Aoû 2012 - 4:15

Le concept de surhomme n'a pas grande chose à avoir avec Le Darwinisme ! Le surhomme est tout simplement l'homme: qui a compris qu'il n y a pas de vérité (morale ou autres) en dehors de sa volonté de puissance, qui a compris que dieu n'est plus et que la création de la vie lui revient à lui, d’où l'importance de l’intérêt que donne Nietzsche à la tragédie grecque. Lisez au moins " Ecce Homo " vous verrez cela.

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Message par Geo Rum Phil Dim 5 Aoû 2012 - 13:08

quid a écrit:[...] il venait de créer lui-mème une chimère, celle de l'interprétation de l'évolution en
tant qu'amélioration, et non en tant qu'adaptation.

boutros a écrit:
Le surhomme est tout simplement l'homme: qui a compris qu'il n y a pas de vérité (morale ou autres) en dehors de sa volonté de puissance,[...]

En osant m'exprimer en dehors de sa volonté de puissance, je dirais qu'il est plus facile a s'adapter à leurs erreurs de jugement qu'améliorer notre intellect en réfléchissant par nous mêmes ! :)
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Message par poussbois Dim 5 Aoû 2012 - 13:31

Je connais mal Nietzsche et un peu mieux Darwin. Comme le signale Bergame mais également R. Rollet après sa lecture de "l'origine des espèces", la théorie darwinienne est généralement plus complexe que ce qu'on en retient. Elle a été largement pervertie par les utilitaristes et libéraux anglais qui vont la recycler par la suite dans des modèles sociaux anthropiques.

Une des pistes pour comprendre le problème rencontré par Nietzsche face à l'application sociale du darwinisme serait peut être sa proximité avec la pensée grecque : Nietzsche était philologue en début de carrière (voir son livre sur « l’héritage divin des grecs ») et je pense que son illumination concernant l’Eternel retour est sans-doute en relation avec la conception cyclique du temps des philosophes antiques ( ?). Or, on retient surtout du darwinisme la notion d’évolution qui, dans ce cadre, doit énormément gêner Nietzsche.

Pourtant, comme l’a rappelé R. Rollet, la théorie de Darwin se base sur le principe de l’adaptation des espèces à leur environnement et il ne parle pas réellement d’évolution. L’évolution des espèces a été plus largement développée par les contradicteurs de Darwin, qui dans leur pensée fautive et pour une bonne part théiste voulait retrouver une finalité, un but, un projet, même dans une théorie qui souhaitait en faire l’économie. Ce projet se retrouve ensuite dans le darwinisme social : une sélection qui abouti à la sélection des meilleurs dans le cadre d’une évolution, d’un projet qui aboutira à une élite parfaite. Pas dans le Darwinisme de l'origine des espèces.

En biologie, cette notion d’évolution est d'ailleurs largement remise en cause par les nouvelles théories écologiques qui reviennent à des approches du temps de type cyclique. Si on s'en tient à l'œuvre de Darwin au sens strict, je ne vois pas vraiment l'antinomie qu'il peut y avoir entre les théories de ces deux penseurs, sachant que si Darwin a été un précurseur de l’écologie scientifique, que ces théories sont incomplètes par rapport à nos connaissances actuelles, elles sont toujours aussi justes et d’actualité. La sélection naturelle Darwinienne est bien loin de sa simplification par le darwinisme social. C’est ce darwinisme social qui me semble plus être critiqué par Nietzsche.

Mal compris et perverti, Darwin a été comme Nietzsche victime du même phénomène étrange : récupéré par des penseurs à l’esprit court, on retient de ses théories l’antithèse de ce qu’il voulait réellement exprimer… Comme Camus parlant de Nietzsche, je pourrais dire de Darwin que « nous ne finirons jamais de réparer l’injustice qui lui a été faite » (L’Homme révolté – la révolte métaphysique).


Dernière édition par poussbois le Lun 6 Aoû 2012 - 13:51, édité 1 fois
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Message par Geo Rum Phil Dim 5 Aoû 2012 - 14:05

poussbois a écrit: Comme Camus parlant de Nietzsche, je pourrais dire de Darwin que « nous ne finirons jamais de réparer l’injustice qui lui a été faite » (L’Homme révolté – la révolte métaphysique).

Ne t'enquêtes pas, son arbre généalogique dans le quel pousse des titres de noblesse, il est arrosé par son grand père Erasmus Darwin. On sait pas dans quel espèce d'oiseau préhistorique predateur il a arraché sa plume fictivo-hypothétique. Wink

Nietzsche et le darwinisme 220px-Portrait_of_Erasmus_Darwin_by_Joseph_Wright_of_Derby_(1792)
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Message par Courtial Dim 5 Aoû 2012 - 15:14

raphael rollet a écrit:Excusez moi de mon temps de réponse.
Avec le recul sur ce message, je pense qu'il y a effictivement beaucoup d'erreurs d'inteprétations de la théorie darwinienne, de rajouts personnels négatifs ou non. Je suis en train de lire "L'Origine des espèces" et je suis frappé de voir combien la notion d'évolution n'est pas présente mais plutot la notion de selection naturelle. Mais ces problèmes sont pour moi du au caractère non complet de la théorie de Darwin, qui a toujours craint sa théorie en opposition avec l'église. Je ne pense pas que l'onn puisse parler de hasard dans une théorie scientifique complète. Si c'est sous l'effet d'un milieu, alors ce n'est pas le hasard. Il y a donc bien une sélection des meilleurs mais le caractère non complet ne nous permet pas de voir les restrictions de cette règle vraie, "grosso modo"Par exemple le milieu est-il vraiment réprésentatif de la généralité et donc propice à un developpement uniforme de l'intelligence en fonction?

Darwin n'a pas inventé la "théorie de l'évolution". On peut lire les matérialistes français (Maupertuis, Diderot bien sûr, et naturellement encore Larmarck) pour se convaincre que le "transformisme" et l'évolution (savoir l'idée que les espèces animales n'ont pas toujours été ce qu'elles sont aujourd'hui, mais qu'au contraire leurs formes résultent d'un processus et non d'un "fixisme" etc.) étaient déjà bien connus.
Mais tous les auteurs que j'ai cité et les autres se sont contentés de supposer ou de constater (en fait un mélange des deux, comme toujours), mais pourquoi il y a une évolution ? Pourquoi elles ne restent pas comme elles étaient au départ, les espèces ? Y a-t-il quoi que ce soit qui m'obligerait à être différent de ce que je suis, à partir du moment où je suis ? Et si oui, c'est quoi cette force qui produit de la différence ?
Et c'est là que Darwin intervient : il démontre qu'il y a un mécanisme, un moteur, et qui est - là est sa découverte géniale, pas l'idée d'évolution - la selection naturelle.
Donc qu'il parle plus de "sélection naturelle" que d'"évolution", tu m'étonnes! Il a trouvé un concept très brillant, très "économique" (trop, selon Nietzsche, je le veux) - ce dernier terme étant pris au sens d'une économie de principes : il n'y a pas besoin de supposer trop de choses pour voir "fonctionner" la sélection naturelle. Ce que voit donc Darwin d'abord, c'est qu'il a trouvé un concept puissant pour rendre compte de ce que beaucoup d'esprits éclairés ont observé depuis un siècle ou presque, mais sans se montrer suffisants touchant cette matière.
Notons qu'il ne se presse pas pour le publier. Ses observations et la constitution de sa théorie peut être datée des années 1825-30, il publie en 1859. Pas trop pressé quand même, le gars, pas acharné à arracher le scoop ou à "faire le buzz", hein, on dirait ? (J'ai lu des textes très contradictoires sur ce "silence" ou au moins cette paresse ou pusillanimité, mais je connais très mal Darwin, je serais heureux de lire des précisions si passe par ici une personne ayant des lumières darwiniennes plus éclairantes)

Darwin a condamné explicitement les dérives de Spencer et du "darwinisme social", cette manière de plaquer le schéma d'une sélection naturelle sur les logiques de dominations sociale et politique.
Ce qui me paraît désolant, c'est la neutralisation de tout cela sous la politique.

Ceci était la philosophie.

Pour le chapitre "Cuisine et Tuyauterie" =
Nietzsche, c'est compliqué, hein... ?
Mais il a lu Spencer et il cite surtout Spencer. Il y a un passage de Par delà bien et mal ou c'est bien Spencer qui est cité. Nietzsche l'a lu. Darwin, je ne sais pas, et je ne me souviens pas de citations de Darwin. (Nietzsche était un immense lecteur, il était le plus grand lecteur, le fait qu'il cite quelque chose n'est pas du tout une anecdote, un bavardage, ou encore moins une manière "d'étaler sa science", etc.).
Dans le passage auquel je songe (j'essaie de vous le retrouver, promis ! ) il impute à Darwin (et pas "Spencer", à ce moment-là) d'avoir dit que la Nature choisit les Meilleurs et autres conneries ejusdem farinae.
La sélection naturelle signifie que c'est le hasard (que tu ne penses pas qu'une théorie "complète" admette le hasard ne me semble pas suffisant, en l'absence de tout argument) qui décide finalement de la sélection, qui n'est donc pas celle des "meilleurs" - notion dont le caractère non scientifique est, je crois, évident.


Dernière édition par Courtial le Lun 6 Aoû 2012 - 1:48, édité 1 fois

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Message par boutros Lun 6 Aoû 2012 - 1:37

" En osant m'exprimer en dehors de sa volonté de puissance, je dirais qu'il est plus facile a s'adapter à leurs erreurs de jugement qu'améliorer notre intellect en réfléchissant par nous mêmes ! "
En osant vous vous exprimez en dehors de sa volonté de puissance, vous vous exprimez en votre volonté de puissance, puissance sans doute qui vous amènera au-delà de toutes les volontés de puissance. Dans ce cas il est évident que vous puissiez améliorer votre intellect en réfléchissant vous même pour vous même. Voilà qui fait une pensée libre, trop libre !
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Message par euthyphron Lun 6 Aoû 2012 - 11:24

Qu'est-ce qui intéresse Nietzsche dans l'oeuvre de Darwin? Je propose trois hypothèses, évidemment compatibles.
1) Darwin est un allié de poids dans la tentative d'éradication du judéo-christianisme. On voit mal en effet comment concilier le darwinisme et l'idée d'un Dieu créateur.
2) Le darwinisme est une méta-théorie, valable au-delà de son champ d'expérience. Cette méta-théorie valorise la lutte par rapport à la paix. En ce sens, Nietzsche a pu voir en Darwin un précurseur de sa propre pensée.
3) Mais, comme l'ont opportunément rappelé Poussbois et Courtial, la sélection naturelle au sens darwinien n'est en rien finaliste. Il ne s'agit pas d'un procédé de la nature pour améliorer le vivant, mais d'un mécanisme, indifférent à toute valeur. Il faut quand même un principe d'explication, pour comprendre que c'est telle évolution qui s'est produite et pas telle autre. Ce principe, c'est, si je ne me trompe, l'adaptation à la survie, qui dépend de l'environnement. Ici, Nietzsche peut se distinguer, en rejetant l'étroitesse supposée de cette conception de la vie, qui ne serait orientée que vers la survie. Le combat de la vie n'est pas un simple combat pour la survie, mais pour l'affirmation de soi et de sa puissance.
Cela fait donc deux raisons pour Nietzsche d'approuver Darwin, et une de le rejeter. Quant aux problèmes épistémologiques que pose l'évolutionnisme, j'ai peur que cela n'intéresse pas vraiment Nietzsche.

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Message par quid Lun 6 Aoû 2012 - 22:36

Oui, finalement, après vous avoir lu et réflexion, Nietzsche n'emprunte pas grand chose au Darwinisme (du moins dans ce que j'ai lu).
Ceci étant ma première lecture de Nietzsche, j'ai juste été leurré par son approche terre à terre et anti-idéaliste. Du coup sa démarche étant celle-ci, il est normal qu'il ait une vision orientée de la condition humaine et des mécanismes vitaux ; notamment sur le coté fugitif, arbitraire et continu du vivant. D'ailleurs sa vision reste centrée sur l'Homme, alors que le Darwinisme ne l'est pas spécialement.

J'ai commencé Ecce Homo, et je suis tombé la dessus (ça ne prouve rien mais bon !) :

D'autres bêtes à cornes savantes, à cause de ce mot ("Surhumain" ou "Surhomme") m'ont suspecté de darwinisme; on a même voulu y retrouver le "culte des héros" de ce grand faux monnayeur inconscient qu'était Carlyle, ce culte que j'ai si malicieusement rejeté. - Nietzsche.

D'un autre côté, le message de Nietzsche semble être celui-ci :

Cessez de mépriser le monde et le corps, au profit d'idoles et de chimères, ceci est contre-nature, et va à l'encontre de l'élan naturel et fondamental. Vous vous avancez vers la désillusion, l'insatisfaction et le ressentiment et au final vers l'immobilisme ("Le dernier homme"). Acceptez le jeu incontournable qui vous est offert, accompagnez le, devenez "Surhomme".

En somme : Soyez adapté en esprit ou disparaissez.
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Message par poussbois Mar 7 Aoû 2012 - 10:22

Culte des héros qui deviendra par la suite la théorie des grands hommes chez Emerson, c'est cela ? A l'évidence, Nietzsche est à l'opposé de ce genre d'attitudes. Par contre, s'il est un immense lecteur, il est imprécis dans sa politique. Ici, le terme "darwinisme" recoupe trop de notions différentes voire contradictoires pour être facilement utilisable ou compréhensible. Dans le sens où il l'utilise, j'ai l'impression que c'est à un darwinisme tardif et éloigné du texte de référence qu'il fait référence. Il y a près de 40 ans entre les deux ouvrages (L'origine des espèces et Ecce homo).

En complément de l'intervention de Courtial : les précurseurs français de Darwin

Où l'on voit que, si les pensées mécanistes et matérialistes sont bien présentes, le transformisme reste très spéculatif jusqu'à Darwin. L'évolutionnisme de ce dernier présente l'originalité d'une argumentation scientifique avec une approche globale très puissante. Le plus proche de Darwin, c'est probablement Saint-Hilaire dont j'avais lu le traité de tératologie il y a bien longtemps. Mais s'il aborde le mécanisme de cette évolution, son sujet est trop spécialisé (les monstres) pour avoir valeur universelle.

Ce qui me fait rebondir vers la théorie des grands hommes : il n'y a pas, ni chez Darwin, ni chez Saint-Hilaire, de jugement de valeur sur les adaptations spécifiques, ce que Nietzsche aurait également rejeté. C'est même l'inverse chez Saint-Hilaire qui observe plutôt les déviations accidentelles, monstrueuses au départ, avant de devenir des traits communs.

Les grands biologistes de ce siècle resteront Darwin et Mendel, même si tout deux auront profité des intuitions et travaux préliminaires d'autres chercheurs et penseurs (moi aussi, j'ai du mal avec le culte des héros... Wink). Et d'après moi, la philosophie de Nietzsche est parfaitement compatible avec ces théories scientifiques, au moins pour Darwin.
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Message par Courtial Mar 7 Aoû 2012 - 21:46

euthyphron a écrit:, la sélection naturelle au sens darwinien n'est en rien finaliste. Il ne s'agit pas d'un procédé de la nature pour améliorer le vivant, mais d'un mécanisme, indifférent à toute valeur. Il faut quand même un principe d'explication, pour comprendre que c'est telle évolution qui s'est produite et pas telle autre. Ce principe, c'est, si je ne me trompe, l'adaptation à la survie, qui dépend de l'environnement. Ici, Nietzsche peut se distinguer, en rejetant l'étroitesse supposée de cette conception de la vie, qui ne serait orientée que vers la survie. Le combat de la vie n'est pas un simple combat pour la survie, mais pour l'affirmation de soi et de sa puissance.
Cela fait donc deux raisons pour Nietzsche d'approuver Darwin, et une de le rejeter. Quant aux problèmes épistémologiques que pose l'évolutionnisme, j'ai peur que cela n'intéresse pas vraiment Nietzsche.

Tout à fait. Sur le plan philosophique, Nietzsche ne peut que rejeter une conception de la vie qui la réduit à un simple processus d'adaptation, et par conséquent un "se maintenir", une conservation. Point évident et que Nietzsche ne songe pas à nier = toute vie tend à se maintenir en vie, tout être à "persevérer dans l'être" (Spinoza), mais la question est de savoir si c'est suffisant, si pointer cet élément indispensable épuise le sujet...
Mais je voulais profiter de cette remarque pour faire observer que la question du darwinisme et de son éventuel dépassement soulevait au fond, pour Nietzsche, la question de l'art, de sa fonction, et en particulier de son rapport avec la vérité. Et, on le voit, des questions philosophiques lourdes.
La force de la vie qui tend en elle à toujours se réassurer, se maintenir, conserver, conforter se constitue en volonté de vérité. Rien de mieux pour la vie que le vrai, pour s'assurer, se garantir, se maitreetpossesseuriser, etc. Nietzsche classe donc toutes les valeurs de vérité, objectivité, certitude, raison, etc. du côté de la conservation de la vie. L'aspect conquérant, novateur, pas purement défensif donc créateur, donc aussi destructeur par là-même etc. est mieux représenté dans la dimension de l'art. "L'art est le grand stimulant à la vie" (Crépuscule des idoles) Pas seulement être en vie ni continuer à être en vie, mais poussant à plus de vie.

Pour une vue plus complète de la confrontation Nietzche/Darwin, la question de l'art est
donc à considérer...

Sur la question plus fondamentale - et à la base, philosophique - du survivre (et donc maintenir, conserver, protéger, défendre, etc.) et de vivre (conquérir, gagner, etc.) et son aspect essentiel, on peut lire aussi des choses comme :

Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part a écrit:Conservation et accroissement caractérisent les traits fondamentaux de la vie. A l'essence de la vie appartient de vouloir croître, l'accroissement perpétuel. Toute conservation de la vie est déjà au service d'une croissance de vie. Toute vie qui se borne à la pure conservation est déjà déclin. S'assurer l'espace vital, par exemple, n'est jamais, pour ce qui est vivant, un but, mais un moyen d'accroissement de la vie. Inversement la vie accrue augmente à son tour son besoin initial d'élargissement de l'espace. Mais aucun accroissement n'est possible s'il n'existe pas au préalable et n'est pas conservée ensuite une base, un fonds (Bestand)assuré, et ainsi seulement capable d'accroissement. Le vivant est donc une association formée par la combinaison de deux traits fondamentaux : accroissement et conservation. En d'autres termes, il est une "formation complexe de vie" (...) "Les formations complexes de vie" dépendent des conditons de la conservation et de la stabilisation de leurs fonds, de telle sorte d'ailleurs que ce fonds stable ne se maintient que pour devenir, dans l'accroissement, instable. La durée de ses formations complexes de la vie repose sur la relation réciproque de l'accroissement et de la conservation.

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Message par poussbois Mer 8 Aoû 2012 - 9:49

C'est très moderne comme texte. L'écologue que je suis n'a rien à en retirer.

Ca m'a également rappelé la parabole de la liane qui s'appuie sur les grands chênes pour trouver le soleil :
Nietzsche, Par-delà le bien et le mal a écrit:Elle [une bonne et saine aristocratie] sera alors comparable à cette plante grimpante de Java — on l’appelle Sipo matador — qui, avide de soleil, enserre de ses multiples lianes le tronc d’un chêne, tant qu’enfin elle s’élève bien au-dessus de lui, mais appuyé sur ses branches, développant sa couronne dans l’air libre pour étaler son bonheur aux yeux de tous.

Ceci dit, il ne faut pas à l'instar des économistes libéraux, impliquer Darwin sur des sujets qu'il n'aborde pas. La question de l'art me semble un écueil qui est hors-sujet dans la pensée darwinienne. Il ne peut donc pas y avoir confrontation à ce niveau-là, mais plutôt dépassement de la pensée scientifique darwinienne par la pensée philosophique nietzschéenne. Darwin s’intéresse à la vie, nietzsche aspire à plus de vie. Il va donc bien au-delà de ce que peut envisager le biologiste.

Par contre, dans le cadre de ce "plus de vie", on pourrait encore trouver des similitudes entre ces deux personnages avec le constat de l’exubérance de la vie, le trop et l’inutile que la Nature produit hors de toute raison. C’est une idée qui court depuis longtemps, bien avant le XIXe, que la Nature est dispendieuse et serait en langage nietzschéen, du côté du dyonisiaque. Je m’avance peut-être un peu et il faudrait que je retourne au texte pour plus d’argument. Je retourne à ce beau livre pour arriver à suivre vos échanges…

Petite information à Courtial suite à ses précédentes remarques : Darwin explique en première partie qu’il a publié sur le tard son livre car il travaille dessus depuis de nombreuses années pour ne laisser aucun contre-argument dans l’ombre et assurer la solidité scientifique de sa théorie. Il a été obligé d’activer la finalisation de son œuvre, qui est « presque complète » après 22 ans de travail (!), pour accompagner les publications de Wallace qui propose les mêmes conclusions que lui. Autre temps, autre notion du temps et du travail…

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Message par baptiste Mer 8 Aoû 2012 - 15:33

Je suis assez mal à l’aise en lisant vos discussions. Un, parce que je n’ai rien lu de Nietzsche depuis des décennies et deux parce que l’on y mixe un peu trop facilement une théorie scientifique avec un système philosophique.

Le darwinisme est une théorie scientifique et en tant que tel réfutable (scientifiquement s’entend), hors non seulement le Darwinisme est réfutable mais il est suffisamment réfuté pour que l’on parle de néo-darwinisme aujourd’hui.
Si on veut parler de Nietzsche et Darwin il faudrait se replacer dans le contexte de l’époque. Darwin ne savait pas comment les caractéristiques des parents étaient transmises aux descendants. A cet égard il était tout à fait ce qu'on appelle aujourd'hui lamarckien. Il imaginait sans voir de difficultés que les habitudes de la vie pouvaient modifier les individus et se transmettre à la génération suivante. Il croyait comme ses contemporains à ce qu'on appelle l'hérédité des caractères acquis, c’est à dire la transmission aux descendants de caractéristiques acquises pendant la vie.

La vision actuelle est profondément éloignée, la plupart des néodarwiniens sont d'accord sur les processus de base. Ce qui est transmis de génération en génération, ce sont les gènes et seulement les gènes. Les individus sont appelés à disparaître, sur le plan biologique, seule leur information génétique leur survit, à travers leurs descendants. De ce fait, ce sont les gènes qui évoluent et les individus sont des artifices inventés par les gènes pour se reproduire. ( cf Dawkins « Le gène égoïste »). Mais il y a des néodarwiniens que ça choque.
Quand à l’implication religieuse elle est moins claire que l’on pourrait le croire,(cf Dieu versus Darwin. Les créationnistes vont-ils triompher de la science? Albin Michel, 2007 par Jacques Arnould, RP Dominicain, ingénieur agronome). La résistance au néodarwinisme n’est pas identique en pays catholiques et protestants. Pour les catholiques, l'épouvantail n'est pas le singe, ni l'évolution elle-même, mais la génétique. Le protestantisme admet plus facilement que le catholicisme une certaine prédétermination du sort des gens. Pour l'Eglise catholique c'est largement ce que l'individu fait durant sa vie qui détermine s'il sera sauvé ou pas. Ce n'est peut-être pas un hasard si la génétique s'est développée d'abord dans les pays protestants et a surtout rencontré des résistances dans les pays catholiques. Ce qui a du mal à passer chez nous, ce n'est pas le phénomène évolutif mais le fait qu'il y ait une information qui se transmet à travers nous et qui dans une certaine mesure décide à notre place. La résistance s'exprime différemment dans le monde anglo-saxon, où elle revêt la forme du créationnisme que dans le monde latin. Le créationnisme anglo-saxon, qui revient à la lettre du récit biblique, me semble lié à une répulsion totale à l'idée de descendre des singes. Pourquoi se fixer sur les singes ? On descend aussi des poissons... Mais la résistance ne vient pas seulement des religions. Quand Lyssenko a réussi à prendre le pouvoir en biologie il a fait interner tous les généticiens, pour incompatibilité avec le marxisme. La raison ? La génétique contrecarre l'idée que tout le monde est naturellement bon. C'est la génétique et non le darwinisme qui a été interdit en Russie. Cela fait douter que le noyau dur de la résistance au néodarwinisme vienne de la religion, vraisemblablement le phénomène est plus profond. La religion catholique, le marxisme, le protestantisme et la résistance à la génétique procèdent en réalité d'une même structure mentale globale.

La « volonté de puissance » de Nietzsche me paraît compatible avec un schéma néodarwinien, lorsqu’il écrit dans la « Généalogie de la morale » : « Mais on méconnaît alors l'essence de la vie, la volonté de puissance ; alors on néglige la prééminence de principe que possèdent les forces spontanées, agressives, envahissantes qui réinterprètent, réorientent et forment, dont l' « adaptation » ne fait que suivre les effets, alors on dénie dans l'organisme même le rôle dominateur des instances suprêmes, dans lesquelles la volonté vitale apparaît active et formatrice. » Mais encore une fois ce sont de vieilles lectures.

Pour pouvoir répondre il faudrait savoir quelles sont les parts respectives de la contingence, du hasard et de la nécessité ?

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Message par Invité Mer 8 Aoû 2012 - 16:40

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Message par quid Mer 8 Aoû 2012 - 21:50

Courtial a écrit:
euthyphron a écrit:...Il faut quand même un principe d'explication, pour comprendre que c'est telle évolution qui s'est produite et pas telle autre. ....Le combat de la vie n'est pas un simple combat pour la survie, mais pour l'affirmation de soi et de sa puissance...Quant aux problèmes épistémologiques que pose l'évolutionnisme, j'ai peur que cela n'intéresse pas vraiment Nietzsche.
Tout à fait. Sur le plan philosophique, Nietzsche ne peut que rejeter une conception de la vie qui la réduit à un simple processus d'adaptation, et par conséquent un "se maintenir", une conservation. Point évident et que Nietzsche ne songe pas à nier = toute vie tend à se maintenir en vie, tout être à "persevérer dans l'être" (Spinoza), mais la question est de savoir si c'est suffisant, si pointer cet élément indispensable épuise le sujet...
...Nietzsche classe donc toutes les valeurs de vérité, objectivité, certitude, raison, etc. du côté de la conservation de la vie. L'aspect conquérant, novateur, pas purement défensif donc créateur, donc aussi destructeur par là-même etc. est mieux représenté dans la dimension de l'art. "L'art est le grand stimulant à la vie" (Crépuscule des idoles) Pas seulement être en vie ni continuer à être en vie, mais poussant à plus de vie.

Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part a écrit:Conservation et accroissement caractérisent les traits fondamentaux de la vie. A l'essence de la vie appartient de vouloir croître, l'accroissement perpétuel. Toute conservation de la vie est déjà au service d'une croissance de vie. Toute vie qui se borne à la pure conservation est déjà déclin. S'assurer l'espace vital, par exemple, n'est jamais, pour ce qui est vivant, un but, mais un moyen d'accroissement de la vie. Inversement la vie accrue augmente à son tour son besoin initial d'élargissement de l'espace. Mais aucun accroissement n'est possible s'il n'existe pas au préalable et n'est pas conservée ensuite une base, un fonds (Bestand)assuré, et ainsi seulement capable d'accroissement. Le vivant est donc une association formée par la combinaison de deux traits fondamentaux : accroissement et conservation. En d'autres termes, il est une "formation complexe de vie" (...) "Les formations complexes de vie" dépendent des conditons de la conservation et de la stabilisation de leurs fonds, de telle sorte d'ailleurs que ce fonds stable ne se maintient que pour devenir, dans l'accroissement, instable. La durée de ses formations complexes de la vie repose sur la relation réciproque de l'accroissement et de la conservation.
Je voulais rebondir sur cette intervention pour présenter la petite réflexion personnelle qui suit, un peu épistémologique, mais sans prétention. Les quelques lourdeurs d'explications sont plus pour essayer de bien faire comprendre la démarche de la réflexion plutôt que d'essayer de prouver quelque chose. Je voulais ainsi essayer de retrouver cette notion d'accroissement pointée par Courtial, chez Darwin, ou peut-être plutôt dans le neo-darwinisme ; ce qui est donc tout à l'honneur de Nietzshe s'il n'y avait pas accès à l'époque. Excusez moi d'avance pour la longueur.

Le maintient de la vie est juste une constatation probante, un truisme en quelque sorte.

Ce qui est intéressant est d'identifier la raison de ce maintient, et l'accroissement me semble être la raison et donc en quelque sorte une modalité de la vie.

Je me bornerai à la vie tel qu'on la connaît et n'extrapolerai pas sur une vie à composantes multiples où l'objet incorporant le processus n'est pas « très » identifiable ou « diffus ».

Donc uniquement une vie « assez » identifiable portant en elle le processus de croissance, même si ce processus nécessite un apport énergétique qui n'est a priori pas considéré comme faisant partie d'elle.

Mais dans un premier temps, imaginons un germe de vie produit par un processus chimique ou autre inconnu. Ce qui caractérise cette forme de vie c'est qu'elle incorpore au minimum un système assurant sa stabilité au sein du mouvement ambiant. Une stabilité relative.

Ce pourrait être un système uniquement absorbeur d'énergie, ou en absorbant plus qu'en restituant.
Mais à moins d'être le système ultime d'absorption d'énergie, il sera nécessairement soumis à l'érosion et à la dissipation. Sa longévité est directement liée à la puissance des forces d'érosion l'impactant. Son bilan énergétique est donc finalement relatif, de plus son statut (ou sa nature) est directement conditionné par les circonstances créatrices.

Si c'était un système dépensant plus d'énergie qu'il n'en absorbe, il finirait par s'épuiser jusqu'à disparition, ce dernier serait alors directement et uniquement dépendant des circonstances créatrices amenant à son apparition.

Je parle donc d'un système où le processus et le flux énergétique se confonde.

Imaginons un système hybride, avec une base stable importante, mais dont le flux énergétique est relativement indépendant et peut croître, mais dont l'épuisement ne provoque pas directement celui de la base. En période de disette, la base de celui-ci s'éroderait, mais se reconstituerait en période plus riche en énergie utilisable. Cependant en cas de disette prolongée, ce dernier serait sujet à dissipation puis disparition, et dépendrait à nouveau du processus créateur pour réapparaître.

On voit donc que la fréquence du processus créateur est déterminant dans ces cas de figures.

Dans le processus créateur, j'inclus bien sûr l'objet créé, et bien sûr on parle d'un objet systémique donc incorporant une complexité relative, sa fréquence d'apparition est donc peu élevée.
(Objet systémique => Objet complexe ; Objet systémique => Fréquence d'apparition faible)

On relèvera que la fréquence de création ne présume pas de la stabilité ou de la solidité de la création. Cependant, au delà d'une certaine complexité, la fréquence d'apparition risque d'être nulle, soit à cause d'une impossibilité pratique, soit à cause d'une fragilité extrême, soit tout simplement d'un probabilité nulle (ces 3 causes pouvant faire débat sur leur multiplicité intrinsèque et sur leur statut de cause en tant qu' « anti-cause »).
(Fréquence d'apparition =/= Stabilité ; Objet complexe => Stabilité faible)

Je supposerais donc qu'au delà de la fréquence d'apparition, du système « vivant », sa stabilité a tendance à décroître en fonction de sa complexité.

On aura donc à faire, soit à des objets « complexes » peu systémiques pouvant apparaître plus ou moins fréquemment et donc avec une certaine variété mais éphémères.

Soit à des objets complexes plus systémiques apparaissant très peu fréquemment à la variété incertaine mais fragiles.

Soit plus fréquents, mais peu complexes et peu variés au systémisme basique.

Maintenant, ne présumant pas des circonstances et des possibles formes de vie, ni de ce qu'on peu appeler « vie », il se trouve qu'une forme initialement moléculaire, incorporant la capacité de réplication est apparue sur terre.

Comment considérer cette forme ?

Très peu fréquente, très systémique et fragile.

Donc une forme qui n'est pas sensée être là durablement en quelques sorte. Cependant il se trouve que cette forme incorpore son propre principe créateur par réplication. Augmentant ainsi sa stabilité ; mais dans ce cas on ne doit alors plus considérer le système au sein de l'individu, mais dans l'ensemble de sa population. Car c'est son principe de réplication et donc la multiplicité des individus qui pallie à la fragilité individuelle. Le système n'est considérable que dans son collectif. Voir même, le système a une composante « méta » à la fois en lui et en dehors.

Ce système est exponentiel, tant qu'un apport énergétique vient l'alimenter et qu'il a matière à répliquer. Ceci est cependant à mettre en balance avec la famine et l'érosion importante du à la fragilité des individus.

Si cela s'arrêtait là, malgré cette composante « méta », le système dans son ensemble pourrait être assimilé, à un système à individu unique, et sa composante de réplication + fragilité, ni plus ni moins que son processus de reconstitution et d'érosion. Le système n'aurait pas plus de « répondant » que les autres face aux aléas. Le nombre ne faisant pas la variété de répondant face à l'érosion, juste une résistance énergétique et reconstructrice normale.

Cependant il se trouve que la réplication n'est pas déterministe, au sens ou elle n'est pas assurée à l'identique. Elle est soumise à une part d'aléa. Ce qui entraîne une différentiation du répliqué par rapport au « réplicateur ». Lors de cette variation, soit le répliqué conserve son aptitude à se répliqué, soit s'en est fini de lui.

Par la suite ces différentes variétés vont entrer en concurrence (confinement oblige) pour la « nourriture » (énergie + matière à répliquer) et dans ce « combat », les « plus forts » (entendre plus chanceux, mieux constitué pour la situation du moment, disposant de nourriture adéquate plus importante, …) vont proliférer plus rapidement, et de par leur nombre ou de par leur « voracité » vont « affamer » voir « dévorer » d'autres qui disparaîtrons. Ainsi, une diversification va se créer et des équilibres mouvant vont s'instituer.

La réplication et ses inévitables variations est le caractère indispensable à la vie car il lui permet de démultiplier les circonstances créatrices en les réitérant et en n'en proposant d'improbables, par la diversification et une certaine capitalisation naturelle. C'est un peu l'accélérateur de l'improbable. La vie étant confinées sur la planète, elle est obligé de s' « élever » (comprendre se complexifier) du fait de sa propre concurrence et de sa nature envahissante, lorsqu'elle ne peux plus s'étendre.

A un moment donné on parlera d'adaptation, mais l'adaptation n'est qu'une série de pages qui se tourne vers d'autres horizons car comment s'adapter face à soi-même qui n'a de cesse de « vouloir créer ».
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Message par victor.digiorgi Mer 8 Mai 2013 - 17:15

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Tiens ! En explorant Digression, je tombe sur cette discussion qui a d'autant plus l'heur d'attirer mon attention qu'une de mes amies de longue date a soutenu il y a quelques années sa thèse de doctorat en philosophie en présentant le sujet abordé ici avec Nietzsche et Darwin.

Comme cette amie est aujourd'hui un personnage public, je n'éprouve aucune gêne à donner ici son identité avec la page Wikipédia qui lui est consacrée, et où l'une des premières lignes se lit ainsi :

Docteur en philosophie, spécialiste de Nietzsche et de Darwin, elle a collaboré à divers titres de presse en tant que journaliste scientifique.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Peggy_Sastre

Dès que l'envie m'en prend, je reviens relancer la discussion en tentant de proposer ici ce que ma Peggy Sastre à moi pourrait apporter de nouveau dans le cadre de ce débat.

À bientôt, donc, peut-être ...

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