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Incommensurabilité et traduction

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Message par Vargas Sam 8 Sep 2007 - 13:44

Qu'est-ce que traduire sinon un travail de communication différé, l'épreuve de la commensurabilité, mais aussi la conquête linguistique de plaques culturelles tournantes et pourquoi pas l'enrichissement du regard sur sa propre maison, sur l'être du langage ?

Luther, en germanisant la Bible elle-même latinisante par Saint Jérôme, a été le pionnier de l'érection de l'allemand moderne.
Demandez à un russe si c'est une académie, comme en France, qui a défini à une période donnée par A +B ce qu'il fallait dire, prononcer ou non ?
Non, c'est la rencontre entre l'oralité populaire et la langue de Pouchkine qui a émis le point d'ancrage.
T[ea]boh a écrit:Soit j'interprète, pour amorcer le débat, en termes de totémisme, et alors, je me place en supérieur, ou bien j'admets que je ne peux rien dire, rien avancer, et alors c'est de la pure incommensurabilité, de la coexistence pacifique pour reprendre la métaphore politique.

Dans ce constat binaire, je retrouve le problème qui se base à la base de la traduction :
le tiraillement entre la croyance de la traduction parfaite (dépassement total supposé de l'incommensurabilité, congruence universelle) et celle de l'intraduisibilité irrévocable.
A la différence que ton questionnement critique te fait évidemment refuser la première possibilité en y voyant bien un rapport de pouvoir, une compréhension captative de l'autre. Et là on peut évoquer l'exemple orientaliste de William Saïd qui parle de l'Orient recréé par l'Occident.

Toujours est-il que si l'illusion de la complète commensurabilité ne tient pas, l'incommensurabilité relève d'une autre fixation improductive qui porte sur le différent, la décohérence irréductible, certes, mais aménageable.
Je dirai même que que c'est tailler dans, autour de ce matériau indestructible qui fait surgir non pas la coïncidence mais le rapprochement de la rencontre.

La résistance à la traduction, au commensurable se travaille.
D'ailleurs Ricoeur emploie le terme de travail au sens freudien :
Ricoeur a écrit:Travail de traduction, conquis sur des résistances intimes motivées par la peur, voire la haine de l'étranger, perçu comme une menace dirigée contre notre propre identitée langagière. Mais travail de deuil aussi, appliquer à renoncer à l'idéal même de traduction parfaite.[...]Abandonner el rêve de la traduction parfaite reste l'aveu de la diférence indépassable entre le propre et l'étranger. Reste l'épreuve de l'étranger.
Or L'épreuve de l'étranger est le titre du livre d'Antoine Berman (dont Ricoeur suit la démarche, c'est-à-dire faire "passer au premier plan le rapport du propre à l'étranger").

Il y a épreuve de l'étranger au sens où il y a une pulsion, un désir de traduire qui correspond à un désir de comprendre ; pulsion en proie à deux mouvemements inverses qui provoquent des frictions :
amener l'auteur au lecteur et le lecteur à l'auteur.
Mais c'est la friction qui permet l'étincelle et le va-et-vient incessant entre les deux pôles l'effort de communication même.

OoS a écrit:Mais je me demande si - tout comme un musicien dépasse les gammes et les genres dans un moment de fièvre - si on ne pourrait pas dépasser la structure par le sentiment esthétique ? Je veux dire : l'écrivain, le poète, mais les authentiques hein, les nomades du désert, sont-ils pris dans la structure ou la dépassent-elles pour permettre à la ville (l'épistémé) de s'agrandir sur ce bout de désert découvert.

Déterritorialisation, dixit Oos, certes mais errance en tension dans un inconnu délimité par, entre des espaces d'association.
Et les arts, lieux de représentation, de thématiques, bains de cultures, s'ils s'écartent des paradigmes ne s'en écartent que d'autant que le langage du parler et de l'écrire commun sont distants des langages artistiques, de par leur potentiel créatif comme de par la précision de la communication : de leur potentiel informatif plutôt.

Une image vaut mille mots. Mille mots peuvent exprimer une infinité de chose.
L'image se donne à voir et à interpréter, le mot se tend dans une interlocution pour s'individuer, localiser, désigner, étendre, performer ou non,etc...


Pour revenir aux deux pôles, dans une situation de traduction, il y a deux points de fuite, un écart entre
- la réception-cible (target-oriented) dans laquelle les paradigmes extérieurs sont niés, broyés par la sphère culturelle d'arrivée et
- la réception-source (source-oriented) dans laquelle toute l'étrangeté est conservée, et le lecteur censé se défaire de ses propres paradigmes (c'est presque le lecteur idéal à deux cultures bilingue d'origine, mais c'est utopique).
Ricoeur a écrit:Après Babel, « Comprendre, c’est traduire ». Il s’agit ici bien plus que d’une simple intériorisation du rapport à l’étranger[...] Il s’agit d’une exploration originale qui met à nu les procédés quotidiens d’une langue vivante : ceux-ci font qu’aucune langue universelle ne peut réussir à en reconstruire l’indéfinie diversité. Il s’agit bien de s’approcher des arcanes de la langue vive et, du même coup, de rendre compte du phénomène du malentendu, de la mécompréhension (…) Les raisons de l’écart entre langue parfaite et langue vive sont exactement les mêmes que les causes de la mécompréhension.

Est-ce à dire qu'il est possible de créer un lieu commun (tentative babelique de l'esperanto) ?
Sûrement pas.

L'effort de cet accueil/recueil de l'autre est plus passage et ouverture sur l'incomparable que rencontre et production d'équivalence à proprement parler ;
une tangente fugace en proie au tangage de nos perspectives, au poids de nos bagages et influences culturels.
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Message par Jans Lun 13 Nov 2017 - 10:14

Oui, la traduction est exploration, et la difficulté est pour le traducteur - explorateur de décrire le paysage unique et inconnu à ceux qui n'ont pas voyagé. Pour ceux qui se sont très bien immergés dans la langue et le pays source, il apparaît plus que jamais que les mots spécifiques qui recouvrent des idées, sentiments, atmosphères spécifiques à la langue-source ne se peuvent rendre par un équivalent en qualité grammaticale et quantité de mots : On se heurte à des obstacles insurmontables à vouloir rendre un substantif par un substantif ou un verbe par un verbe — le profane croyant qu'il s'agit-là de la réalité d'une traduction valable, y compris des profanes très cultivés, le cas le plus triste étant la traduction ds oeuvres de Freud aux PUF, et avant, hélas, le "vocabulaire de la psychanalyse" des éminents Laplanche et Pontalis, quasiment obnubilés par la langue-source mais ignorant les mécanismes et la technique de la traduction. voir si on est intéressé : freudtraduction
S'ajoute la difficulté spécifique qu'un mot de la source soit courant et quotidien alors que son équivalent français est rare ou littéraire, et inversement. "(com)prendre au second degré", par exemple, est courant en français et plutôt rare en allemand. Le verbe "nachvollziehen" n'a pas d'équivalent en français : c'est une façon de comprendre, d'appréhender quelque chose en faisant l'effort de la ressentir en soi — pour lequel on n'a que le banal "comprendre". On pourrait multiplier les exemples. Le vice-président du Conseil général pourrait se dire par exemple par : der stellvertretende Vorsitzende des Verwaltungsrats vom Département...
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Message par talvera Mar 19 Déc 2017 - 17:00

Quelle définition donneriez-vous à la notion d’incommensurabilité -  s'agirait-il d'un défaut de traductibilité dans la mesure où on réduit la notion de paradigme à une traduction (cf. Umberto Eco, Dire presque la même chose) -à défaut de l'étendre à celui plus général d'une simulation (Michel Bitbol, Néopragmatisme et incommensurabilité en physique). Dans le cadre de ce sujet pourrait-on se focaliser sur une question particulière – quitte à ce qu’elle digresse ? Qui porterait, par exemple : sur la traduction philosophique, politique, etc., les relations entre traduction et herméneutique (historicisme, etc.), communication, pensée, linguistique, évolution des langues etc., les limites de la traduction automatique, la rupture de communication entre les langues et les cultures (transmission d’un message qui correspond à une culture qui n’est pas la nôtre, qui formule sa pensée d’une manière différente par rapport à notre culture ?), etc.
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Message par Jans Mer 20 Déc 2017 - 10:41

Vous l'avez bien cerné : cet obstacle dû à la fois à la différence de culture, de sentir et ressentir, à la quasi impossibilité de faire percevoir dans la langue d'arrivée la sonorité et les harmoniques sémantiques de la langue-source. Ainsi, devant un mot utilisé, le lecteur de même langue sait que l'auteur aurait pu employer tel ou tel mot similaire voire synonyme — mais qu'il ne l'a pas fait. On peut en chercher la raison.. La traduction fait croire au lecteur de la langue-cible que le mot qu'il lit est le correspondant exact du mot étranger, mais il n'en est que l'approximation. On devine l'étendue du problème quand on se voit obligé pour bien se faire comprendre d'employer le mot étranger directement : le fog n'est pas n'importe quel brouillard, le Führer n'est pas n'importe quel chef, le goulasch est typé, et les Allemands emploient "das baguette" pour notre pain. Le lien quasi charnel de l'Allemand avec la nature s'exprime dans des expressions comme "Blick ins Grüne" : on a vue sur la verdure / la nature, c'est un gros argument de vente pour une maison, et nettement moins pour un Français.
Au passage, on note que certaines traductions font problème : De grands esprits ont critiqué (avec raison) la traduction du Logos dans le prologue de l'évangile de Jean par "Parole" ou "Verbe" (qui n'est que le copié du verbum de St Jérôme) — ce logos va très au-delà.
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Message par neopilina Mer 20 Déc 2017 - 15:11

Jans a écrit:Au passage, on note que certaines traductions font problème : De grands esprits ont critiqué (avec raison) la traduction du Logos dans le prologue de l'évangile de Jean par "Parole" ou "Verbe" (qui n'est que le copié du verbum de St Jérôme) — ce logos va très au-delà.

Le problème de la traduction du grec " logos " n'est pas spécifique au christianisme. Le logos c'est du sens et/ou ce qui l'exprime et en fonction du contexte on traduira plutôt par un terme que par un autre. A contrario, même si c'est discutable, chez notre espèce, l'expression du sens la plus emblématique, valorisée, etc., est effectivement le langage, les mots, le verbe, le discours, la verbalisation. L'invention et le perfectionnement des langues alphabétiques ont d'incontestables et prodigieux avantages. Mais cela a quelques coûts. Par exemple une rupture consommée entre la chose et le terme, les signes, qui nomment, désignent, la chose. Par exemple, dans les langues à idéogrammes ( Chinois, japonais, etc. ), le mot, le signe, est un des moyens qui permet d'accéder à la dite chose, à son essence ( D'où l'importance de la calligraphie dans ces cultures, etc. ). De façon générale, plus on remonte dans le temps, plus le mot, les signes, etc., qui désignent une chose sont bien plus qu'une simple étiquette absolument interchangeable dans les langues alphabétiques dés le moment où il y a consensus ( Le code barre est un excellent exemple du terme de ce processus. ).

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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
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Message par maraud Mer 20 Déc 2017 - 15:48


Si l'on considère, comme de juste, que la parole est: pensée à l'intérieur et parole à l'extérieur, on a une traduction relativement honnête.

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Message par neopilina Mer 20 Déc 2017 - 16:40

maraud a écrit: ... la parole est: pensée à l'intérieur et parole à l'extérieur, on a une traduction relativement honnête.

Tu définis là ce qu'on entend par " verbalisation ". Et celle-ci est un de ces coûts : pour une foule de raisons, d"abord pratiques, toute verbalisation est aussi une foule de réductions ( D'abord la réduction ontique qui fait d'une chose une chose, qui va distinguer celle-ci en fonction de divers critères au sein du réel, qui est continu. ).

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Message par Jans Mer 20 Déc 2017 - 17:27

En plus des différences culturelles et sémantiques évoquées, on se heurte parfois voire souvent chez les écrivains à des emplois métaphoriques, des inventions relevant du contexte et de l'imagination de l'auteur. C'est ce qu'on appelle en linguistique la connotation : le sens donné dans la phrase, par opposition à la dénotation : le sens courant répertorié dans les dictionnaires. "Le char de l'Etat navigue sur un volcan" !! "il était vêtu de probité candide et de lin blanc" (Hugo).
Une traduction ressemble à une photo de paysage : de loin, en gros, c'est la reproduction du réel ; de près, dans les détails, l'atmosphère, la finesse du rendu, c'est une approximation. Et je termine sur un point rarement évoqué : les mots n'ont aussi qu'approximativement le même sens pour tous les locuteurs de la langue — et quand il s'agit de termes connus de tous, car nous possédons un nombre de mots et expressions qui peut différer fortement d'un locuteur à l'autre. Raison pour laquelle les créateurs de séries télé font parler tous leurs personnages avec les mêmes 6 ou 7000 mots les plus courants de la langue ( un adulte en connaîtrait 20 000 environ, un adulte cultivé presque le double). Vous n'y trouverez pas rémanence ni alacrité, ni ressortir à, ni commisération, et rarement le chaland... ni non plus des allusions historiques ou culturelles : aller à Canossa, les fourches caudines, Vae victis!, ni le "tu quoque, filii" (il paraît d'ailleurs que César l'aurait dit en fait en grec) ; peut-être : franchir le Rubicon, et le vase de Soissons, mais ce n'est pas sûr. dans ce contexte, j'adore le "il avait une épée de Damoclès dans les reins" !!


Dernière édition par Jans le Mer 20 Déc 2017 - 17:30, édité 1 fois (Raison : an)
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Message par kercoz Mer 20 Déc 2017 - 17:43

Comme bouquiniste j' ai récupéré environ 4 m3 de bouquins d' un prof de fac, principalement centrés sur la sémantique, la sémiologie, la poiétique , le langage et l' expression dans le théatre , sociologies et autres ....beaucoup d' intéret même pour les poches des années 50/60.
L' épée à Damoclès n'était elle pas au dessus de sa tête ?
Sur les langues, une idée m' est venue qui argumente l' incommunicabilité. Il semble évident que les "cultures" évoluent par itérations de façons différentes en s'éloignant progressivement après la bifuraction. Ca se démontre pour les comportements moraux qui, à la limite peuvent être dissemblables voire contradictoire. Il me semble qu' on peut appliquer aux langages une pareille bifurcation sémantique, non pas tant pour des termes objet-ctifs ( un arbre reste un arbre ), mais pour les termes ou les tournures exprimant des concepts.

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Message par Jans Mer 20 Déc 2017 - 18:30

Oui, bien sûr, au-dessus de la tête, l'épée, d'où le comique des reins.
Même les termes objectifs peuvent présenter des difficultés. Le sandwich français ne dit rien à un Allemand, on le traduit par : "le pain recouvert" (ein belegtes Brot) ; si on sait avec quoi, on fera un mot composé : le pain-jambon (das Schinkenbrot), le pain-beurre (Butterbrot), correspond à notre tartine, car le pain allemand est ici une mince tranche. Quand on parle du corps, il faut se demander si c'est le corps intérieur ou extérieur, car les mots diffèrent en allemand. C'est dans le domaine des affects et sentiments où on frise l'incommunicable : on connaît par Freud "l'inquiétante étrangeté", expression bizarre en français, et très simple en allemand : unheimlich. C'est loin d'être le seul. J'ai lu une très mauvaise traduction du livre célèbre en son temps : "Le sacré" de Rudolf Otto. Je n'ai quasiment rien compris et me suis résigné à acheter l'original en allemand sur le net : C'est effectivement très difficile à traduire en français, la formulation et les concepts étant germaniques au plus haut degré. Le Français aime les jardins à la française, l'Anglais les jardins du même nom, l'Allemand adore les forêts profondes. "L'esprit de géométrie et l'esprit de finesse", c'est typiquement français ! inconnus en allemand : on tourne en parlant de la "pensée intuitive" et de "la pensée logique-mathématique.". Tous les lycéens connaissent la dissertation avec l'analyse et la synthèse, c'est plus compliqué pour les Allemands, même s'ils connaissent la synthèse avec Hegel...

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Message par hks Mer 20 Déc 2017 - 19:06

jans a écrit:Raison pour laquelle les créateurs de séries télé font parler tous leurs personnages avec les mêmes 6 ou 7000 mots les plus courants de la langue ( un adulte en connaîtrait 20 000 environ, un adulte cultivé presque le double). Vous n'y trouverez pas rémanence ni alacrité, ni ressortir à, ni commisération, et rarement le chaland...


Il se peut que les séries TV ne mettent pas en scène des individus cultivés. Non ? Mystère ?
..........................................
Dans notre littérature il y a en a un qui s'en tire très bien... Proust, il ne fait dialoguer personne.

ou rarement  ...quand ce n'est pas pour s 'embrouiller

*Une des sœurs de ma grand’mère […] interpella l’autre : « Imagine-toi, Céline, que j’ai fait la connaissance d’une jeune institutrice suédoise qui m’a donné sur les coopératives dans les pays scandinaves des détails tout ce qu’il y a de plus intéressants. Il faudra qu’elle vienne dîner ici un soir. — Je crois bien ! répondit sa sœur Flora,( sa soeur c' est Céline) mais je n’ai pas perdu mon temps non plus. J’ai rencontré chez M. Vinteuil un vieux savant qui connaît beaucoup Maubant,

`........................

bon ça n'est pas ce dont tu parles, certes ...mais comme je suis un aficionados de séries téle ... et que je n'ai pas le sentiment de m'y abêtir . Incommensurabilité et traduction 2101236583
une bonne série allemande :Berlin 56  Ku'damm 56
...........

oui certes , il y a de plus ou moins bonnes traductions ...ou disons qu'il y a toujours à s 'y remettre.

Que dire des traductions de Nietzsche de Genevieve Bianquis . Incommensurabilité et traduction 4221839403 Incommensurabilité et traduction 2838363678 Incommensurabilité et traduction 2838363678 (mais je n' aime pas dire du mal des gens )
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Message par Jans Mer 20 Déc 2017 - 19:41

je respecte tes choix ! mais pour ceux qui n'ont que ces séries pour entendre du français...

Le peu que j'ai lu de Nietzsche (la naissance de la tragédie, en allemand) m'a fait compatir aux souffrances des traducteurs français : son allemand est très germanique (cela a du sens : C.G. Jung par exemple écrit un allemand plus près de la période latine, il est facile à traduire), parfois il s'embrouille" dans des phrases qui durent 10 lignes, il a souvent un style très XIXè siècle allemand : beaucoup de métaphores, des redondances, pas toujours du léger... et des tournures éloignées du français..
Je n'ai pas du tout accroché à Zaratusthra, ni en français ni en allemand : ça me rase.

P.S.: Oui, Céline, c'est un régal !
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Message par maraud Mer 20 Déc 2017 - 20:11

neopilina a écrit:
maraud a écrit: ... la parole est: pensée à l'intérieur et parole à l'extérieur, on a une traduction relativement honnête.

Tu définis là ce qu'on entend par " verbalisation ". Et celle-ci est un de ces coûts : pour une foule de raisons, d"abord pratiques, toute verbalisation est aussi une foule de réductions ( D'abord la réduction ontique qui fait d'une chose une chose, qui va distinguer celle-ci en fonction de divers critères au sein du réel, qui est continu. ).

Moi, ça me paraît bien vu. Le fait de distinguer la parole de la pensée, permet de ne pas trahir l'auteur jusque dans ses pensées, mais uniquement dans ses paroles, c'est-à-dire dans ce que de la pensée, il aura pu extériorisé. La parole étant une " image" de la pensée ( au sens de fonction), elle n'est jamais parfaitement adéquate puisque de nature différente.

En cela, le "traducteur" idéal serait celui qui met en rapport direct la pensée de l'auteur et la pensée de l'autre... Ce qui n'est pas envisageable, mais qui nous questionne sur un fait au moins: la traduction est-elle un pont entre deux esprits ou une passerelle entre deux langues ?
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Message par Jans Mer 20 Déc 2017 - 20:38

Mais... tu as raison, maraud, et je trouve ces échanges enrichissants. La première chose qu'on apprend dans un institut de traducteurs-interprètes, c'est précisément ce que tu dis : détachez-vous des mots, on traduit des pensées, des idées ! (et personne ne vous oblige à traduire un substantif par un substantif ou un verbe par un verbe !). Alors oui, la parole ne rend pas toute la pensée, mais je suis saisi de plaisir chaque fois qu'un écrivain me décrit la nature avec un vocabulaire riche (que je n'ai jamais eu pour la nature) : je redécouvre ce que mes yeux voient ! merci Maurice Genevoix et alii.
La traduction est (opinion provisoire et pas profonde) un pont entre deux esprits — mais si on voulait restituer vraiment la singularité de l'Allemand ou l'Anglais traduit, le français serait peu compréhensible. Je sais bien que j'ai l'air de couper les cheveux en quatre, voire de minauder, de vouloir me rendre intéressant (Dieu m'en garde!) car l'opinion courante, c'est qu'une traduction est toujours possible, fidèle, et rarement mauvaise :  tout le monde découvre tous les jours des étrangers par la traduction (et traducteur est un métier difficile). Mais la réalité, c'est qu'il s'agit toujours de biaisements nécessaires, de pis-aller inévitables, de gommages bienvenus pour la compréhension. Je crois que le pire est la traduction du Nouveau Testament (je lis le grec original), c'est vraiment incroyable les tripatouillages, voulus ou pas.

J'ai mis beaucoup de temps à comprendre que les très bons traducteurs de Conan Doyle me présentaient un Sherlock Holmes habillé en vêtements français : Comparez avec Emile Gaboriau (inventeur du roman policier français, très bon) : vous verrez d'un coup un vrai français, de vraies locutions françaises dans des situations françaises. Je n'ose pas imaginer ce que peut donner Céline traduit en allemand...
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Message par maraud Mer 20 Déc 2017 - 21:19

Je parle de pensée par distinction de la parole parce qu'il est des pensées parfaitement traductibles, ou pour le dire autrement: déjà traduites en ce qu'elles ne s'encombrent pas de la langue; je veux parler par exemple des mathématiques; ce qui nous renseigne sur le fait que la langue est paradoxale en ce qu'elle est un outil unificateur et discriminant à la fois. Nietzsche disait: " autant de mots autant d'obstacles..."

Je connais la frustration de ne pas pouvoir le lire dans sa langue; de ne pas pouvoir penser en allemand. L'avantage et la richesse du traducteur étant, principalement, de pouvoir penser dans plusieurs langues, on peut se demander si les pensées s’additionnent numériquement ou si elles s’appauvrissent par contiguïté ?

Curieux que l'espéranto n'ait pas eu plus de succès ?
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Message par hks Mer 20 Déc 2017 - 22:16

humm rectificatif: je ne parlais pas  de L F Celine, mais de Proust et sous réserves, je ne suis pas pointu en critique  littéraire.  


La traduction de la philosophie présente-t-elle les difficultés de la traduction de la poésie (cas extrême de difficulté)?
Il me semble qu'antérieurement à la "philosophie du langage" on se posait moins de questions.

Le traducteur  de philosophie a un commerce avec une pensée écrite en allemand  (sans vouloir dire que la poésie ou le roman ne pensent pas)
Il se dit :est -ce que je comprends ce que  Schopenhauer dit ?
Qu 'est ce que je comprends, comment puis- je le dire, mais en français?
On doit faire confiance à l'intelligence philosophique du traducteur .


Donc la question est : est ce que Schopenhauer n'est compréhensible qu'en allemand ?

Ce qui n'est pas une question pertinente quand Schopenhauer parle de son caniche ou du temps qu'il fait à Berlin, ou de sa santé, ce jour là.

A partir de quand la question est -elle  pertinente?
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Message par Jans Mer 20 Déc 2017 - 23:06

On atteint là vraiment un questionnement philosophique, celui de l'épistémologie au sens large — et on rejoint l'interrogation fondamentale de Kant : que puis-je savoir ? que dois-je faire ? que puis-je espérer ? Pour la poésie, la réponse est clairement : non. Ce qui n'empêche aucun éditeur à traduire ; mais il faut du génie pour traduire de la poésie, et je n'en connais aucun. Je n'ai pas lu Schopenhauer (honte à moi ; mais c'est dû seulement au fait qu'il n'était pas à l'agrégation d'allemand), donc il est possible qu'il ait été bien traduit. Et un vrai philosophe peut comprendre en français ce qui me sera inaccessible dans l'original allemand.
Cela dit, ce concept de représentation (l'idée qu'on se fait de quelque chose) est claire en allemand et pas tellement en français, ce qui a posé tellement de problèmes aux traducteurs de Freud !

A partir de quand la question est pertinente ? Là j'ai une idée : j'ai cru que lire Heidegger en français allait m'aider, mais non : je n'y comprenais rien. Le lire en allemand demande beaucoup de concentration, mais c'est faisable. D'où la question : doit-on traduire un néologisme par un néologisme ?
Eh bien, voilà qui mériterait des colloques et symposiums de la part des  profs de fac, s'ils voulaient sortir de la littérature...
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Message par kercoz Jeu 21 Déc 2017 - 8:47

Plus jeune, pour frimer et draguer les estrangères, j'avais placé un dico franco-anglais au wc ( à conseillez si vous subissez des ados). Ce qui m' intéressait c'étaient les pages roses du centre. Là, je me régalais d' apprendre que Anguille sous roche ( pibale sous gravier en béarnais) se traduisait par ""I smell a rat """, et cherchais avidement à caser "don't pull my leg "" en évitant it's raining cats and dog que tout le monde connais.

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Message par hks Jeu 21 Déc 2017 - 14:02

janz a écrit:Cela dit, ce concept de représentation (l'idée qu'on se fait de quelque chose) est claire en allemand et pas tellement en français, ce qui a posé tellement de problèmes aux traducteurs de Freud !
1) cette idée que tu as de concept clair ( en allemand ou en Français ou pour un chinois ) est discutable . Un concept  pour moi se clarifie  peu à peu mais n'est pas clair d 'emblée.

Si les concepts étaient si clairs d 'emblée, il n'y aurait pas  besoin de philosophie.
Pour moi que ce soit Schopenhauer ou Hegel (ou n'importe lequel) ils ont une idée vague et puis ils l'expliquent.
Hegel dira même qu 'elle (l'idée )s'explique elle- même( le Geist est ce qui s'explique de lui même)

ce texte de Kant illustre assez bien ce que je veux dire
Kant a écrit:«  Le concept de bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu’a tout homme d’arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il désire et il veut. La raison en est que tous les éléments qui font partie du concept du bonheur sont dans leur ensemble empiriques, c’est-à-dire qu’ils doivent être empruntés à l’expérience, et que cependant pour l’idée du bonheur un tout absolu, un maximum de bien-être  dans mon état présent et dans toute ma condition future, est nécessaire. Or il est impossible qu’un être fini, si  perspicace et en même temps si puissant qu’on le suppose, se fasse un concept déterminé de ce qu’il veut ici véritablement.
Mais ce que visent les philosophes, c 'est de dire  en termes précis et cohérents .

Et normalement, ils le disent et le redisent de manière à ce que ce soit bien compris. Par eux mêmes et par le lecteur.
La multiplication des explications produit normalement une traductabilité  (en français ou autre langue) de ce qui est pensé puis dit en allemand.
parce que ce qui est pensé par un allemand est supposé pouvoir être pensé par un français .

Mais c'est ce dont tu doutes.

ce concept de représentation (l'idée qu'on se fait de quelque chose) est clair en allemand
Il faut voir où tel mot allemand exprime telle idée ( et le contexte va nous dire l' idée en question).
Dit brutalement  le concept de représentation n'est clair pour personne ... on demande :que voulez vous dire ? C' est à ça que servent les explications: analyse ou développement du concept .
 Employer tel ou tel mot en allemand qui sera traduit par "représentation" je veux bien mais expliquer le sens induit par les explications de Freud (par exemple)
Expliquer (si besoin) par une note en quoi l' allemand (Freud) l'entend dans tel sens.
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Message par Jans Jeu 21 Déc 2017 - 17:51

J'ai peut-être été elliptique : le mot de "représentation" est tellement courant et univoque en allemand pour la philosophie et la psycho (Vorstellung), alors que le français a davantage de mal à le cerner, me semble-t-il.
parce que ce qui est pensé par un Allemand est supposé pouvoir être pensé par un Français
Plus ou moins, mais on arrive vite à des limites, on le remarque surtout quand on traduit beaucoup. Déjà, il n'est pas si simple de traduire pour un Allemand moyen "un esprit cartésien", pas plus qu'un Français va comprendre l'idée allemande de Obrigkeit : l'autorité, la hiérarchie, le colonel ou général, le roi, le prince, l'Etat, qui a demandé des siècles durant la fidélité et l'obéissance. La fidélité, c'est la première qualité requise, c'est sur elle que se fonde l'honneur. Ce mot (die Treue), depuis Othon 1er en 962 jusqu'à Hitler, des générations entières d'Allemands l'ont assumé, incorporé. Vous voyez un colonel français demander à ses troupes la fidélité ? obéir aux ordres, oui. On fera donc des aménagements.
Quand un Allemand dit dans un poème que son âme s'envole vers l'infini quand il contemple une forêt allemande la nuit, ou on ne comprend pas ou on dit que c'est du panthéisme, le Français n'est pas habitué à ce genre de mystique...

Il arrive assez souvent que les mots soient traduits en français de façon apparemment fidèle, en réalité l'idée n'est pas rendue et le français est bizarre. Le "Vocabulaire de la psychanalyse" de Laplanche et Pontalis, esprits éminents par ailleurs, en est rempli.

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Message par hks Jeu 21 Déc 2017 - 18:16

jans a écrit:Il arrive assez souvent que les mots soient traduits en français de façon apparemment fidèle, en réalité l'idée n'est pas rendue et le français est bizarre.
Un mot ne donne pas l' idée . C'est le contexte, l' emploi, l'utilisation une multitudes d' explications dans le texte qui donne l' idée (ou qui s'efforce)
Un mot c'est la première porte d'un labyrinthe.

Moi je veux bien que la fidélité,
n' ait pas le même sens ici ou là ... on traduit par le mot qui semble le plus proche de l'approche locale et après on explique que ....que pour les allemands ça voulait dire ceci et cela alors que pour des français, un peu autre chose ( si c'est le cas !!!)
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Message par Jans Jeu 21 Déc 2017 - 19:47

Ce que je veux dire finalement, c'est qu'on lit des traductions sans savoir ce qu'il y a derrière, comme des historiens écrivent des biographies que l'on croit objectives ; ce que je sais pour l'allemand, je ne peux que l'imaginer pour toutes les oeuvres lues en traduction. D'un point de vue philosophique, on est dans l'approche permanente, voire le flou, qui nous conduit à relativiser ce que d'autres pourraient prendre pour un absolu : Il n'y a que des approches de la vérités éphémères, il n'y a que des façons imparfaites et relatives de dire cette réalité, il n'y a que des points de vue : il n'y a que du pour-soi, pas de beau absolu, pas de faux éternel, pas de vrai immortel : Quoi de mieux pour promouvoir la tolérance ?

Qu'on me permettre de faire sentir à mon niveau combien on peut être floué :
Dans le Nouveau Testament (qui n'est pas un testament, mais une nouvelle alliance), on découvre que règne, royaume, royauté correspondent à un seul mot grec : basileia : Il n'y a pas de raison de traduire par un terme plutôt que par l'autre, c'est le choix personnel du traducteur.
entos umon peut signifier au-dedans de vous ou "parmi vous" : qui choisit la traduction ? le théologien qui impose un royaume immanent, intérieur ou une royauté transcendante, extérieure.
Les traductions donnent à croire que "Jésus de Nazareth" est fréquent dans les évangiles : il n'en est rien, il n'y apparaît qu'une fois ! la vingtaine d'autres occurrences traduit en fait : o nadzôraios" : le nazaréen. Mais à l'époque de la rédaction (70-95 apr. JC), on ne sait plus ce que le mot veut dire, on croit qu'il s'agit de Nazareth, ce qui linguistiquement n'est pas possible (de même qu'un paritassien n'est pas un habitant de Paris). Au-dessus de la croix est inscrit : Jésus le nazaréen, roi des Juifs".
Plusieurs paraboles parlent des "serviteurs", Paul emploi aussi ce terme de doulos. Mais doulos signifie d'abord : l'esclave : on est dans une société d'esclaves ! Les traducteurs de Paul mettent tantôt "Paul, serviteur du Christ" ou "esclave"...
de l'art de raconter une histoire que l'on refait et contrefait en traduisant.
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Message par maraud Jeu 21 Déc 2017 - 21:03



Il ne s’agirait pas , non plus, de reprocher au traducteur ce que l'on ne peut , nous-mêmes, atteindre dans notre propre langue. On ne parle jamais de la même chose quand on parle ( en français par exemple). Un bon traducteur est donc, aussi, un traducteur qui a rencontré l'auteur qui convient au destinataire.

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Message par Jans Jeu 21 Déc 2017 - 21:53

maraud a écrit:

Il ne s’agirait pas , non plus, de reprocher au traducteur ce que l'on ne peut , nous-mêmes, atteindre dans notre propre langue. On ne parle jamais de la même chose quand on parle ( en français par exemple). Un bon traducteur est donc, aussi, un traducteur qui a rencontré l'auteur qui convient au destinataire.
Ah oui, c'est l'idéal — mais la réalité est autre, je pense en avoir donné un aperçu. Cette suite de compromis,de choix raisonnés ou au peitit-bonheur-la-chance (car l'auteur n'est pas toujours clair), d'orientations dans un sens ou un autre : Non, l'auteur n'est pas objectif ni transparent, c'est l'exception qui confirme la règle. Mais oui, c'est difficile de traduire (j'ai pour ma part préféré passer à l'enseignement), c'est laborieux, c'est peu gratifiant. Quant au NT, les enjeux religieux sont tels qu'on est souvent.. floué.
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Message par hks Jeu 21 Déc 2017 - 21:55

Maraud a écrit:On ne parle jamais de la même chose quand on parle ( en français par exemple).
A lire Jans le même idée m'est venue (tu as anticipé)
Il nest pas certain du tout que "représentation" ( le mot ) signifie identiquement pour deux français, pas plus que Vorstellung signifie identiquement pour deux allemands (qui se parlent).
Sans que la signification soit infinie , les occurrences d' emploi en sont limitées, mais ça dépend du contexte.
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