15 minutes of fame
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15 minutes of fame
Internet me semble réactiver la question toujours problématique de l'identité d'une manière tout à fait intéressante, et qui reste, je crois, à analyser.
Le premier volet de cette analyse pourrait porter sur l'altération de la frontière public / privé. Les réseaux sociaux en particulier sont une source extraordinaire d'informations sur les individus, accessibles à tous. La jeune génération me semble particulièrement naïve quant à l'utilisation qui est faite de ces informations, en particulier dans les entreprises -mais j'imagine aussi, pourquoi se priveraient-elles, dans certaines administrations. On commence toutefois à lire ou entendre des témoignages d'individus licenciés ou écartés d'un process de recrutement en raison d'informations les concernant trouvées sur le net. C'est une vraie mission d'information, je trouve, que de mettre en garde contre ces pratiques et d'une manière générale, contre les fichiers nominatifs dont, tant qu'on est pas de l'autre côté de la barrière, si je puis dire, on ne soupçonne pas la généralisation ni l'utilisation qui en est faite, et sur lesquels on a très peu de moyens pratiques d'agir.
Dans cette perspective, je trouve très pédagogique l'initiative du Tigre, quoiqu'un peu agressive évidemment. Elle a été relayée par Presse Océan puis par Le Post (article du jour) :
Le premier volet de cette analyse pourrait porter sur l'altération de la frontière public / privé. Les réseaux sociaux en particulier sont une source extraordinaire d'informations sur les individus, accessibles à tous. La jeune génération me semble particulièrement naïve quant à l'utilisation qui est faite de ces informations, en particulier dans les entreprises -mais j'imagine aussi, pourquoi se priveraient-elles, dans certaines administrations. On commence toutefois à lire ou entendre des témoignages d'individus licenciés ou écartés d'un process de recrutement en raison d'informations les concernant trouvées sur le net. C'est une vraie mission d'information, je trouve, que de mettre en garde contre ces pratiques et d'une manière générale, contre les fichiers nominatifs dont, tant qu'on est pas de l'autre côté de la barrière, si je puis dire, on ne soupçonne pas la généralisation ni l'utilisation qui en est faite, et sur lesquels on a très peu de moyens pratiques d'agir.
Dans cette perspective, je trouve très pédagogique l'initiative du Tigre, quoiqu'un peu agressive évidemment. Elle a été relayée par Presse Océan puis par Le Post (article du jour) :
Le Tigre, vous connaissez cette revue bimestrielle ? Non ? Tant mieux pour vous... Par contre, pour cet habitant de Loire-Atlantique, depuis qu'il a pris connaissance de ce "Tigre", ses nuits sont nettement moins sereines. Imaginez un peu la scène.
Fred (prénom d'emprunt choisi par Presse-Océan), 29 ans, a découvert un peu par hasard l'existence de ce magazine qui venait de lui consacrer... un article. Un article de deux pages ! Et cette célébrité soudaine n'a pas fait rire Fred ! Mais pas du tout. Car en deux pages bien tassées, on apprend tout sur la vie de Fred.
L'article commence ainsi : "Bon anniversaire, Marc (prénom d'emprunt). Le 5 décembre 2008, tu fêteras tes vingt-neuf ans. Tu permets qu'on se tutoie, Marc ? Tu ne me connais pas, c'est vrai. Mais moi, je te connais très bien. C'est sur toi qu'est tombée la (mal)chance d'être le premier portrait Google du Tigre. Une rubrique toute simple : on prend un anonyme et on raconte sa vie grâce à toutes les traces qu'il a laissées, volontairement ou non sur Internet. Comment ça, un message se cache derrière l'idée de cette rubrique ? Évidemment : l'idée qu'on ne fait pas vraiment attention aux informations privées disponibles sur Internet, et que, une fois synthétisées, elles prennent soudain un relief inquiétant. Mais sache que j'ai plongé dans ta vie sans arrière-pensée : j'adore rencontrer des inconnus. Je préfère te prévenir : ce sera violemment impudique, à l'opposé de tout ce qu'on défend dans Le Tigre. Mais c'est pour la bonne cause ; et puis, après tout, c'est de ta faute : tu n'avais qu'à faire attention." Et c'est ainsi que le cauchemar a débuté pour Fred...
L’auteur de l’article a fait ses recherches sur Facebook, Copains d'avant, Google, Flickr, Youtube...
Des recherches fructueuses puisqu’on apprend que Fred a joué dans un groupe de musique et s’est produit en 2002 à Nantes devant plus de 700 personnes. Fred est aussi un grand voyageur devant l’éternel.
"Le Tigre" évoque ainsi un week-end à Pondichéry ou encore quelques photos prises à Bombay, au hard Rock Café ou encore à Montréal…
Dans Presse Océan, Fred raconte : "L'entreprise pour laquelle je travaille est citée. Bonjour la discrétion... Je n'en ai pas dormi les nuits suivantes. Immédiatement, j'ai enlevé toutes les informations me concernant sur Internet."
Coup de colère de Fred. Il contacte le magazine pour se plaindre. Si l'auteur de l'article regrette d'avoir cité le nom de son employeur, il justifie néanmoins sa démarche : "Je n'ai travaillé qu'à partir de sources publiques. C'est bien tout le problème des informations que tu as publiées". Pan !
Et les soucis de Fred ne s'arrêtent pas à son employeur... En lisant l'article, on peut aussi découvrir les prénoms de ses petites amies (Laura, Sandy...) ainsi que les goûts du jeune homme... Notre trentenaire aime particulièrement les filles aux "petits seins, cheveux courts et belles jambes..."
Dans Presse Océan, Fred dit que le magazine lui a donné une belle leçon et qu'il était certainement "un bon client" car, sur le net, il a "laissé beaucoup de choses traîner." Avec quand même un énorme regret :
"J'aurais seulement préféré que cela ne me tombe pas dessus." Ne souriez-pas ! Car la prochaine victime du "Tigre", c'est peut-être vous, cher lecteur.
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Re: 15 minutes of fame
Facebook, qui compte 175 millions d'utilisateurs dans le monde, avait mis à jour discrètement ses conditions d'utilisation il y a quelques semaines. Cette réforme avait provoqué de vives protestations après que le blog de défense des consommateurs "Consumerist.com" l'eut dénoncée dans un message intitulé "Nouvelles conditions d'utilisation de Facebook : 'nous pouvons faire tout ce que nous voulons avec vos contenus. Pour toujours.'"
Le réseau social avait tenté de rassurer ses utilisateurs, dont des dizaines de milliers avaient rejoint sur le site des groupes protestant contre cette réforme. Mais il a finalement décidé de faire machine arrière: les utilisateurs qui se sont connectés au site mercredi ont été accueillis par un message leur indiquant que Facebook revenait à ses précédentes conditions d'utilisation.
Le site a également fait savoir qu'il travaillait à éclaircir des questions liées à son utilisation, notamment sur les informations partagées en ligne. Facebook affirme qu'il "ne revendique pas de droit sur aucune de vos photos ou d'autres contenus". "Nous avons besoin d'une licence pour vous aider à partager des informations avec vos amis, mais nous ne revendiquons pas la propriété de vos informations", assure-t-il.
Des dizaines de milliers d'utilisateurs se sont joints sur Facebook à des groupes hostiles aux nouvelles conditions, qui selon eux donnent au site la possibilité de contrôler leurs informations pour toujours, même après l'annulation de leurs comptes.
Facebook a présenté ses excuses pour ce qu'il qualifie de "confusion sur ces questions". "Nous n'avons jamais eu l'intention de revendiquer la propriété des contenus des gens même si c'est l'impression qu'ont eue de nombreuses personnes", affirme-t-il dans un message posté sur le site.
Le réseau social, créé il y a cinq ans, n'en est pas à sa première controverse. Fin 2007, un instrument de traçage baptisé "Beacon" avait pris les internautes par surprise en communiquant des informations sur leurs habitudes de consommation à d'autres sites. Après avoir défendu dans un premier temps cette pratique, Facebook avait fini par autoriser les internautes à désactiver le "mouchard".
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Re: 15 minutes of fame
La source, s'il te plait ?
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L'effet dévore la cause, la fin en a absorbé le moyen.
Paul Valéry, Poésie et pensées abstraites
(cité par Herbert Marcuse, in L'homme unidimensionnel)
hks : On le sait bien, une fois que un tel est parti (faché) on se retrouve seuls comme des imbéciles.
Re: 15 minutes of fame
De mémoire, Associated Press, c'est juste un article chopé sur Yahoo ! Actu.
Mais tu peux trouver l'article de consumerist.com ici
Mais tu peux trouver l'article de consumerist.com ici
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Re: 15 minutes of fame
ok merci :)
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hks : On le sait bien, une fois que un tel est parti (faché) on se retrouve seuls comme des imbéciles.
Re: 15 minutes of fame
Qu'est-ce que Warhol a voulu dire avec la phrase qui donne le titre à ce sujet (le quart d'heure de célébrité)?
On ouvrant Internet ce matin (avec Yahoo) je tombe sur un article concernant Cindy Saunder. Cette fille est un cas intéressant. Si j'ai bien compris, elle s'est fait blackbouler de la Star Academy (ou une autre émission ejusdem farinae) en lui expliquant qu'elle ne savait pas chanter ni danser, qu'elle était stupide, moche et ridicule. Ce qui est rigoureusement exact, je crois. Elle continue néanmoins de faire des spectacles avec succès, mais sur la base très explicite, consciente et assumée, qu'on va l'écouter essentiellement pour se foutre de sa gueule.
Il est clair qu'on n'est plus dans la vertu grecque : ce n'est pas par des exploits fameux, mais en se ridiculisant ou s'avilissant sciemment (télé-réalité) qu'on accède au fameux quart d'heure.
Comment expliquer ce tournant?
Approche arendtienne? Dans une société de masse, l'identité personnelle et l'individualisation ne peuvent plus ressurgir que sous une forme complètement dégradée, sur le mode de la parodie? Ou alors est-ce que Debord nous en dit plus?
On ouvrant Internet ce matin (avec Yahoo) je tombe sur un article concernant Cindy Saunder. Cette fille est un cas intéressant. Si j'ai bien compris, elle s'est fait blackbouler de la Star Academy (ou une autre émission ejusdem farinae) en lui expliquant qu'elle ne savait pas chanter ni danser, qu'elle était stupide, moche et ridicule. Ce qui est rigoureusement exact, je crois. Elle continue néanmoins de faire des spectacles avec succès, mais sur la base très explicite, consciente et assumée, qu'on va l'écouter essentiellement pour se foutre de sa gueule.
Il est clair qu'on n'est plus dans la vertu grecque : ce n'est pas par des exploits fameux, mais en se ridiculisant ou s'avilissant sciemment (télé-réalité) qu'on accède au fameux quart d'heure.
Comment expliquer ce tournant?
Approche arendtienne? Dans une société de masse, l'identité personnelle et l'individualisation ne peuvent plus ressurgir que sous une forme complètement dégradée, sur le mode de la parodie? Ou alors est-ce que Debord nous en dit plus?
Courtial- Digressi(f/ve)
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Re: 15 minutes of fame
Le croisement entre la culture-loisir de consommation (bref le savoir à emporter après farcissage et autopsie) et le besoin de reconnaissance accru par l'ère de la médiatisation individuelle.
Oui, il s'agit bien de société du spectacle. Ca ne veut pas seulement dire apparence et jeux de lumière, mais représentation des rapports de force sociaux et de la vente immatérielle des logiques de production matérielles :
la reconnaissance, par le biais d'une médiatisation aliènante, devient marchandisation de l'être en avoir, puis de l'avoir en paraitre;
Ce qui est aliènant, c'est justement de n'être que simple spectateur. Les acteurs de ces parodies sont les spectateurs.
Les spectateurs de ces acteurs sont... le décor, les faits divers à partir desquels on va créer un semblant de scénario ?
15 minutes d'humanisation...
Idéal de reconnaissance et de mimesis des 2 côtés de la lucarne à blaireau (Ecoutez Eric Toulis )
Oui, il s'agit bien de société du spectacle. Ca ne veut pas seulement dire apparence et jeux de lumière, mais représentation des rapports de force sociaux et de la vente immatérielle des logiques de production matérielles :
la reconnaissance, par le biais d'une médiatisation aliènante, devient marchandisation de l'être en avoir, puis de l'avoir en paraitre;
Ce qui est aliènant, c'est justement de n'être que simple spectateur. Les acteurs de ces parodies sont les spectateurs.
Les spectateurs de ces acteurs sont... le décor, les faits divers à partir desquels on va créer un semblant de scénario ?
Chapitre I,4 de la société du spectacle
Le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images
Chapitre V,126 de la société du spectacleLa temporalisation de l’homme, telle qu’elle s’effectue par la médiation d’une société, est égale à une humanisation du temps.
15 minutes d'humanisation...
Chapitre IX,216 de la société du spectacleRéciproquement, l’activité rêvée de l’idéalisme s’accomplit également dans le spectacle, par la médiation technique de signes et de signaux – qui finalement matérialisent un idéal abstrait.
Idéal de reconnaissance et de mimesis des 2 côtés de la lucarne à blaireau (Ecoutez Eric Toulis )
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Paul Valéry, Poésie et pensées abstraites
(cité par Herbert Marcuse, in L'homme unidimensionnel)
hks : On le sait bien, une fois que un tel est parti (faché) on se retrouve seuls comme des imbéciles.
Re: 15 minutes of fame
merci pour eric toulis
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Soyez patient envers tout ce qui n'est pas résolu dans votre cœur et essayez d'aimer les questions elles-mêmes
lanK- Digressi(f/ve)
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Re: 15 minutes of fame
Selon moi, c'est une thématique cruciale de notre époque. Mais j'ai surtout envie, pour ma part, de l'aborder sous l'angle que j'avais commencé à esquisser ici. Est-ce que ça ne saute pas quand même aux yeux, aux notres en tous cas, qui discutons justement sur un forum internet sous des noms d'emprunt, des pseudonymes, des avatars et des masques en tous genres, est-ce que ça ne saute pas aux yeux que, par la même occasion, nous participons d'un mouvement fondé sur des valeurs exactement inverses que celles qui sont proclamées par cette "société du spectacle" ? Par exemple, l'anonymat, la gratuité.
Ce qui n'est pas le cas de Facebook, nous sommes bien d'accord. Et les tensions que connaît Facebook me semblent irréductiblement liées à cette contradiction : Il a un pied dans un monde et un pied dans l'autre.
Ce qui n'est pas le cas de Facebook, nous sommes bien d'accord. Et les tensions que connaît Facebook me semblent irréductiblement liées à cette contradiction : Il a un pied dans un monde et un pied dans l'autre.
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Bergame- Persona
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Date d'inscription : 03/09/2007
Re: 15 minutes of fame
Bah, un autre angle.
Etats-Unis, début du XXe s. Le "taylorisme" et le "fordisme" ont contribué à développer un courant de recherches qui emprunte à la psychologie et se tourne vers l'étude des relations humaines en milieu industriel et professionnel. L'orientation est clairement une sorte de technologies des rapports humains, à visée managériale et organisationnelle, qui, d'ailleurs, alimentera les pires craintes des penseurs critiques et fera beaucoup pour le développement de l'antipsychologie.
Anyway.
La PGM donnera un fort élan à ce paradigme, et on a particulièrement retenu les travaux d'Elton Mayo, qu'on présente souvent comme l'un des fondateurs de la psychologie empirique.
Le problème soumis à Mayo était celui-ci : En période de guerre, l'approvisionnement alimentaire, et particulièrement en viande, privilégiait l'extérieur et le front. A l'intérieur, il était jugé nécessaire de faire la promotion de nouveaux modes d'alimentation, et en particulier, il s'agissait de convaincre les ménagères de cuisiner les abats, morceaux traditionnellement considérés comme impropres à la consommation dans la culture américaine.
Mayo va travailler sur un protocole expérimental tout à fait innovant. Il réunit des groupes de ménagères, constitués aléatoirement, et il les soumet à deux modalités de messages (avec variantes, je passe). La première modalité consiste en ce qu'un expert, reconnu, fasse devant ces groupes la promotion des abats, leurs grandes qualités nutritionnelles, comment on peut les cuisiner, etc. etc. La seconde modalité consiste à faire essayer les abats par une ménagère choisie aléatoirement, et constituer les groupes de ménagères en groupes de discussion autour de son expérience. Ensuite on mesure, d'une part quelle modalité de message a été jugée la plus convaincante, d'autre part, dans le temps, quelle modalité a effectivement influencé le plus profondément les habitudes de consommation de nos ménagères. Réponses : La seconde. Le département US concerné mettra donc en pratique et déléguera des ménagères ambassadrices un peu partout dans les différents Etats afin d'animer des discussions autour de la consommation des abats.
La publicité telle que nous la connaissons aujourd'hui, à la radio, à la TV, et sur internet encore, n'est qu'un pis-aller. Elle n'est que l'adaptation de ce principe aux moyens technologiques qui étaient ceux des annonceurs jusqu'à nos jours. On a pu se demander pourquoi les pubs lessives étaient toutes fondées sur le même modèle : Une ménagère lambda qui teste le produit et prétend que c'est super. Ca parait bateau et usé, mais c'est la modalité du message la mieux adaptée pour ce type de produit, modalité qui table sur un effet d'identification de la ménagère devant son poste à la ménagère dans l'écran. Et qu'est-ce que les stars aujourd'hui si ce n'est des panneaux publicitaires ambulants ? L'idée étant bien toujours d'utiliser cette identification si particulière que la star est sensée avoir généré chez "son" public pour faire la promotion de tels ou tels marque ou produit. Or, qu'est-ce que l'identification si ce n'est une relation affective particulière qui renvoie à mon identité individuelle ? La star me ressemble, je me retrouve en elle, et par un étonnant processus psychologique, je m'efforce également de lui ressembler. Mais on aurait tort d'assimiler ce processus à du mimétisme, c'est sans doute à la fois bien plus et bien moins que cela : La star m'est proche, elle fait partie de mon quotidien -du moins, bien sûr, celle qui est star pour moi, car le fan n'est jamais fan de toutes les stars qui existent sur le marché, au contraire, son amour est exclusif, et il est d'autant plus exclusif qu'il est profond.
Mais préhistoire, désormais, que tout cela. Car en admettant même qu'il y ait identification, que la star soit entrée dans mon quotidien, ou que je me reconnaisse dans la ménagère à l'écran, toutes deux restent des personnages un peu lointains, fictifs ou inaccessibles. Or, voici qu'arrive la révolution. Car internet offre enfin la possibilité technologique de réaliser ce dont tout le monde rêve depuis si longtemps : Désormais, on va pouvoir recréer les conditions de l'expérience de Mayo à grande échelle, que dis-je, à l'échelle planétaire ! On fait tester un produit par un petit panel de cobayes (qui ne seront sans doute pas choisis au hasard, mais bien en fonction de la densité et de la qualité du réseau social qu'ils auront développé) et on les laisse en parler autour d'eux, à leurs amis (sans doute qu'on les incitera un peu, bien sûr).
Certains utilisateurs des réseaux sociaux s'étonnent que leur tombent de la noosphère des "amis" qu'ils connaissaient à peine auparavant voire dont ils ignoraient l'existence. Mais c'est ne rien comprendre au principe même des réseaux sociaux : Il est essentiel que les constituants de votre réseau soient des amis ! Car des amis, on ne se méfie pas, on leur fait confiance. S'ils vous font la promotion d'un produit, ce n'est pas parce qu'ils sont rémunérés pour cela, c'est parce qu'ils veulent votre bien. Combien donc ce principe est-il différent du principe d'identification avec la star ou la ménagère : La relation affective avec la star est univoque. Si j'aime la star, je sais que c'est d'un amour sans espoir de réciprocité. Mais un ami, un membre de ma famille, un proche ! Eux m'aiment et me veulent du bien.
C'est donc là le vrai principe du fameux marketing viral. Mais il n'en est qu'à ses balbutiements, car pour l'heure, nous en sommes encore au stade du développement des réseaux et de leur qualification. Faceboook est d'ailleurs extraordinairement bien pensé de ce point de vue. Ses concepteurs ont compris qu'il ne suffit pas de mettre des individus en relation pour créer un réseau, il faut encore que ces individus partagent des expériences communes. Il faut qu'ils discutent ensemble, il faut qu'ils jouent ensemble, il faut qu'ils partagent leurs émotions, leurs souvenirs, il faut qu'ils échangent. Facebook n'est pas conçu pour que vous soyez en relation avec vos amis et vos proches, il est conçu pour que vous nouiez de nouvelles amitiés, toujours plus d'amitiés, et des amitiés aussi vraies et profondes que possible.
Il faut bien prendre conscience, je crois, de la perversité de l'entreprise. Le concept de "réseau social" part d'un constat : L'amitié se caractérise par sa gratuité, son désintéressement. Une relation amicale, une relation véritablement amicale, c'est une relation profondément désintéressée, et c'est ce qui fait tout à la fois la valeur et la rareté des relations amicales. Or, c'est aussi ce désintéressement qui donne et qui permet la confiance : C'est parce que je sais que l'autre n'est pas dans une relation stratégique ou utilitaire vis-à-vis de moi que je peux lui faire confiance, et c'est justement pour cela que je lui donne le titre d'ami. Ce que se propose de faire le réseau social, c'est donc tout simplement d'utiliser la confiance sur laquelle repose l'amitié, et la mettre au service des annonceurs afin de maximiser leur retour sur investissement publicitaire.
Alors bien sûr, ne nous payons pas de mots : Il y a l'amitié telle que je la définis ici et ce que Facebook appelle des "amis". Et la réaction de ceux qui s'étonnent qu'on puisse qualifier d"amicales" des connexions virtuelles est, dans cette perspective, plutôt saine et rassurante. Mais par cette appellation, Facebook trahit bien son projet. Qui est d'atteindre à autre chose, à quelque chose de plus profond et de plus... ontologique que la simple relation promotionnelle entre le vendeur et l'acheteur, en tous cas de lui faire franchir un pas supplémentaire. Foucault donnait à voir le biopouvoir, un pouvoir qui a le visage de tout un chacun ; voici le biomarketing, où tout un chacun devient vendeur.
Alors imaginez demain ! Quand ce ne seront plus des stars ou des ménagères qui vous feront la promotion de telle lessive ou de tel matériel video, mais vos propres amis ! Quand, avec vos amis, vous appartiendrez au groupe de "ceux-qui-portent-du-X-et-qui-peuvent-pas-blairer-le-groupe-de-ceux-qui-portent-du-Y" ! Et quand à l'inverse, vous en viendrez à vous définir vous-même par ce que vous portez, par ce que vous écoutez, par ce que vous mangez, par ce que vous lisez... et que vous choisirez vos groupes d'identification voire d'appartenance en fonction de ces items :
- Et toi, t'es quoi ?
- Ben... Français !?
- Nan, j'veux dire, t'es Nique ou Adi ?
Ah mon petit neveu me dit à l'instant que c'est déjà le cas et que j'ai du rater quelques épisodes. Bon, faisons confiance aux spécialistes.
Etats-Unis, début du XXe s. Le "taylorisme" et le "fordisme" ont contribué à développer un courant de recherches qui emprunte à la psychologie et se tourne vers l'étude des relations humaines en milieu industriel et professionnel. L'orientation est clairement une sorte de technologies des rapports humains, à visée managériale et organisationnelle, qui, d'ailleurs, alimentera les pires craintes des penseurs critiques et fera beaucoup pour le développement de l'antipsychologie.
Anyway.
La PGM donnera un fort élan à ce paradigme, et on a particulièrement retenu les travaux d'Elton Mayo, qu'on présente souvent comme l'un des fondateurs de la psychologie empirique.
Le problème soumis à Mayo était celui-ci : En période de guerre, l'approvisionnement alimentaire, et particulièrement en viande, privilégiait l'extérieur et le front. A l'intérieur, il était jugé nécessaire de faire la promotion de nouveaux modes d'alimentation, et en particulier, il s'agissait de convaincre les ménagères de cuisiner les abats, morceaux traditionnellement considérés comme impropres à la consommation dans la culture américaine.
Mayo va travailler sur un protocole expérimental tout à fait innovant. Il réunit des groupes de ménagères, constitués aléatoirement, et il les soumet à deux modalités de messages (avec variantes, je passe). La première modalité consiste en ce qu'un expert, reconnu, fasse devant ces groupes la promotion des abats, leurs grandes qualités nutritionnelles, comment on peut les cuisiner, etc. etc. La seconde modalité consiste à faire essayer les abats par une ménagère choisie aléatoirement, et constituer les groupes de ménagères en groupes de discussion autour de son expérience. Ensuite on mesure, d'une part quelle modalité de message a été jugée la plus convaincante, d'autre part, dans le temps, quelle modalité a effectivement influencé le plus profondément les habitudes de consommation de nos ménagères. Réponses : La seconde. Le département US concerné mettra donc en pratique et déléguera des ménagères ambassadrices un peu partout dans les différents Etats afin d'animer des discussions autour de la consommation des abats.
La publicité telle que nous la connaissons aujourd'hui, à la radio, à la TV, et sur internet encore, n'est qu'un pis-aller. Elle n'est que l'adaptation de ce principe aux moyens technologiques qui étaient ceux des annonceurs jusqu'à nos jours. On a pu se demander pourquoi les pubs lessives étaient toutes fondées sur le même modèle : Une ménagère lambda qui teste le produit et prétend que c'est super. Ca parait bateau et usé, mais c'est la modalité du message la mieux adaptée pour ce type de produit, modalité qui table sur un effet d'identification de la ménagère devant son poste à la ménagère dans l'écran. Et qu'est-ce que les stars aujourd'hui si ce n'est des panneaux publicitaires ambulants ? L'idée étant bien toujours d'utiliser cette identification si particulière que la star est sensée avoir généré chez "son" public pour faire la promotion de tels ou tels marque ou produit. Or, qu'est-ce que l'identification si ce n'est une relation affective particulière qui renvoie à mon identité individuelle ? La star me ressemble, je me retrouve en elle, et par un étonnant processus psychologique, je m'efforce également de lui ressembler. Mais on aurait tort d'assimiler ce processus à du mimétisme, c'est sans doute à la fois bien plus et bien moins que cela : La star m'est proche, elle fait partie de mon quotidien -du moins, bien sûr, celle qui est star pour moi, car le fan n'est jamais fan de toutes les stars qui existent sur le marché, au contraire, son amour est exclusif, et il est d'autant plus exclusif qu'il est profond.
Mais préhistoire, désormais, que tout cela. Car en admettant même qu'il y ait identification, que la star soit entrée dans mon quotidien, ou que je me reconnaisse dans la ménagère à l'écran, toutes deux restent des personnages un peu lointains, fictifs ou inaccessibles. Or, voici qu'arrive la révolution. Car internet offre enfin la possibilité technologique de réaliser ce dont tout le monde rêve depuis si longtemps : Désormais, on va pouvoir recréer les conditions de l'expérience de Mayo à grande échelle, que dis-je, à l'échelle planétaire ! On fait tester un produit par un petit panel de cobayes (qui ne seront sans doute pas choisis au hasard, mais bien en fonction de la densité et de la qualité du réseau social qu'ils auront développé) et on les laisse en parler autour d'eux, à leurs amis (sans doute qu'on les incitera un peu, bien sûr).
Certains utilisateurs des réseaux sociaux s'étonnent que leur tombent de la noosphère des "amis" qu'ils connaissaient à peine auparavant voire dont ils ignoraient l'existence. Mais c'est ne rien comprendre au principe même des réseaux sociaux : Il est essentiel que les constituants de votre réseau soient des amis ! Car des amis, on ne se méfie pas, on leur fait confiance. S'ils vous font la promotion d'un produit, ce n'est pas parce qu'ils sont rémunérés pour cela, c'est parce qu'ils veulent votre bien. Combien donc ce principe est-il différent du principe d'identification avec la star ou la ménagère : La relation affective avec la star est univoque. Si j'aime la star, je sais que c'est d'un amour sans espoir de réciprocité. Mais un ami, un membre de ma famille, un proche ! Eux m'aiment et me veulent du bien.
C'est donc là le vrai principe du fameux marketing viral. Mais il n'en est qu'à ses balbutiements, car pour l'heure, nous en sommes encore au stade du développement des réseaux et de leur qualification. Faceboook est d'ailleurs extraordinairement bien pensé de ce point de vue. Ses concepteurs ont compris qu'il ne suffit pas de mettre des individus en relation pour créer un réseau, il faut encore que ces individus partagent des expériences communes. Il faut qu'ils discutent ensemble, il faut qu'ils jouent ensemble, il faut qu'ils partagent leurs émotions, leurs souvenirs, il faut qu'ils échangent. Facebook n'est pas conçu pour que vous soyez en relation avec vos amis et vos proches, il est conçu pour que vous nouiez de nouvelles amitiés, toujours plus d'amitiés, et des amitiés aussi vraies et profondes que possible.
Il faut bien prendre conscience, je crois, de la perversité de l'entreprise. Le concept de "réseau social" part d'un constat : L'amitié se caractérise par sa gratuité, son désintéressement. Une relation amicale, une relation véritablement amicale, c'est une relation profondément désintéressée, et c'est ce qui fait tout à la fois la valeur et la rareté des relations amicales. Or, c'est aussi ce désintéressement qui donne et qui permet la confiance : C'est parce que je sais que l'autre n'est pas dans une relation stratégique ou utilitaire vis-à-vis de moi que je peux lui faire confiance, et c'est justement pour cela que je lui donne le titre d'ami. Ce que se propose de faire le réseau social, c'est donc tout simplement d'utiliser la confiance sur laquelle repose l'amitié, et la mettre au service des annonceurs afin de maximiser leur retour sur investissement publicitaire.
Alors bien sûr, ne nous payons pas de mots : Il y a l'amitié telle que je la définis ici et ce que Facebook appelle des "amis". Et la réaction de ceux qui s'étonnent qu'on puisse qualifier d"amicales" des connexions virtuelles est, dans cette perspective, plutôt saine et rassurante. Mais par cette appellation, Facebook trahit bien son projet. Qui est d'atteindre à autre chose, à quelque chose de plus profond et de plus... ontologique que la simple relation promotionnelle entre le vendeur et l'acheteur, en tous cas de lui faire franchir un pas supplémentaire. Foucault donnait à voir le biopouvoir, un pouvoir qui a le visage de tout un chacun ; voici le biomarketing, où tout un chacun devient vendeur.
Alors imaginez demain ! Quand ce ne seront plus des stars ou des ménagères qui vous feront la promotion de telle lessive ou de tel matériel video, mais vos propres amis ! Quand, avec vos amis, vous appartiendrez au groupe de "ceux-qui-portent-du-X-et-qui-peuvent-pas-blairer-le-groupe-de-ceux-qui-portent-du-Y" ! Et quand à l'inverse, vous en viendrez à vous définir vous-même par ce que vous portez, par ce que vous écoutez, par ce que vous mangez, par ce que vous lisez... et que vous choisirez vos groupes d'identification voire d'appartenance en fonction de ces items :
- Et toi, t'es quoi ?
- Ben... Français !?
- Nan, j'veux dire, t'es Nique ou Adi ?
Ah mon petit neveu me dit à l'instant que c'est déjà le cas et que j'ai du rater quelques épisodes. Bon, faisons confiance aux spécialistes.
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Re: 15 minutes of fame
Je n'aime pas trop Edgar Morin, du moins pas plus que ça, mais il a quand même commis au moins deux ouvrages classiques, La Rumeur d'Orléans, et Les Stars, qui forment d'ailleurs les deux éléments centraux de son étude sur "le Moyen-Age moderne."
Les Stars, c'est sa thèse de doctorat, publiée en 1957. Morin y analysait un phénomène somme toute assez neuf, alors, dont la portée du moins se révélait tout juste. Surtout, il faisait voir les multiples facettes et fonctions de la star.
La star est d'abord une divinité moderne et "plébéienne", la divinité d'une civilisation dans laquelle la montée des classes populaires est le phénomène majeur. Mais comme toute divinité, elle a son champ d'action, sa sphère d'influence particulière. La star est amour, elle aime ceux qui l'aiment, et ses dévots s'aiment entre eux -entre elles- dans ce commun amour.
La star, c'est aussi un mythe. Celui de la petite fille pauvre, qui, ayant croisé un personnage doté de pouvoirs, fée ou prince, accède au monde rêvé. Elle vit ses rêves, et les dévots de son culte le vivent à travers elle. L'amour, comme la réalisation des rêves, comme un bovarysme accessible à la ménagère : « Vivre ses rêves et rêver sa vie. » Certes, l'histoire est aussi extraordinaire qu'elle est rare, et c'est pourquoi elle engendre le rêve. "Pourquoi pas moi ?" Car s'il faut un apprentissage pour devenir acteur ou comédien, aucun n'est nécessaire pour devenir star. La star, c'est l'impossible possible, et le possible impossible. La star, c'est le culte du "Tout est possible", car après tout, qui a jamais prouvé qu'il était impossible de marcher sur l'eau ?
La star est un fard, un masque, un costume, une servitude. La star est sous contrat, le comique doit faire rire et le tragique fait vendre. La star, c'est un nom, connu et reconnu, de cette reconnaissance qui transforme une personnalité en une marque générique. La star est surdéterminée. La star est une marchandise, elle a toutes les caractéristiques d'un produit de grande consommation. La star révèle la prodigieuse rentabilité du rêve, « matière première libre et plastique, qu’il suffit de former et de standardiser pour qu’il réponde aux archétypes fondamentaux de l’imaginaire. » La star est le mythe spécifique de la civilisation capitaliste.
« Nul n’est vraiment athée, qui fréquente les salles obscures. »
Les Stars, c'est sa thèse de doctorat, publiée en 1957. Morin y analysait un phénomène somme toute assez neuf, alors, dont la portée du moins se révélait tout juste. Surtout, il faisait voir les multiples facettes et fonctions de la star.
La star est d'abord une divinité moderne et "plébéienne", la divinité d'une civilisation dans laquelle la montée des classes populaires est le phénomène majeur. Mais comme toute divinité, elle a son champ d'action, sa sphère d'influence particulière. La star est amour, elle aime ceux qui l'aiment, et ses dévots s'aiment entre eux -entre elles- dans ce commun amour.
La star, c'est aussi un mythe. Celui de la petite fille pauvre, qui, ayant croisé un personnage doté de pouvoirs, fée ou prince, accède au monde rêvé. Elle vit ses rêves, et les dévots de son culte le vivent à travers elle. L'amour, comme la réalisation des rêves, comme un bovarysme accessible à la ménagère : « Vivre ses rêves et rêver sa vie. » Certes, l'histoire est aussi extraordinaire qu'elle est rare, et c'est pourquoi elle engendre le rêve. "Pourquoi pas moi ?" Car s'il faut un apprentissage pour devenir acteur ou comédien, aucun n'est nécessaire pour devenir star. La star, c'est l'impossible possible, et le possible impossible. La star, c'est le culte du "Tout est possible", car après tout, qui a jamais prouvé qu'il était impossible de marcher sur l'eau ?
La star est un fard, un masque, un costume, une servitude. La star est sous contrat, le comique doit faire rire et le tragique fait vendre. La star, c'est un nom, connu et reconnu, de cette reconnaissance qui transforme une personnalité en une marque générique. La star est surdéterminée. La star est une marchandise, elle a toutes les caractéristiques d'un produit de grande consommation. La star révèle la prodigieuse rentabilité du rêve, « matière première libre et plastique, qu’il suffit de former et de standardiser pour qu’il réponde aux archétypes fondamentaux de l’imaginaire. » La star est le mythe spécifique de la civilisation capitaliste.
« Nul n’est vraiment athée, qui fréquente les salles obscures. »
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Re: 15 minutes of fame
Et Godël, dans l'histoire de cette discussion, ricane doucement : des
entités virtuelles qui discutent du virtuel, ce système discret dans un
forum furtif qui essaye de se comprendre. L'englobant, donc, et je ne
suis pas tout-à-fait d'accord avec l'angle d'attaque privé-public.
Admettons que le net, la toile, diverse et variée, soit un système
effectif de communication et d'échange, tendant à l'englobement, au
'meta-système'. On ne parle pas de vie virtuelle sans fondement : la
vie d'être communicant peut se suffire de la toile. L'angle
privé-public de l'histoire du journal invasif qui effectue une
transgression montre le potentiel invasif, mais s'il y a célébrité,
c'est pas la gloire. Et cet angle est biaisé : le Fred a peut-être une
floppée de pseudos dont le Tigre n'a pas eu vent, pseudo sur Wow,
diverses forums et tchat, p'têt bien même qu'il a un multi sur facebook
(prononcer fesse-bouc). De cela on peut observer que le net permet une
existence sociale (le socius repose sur la communication et
l'interaction) certes 'privée-publique' mais également
'anonyme-identifiée'. Car il est des anonymes, des pseudos qui sont
par eux-même des personnes publiques (ne fut-ce que certains groupes de
pirrat, de hackerrs, comme RedAlert, etc.) sans que l'on sache qui ils
sont.
Cette possibilité de l'anonymat amène la notion de choix identitaire,
de jeux de rôle, de fictions narcissiques. L'espace de pur représenté
sur le web est synonyme, selon moi, et dans la paradigme de l'allégorie
de la caverne, d'un jeu de marionnettes, d'avatars auquel s'adonnerait
les prisonniers. Cette assertion permet de développer autour du net
les questions liées à l'allégorie, à travers la petite histoire des
philosopheux.
Par exemple, l'angle fuite de la réalité / monde naturel-habituel /
epoché vers le dasein qui, généralement, se pose avec comme basculement
axial le passage du monde matériel et habituel vers la saisie pour
elle-même de soi dans l'Intellect, se trouve comme déplacé. Les
petites galaxies virtuelles (facebook, wow, etc.) se donnent comme
suffisant à la vie sociale, mais cette vie ne passe que par le
discours, l'écrit, le langage verbal. L'habitude, qui est possible
dans la monde matériel, est nécessaire et vitale sur le net, c'est la
nature des galaxies virtuelles. Habitude qui rime avec dépendance, la
raison du retour dans ce monde. Et ce, fait que par lui-même, la
sortie de la vie virtuelle se donne comme simple sortie de l'habitude,
comme simple sortie du réflexe de communication. Cette sortie, cette
suspension est en quelque sorte meurtre du reflet, suicide de l'avatar
tout comme la sortie de la caverne est oubli du monde des ombres ~ à la
différence que si on quitte son identité, on trouve l'existence dans
leu soleil del bienna vista.
Ce qui précède à simple titre d'illustration. D'autres angles sont
possibles, car par exemple l'usage du langage amène parfois une
recrudescence de débats qui potentiellement ont un pouvoir d'Idée.
Flippant pour ceux qui préfèrent les peuples stupides et télévisés.
Quant à Warhol, cette quinzaine minutées est super-pop, mais c'est un
peu la façade marketing du grand spectacle : "Com'n join us".
... et les acteurs authentiques sont, le plus souvent, ceux qui savent sortir de leurs rôles.
entités virtuelles qui discutent du virtuel, ce système discret dans un
forum furtif qui essaye de se comprendre. L'englobant, donc, et je ne
suis pas tout-à-fait d'accord avec l'angle d'attaque privé-public.
Admettons que le net, la toile, diverse et variée, soit un système
effectif de communication et d'échange, tendant à l'englobement, au
'meta-système'. On ne parle pas de vie virtuelle sans fondement : la
vie d'être communicant peut se suffire de la toile. L'angle
privé-public de l'histoire du journal invasif qui effectue une
transgression montre le potentiel invasif, mais s'il y a célébrité,
c'est pas la gloire. Et cet angle est biaisé : le Fred a peut-être une
floppée de pseudos dont le Tigre n'a pas eu vent, pseudo sur Wow,
diverses forums et tchat, p'têt bien même qu'il a un multi sur facebook
(prononcer fesse-bouc). De cela on peut observer que le net permet une
existence sociale (le socius repose sur la communication et
l'interaction) certes 'privée-publique' mais également
'anonyme-identifiée'. Car il est des anonymes, des pseudos qui sont
par eux-même des personnes publiques (ne fut-ce que certains groupes de
pirrat, de hackerrs, comme RedAlert, etc.) sans que l'on sache qui ils
sont.
Cette possibilité de l'anonymat amène la notion de choix identitaire,
de jeux de rôle, de fictions narcissiques. L'espace de pur représenté
sur le web est synonyme, selon moi, et dans la paradigme de l'allégorie
de la caverne, d'un jeu de marionnettes, d'avatars auquel s'adonnerait
les prisonniers. Cette assertion permet de développer autour du net
les questions liées à l'allégorie, à travers la petite histoire des
philosopheux.
Par exemple, l'angle fuite de la réalité / monde naturel-habituel /
epoché vers le dasein qui, généralement, se pose avec comme basculement
axial le passage du monde matériel et habituel vers la saisie pour
elle-même de soi dans l'Intellect, se trouve comme déplacé. Les
petites galaxies virtuelles (facebook, wow, etc.) se donnent comme
suffisant à la vie sociale, mais cette vie ne passe que par le
discours, l'écrit, le langage verbal. L'habitude, qui est possible
dans la monde matériel, est nécessaire et vitale sur le net, c'est la
nature des galaxies virtuelles. Habitude qui rime avec dépendance, la
raison du retour dans ce monde. Et ce, fait que par lui-même, la
sortie de la vie virtuelle se donne comme simple sortie de l'habitude,
comme simple sortie du réflexe de communication. Cette sortie, cette
suspension est en quelque sorte meurtre du reflet, suicide de l'avatar
tout comme la sortie de la caverne est oubli du monde des ombres ~ à la
différence que si on quitte son identité, on trouve l'existence dans
leu soleil del bienna vista.
Ce qui précède à simple titre d'illustration. D'autres angles sont
possibles, car par exemple l'usage du langage amène parfois une
recrudescence de débats qui potentiellement ont un pouvoir d'Idée.
Flippant pour ceux qui préfèrent les peuples stupides et télévisés.
Quant à Warhol, cette quinzaine minutées est super-pop, mais c'est un
peu la façade marketing du grand spectacle : "Com'n join us".
... et les acteurs authentiques sont, le plus souvent, ceux qui savent sortir de leurs rôles.
Ed Auld- Digressi(f/ve)
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Re: 15 minutes of fame
C'est Barack qui le dit :
A l'occasion d'une conférence devant des adolescents et leurs parents, le président américain les a mis en garde contre les contenus qu'ils mettent en ligne.
Interrogé par un étudiant désireux d'apprendre quelques astuces pour devenir président des Etats-Unis, Barack Obama a commencé en rappelant la nécessité de faire preuve de prudence dans la mise en ligne de données sur Facebook.
Certains contenus peuvent selon lui porter préjudice aux jeunes, plus tard. Barack Obama a tenu à rappeler aux étudiants américains que les employeurs faisaient désormais des recherches sur les candidats à un recrutement. Des recherches qui peuvent les mener sur les réseaux sociaux.
Selon une récente enquête de CareerBuilder.com, 45% des DRH consultent les réseaux sociaux pour se faire une idée des candidats. Et, chiffre important, 35% des employeurs déclarent avoir renoncé à embaucher des postulants après avoir découvert certains contenus sur leurs pages (consommation de drogue, dénigrement de leur précédent employeur, etc.).
[ZDNet, 9/9/09]
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Bergame- Persona
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Re: 15 minutes of fame
Je n'aime pas trop Edgar Morin, du moins pas plus que ça, mais il a quand même commis au moins deux ouvrages classiques, La Rumeur d'Orléans, et Les Stars, qui forment d'ailleurs les deux éléments centraux de son étude sur "le Moyen-Age moderne."
Les Stars, c'est sa thèse de doctorat, publiée en 1957. Morin y analysait un phénomène somme toute assez neuf, alors, dont la portée du moins se révélait tout juste. Surtout, il faisait voir les multiples facettes et fonctions de la star.
La star est d'abord une divinité moderne et "plébéienne", la divinité d'une civilisation dans laquelle la montée des classes populaires est le phénomène majeur. Mais comme toute divinité, elle a son champ d'action, sa sphère d'influence particulière. La star est amour, elle aime ceux qui l'aiment, et ses dévots s'aiment entre eux -entre elles- dans ce commun amour.
Je n'aime pas du tout Edgar Morin. J'ai lu, dans le cadre d'un travail universitaire où j'avais choisi un sujet approchant, son livre sur les Stars. C'était la version en points/Seuil, ce n'est peut-être qu'une partie (puisque tu m'apprends que c'était sa thèse), que j'ai trouvé faiblissime, cela ne m'a rien appris qu'on ne puisse observer avec un peu de bon sens, boursoufflé par l'emphase (procédé qui consiste, ici, à présenter comme des révélations mirifiques, des banalités sans profondeur). J'ai failli retourner chez mon libraire pour me faire rembourser mon pognon indûmment perçu, un peu comme on rapporterait une pèche pourrie.
Je te promets d'aller regarder à l'occasion (ce qui veut dire aussi : si je le trouve d'occasion, je vais pas sacrifier 30 euros) La rumeur d'Orléans, en espérant que serait un peu plus sérieux?
Il y a des centaines de sociologues qui travaillent très bien, on n'a pas le temps de tous les lire, pourquoi s'embarrasser de Morin, franchement?
Et je ne parlerais pas de son approche de la "complexité", pour ne pas me montrer extrèmement désagréable...
Courtial- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 03/07/2008
Re: 15 minutes of fame
:gsdgr: Oui, mais je pense que ça a beaucoup vieilli, aussi. A l'époque, je crois que c'était assez innovant, cette idée de lire la modernité à travers les lunettes du Moyen-Age. Et il y avait une approche assez étonnante, pour un sociologue, un peu herméneutique, quoi.
Bon, je dirais que quand je lis Morin, j'ai le même sentiment que celui dont tu fais part ici 90% du temps, et puis tac, une formule, une phrase, tu te dis : "Ah ouais, pas mal, ça, tiens, j'y avais pas pensé." Pile-poil comme Maffesoli d'ailleurs, tu m'étonnes qu'ils sont potes, ces deux-là. Sauf que Maffesoli se débrouille incroyablement bien sur le plan institutionnel, j'aimerais bien connaître son secret -assurément faustien, d'ailleurs.
Ah et puis il y a quand même un autre point qu'il faut mentionner en faveur de Morin, c'est qu'il a les qualités de ses défauts. En l'occurence, il est éclectique et la transdisciplinarité ne lui fait pas peur. Il est donc l'un des rares à avoir essayer des jeter des passerelles de la sociologie vers les sciences cognitives, par exemple.
Je pense que la Rumeur est d'un plus haut niveau, oui, ne serait-ce que parce qu'elle s'appuie sur une enquête de terrain, ça a le mérite de contenir un peu la verve de notre pisse-copie.
Bon, je dirais que quand je lis Morin, j'ai le même sentiment que celui dont tu fais part ici 90% du temps, et puis tac, une formule, une phrase, tu te dis : "Ah ouais, pas mal, ça, tiens, j'y avais pas pensé." Pile-poil comme Maffesoli d'ailleurs, tu m'étonnes qu'ils sont potes, ces deux-là. Sauf que Maffesoli se débrouille incroyablement bien sur le plan institutionnel, j'aimerais bien connaître son secret -assurément faustien, d'ailleurs.
Ah et puis il y a quand même un autre point qu'il faut mentionner en faveur de Morin, c'est qu'il a les qualités de ses défauts. En l'occurence, il est éclectique et la transdisciplinarité ne lui fait pas peur. Il est donc l'un des rares à avoir essayer des jeter des passerelles de la sociologie vers les sciences cognitives, par exemple.
Je pense que la Rumeur est d'un plus haut niveau, oui, ne serait-ce que parce qu'elle s'appuie sur une enquête de terrain, ça a le mérite de contenir un peu la verve de notre pisse-copie.
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Re: 15 minutes of fame
Autant que je puisse en juger -je ne suis pas un spécialiste de la culture pop- Lady Gaga est la première artiste à "théoriser" l'évolution du statut de la star. Ce qu'elle donne à voir est tout à fait saisissant et me semble assez signifiant quant à la civilisation américaine contemporaine.
D'abord, son discours sur la célébrité ("The Fame") présente un personnage tragiquement obsédé par le besoin d'être, non pas aimé, mais vu et reconnu. En cela, elle tend un miroir à la jeune génération occidentale qui semble s'y être reconnue étonnamment rapidement -Lady Gaga a déjà vendu 23 millions d'albums. Cette relation est étrange, quand on y pense : Que la star soit une surface de projection pour la jeune génération, c'est son rôle, et c'est bien le processus par lequel un individu quelconque devient "star". Mais Lady Gaga est la première à ma connaissance à assumer ce rôle au point qu'elle dise quasi-explicitement : "Voyez, vous êtes tous en quête de reconnaissance, et je sais bien que vous ne me reconnaissez que parce qu'en moi, c'est vous-même que vous reconnaissez, mais j'accepte de jouer ce rôle qui consiste à être reconnu en même temps qu'annihilé."
Car ce que dit également Lady Gaga, c'est que le rôle de "star" a évolué de celui de divinité à celui de victime sacrificielle. La star est toujours un objet d'adoration, elle est toujours la dépositaire d'une énergie sacrée, comme les chefs archaïques. Mais elle est aussi un objet de crainte, voire de ressentiment -comme les chefs archaïques. La star est essentiellement transgressive, en ce qu'elle accepte de vivre ce que les autres ne peuvent et/ou ne veulent pas vivre. Et pour cela, elle doit payer, en même temps qu'elle assume un destin qui est une fonction.
Lady Gaga écrit elle-même ses chansons ainsi que les scénario de ses vidéos. Je trouve que le clip de "Paparazzi" est un témoignage assez éloquent sur le parcours qu'accomplit aujourd'hui une jeune fille qui devient une "star".
Je ne m'attarderais pas inutilement sur l'omniprésente double symbolique du papillon, la transformation d'une part (je ne dis pas Aufhebung, je doute que Lady Gaga connaisse Hegel) et l'être tragiquement attiré par la lumière d'autre part. Il est vrai que lorsqu'on pense aux métamorphoses qu'accomplit le papillon pour finir s'abimer sur une flamme, il y a de quoi pleurer.
La symbolique de l'oeil est également très présente chez elle, et c'est tout à fait intéressant comme elle renvoie le spectateur à son propre voyeurisme : Non pas sur un mode accusateur ou culpabilisant, mais sur un mode complice et mimétique, qui, du coup, l'élève à un niveau singulier : C'est elle qui regarde. Elle nous voit. On est surpris comme si dans l'étroit orifice de la serrure, était brusquement apparu un oeil.
Il y a des analyses "théories du complot" qui fleurissent actuellement sur Lady Gaga, et qui notent une autre dimension très prégnante, celle de la "programmation cognitive des masses par les medias" : La jeune femme se présente comme "machinisée", brainwashed, un pur produit programmé pour réussir et toucher le public -et du même coup, c'est cette image d'eux-mêmes qu'elle montre subtilement à ses fans. Je l'ai regardée samedi soir dernier dans l'émission de Ruquier, elle était opposée aux deux chroniqueurs bien connus et vaillants défenseurs de la culture dans le PAF -ils font un métier pas facile- et les questions se succédant et devenant un peu gênantes, elle a eu cette réflexion magnifique : "Mais vous savez, je ne suis qu'une jeune fille qui veut s'amuser en boite et avoir du bon temps... Comme tout le monde ici." Ce à quoi le public a acquiescé en applaudissant avec frénésie. Ce n'est même plus cynique, c'est juste vrai -la preuve. Mais c'est tragique car elle, semble très bien savoir ce que cela signifie, que de donner au public ce qu'il veut.
Enfin, j'ai repéré un symbolisle qui, certes, est assez classique chez les stars américaines -dont une part se prétend toujours plus ou moins liée au diable, dans ce pays puritain- mais qui, chez elle, est présenté de manière très... ésotérique, et à vrai dire, d'autant plus perverse, car tout cela est manifestement très pensé. On appréhende mal, en France, la vague d'irrationalisme qui traverse les Etats-Unis depuis au moins 9/11 -si ce n'est justement, avec l'oeuvre d'un Maffesoli par exemple. Chez Lady Gaga, est signifié une sorte de pacte faustien avec un Méphistophélès qui aurait le visage de tout le monde et de personne, du public et du fantasme d'un moi qui se réfléchirait dans un jeu de miroirs, à l'infini. Mais non pas seulement comme dans la dernière scène de All About Eve, car Lady Gaga dit autre chose sur la tragédie contemporaine : Les stars ne sont plus des obsessionnelles écervelées destinées à la chute et à l'abandon après avoir connu une gloire fugitive ; elles ne sont plus ces pauvres âmes cherchant à compenser dans un amour fantasmatique la solitude qui imprime leur existence ; elles sont, comme leurs consoeurs en pornographie, des victimes consentantes, volontaires, qui s'offrent d'elle-même en pâture à l'hybris démultiplié par les centaines de millions d'yeux qui les scrutent et les inspectent et les fouillent de par le monde. Qui sont les dieux et qui sont les hommes ? Le monde est une immense salle de théâtre, et la scène est ouverte à qui veut la prendre. Mais qu'il sache que le public exige désormais, et toujours davantage, de "réel" : Du sperme, de la chair, et du sang. Ainsi parlait Lady Gaga.
D'abord, son discours sur la célébrité ("The Fame") présente un personnage tragiquement obsédé par le besoin d'être, non pas aimé, mais vu et reconnu. En cela, elle tend un miroir à la jeune génération occidentale qui semble s'y être reconnue étonnamment rapidement -Lady Gaga a déjà vendu 23 millions d'albums. Cette relation est étrange, quand on y pense : Que la star soit une surface de projection pour la jeune génération, c'est son rôle, et c'est bien le processus par lequel un individu quelconque devient "star". Mais Lady Gaga est la première à ma connaissance à assumer ce rôle au point qu'elle dise quasi-explicitement : "Voyez, vous êtes tous en quête de reconnaissance, et je sais bien que vous ne me reconnaissez que parce qu'en moi, c'est vous-même que vous reconnaissez, mais j'accepte de jouer ce rôle qui consiste à être reconnu en même temps qu'annihilé."
Car ce que dit également Lady Gaga, c'est que le rôle de "star" a évolué de celui de divinité à celui de victime sacrificielle. La star est toujours un objet d'adoration, elle est toujours la dépositaire d'une énergie sacrée, comme les chefs archaïques. Mais elle est aussi un objet de crainte, voire de ressentiment -comme les chefs archaïques. La star est essentiellement transgressive, en ce qu'elle accepte de vivre ce que les autres ne peuvent et/ou ne veulent pas vivre. Et pour cela, elle doit payer, en même temps qu'elle assume un destin qui est une fonction.
Lady Gaga écrit elle-même ses chansons ainsi que les scénario de ses vidéos. Je trouve que le clip de "Paparazzi" est un témoignage assez éloquent sur le parcours qu'accomplit aujourd'hui une jeune fille qui devient une "star".
Je ne m'attarderais pas inutilement sur l'omniprésente double symbolique du papillon, la transformation d'une part (je ne dis pas Aufhebung, je doute que Lady Gaga connaisse Hegel) et l'être tragiquement attiré par la lumière d'autre part. Il est vrai que lorsqu'on pense aux métamorphoses qu'accomplit le papillon pour finir s'abimer sur une flamme, il y a de quoi pleurer.
La symbolique de l'oeil est également très présente chez elle, et c'est tout à fait intéressant comme elle renvoie le spectateur à son propre voyeurisme : Non pas sur un mode accusateur ou culpabilisant, mais sur un mode complice et mimétique, qui, du coup, l'élève à un niveau singulier : C'est elle qui regarde. Elle nous voit. On est surpris comme si dans l'étroit orifice de la serrure, était brusquement apparu un oeil.
Il y a des analyses "théories du complot" qui fleurissent actuellement sur Lady Gaga, et qui notent une autre dimension très prégnante, celle de la "programmation cognitive des masses par les medias" : La jeune femme se présente comme "machinisée", brainwashed, un pur produit programmé pour réussir et toucher le public -et du même coup, c'est cette image d'eux-mêmes qu'elle montre subtilement à ses fans. Je l'ai regardée samedi soir dernier dans l'émission de Ruquier, elle était opposée aux deux chroniqueurs bien connus et vaillants défenseurs de la culture dans le PAF -ils font un métier pas facile- et les questions se succédant et devenant un peu gênantes, elle a eu cette réflexion magnifique : "Mais vous savez, je ne suis qu'une jeune fille qui veut s'amuser en boite et avoir du bon temps... Comme tout le monde ici." Ce à quoi le public a acquiescé en applaudissant avec frénésie. Ce n'est même plus cynique, c'est juste vrai -la preuve. Mais c'est tragique car elle, semble très bien savoir ce que cela signifie, que de donner au public ce qu'il veut.
Enfin, j'ai repéré un symbolisle qui, certes, est assez classique chez les stars américaines -dont une part se prétend toujours plus ou moins liée au diable, dans ce pays puritain- mais qui, chez elle, est présenté de manière très... ésotérique, et à vrai dire, d'autant plus perverse, car tout cela est manifestement très pensé. On appréhende mal, en France, la vague d'irrationalisme qui traverse les Etats-Unis depuis au moins 9/11 -si ce n'est justement, avec l'oeuvre d'un Maffesoli par exemple. Chez Lady Gaga, est signifié une sorte de pacte faustien avec un Méphistophélès qui aurait le visage de tout le monde et de personne, du public et du fantasme d'un moi qui se réfléchirait dans un jeu de miroirs, à l'infini. Mais non pas seulement comme dans la dernière scène de All About Eve, car Lady Gaga dit autre chose sur la tragédie contemporaine : Les stars ne sont plus des obsessionnelles écervelées destinées à la chute et à l'abandon après avoir connu une gloire fugitive ; elles ne sont plus ces pauvres âmes cherchant à compenser dans un amour fantasmatique la solitude qui imprime leur existence ; elles sont, comme leurs consoeurs en pornographie, des victimes consentantes, volontaires, qui s'offrent d'elle-même en pâture à l'hybris démultiplié par les centaines de millions d'yeux qui les scrutent et les inspectent et les fouillent de par le monde. Qui sont les dieux et qui sont les hommes ? Le monde est une immense salle de théâtre, et la scène est ouverte à qui veut la prendre. Mais qu'il sache que le public exige désormais, et toujours davantage, de "réel" : Du sperme, de la chair, et du sang. Ainsi parlait Lady Gaga.
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Re: 15 minutes of fame
Celle-ci est magnifique.
Dans le monde capitaliste, l'information est reine. Même les voleurs en ont besoin.
Vous imaginez le business-plan de Boy ? Et les réunions avec les investisseurs ?
- Donc votre projet, c'est de fournir de l'information aux cambrioleurs. Si je vous suis bien, ce sont eux qui vont assurer la fréquentation de votre site. Mais alors la question, c'est : En quoi des voyous pourraient-ils intéresser les annonceurs ?
- Mais parce que c'est un public à fort pouvoir d'achat. Nos études montrent qu'en 10 ans, le cambriolage des domiciles privés a augmenté de 30%. Il y a là tout un gisement inexploité, un segment qui n'est travaillé par personne, et qui bénéficie d'une réserve conséquente.
- D'ailleurs, nous projetons que la fréquentation sera assurée à 50% par des individus qui s'inquièteront de savoir si les informations qu'ils ont pu laisser sur internet se retrouvent sur le site.
- Une sorte d'auto-check, quoi ?
- Oui, nous tablons sur le besoin de réassurance. Or, ce public-là est très identifiable en termes d'impulsion-achat. Il est particulièrement réceptif aux messages du type "protection de la personne", et intéressés aux produits de sécurité individuelle, de surveillance, etc., un marché en forte croissance, comme vous le savez.
- Sans compter que, si quelqu'un s'inquiète de manière récurrente à propos de la possibilité d'être cambriolé, la probabilité est grande pour qu'il possède des biens de valeur. Et conséquemment, qu'il dispose d'un important pouvoir d'achat. Nous avons donc là un individu qui a peur de perdre quelque chose ayant de la valeur à ses yeux, et qui dispose des moyens financiers de le protéger. Définitivement une bonne cible pour les annonceurs.
- Très bien, très bien. Mais ça signifie qu'il va falloir investir en comm.
- Oui, d'ailleurs, nous avons budgeté une campagne de presse pour le lancement du site. Stratégiquement, nous adoptons un double positionnement : PleaseRobMe donne de l'information aux cambrioleurs, ça c'est pour l'accroche. Mais sa vocation est pédagogique : Il s'agit de mettre en garde quant à la diffusion des informations personnelles sur les réseaux sociaux.
- Je vois : Créer le buzz, mais pas au détriment de l'image.
- Exactement. Et enfin, la cerise sur le gateau : Nous garantissons à nos investisseurs que leurs informations personnelles ne seront pas diffusées sur le site.
- Ah ben ça, c'est sympa !
Dans le monde capitaliste, l'information est reine. Même les voleurs en ont besoin.
Toutes les informations ne sont pas bonnes à être partagées sur les site de réseaux sociaux et PleaseRobMe.com ("S'il vous plaît, volez-moi") est là pour le montrer. Ce site internet lancé il y a quelques jours recense tous les profils Twitter indiquant les utilisateurs partis en vacances, en week-end ou au travail, laissant leur domicile vide...
L'objectif des fondateurs du site est de montrer aux utilisateurs des sites de réseaux sociaux comment ils pourraient facilement voir leur domicile cambriolé en raison des informations qu'ils diffusent sur Internet. Ces informations étant souvent publiques, et leur profil indiquant parfois leur adresse, il peut être facile pour les voleurs de déterminer quels sont les domiciles vides. Et Boy Van Amstel, l'un des fondateurs du site, de préciser que la mise en place de ce site internet n'a pas nécessité beaucoup d'efforts : le tout étant simplement de vérifier les statuts des utilisateurs.
Le site utilise également Foursquare.com, qui permet véritablement de suivre à la trace des individus sur une carte Google maps. En pratique, on entre le nom d'une ville ainsi que le pseudo d'une personne sur Twitter, et l'on peut accéder aux derniers messages que cette personne a laissés. Il est alors possible de savoir où la personne se situe. Les créateurs du site internet PleaseRobMe.com assurent qu'ils n'ont créé le site que pour alerter la population sur les conséquences que peuvent avoir les informations qu'elle publie sur internet.
Vous imaginez le business-plan de Boy ? Et les réunions avec les investisseurs ?
- Donc votre projet, c'est de fournir de l'information aux cambrioleurs. Si je vous suis bien, ce sont eux qui vont assurer la fréquentation de votre site. Mais alors la question, c'est : En quoi des voyous pourraient-ils intéresser les annonceurs ?
- Mais parce que c'est un public à fort pouvoir d'achat. Nos études montrent qu'en 10 ans, le cambriolage des domiciles privés a augmenté de 30%. Il y a là tout un gisement inexploité, un segment qui n'est travaillé par personne, et qui bénéficie d'une réserve conséquente.
- D'ailleurs, nous projetons que la fréquentation sera assurée à 50% par des individus qui s'inquièteront de savoir si les informations qu'ils ont pu laisser sur internet se retrouvent sur le site.
- Une sorte d'auto-check, quoi ?
- Oui, nous tablons sur le besoin de réassurance. Or, ce public-là est très identifiable en termes d'impulsion-achat. Il est particulièrement réceptif aux messages du type "protection de la personne", et intéressés aux produits de sécurité individuelle, de surveillance, etc., un marché en forte croissance, comme vous le savez.
- Sans compter que, si quelqu'un s'inquiète de manière récurrente à propos de la possibilité d'être cambriolé, la probabilité est grande pour qu'il possède des biens de valeur. Et conséquemment, qu'il dispose d'un important pouvoir d'achat. Nous avons donc là un individu qui a peur de perdre quelque chose ayant de la valeur à ses yeux, et qui dispose des moyens financiers de le protéger. Définitivement une bonne cible pour les annonceurs.
- Très bien, très bien. Mais ça signifie qu'il va falloir investir en comm.
- Oui, d'ailleurs, nous avons budgeté une campagne de presse pour le lancement du site. Stratégiquement, nous adoptons un double positionnement : PleaseRobMe donne de l'information aux cambrioleurs, ça c'est pour l'accroche. Mais sa vocation est pédagogique : Il s'agit de mettre en garde quant à la diffusion des informations personnelles sur les réseaux sociaux.
- Je vois : Créer le buzz, mais pas au détriment de l'image.
- Exactement. Et enfin, la cerise sur le gateau : Nous garantissons à nos investisseurs que leurs informations personnelles ne seront pas diffusées sur le site.
- Ah ben ça, c'est sympa !
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Re: 15 minutes of fame
La même démarche que l'article Marc L. du Tigre, en somme :D
http://www.le-tigre.net/Marc-L.html
http://www.le-tigre.net/Marc-L-Genese-d-un-buzz-mediatique.html
http://www.le-tigre.net/Marc-L.html
http://www.le-tigre.net/Marc-L-Genese-d-un-buzz-mediatique.html
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L'effet dévore la cause, la fin en a absorbé le moyen.
Paul Valéry, Poésie et pensées abstraites
(cité par Herbert Marcuse, in L'homme unidimensionnel)
hks : On le sait bien, une fois que un tel est parti (faché) on se retrouve seuls comme des imbéciles.
Re: 15 minutes of fame
Ben voila ! Tout s'explique !
Le Marko, ça doit même l'étonner qu'on l'ennuie tellement avec tout ça. "Respect de la vie privée ? Sur internet ? Mais c'est quoi, la vie privée, sur internet ? D'ailleurs, c'est quoi la vie, sur internet ?"
Anecdotiquement, je regarde mon premier message sur le sujet, c'était il y a un an. Facebook comptait 175 millions d'utilisateurs. 400 millions aujourd'hui. Comme si toute la population d'Amérique du Nord, Mexique compris, était membre de ce réseau social. Je ne parviens pas encore à mettre le doigt sur ce qui m'effare.
Je ne sais pas s'il y a un lien, mais dans son dernier clip, Lady GaGa se représente en empoisonneuse, et exécute avec Beyoncé une chorégraphie sexy devant les cadavres de ses victimes, le corps moulé dans un drapeau américain. C'est joli.
Une longue enquête du site Business Insider jette un nouvel éclairage sur les conditions de création de Facebook, et affirme que Mark Zuckerberg, alors étudiant à Harvard, n'a pas hésité à se servir de son résau social naissant pour pirater des comptes e-mail appartenant à des journalistes.
Le succès considérable de Facebook l'a largement éclipsé, mais en 2004, lors du lancement de la première version du site, un réseau social similaire et concurrent était également en cours de développement à Harvard. Baptisé ConnectU, le site n'a jamais pu sortir du cercle universitaire. En 2004, Mark Zuckerberg travaillait sur ce projet, avant de lancer son propre site, qui revendique aujourd'hui 400 millions d'utilisateurs. Les créateurs de ConnectU avaient porté plainte contre Mark Zuckerberg, l'accusant d'avoir volé leur concept et d'avoir utilisé du code-source développé pour ConnectU. Le procès n'a jamais eu lieu : les deux parties ont finalement conclu un arrangement à l'amiable confidentiel fin 2008.
Des extraits de conversations par messagerie instantanée publiés par Business Insider tendent à montrer que Mark Zuckerberg a bien joué un double jeu avec les fondateurs de ConnectU, affirmant travailler d'arrache-pied à leur projet tandis qu'il préparait en réalité le lancement de son propre service. En mai 2004, l'équipe de ConnectU contacte l'équipe du Harvard Crimson, le journal étudiant de l'université, affirmant que Zuckerberg a volé leur idée. Les journalistes mènent l'enquête, et finissent par publier un article relayant les accusations de ConnectU.
C'est alors, d'après les informations de Business Insider, que Mark Zuckerberg utilise son réseau social pour pirater au moins deux boîtes e-mail de journalistes du Harvard Crimson, en utilisant les journaux de connexion pour deviner les mots de passe de leurs messageries. Le créateur de Facebook se serait également introduit dans l'administration de ConnectU pour y modifier les profils de ses rivaux.
Facebook a réfuté ces accusations, affirmant que l'entreprise "ne débattrait pas avec [...] des sources anonymes qui recherchent à réécrire l'histoire de Facebook et à embarasser Mark Zuckerberg avec des allégations dépassées". Une source anonyme citée par Business Insider estime que les événements de l'année 2004 – et les négociations qui ont suivi – ont contribué à donner forme aux règles de respect de la vie privée aujourd'hui en vigueur sur le site.
Le Marko, ça doit même l'étonner qu'on l'ennuie tellement avec tout ça. "Respect de la vie privée ? Sur internet ? Mais c'est quoi, la vie privée, sur internet ? D'ailleurs, c'est quoi la vie, sur internet ?"
Anecdotiquement, je regarde mon premier message sur le sujet, c'était il y a un an. Facebook comptait 175 millions d'utilisateurs. 400 millions aujourd'hui. Comme si toute la population d'Amérique du Nord, Mexique compris, était membre de ce réseau social. Je ne parviens pas encore à mettre le doigt sur ce qui m'effare.
Je ne sais pas s'il y a un lien, mais dans son dernier clip, Lady GaGa se représente en empoisonneuse, et exécute avec Beyoncé une chorégraphie sexy devant les cadavres de ses victimes, le corps moulé dans un drapeau américain. C'est joli.
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Re: 15 minutes of fame
L'affaire "Zahia D.", voici le phénomène que j'attendais. Il est très bien examiné dans cet article du blog Slate.fr :
Et quels héros !...
Nathalie Kosciusko-Morizet vient de dévoiler un projet de charte sur le droit à l'oubli numérique. Pour Zahia D., l'initiative restera définitivement à l'état de projet. Celle que le web identifie comme étant la jeune fille de 18 ans, call-girl «entendue» dans l'«affaire Ribéry», a perdu à vie toute dignité sur Google où sont affichées de nombreuses photos d'elle à moitié dénudée [...]
Le destin médiatique de Zahia D. débute mercredi 21 avril vers 10h quand Le Monde révèle son prénom et son initiale. Vieille pratique journalistique en matière de fait divers, le fait de donner le prénom et pas le nom permet de maintenir un certain anonymat, évitant par exemple le harcèlement téléphonique. C'est oublier que 15 millions de Français sont maintenant inscrits sur Facebook : avec un prénom, une initiale et quelques éléments de contexte, il est possible de retrouver quiconque. En quelques heures, la « Zahia D. » du Monde se transforme en un profil Facebook, et donc en un visage. La page était simple à trouver: il suffisait de taper «Zahia» dans les amis d'Abou S., autre protagoniste de l'affaire.
Rien ne prouve jusqu'à présent que cette Zahia Facebook soit bien la fameuse Zahia D. Tant pis, l'image est trop belle. Ces photos d'une bimbo blonde aux seins visiblement refaits qui pose dans les plus beaux hôtels de Dubaï alimentent la légende en marche. Les médias étrangers balancent immédiatement les photos, les médias français hésitent et les blogs «buzz», zone grise de la presse en ligne, s'y lancent sans états d'âme. Ces sites semi-professionnels -qui maîtrisent le référencement sur les moteurs de recherche comme personne- ont immédiatement publié les photos, pourrissant irrémédiablement la requête «Zahia D.» sur Google. Tous veulent rééditer l'exploit du leader du secteur, Chauffeur de buzz, qui s'était offert une rente à vie en 2007 en se plaçant premier sur « Laure Manaudou nue », la requête la plus bankable de l'histoire du buzz français.
Leparisien.fr a fait les comptes : le mercredi à midi, sur Google, le nom de Zahia renvoyait à 200 résultats. 5 minutes plus tard, on en était déjà à 400. Le lendemain à 10h, 115.000 réponses et 670.000 à 15h. L'actualité s'écrit aussi sur Google. Une vidéo YouTube d'une prestation supposée de Zahia dans une émission de NRJ12 a dépassé les 800.000 vues avant qu'elle ne soit bloquée par le site de vidéo sur le territoire français [...] La Zahia de Facebook a bloqué très vite son compte Facebook pour que les photos ne soient plus apparentes, mais trop tard, elles étaient déjà disséminées partout.
Cette nouvelle forme de vague médiatique, typique des années 2000, se fonde sur une culture pop en recherche perpétuelle d'icônes. Dès que ses supposées photos sont apparues, Zahia D. est devenue un « mème », c'est à dire un objet culturel recyclé à l'infini sur les différents réseaux sociaux. La « mémification » est une nouvelle forme de starification qui prend des formes beaucoup plus subtiles que la traditionnelle « curée médiatique » [...]
Car l'emballement d'Internet est à la fois cruel et admiratif. Toutes ces groupes Facebook célèbrent l'arrivée d'une nouvelle icône. Le phénomène rappelle l'itinéraire d'Ashley Alexandra Dupre, la call-girl qui a fait démissionner le gouverneur de New York, Eliot Spitzer en 2008 (à la différence que Zahia D. était mineure au moment des faits et que les photos ne sont pas avérées). Il est intéressant de rappeler son histoire.
Le nom d'Ashley Alexandra Dupré est révélé le 13 mars 2008 dans un article du New York Times. Aucune précaution comme en France, son nom apparaît d'emblée en entier. Le prestigieux quotidien balance en illustration des photos... tirées de son MySpace. On apprend que la prostituée de luxe est aussi une piètre chanteuse de R'n'B qui tente vainement de vendre ses MP3 en ligne. Immédiatement, la machine à mèmes se met en place et Ashley Alexandra Dupre devient une star du web, inépuisable source créative de moqueries [...] La vague médiatique est tellement importante qu'un industriel du porno lui propose 1 million de dollars pour poser nue. La vente de ses chansons explose sur le net, les estimations les plus basses lui prédisant au moins 13.000$ pour son médiocre R'n'B.
Un an et demi après avoir été outée par le New York Times, Ashley Alexandra Dupré devient chroniqueuse pour le New York Post. Elle a aussi été en négociations pour être la star d'une émission de télé-réalité et a finalement posé nue pour Playboy. Quant à sa page MySpace qui avait illustré par ses photos suggestives toute la presse américaine lors de la révélation du scandale, elle est maintenant celle d'une vraie professionnelle de la chanson. Avec la mention « OFFICIAL PAGE ».
Zahia D. aura-t-elle un jour une fan page officielle sur Facebook ? Participera-t-elle à Secret Story 4 ? Fera-t-elle la une d'Entrevue contre quelques milliers d'euros? Rien ne dit qu'elle sortira par le haut de toute cette histoire, mais les cruels jeux du cirque numérique -qu'on appelle maintenant le « LOL »- génèrent paradoxalement des héros.
Et quels héros !...
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Re: 15 minutes of fame
Bergame a écrit:L'affaire "Zahia D.", voici le phénomène que j'attendais. Il est très bien examiné dans cet article du blog Slate.fr :
En quelques heures, la « Zahia D. » du Monde se transforme en un profil Facebook, et donc en un visage. La page était simple à trouver: il suffisait de taper «Zahia» dans les amis d'Abou S., autre protagoniste de l'affaire.
Et quels héros !...
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Paul Valéry, Poésie et pensées abstraites
(cité par Herbert Marcuse, in L'homme unidimensionnel)
hks : On le sait bien, une fois que un tel est parti (faché) on se retrouve seuls comme des imbéciles.
Re: 15 minutes of fame
Quand la culture fait usage du divertissement pour créer le buzz :
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(cité par Herbert Marcuse, in L'homme unidimensionnel)
hks : On le sait bien, une fois que un tel est parti (faché) on se retrouve seuls comme des imbéciles.
Re: 15 minutes of fame
Ca donne pas envie ! :)
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Re: 15 minutes of fame
Il y a quelques années, je voyais naître quelque chose. J’étais très intéressé par exemple par les mouvements des jeunes précaires, stagiaires-photocopie, intérimaires et CDD à répétition. Non seulement parce qu’il était en quelque sorte rassurant de voir quelques individus ne pas partir du principe que leur condition était « normale », mais surtout parce que le répertoire utilisé était intriguant et novateur. Ces jeunes gens manifestaient en cachant leurs visages derrière des masques, blancs et inexpressifs. Ils indiquaient ainsi que dans le monde social qui est le notre, ils étaient des anonymes, des ressources, des variables d’ajustement.
Le message était clair. Il signifiait que, lorsqu’on travaille à temps plein avec un contrat en bonne et due forme, on devient un individu à part entière, un homme un vrai, reconnu socialement, avec tous les droits afférents –la force de la jeunesse, c’est son ignorance. Mais il signifiait aussi l’importance culturelle de cette valeur, reconnaissance / anonymat. « Être », socialement parlant, c’est être reconnu en tant qu’individu singulier, ce n’est pas tant posséder un nom qu’un visage.
Un autre phénomène m’intriguait beaucoup également, celui d’"Anonymous". Ce nom réfère au pseudo par défaut sur les channels IRC, et il avait été adopté par un collectif aux contours manifestement mouvants, composé de hackers et d’activistes. A ma connaissance, c’était la première fois que des « pirates » se donnaient une cible commune, lançaient des attaques planifiées et coordonnées, et communiquaient sur leurs actions. En l’occurrence, l’adversaire désigné était l’Eglise de Scientologie. Et bien entendu, lorsqu’ils se mettaient en scène dans leurs vidéos, les membres d’Anonymous portaient des masques -celui de V. Ils ont effectivement procédé à quelques attaques importantes contre les serveurs de la secte, mené quelques actions coup de poings plus futiles dans le « monde réel », et le mouvement semble aujourd’hui en sommeil –sans doute ont-ils été recrutés par l’armée. Dans quelques décennies, les historiens et les politistes identifieront peut-être dans ce phénomène l’ébauche des groupes terroristes à venir.
Notre culture est une culture de l’apparence et de la reconnaissance, une culture de la TV réalité, de la starlettification, des réseaux sociaux, une culture du spectacle et du spectaculaire, de l’exploit et de son exploitation, une culture de la mode, de la tendance, des valeurs qui oscillent, tantôt à la hausse et tantôt à la baisse, une culture de l’information instantanée, partout dans le monde, minute par minute, une culture de la transparence et de l’omniscience, de l’authentique et du dévoilement, une culture de la surveillance, des caméras dans la rue, au travail, dans les lieux publics, une culture surplombée par l’œil noir de l’objectif. Qui "est" se tient là, dans la lumière, devant l’œil du public. A lui seulement, la justification de l’existence. Vous voulez être subversifs ? Vous voulez être hérétiques ? Portez un masque –ou un voile.
C’est à cette aune qu’on peut comprendre, je crois, de quoi sont porteurs ces espaces virtuels de discussion.
Le message était clair. Il signifiait que, lorsqu’on travaille à temps plein avec un contrat en bonne et due forme, on devient un individu à part entière, un homme un vrai, reconnu socialement, avec tous les droits afférents –la force de la jeunesse, c’est son ignorance. Mais il signifiait aussi l’importance culturelle de cette valeur, reconnaissance / anonymat. « Être », socialement parlant, c’est être reconnu en tant qu’individu singulier, ce n’est pas tant posséder un nom qu’un visage.
Un autre phénomène m’intriguait beaucoup également, celui d’"Anonymous". Ce nom réfère au pseudo par défaut sur les channels IRC, et il avait été adopté par un collectif aux contours manifestement mouvants, composé de hackers et d’activistes. A ma connaissance, c’était la première fois que des « pirates » se donnaient une cible commune, lançaient des attaques planifiées et coordonnées, et communiquaient sur leurs actions. En l’occurrence, l’adversaire désigné était l’Eglise de Scientologie. Et bien entendu, lorsqu’ils se mettaient en scène dans leurs vidéos, les membres d’Anonymous portaient des masques -celui de V. Ils ont effectivement procédé à quelques attaques importantes contre les serveurs de la secte, mené quelques actions coup de poings plus futiles dans le « monde réel », et le mouvement semble aujourd’hui en sommeil –sans doute ont-ils été recrutés par l’armée. Dans quelques décennies, les historiens et les politistes identifieront peut-être dans ce phénomène l’ébauche des groupes terroristes à venir.
Notre culture est une culture de l’apparence et de la reconnaissance, une culture de la TV réalité, de la starlettification, des réseaux sociaux, une culture du spectacle et du spectaculaire, de l’exploit et de son exploitation, une culture de la mode, de la tendance, des valeurs qui oscillent, tantôt à la hausse et tantôt à la baisse, une culture de l’information instantanée, partout dans le monde, minute par minute, une culture de la transparence et de l’omniscience, de l’authentique et du dévoilement, une culture de la surveillance, des caméras dans la rue, au travail, dans les lieux publics, une culture surplombée par l’œil noir de l’objectif. Qui "est" se tient là, dans la lumière, devant l’œil du public. A lui seulement, la justification de l’existence. Vous voulez être subversifs ? Vous voulez être hérétiques ? Portez un masque –ou un voile.
C’est à cette aune qu’on peut comprendre, je crois, de quoi sont porteurs ces espaces virtuels de discussion.
Dernière édition par Bergame le Sam 26 Juin 2010 - 21:26, édité 1 fois
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Re: 15 minutes of fame
Bergame a écrit:...une culture de l’information instantanée, partout dans le monde, minute par minute...
T'as pas du voyager des masses, toi.
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