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Tester la métaphysique

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Message par Vargas Ven 7 Sep 2007 - 11:50

teaboh a écrit:Qu'est-ce qu'une expérience cruciale en philosophie?

On voit mal aujourd'hui comment défendre le principe de l'expérience cruciale. En revanche, tout le monde sait de quoi il s'agit et s'y intéresse, signe de pertinence souterraine pour les discussions d'ordre général.

Je recherche des expériences qui pourraient confirmer ou infirmer des théories philosophiques. Il n'y pas de théories philosophiques dira l'un. Soit. Supposons qu'elles existent.

Le mieux est de proposer un exemple, je pense que cela sera suffisant pour stimuler vos cortex endormis.

Ex : Pour en finir avec les Idées Platoniciennes (=l'existence d'entités pures, abstaites, vraies et indépendantes du monde sensible), des empiristes sophistiqués ont proposé le constructionnisme. Attention, je ne parle pas cette fois du constructionnisme social. Je parle du constructionnisme en philosophie des mathématiques.
Du coup, je vais surement faire des contresens et des généralisations abusives, j'espère cependant être assez clair pour que vous me compreniez.

Pour ces constructionnistes, est vrai ce qui peut être démontré et reconstruit. Ainsi, il n'y a strictement rien hors de ce que l'on peut construire et démontrer. On ne découvre pas comme avec Platon, mais l'on construit. L'idée de cercle est vraie car je sais comment l'on construit un cercle. L'image de la construction au compas est importante ici mais il faut s'imaginer des constructions plus abstraites.

Bien. D'après un commentaire que j'ai lu du théorème de Gödel (que je ne cite pas par peur de dénaturer son contenu), certains énoncés peuvent être vrais sans que l'on puisse les démontrer.

Ce "théorème" tendrait à "réfuter" la "théorie" constructionniste en philosophie des mathématiques: quelque soit les efforts de partisans pour montrer qu'on peut tout construire et démontrer, il restera des énoncés que l'on saura à la fois vrais et indémontrables...

Bon, j'espère que la présentation n'est pas trop "irrégulière". De toute façon, ce qui m'intéresse, c'est l'idée selon laquelle des grandes "théories philosophiques" peuvent être "testées". Ce serait une forme de "philosophie scientifique" (sachant qu'ici on teste de la métaphysique !- mais "vouloir tester" est une ambition métaphysique-).

Autres exemples: L'enquête ethnographique pour tester l'universalité des universaux (des indigènes ne connaissant pas le concept "tout" sont-ils arriérés ou sont-ils dans une autre "dimension métaphysique" ?); s'enfermer dans un caisson pour déterminer enfin si le cerveau peut fonctionner sans stimulii sensoriels... etc.

En bref, peut-on faire des expériences en philosophie et en métaphysique?

Aussi, quel est le statut des expériences de pensée? N'est-ce pas le principe même de la philosophie de fournir des expériences de pensée?

Y a t'il un monde où une seule personne, immortelle, vit sur une Terre (si tous les mondes possibles existent, alors oui)? Que cela nous apprend-il sur notre monde à nous: le solipsisme méthodologique ?

J'aime les contrefactuels. En épidémiologie, pour parler concret, ils sont très utilisés. Si je veux connaitre le potentiel causal du cannabis sur l'émergence de symptômes psychotiques, je dois construire des contrefactuels. Je dois obtenir un échantillon de sujets fumant du cannabis mais aussi un échantillon contrôle de personnes faisant exactement toutes les autres choses que les fumeurs de cannabis font (=boire, fumer du tabac,..) afin d'être sur de n'analyser que l'effet du cannabis. L'erreur classique étant d'attribuer un effet à une cause alors qu'il existe des "confounding factors" agissant en synergie avec la cause probable. C'est donc comme un "jeu des 7 différences" dans lequel seule la cause que je veux tester doit différer entre ma population-cible et ma population-contrôle. Je dois pouvoir répondre à la question: ce sujet aurait-il développé des symptômes psychotiques s'il n'avait pas fumé de cannabis, toutes choses étant égales par ailleurs?

Il s'agit, littéralement, d'estimer statistiquement les conséquences d'une conduite qui n'a pu en réalité se produire que dans un univers parallèle, c'est-à-dire simuler une réalité probable en découpant la Nature aux articulations, tout cela dans le but d'identifier une cause dans notre univers. D'où l'expression "contre-factuels".

(NB: c'est de cette façon que les "sciences" pour lesquelles l'expérimentation est interdite pour des raisons éthiques (épidémiologie, sociologie...) espèrent devenir rigoureuses.)

Mais je m'éloigne. Revenons-en aux expériences de pensée et au tests philosophiques.

Penser ne pourrait-il pas se réduire à construire des expériences de pensée, à utiliser son cerveau comme un laboratoire, en contrôlant avec plus ou moins de rigueur selon le principe des contrefactuels?

Il s'agirait d'un empirisme bizarre: un empirisme qui s'oppose aux faits (contre-factuels) tout en variant par rapport à eux selon des principes réguliers. De plus, penser le contre-factuel procure des sensations cérébrales spécifiques, ce qui nous ramène à un empirisme régulier.
michel2 a écrit:Expérience de " penser " et " test " ! Oui là je suis bien d'accord, mais laissons tomber cette question de métaphysique ou autre. Penser c'est tout ! Or on ne part pas de rien, tout ce qui est expérience est en nous ,gravé en nous, il s'agit de le travailler et le poser à notre façon, c'est à dire être directe avec l'extérieur, ce sera là bien une expérience de pensée.


Humm.. Je ne suis pas si sur que la perspective du "test" soit si évidente.

Que la pensée soit une véritable expérience, ça je n'en doute plus; mais qu'elle se déploie de façon à élaborer des tests imaginaires quant à ses contenus est plus spéculatif. La pensée serait amenée à concevoir un humain seul sur une une autre Terre dans un autre univers pour faciliter la compréhension et proposer un monde où "tout est pareil sauf X". Le protocole expérimental une fois "designé", l'expérience de pensée au sens strict est possible.

Or faire l'expérience de mondes imaginaires est bien un antagonisme qui pose des questions métaphysiques.


Sephi a écrit:Je suppose que quand on parle de test, d'expérience ou d'expérimentation, on sous-entend l'idée de confrontation. Une expérience capable d'évaluer la véracité d'une affirmation donnée doit être une confrontation à une *certaine* réalité. Il ne s'agit donc pas d'expérience au sens d'un vécu.

La question est : Existe-t-il une réalité philosophique (peu importe si elle est platonique, psychologique, logique ou ...) à laquelle on pourrait confronter nos théories philosophiques ?

Je pense clairement que non, car ce genre de question fait partie intégrante même des interrogations philosophiques. Pour qu'une théorie philosophique soit testable, il faut répondre affirmativement à cette question. Mais une telle réponse est nécessairement de nature philosophique, alors qu'elle doit être de nature méta-philosophique, si je puis dire. Ça reviendrait à valider la philosophie par elle-même.

Ce qui est une validation hautement périlleuse...



C'est là qu'on s'oppose justement.

D'après moi, que tu utilises un microscope ou un cyclotron, c'est toujours le vécu mental qui aura le dernier mot (dans ce cas, les instruments sont des jouets au sens propre).

Dès lors, je ne peux concevoir les frontières disciplinaires: la seule motivation du scientifique ou d'un quelconque être épris de vérité est de rechercher ces expériences de pensée nouvelles, constamment, d'exciter son cerveau (note: donc le scientifique n'est pas un sage déchiffrant le grand livre de la Nature, mais un pervers égoïste qui se shoote à la vérité).

Inventer des entités ontologiques procure ou non du plaisir, du vertige, etc. Concevoir le processus qui les meut ou les coordonne me procure encore du plaisir. Il s'agit donc bien d'un empirisme de la pensée.

Mais bon, là j'essaie d'être cohérent plutôt que pertinent.
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Message par Vargas Ven 7 Sep 2007 - 11:53

J'ai commencé à écouter les interventions du mois de la science-fiction à l'ENS.(source : Teaboh)
Il y avait justement un enregistrement qui évoquait le fait de tester la métaphysique de façon cohérente au moyen de ce genre : "Sur quelques paradoxes temporels"

Il y a les livres-univers dont la structuration à plusieurs niveaux et la prolixité mène à penser des écosystèmes, à fonder des logiques internes à l'oeuvre et dont on peut appréhender la mise en travail, les phénomènes religieux,etc...
L'exemple canonique, c'est le cycle de Dune d'Herbert. Il y a aussi les cycles Hyperion-Endymion de Simmons.
Mais, généralement, leur autonomie en font des univers hors du réel et de l'applicable.

Sinon, le plus porteur me semble être le sous-genre de la HSF ( hard science-fiction)dans lequel s'inscrivent La trilogie Mars de Kim Stanley Robinson (ex-membre de la NASA) qui traite de la terraformation de Mars avec tout un arrière-fond original du point de vue social, politique, ethnique, etc... Du chemin a été parcouru sur ce thème depuis Chroniques martiennes de Bradbury. Ou encore Ghost in the shell (mais qui relève plus généralement du cyberpunk).

Certains auteurs n'apportent qu'une seule modification sociale, aberration temporelle par rapport au cadre expérimentale et fondent leur histoire sur les divergences, les altérations que cela provoque de façon réaliste.
C'est la quète du facteur X ! Le schéma différentiel, l'inéquation dont le reste est signifiant.
L'aspect technique en rebute beaucoup, d'ailleurs. Mais l'exigence de cohérence et de densité du protocole fictionnel se fait à ce prix.
Il se différencie en ce sens de la SF traditionnelle que les avancées technologiques réelles sont prises en compte, de façon non-contradictoire (parfois cela tourne même uniquement au sujet de leur application et des conséquences au niveau social)

Teaboh a écrit:L'imagination de mondes imaginaires n'est pas complètement libre en effet.

On fait varier le réel connu selon des nuances précises, en découpant la Nature aux articulations encore une fois. On modifie un paramètre précis, puis on évalue les conséquences, mais on s'inspire très largement du réel connu.
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Message par Vargas Ven 7 Sep 2007 - 11:56

Sephi a écrit:
TeaBoh a écrit:C'est là qu'on s'oppose justement.

D'après moi, que tu utilises un microscope ou un cyclotron, c'est toujours le vécu mental qui aura le dernier mot (dans ce cas, les instruments sont des jouets au sens propre).


Est-ce que le vécu mental détermine entièrement l'issue de ce qui est observé dans une expérience ?

• Si oui, alors toute expérience au sens de "confrontation" est vouée à l'échec, et il ne reste alors que les expériences au sens de "vécus". Mais dans ce cas, il existe trivialement des expériences en philosophie : toute activité philosophique est dès lors un vécu, donc une expérience.

• Si oui, alors toute notion de vérité se soumet au mental (de la personne) et il devient absurde de vouloir "confirmer" ou "infirmer" une théorie philosophique. En dernière analyse, c'est le mental qui déciderait, selon ses propres critères, si une théorie est juste ou pas.

TeaBoh a écrit:Je recherche des expériences qui pourraient confirmer ou infirmer des théories philosophiques.

Xénastre a écrit:
    De toute façon, ce qui m'intéresse, c'est l'idée selon laquelle des grandes "théories philosophiques" peuvent être "testées". Ce serait une forme de "philosophie scientifique" (sachant qu'ici on teste de la métaphysique !- mais "vouloir tester" est une ambition métaphysique-).


Ben, il me semble que « tester des théories », cela relève de la physique et non de la métaphysique. La métaphysique me semble de l’ordre de la spiritualité, de la théologie, de la prière, voire de la méditation informelle. C’est indémontrable, infalsifiable… Ce que l’on peut tester me semble d’ordre tangible, à moins que le tangible ne soit qu’illusion, que nous serions dans le cauchemar démoniaque ou le songe d’un dieu ?

La confusion entre physique et métaphysique vient du monisme de Spinoza : à partir du moment où Dieu n’est que substance infinie, il n’y a plus de réelle distinction entre physique et métaphysique. Mais alors pourquoi n’y aurait-il pas non plus distinction entre réel, imaginaire, symbolique, fait, ni séparation entre conscient et inconscient ?

Je sais, j’ai essayé de porter un coup fatal à Baruch Spinoza, mais le résultat n’est pas probant : Spinoza a miraculeusement survécu à ses blessures. Après tout Spinoza montre l’infini dans la substance, mais du coup Dieu semble d’une redondance superflue puisqu’à la place de Dieu, l’athée placerait éventuellement l’infini dans la substance… impersonnelle. Mais s’il n’y a vraiment plus personne, dans le fond, la personne n’est plus qu’absence vide, mais probablement insensée. Brrr, comme le sadisme est insensé et vilain, parce quand il teste, il cherche à tuer…

« Le criminel des criminels sera par conséquent le philosophe » : je trouve la sentence ambiguë, parce que je ne sais plus si le philosophe est le plus grand des criminels, ou si au contraire, il cherche à abolir le crime ? Comme Lacan disait « la psychanalyse ne déshumanise pas le criminel, elle irréalise le crime ».
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Message par Vargas Ven 7 Sep 2007 - 12:09

Teaboh a écrit:
Xénastre a écrit:Il me semble que « tester des théories », cela relève de la physique et non de la métaphysique. La métaphysique me semble de l’ordre de la spiritualité, de la théologie, de la prière, voire de la méditation informelle. C’est indémontrable, infalsifiable…



On peut tester des théories sans faire de physique, et heureusement. L'épistémologie peut prendre un sens existentiel concret comme par exemple, l'épistémologie génétique de Piaget.

Je saisis la clenche de la porte car je teste l'hypothèse selon laquelle cela va ouvrir la porte (ici, c'est de la physique, d'accord). Mais si je dis bonjour à un inconnu en émettant l'hypothèse qu'il va me répondre, pour moi, ce n'est plus de la physique. Alors non, non et encore non "tout n'est pas physique" ou, si ça l'est, personne ne peut le savoir, à part peut-être Spinoza (:D).

On a déjà débattu de votre conception de la métaphysique comme romantisme élaboré -si je puis me permettre-, conception que je rejette en bloc car menant d'après moi à un sensationisme mystique ( un peu comme celui que je défendais 2 messages plus haut par ailleurs).

Ce que je me demande, c'est plutôt ceci: est-ce qu'une expérience de neurophysiologie peut tester l'hypothèse métaphysique du libre-arbitre?
L'expérience d'Oparin sur l'origine de la vie n'est-elle pas une expérience métaphysique (vitalisme versus mécanisme ou physicalisme)?

Je ne dis pas que répondre à cette question est intéressant, mais que se demander en ces termes pourquoi on ne peut éventuellemnt pas y répondre l'est.

- Un message de Xénastre, puis :

Teaboh a écrit:
Xénastre a écrit:[l'expérience d'Oparin] comporte son cortège d’imaginaire fantasmagorique, par le biais d’astuces distrayantes, la richesse culturelle du baroque, au même titre que les mythologies et autres légendes antiques des Dieux qui auraient fait des cochonneries au-dessus des nuages pour engendrer ce que vous savez.



Oui, ce à quoi il faut ajouter la construction politique délirante: c'est ici un système politico-"métaphysique" qu'il s'agit de valider. Si la vie apparait spontanément de la matière, alors Dieu n'existe pas, alors l' histoire obéit aux lois du matérialisme historique, alors Marx a raison et vive Staline!

C'est rocambolesque, et pourtant... Qu'aimons-nous tant dans la philosophie et la métaphysique?

N'est-ce pas cette possibilité de tisser des fils de pensée à tout va, rompant les frontières des espèces ontologiques? Dévaler les escaliers de la réduction et plonger des hauteurs métaphysiques jusqu'au plus pénible quotidien politisé, à force de traductions téméraires mais tellement grisantes?

Moi c'est ce que j'aime, ou plutôt ce que j'aimais.

Mais l'excitation passée, il ne reste effectivement rien.

Pourquoi? Si l'on reprend l'exemple de l'intelligence articificielle et cette fois les parties d'échecs humain versus ordinateur en guise de test, et si l'on admet que l'expérience cruciale est une donnée intrinsèque de la Nature, dans le cadre d'un principe anthropique simpliste par exemple, et bien l'on pourrait s'attendre à obtenir un résultat probant. Mais l'ennui c'est que l'on va encore se retrouver avec des statistiques et des tests probabilistes, c'est-à-dire des résultats significativement décevants (= ordinateur : 6 ; humain : 4).

Xénastre a écrit:Je me rends compte que je m’en tiens qu’à des cas de figure particuliers dépourvus de valeur universelle, avec une existence qui ne me prouve rien, Dieu soit loué.


Alors l'expérience est-elle toujours particulière? On a distingué deux types d'expérience :

- l'expérience dite de vécu mental ou type 1 ou "strange days".

Ici, le savoir est conçu comme une sensation, une configuration particulière de la pensée: théoriquement, si je structure ma pensée exactement de la même façon qu'un Autre, je ressens la même chose que lui et donc je SAIS la même chose que lui (on peut aussi supposer que le corps soit dans la même position).

Mais, si cette conception peut entrer dans un cadre matérialiste ( e.g. : une "idée" ou un concept est en droit synthétisable, sous forme de drogue par exemple), il semble qu'elle conduise vers des métaphysiques anti-réalistes et intersubjectivistes (?), sans oublier qu'il reste à introduire un simulacre de théorie bergsonienne de la mémoire.

De même, le monde réel des objets n'existant plus, il n'y a plus de catégories ontologiques pour les objets, et donc il n'existe qu'une seule discipline et une seule méthode: l'élaboration par les hommes d'expérience de type 1 ("pensez-ça ça fait du bien" ou "pensez-ça c'est vertigineux" ou même "pensez ça, ça rend triste" etc).

L'essentiel est alors de "tripper". Dès lors, écrire un article ou essai, c'est avant tout amener le lecteur à ressentir l'expérience que vous voulez partager, il s'agit de l'amener progressivement dans l'état mental correspondant (= donc il faut aussi que les expériences de type 1 soient en droit atomisables).

-l'expérience de type 2 est la mise en place protocolaire d'un test avec instruments selon les canons de la pratique scientifque (à noter qu'on peut utiliser un microscope pour "tripper" également, les instruments ne caractérisent donc pas l'expérience de type 2).

Je ne parlerai pas des expériences de type 2. Je ne sais pas ce que c'est, ou plutôt je ne veux pas savoir. Non pas que je sois radicalement anti-réaliste (en dernière instance je ne sais pas), mais j'ai passé trop de temps à vouloir croire aux expériences de type 1. C'est donc dans le cadre des expériences de type 1 que je souhaitais tester la métaphysique, l'exemple typique étant la problématique des contre-factuels d'un point de vue sensualiste: penser le contre-factuel génére t'il des expériences de type 1 particulières? L'intérêt d'un livre doit-il se réduire à son effet d'excitation physique sur l'organe cerveau ?

Encore une fois, l'on est déçu d'avance par une telle question: c'est donc bien sur la déception, puis sur la résignation que l'on doit échouer.

Prendre parti pour l'expérience de type 1, est-ce renoncer à la science en faveur de l'Art et de la littérature, dans un élan nietzschéen? Je ne sais pas et j'm'en fous.

La Nature ne répond rien. Et même qu'elle absorbe l'écho.
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Message par SShut7pi Mer 12 Sep 2007 - 15:18

En tant qu'initiateur de cette réflexion, je me permets d'étayer la démarche initiale, en ajoutant que je ne compte pas m'investir dans ce forum. Je préfère y voir s'épanouir les approches de Vargas, de Bergame et de Lekhan. Je répondrai néanmoins à ce post si l'occasion se montre, en respectant, bien entendu, les normes se cristallisant dans ce nouvel espace.

Le problème originel, relativement basique, est équivalent à la problématique kantienne: pourquoi la métaphysique n'a t'elle pas progressé comme ses soeurs la mécanique, l'arithmétique, la logique, etc ? Comment une métaphysique future pourrait-elle prétendre à la connaissance ?

Une réponse moderne serait l'expérimentation (l'idée de test), la vérification expérimentale s'imposant comme un nouveau canon dans l'ère de la Big Science ou "industrie de la connaissance". On peut voir (si toutefois l'on se veut un brin réducteur) dans l'oeuvre de Popper un reflet de cette transformation profonde de la pratique scientifique. Elle est particulièrement visible dans l'industrialisation de la médecine du milieu du 19ème à la fin du 20ème : du médecin de famille volontiers psychanalyste on en arrive aux essais cliniques à grande échelle.

Seulement, on peut tenter d'ouvrir la perspective de la vérification expérimentale au dualisme objectivisme/réalisme versus subjectivisme/sensationisme. Dès lors, deux grandes familles de tests apparaissent :

-le test à la manière de la physique, à grands recours de statistiques et de montages laborantins, qui relève d'une néantisation du sujet et d'une recherche de la neutralité, via le recours au probabilisme systématique. C'est l'"expérience scientifique".

-le test esthétique, sensationnel, qui relève de l'expérience du sujet et qui se veut volontiers littéraire ( "je vois ce que tu veux dire" dit-on). C'est l'expérience existentielle, "L'homme est la mesure de toute chose" enseigne le sensualiste Protagoras.

Dès lors, "deux métaphysiques" deviennent possibles sur le papier (si toutefois l'on pardonne les inepties du dit test esthétique) :

-une métaphysique réaliste, qui décrit théoriquement l'essence du monde (ex: la mécanique de Leibniz). Cette métaphysique semble impossible, car repose la plupart du temps sur des énoncés invérifiables. Elle pose la question du contenu empirique des énoncés métaphysiques. Dans l'expérience d'Oparin, on tente par exemple de vérifier la réductibilité de la Vie à la Matière : on veut par l'expérience scientifique réfuter des métaphysiques ( vitalisme spiritualiste en l'occurence).

-une métaphysique de l'émotion, voire de la foi. Le test doit rester sensationnel, interne. L'immersion du laborantin est alors conçue comme sacrilège.

Il faut dès lors se demander s'il peut exister une métaphysique qui soit "ouverte", ou bien encore si la métaphysique est une science possible dans le cadre popperien. Mais une métaphysique réfutable est-elle encore ce que l'Homme cherche quand il veut faire de la métaphysique ? A quoi bon faire une métaphysique de laborantin ?

La question se pose également pour les positivistes. Carnap nous dit, dans une très bonne formule, "Un métaphysicien est un musicien raté", puis explique qu'un énoncé métaphysique ne fait que décrire une expérience mentale : en croyant décrire le monde, je ne fais qu'exprimer mon vécu. Le positivisme sensationiste se complique néanmoins en posant que la description des vécus mentaux, des sensations ou "qualias" peut mener à son tour à une description objectiviste du monde.

Merci.

SShut7pi
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