Le Deal du moment : -50%
-50% Baskets Nike Air Huarache Runner
Voir le deal
69.99 €

L'écrit de l'agrégation de philosophie 2019

Aller en bas

L'écrit de l'agrégation de philosophie 2019 Empty L'écrit de l'agrégation de philosophie 2019

Message par Kokof Ven 8 Nov 2019 - 10:28

L'ÉCRIT DE L'AGRÉGATION DE PHILOSOPHIE 2019

Le rapport de jury de l'agrégation de philosophie est paru. Le sujet de dissertation sans programme est magnifique: « La simplicité ». La dissertation sur programme, en revanche, est très décevante: « Considère-t-on jamais le temps en lui-même? » La notion annuelle (le temps) était sublime (notion historique et existentielle) et ultramoderne, le temps étant la principale notion de la philosophie contemporaine (de Hegel à Heidegger, la plupart des grandes philosophies depuis la Révolution concernent le temps).

Le sujet est une question fermée, ce qui n'arrive normalement jamais à l'agrégation, où tous les sujets, en particulier les sujets écrits, sont en théorie ouverts, pour que les candidats, d'une part, aient suffisamment de matière pour disserter pendant six ou sept heures (l'épreuve hors programme dure sept heures, l'épreuve sur programme six heures), d'autre part, pour diversifier les copies, qui pourront traiter le sujet de multiples façons. La forme du sujet cette année trahit un manque de travail de la part du jury.

Ensuite, il est regrettable que l'aspect historique de la notion n'ait pas été proposé au lieu de ce sujet creux et abstrait, car l'actualité politique et l'urgence de repenser l'histoire et la notion de progrès y invitaient. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, en effet, l'humanité avait renoué avec l'idée de progrès, que confortèrent les Trente Glorieuses puis la dissolution de l'URSS. Mais la résurgence actuelle des nationalismes et du fascisme montre que l'histoire et le progrès ne sont pas linéaires, et que le temps historique peut régresser. L'histoire contemporaine peut aussi suggérer que le temps, lié au progrès, n'est qu'une illusion, et que les choses n'évoluent pas, comme le soutenaient les Présocratiques. « Le temps est-il linéaire? », par exemple, aurait été un sujet plus pertinent.

Il est également dommage que l'énoncé ferme le temps sur lui-même, sans relation à l'éternité, qui est une forme de temporalité. « L'éternité nous est-elle fermée? », « Peut-on échapper au temps ? » étaient des sujets possibles sur ce thème. D'autres sujets, plus audacieux, étaient envisageables : « Que faire de son temps ? », « Les instants d'éternité », « Nostalgie et mélancolie », « Répétition et reprise », etc. Ce genre de sujet égaierait les candidats et les motiverait pour disserter pendant six heures. Mais l'agrégation est toujours aussi pompeuse, académique et austère, ce qui pourrait lui être pardonné si son sujet sur programme n'avait pas été aussi bâclé.

Kokof
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 157
Date d'inscription : 07/03/2019

Revenir en haut Aller en bas

L'écrit de l'agrégation de philosophie 2019 Empty L'oral de l'agrégation de philosophie 2019

Message par Kokof Ven 8 Nov 2019 - 10:30

L'ORAL DE L'AGRÉGATION DE PHILOSOPHIE 2019

LEÇON SUR LA POLITIQUE

Comme l'écrit, l'oral de l'agrégation est composé d'une épreuve sur programme, et d'une épreuve sans programme. Ces deux épreuves orales sont appelées leçons. Elles sont chacune préparées par le candidat (qui a le choix entre deux sujets) pendant cinq heures, puis présentées au jury dans un exposé de trente-cinq minutes.

La disparition de l'entretien avec le jury est une catastrophe : d'un point de vue historique, elle trahit l'esprit dialogique de la philosophie institué par Socrate ; d'un point de vue pédagogique, elle ne prépare pas les futurs professeurs à répondre aux questions et objections des élèves. Les trente-cinq minutes d'oral, à la place des trente minutes habituelles, sont aussi une nouveauté préjudiciable, car elles créent une asymétrie angoissante pour le candidat, et ne lui apprennent pas à ramasser sa pensée, mais l'encouragent au contraire à débiter et à combler.

Le programme annuel de la leçon correspond à un grand domaine philosophique : métaphysique, morale, politique, logique et épistémologie, ou esthétique. Un nouveau domaine a été ajouté il y a quelques années : les sciences humaines. Cet élargissement du programme, qui rompait avec une longue tradition, n'était pas nécessaire (la seconde leçon, sans programme, permettait déjà de diversifier les sujets oraux) ni pertinent, d'abord parce qu'il ralentit la rotation des domaines (un candidat spécialiste de philosophie politique, par exemple, devra attendre jusqu'à six ans pour passer un oral dans son domaine), ensuite parce qu'il est hors sujet (les sciences humaines ne sont pas un domaine philosophique), enfin parce qu'il est trop vaste, les sciences humaines comprenant de nombreuses disciplines : le candidat devrait, après seulement un an de préparation, pouvoir donner une leçon philosophique sur l'économie, l'histoire, le droit, etc.

C'est d'autant plus irréaliste quand on sait que beaucoup de candidats à l'agrégation peinent déjà à maîtriser les grands systèmes. Il aurait été plus judicieux et plus fructueux de proposer une science humaine par an, en créant ainsi une sous-rotation dans le programme.

Le domaine de la leçon cette année était la politique. Malheureusement, les sujets furent mal pensés et mal construits. Le premier sujet : « A quoi reconnaît-on qu'une politique est juste ? » ne cherche qu'à justifier la conception démocratique de la justice, sans réfléchir au caractère conventionnel de la justice. « Le droit d'ingérence » est un sujet tiré de l'actualité (interventions françaises et américaines à l'étranger) pour justifier les assassinats des démocraties occidentales (droit d'ingérence signifie en pratique droit de tuer). « Le droit du plus fort » est le sujet le plus banal de la philosophie politique, et démontre la paresse du jury. « Le fanatisme » est un sujet plus clinique que politique. Tout le monde aura compris que c'est une référence aux méchants islamistes et aux États théocratiques musulmans, que le candidat devra condamner dans sa leçon.

« A quoi servent les élections ? » ressemble à une question de cours pour l'éducation civique à l'école. « Cité juste ou citoyen juste ? » est très mal formulé et anachronique : la cité au sens hellénique n'existe plus depuis l'Antiquité. « La culture est-elle affaire de politique ? » est un énoncé paresseux : La culture est-elle l'affaire de la politique ? ou est-elle une affaire politique ? serait plus précis. « L'insoumission » n'est pas un sujet politique (« La résistance » ou « La revendication » seraient plus pertinents), mais une nouvelle référence nauséabonde à l'actualité et à la liberté des femmes occidentales, opposée à la soumission de l'orientale...

« Prendre le pouvoir » ne pose pas la bonne question : « Conserver le pouvoir » serait un sujet machiavélique plus intéressant. « Faire la paix » n'est pas non plus un sujet pertinent. Notons à nouveau la formule paresseuse. Nous proposerions à la place : « Comment faire la paix ? » ou « La politique en temps de paix ». Un candidat aura même eu droit aux « Valeurs de la République » ! On compte d'autres sujets idéologiques, comme « La défense nationale » et « La laïcité » !

Les sujets de cette leçon sont si mauvais qu'ils ne valent même pas ceux du bac dans ce domaine : « Peut-on être homme sans être citoyen ? », « Sur quoi fonder une communauté politique ? », « Les États sont-ils faits pour la paix ? », etc. Le niveau de l'agrégation est donc inférieur au bac !

Kokof
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 157
Date d'inscription : 07/03/2019

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum