Est-il possible d'échapper au temps
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Est-il possible d'échapper au temps
Est-il possible d’échapper au temps ?
L’homme semble prisonnier de temps. Dans l’esthétique transcendantale de la Critique de la raison pure, Kant a montré que le temps n’est pas une dimension objective, mais un mode subjectif d’appréhension du réel. Le réel apparaît à l’homme sous une forme temporelle. Or cette dimension ne révèle pas la nature profonde des choses, mais la façon dont l’homme les appréhende. Se demander s’il est possible d’échapper au temps, c’est donc se demander s’il est possible d’échapper à notre subjectivité pour penser l’absolu et contempler l’éternité. D’autre part, le temps est lié à la causalité, à l’enchaînement des choses, c’est-à-dire au déterminisme. La psychanalyse a par exemple montré que notre comportement et notre destin sont intimement liés à notre passé et en particulier à notre enfance, qui nous gouverne à notre insu. Nous ne faisons que répéter des situations passées et perpétuons notre enfance ou des relations infantiles avec des transferts symboliques. Sous cet angle, la question initiale revient à se demander s’il est possible d’être libre en échappant à son enfance et en surmontant ses traumatismes. Nous verrons d’abord s’il est possible d’échapper aux temps historiques, puis s’il est possible d’échapper au temps au sens courant.
Comment réchapper du passé ? Notre passé peut gouverner notre vie si nous n’arrivons pas à surmonter nos traumatismes. D’un point de vue clinique, le problème n’est donc pas de savoir s’il est possible d’échapper à tous les temps, mais uniquement au passé, pour vivre sereinement et librement dans le présent et se projeter sans peur dans l’avenir. Mais nous ne pouvons réchapper du passé qu’en l’assumant. En fuyant notre passé sans l’analyser, nous risquons de le reproduire inconsciemment ou de devenir fou en vivant dans le déni. La folie au sens clinique est une dénégation du passé. Le fou fuit son passé, et parce qu’il le fuit, au lieu de l’affronter, son passé le poursuit. Donc pour échapper au passé, il ne faut pas le fuir, mais l’affronter et l’assumer.
Mais comment échapper à son destin ? Le mythe d’Œdipe illustre l’idée que quoi que nous fassions, notre destin est scellé et inévitable. Tout ce que nous ferons pour échapper à notre destin précipitera notre destin. Les parents d’Œdipe l’abandonnèrent pour que la malédiction de leur fils ne se réalise pas, mais cet abandon est la première marche du destin tragique d’Œdipe. Dans La Jetée de Chris Marker, le protagoniste, vivant dans le futur, peut voyager dans le temps. Il peut donc échapper aux temps (passé, présent et avenir). Mais il ne peut pas échapper à son destin, comme il le découvrira en mourant à la fin de l’histoire. Puisque nous ne pouvons pas échapper à notre destin, nous devons accepter notre destin, quel qu’il soit, en restant fidèles à nos principes et à nos sentiments, qui est la seule chose que nous puissions contrôler. C’est la philosophie stoïcienne.
Nous nous sommes demandé jusqu’ici s’il est possible d’échapper à notre passé et à notre futur (notre destin). Mais est-il possible d’échapper à notre présent, c’est-à-dire notre époque ? Nous sommes les enfants de notre époque et en tant que tels nous avons intégré un certain nombre de préjugés. Est-il possible d’échapper à ce déterminisme historique et culturel ? Pour pouvoir critiquer son époque et se libérer de ses préjugés, il est recommandé d’étudier l’histoire, qui montre la diversité des sociétés humaines et des modèles de société, avec leurs qualités et leur grandeur respectives. L’histoire apprend à respecter les civilisations passées et étrangères. Donc pour échapper intellectuellement au présent, il faut étudier le passé.
Nous avons vu qu’il est possible d’échapper à certains temps historiques, mais est-il possible d’échapper au temps au sens courant ? L’homme n’est-il pas naturellement prisonnier du temps ? Le temps est une dimension où tout est relatif et changeant. S’il n’est pas possible d’échapper au temps, l’homme ne pourra pas contempler l’éternité ni découvrir la vérité. En fait, l’homme peut échapper au temps en contemplant les Idées, qui ne sont pas des notions empiriques ou historiques, mais des notions pures, innées et absolues. C’est grâce aux Idées, qui sont des normes transcendantes et absolues, que chacun peut critiquer les choses temporelles. Par exemple, l’idée de justice permet de critiquer la justice humaine, qui varie avec le temps en fonction des époques et des régimes.
Mais est-il possible d’échapper au cours du temps, où se succèdent le passé, le présent et l’avenir ? Comment inverser le cours du temps pour revivre son passé ? C’est possible d’abord par le souvenir, qu’il soit rappelé volontairement ou involontairement par une association fortuite. Nous pouvons ainsi échapper au présent et remonter le temps. Mais les souvenirs sont confus et ténus. Seule la vivacité du rêve nocturne peut nous faire revivre notre passé. Lorsque nous rêvons, nous échappons non seulement au présent, mais à l’espace-temps, car nous ne faisons pas que revivre notre passé, nous créons un temps alternatif, inventons une dimension parallèle et explorons des mondes possibles.
Mais le rêve est une échappée inconsciente et délirante hors du temps. Est-il possible d’échapper consciemment et intelligemment au temps ? Certaines activités intellectuelles permettent en effet d’échapper au temps. La première de ces activités est le spectacle artistique, qui est analogue au rêve. Platon disait que l’art est un rêve éveillé. L’art est donc une version intellectuelle et matérialisée du rêve. Durant le spectacle ou l’audition, nous sommes projetés dans le temps de l’art, qui n’est pas le temps courant. Le temps musical, par exemple, n’a pas la même forme que le temps courant. C’est un temps plus émotionnel, plus vibrant, plus harmonieux et plus intense.
Une autre activité intellectuelle permettant d’échapper au temps est la lecture, qui est le meilleur passe-temps. Le temps disparaît quand nous lisons. Nous ne sentons plus le temps passer. En abolissant le temps, la lecture nous rapproche de l’éternité. L’homme croit l’éternité inaccessible en cette vie, alors qu’il lui suffit d’ouvrir un livre.
Kokof- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 157
Date d'inscription : 07/03/2019
Re: Est-il possible d'échapper au temps
Il me semble que la dimension où " tout est relatif et changeant" n'est pas la dimension temporelle laquelle nécessite du stable.kokof a écrit:Le temps est une dimension où tout est relatif et changeant.
De mon point de vue la dimension où " tout est relatif et changeant" ne relève pas de la pensée conceptuelle (a fortiori de la conception platonicienne des Idées).
Mais la question du temps est très difficile à vrai dire.
hks- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 12510
Localisation : Hauts de Seine
Date d'inscription : 04/10/2007
Re: Est-il possible d'échapper au temps
Pour echapper au temps il faudrait qu' il soit autre chose que nous, que " moi ". Il y aurait alors, peut etre , une possibilité de s" extraire du temps. Il faudrait pouvoir se situer dans un " non temps " et voir passer le temps à partir de cette situation.
La mort nous permet elle d' échapper au temps ? On pourrait penser que oui ... mais alors seulement si elle est un néant. Or, c ' est loin d' etre certain, et d' autre part, meme dans le cas d' un néant, on n' y échapperait pas vraiment - si ce n'est par la négative - puis qu' il n' y aurait plus personne pour en faire le constat. Bien au contraire, nous serions éternellement prisonniers du temps, jusque dans l' expression de son néant, car rien ne garantit que le temps est " quelque chose " qui passe, " quelque chose " qui dure. Il est fort possible que ce ne soit que notre perception du temps qui réduise celui ci à cela : une représentation.
Il est possible aussi que le temps soit un absolu et qu'il soit donc éternel. On peut donc penser ainsi que la mort n'est que la fin d' une mémoire particulière - celle d' un individu - et qu' elle se contente de faire disparaitre une forme, dans un univers , dans un monde ou tout " revient " éternellement sous de multiples formes. Quoi que la notion d ' éternel retour est elle aussi suspecte car elle est totalement en adéquation avec ce que notre pensée peut - et ne peut que -se représenter : un cercle.
La mort nous permet elle d' échapper au temps ? On pourrait penser que oui ... mais alors seulement si elle est un néant. Or, c ' est loin d' etre certain, et d' autre part, meme dans le cas d' un néant, on n' y échapperait pas vraiment - si ce n'est par la négative - puis qu' il n' y aurait plus personne pour en faire le constat. Bien au contraire, nous serions éternellement prisonniers du temps, jusque dans l' expression de son néant, car rien ne garantit que le temps est " quelque chose " qui passe, " quelque chose " qui dure. Il est fort possible que ce ne soit que notre perception du temps qui réduise celui ci à cela : une représentation.
Il est possible aussi que le temps soit un absolu et qu'il soit donc éternel. On peut donc penser ainsi que la mort n'est que la fin d' une mémoire particulière - celle d' un individu - et qu' elle se contente de faire disparaitre une forme, dans un univers , dans un monde ou tout " revient " éternellement sous de multiples formes. Quoi que la notion d ' éternel retour est elle aussi suspecte car elle est totalement en adéquation avec ce que notre pensée peut - et ne peut que -se représenter : un cercle.
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