Peut-on renoncer à la vérité?

[Kokof]

Peut-on renoncer à la vérité ?

L’homme moderne a renoncé à la vérité (au sens absolu), se contentant de vérités pragmatiques (par exemple, un régime libéral est plus doux qu’un régime totalitaire, que ce dernier défende ou non la vérité) et matérielles (les vérités scientifiques). Cela prouve que si l’on peut renoncer à la vérité, on ne peut pas renoncer à toute forme de vérité. Le problème est donc de comprendre dans quelle mesure on peut renoncer à la vérité. Il faudra aussi déterminer si la recherche de la vérité est un problème collectif ou essentiellement individuel : qui peut renoncer à la vérité ? Enfin, la relation particulière de l’art à la vérité nous aidera à approfondir le problème initial.

Pour commencer, renoncer à connaître la vérité n’est pas renoncer à croire à la vérité ni à chercher la vérité. On est obligé de renoncer à connaître la vérité, car elle échappe fatalement à notre subjectivité et à notre entendement fini, comme l’a démontré Kant dans la Critique de la raison pure. En revanche, chercher la vérité est vital pour l’homme, qui est un être spirituel et ne peut pas se contenter d’une vie sensible immédiate et irréfléchie. On ne peut renoncer à la vérité qu’en renonçant à une partie de soi.

Mais chercher la vérité est-il suffisant pour vivre ? Peut-on vivre sans vérité ? La vérité, en effet, n’est pas seulement un problème spéculatif, mais un problème pratique. Nous avons besoin de vérités comme principes pour agir. Par exemple, les devoirs moraux (qui définissent le bien et le mal) orientent nos décisions et nos actions. C’est pourquoi la religion, qui annonce la vérité, est plus utile que la philosophie, qui cherche la vérité. Les vérités qui ne sont pas certaines, comme les vérités religieuses, mais nécessaires pour vivre et pour agir, sont des valeurs et des principes pratiques. On ne peut pas renoncer à la vérité, car nous devons vivre et agir, et nous ne pouvons le faire sans principes ni idéal. En résumé, la philosophie a renoncé à connaître la vérité, mais pas à la chercher, et la religion a renoncé à connaître la vérité (que Dieu seul connaît), mais pas à croire en elle.

Mais qui concerne la vérité ? « On » est-il la communauté ou bien l’individu ? La société moderne a renoncé à la vérité pour garantir la paix civile en évitant les guerres de religion. Cependant la vérité intéresse toujours l’individu. Kierkegaard disait que la vérité est subjectivité, non pas parce qu’elle serait imaginaire, mais parce qu’elle concerne l’individu et qu’elle est un problème personnel et non social. On (la société) peut renoncer à la vérité et doit le faire pour des raisons politiques, mais on (l’individu) ne peut pas renoncer à la vérité, qui fait partie de notre vie intime.

Nous avons jusqu’ici traité le sujet de manière générale. Nous compléterons notre réflexion en partant de l’art, qui a une relation particulière à la vérité. Comment l’art ne pourrait-il pas renoncer la vérité ? N’est-il pas par essence mensonger, imprécis et illusoire ? En fait, l’art ne peut pas trop s’écarter de la vérité objective, sinon il deviendrait informe et inutile. Il doit être vraisemblant (en peinture et en sculpture) ou vraisemblable (en poésie). Mais il doit renoncer par moments à la vérité objective pour des raisons dramaturgiques. En effet, si tout est vraisemblable, l’intrigue ennuie. Le spectacle vient de l’invraisemblable, de la magie et du surnaturel. L’art doit renoncer en partie au vraisemblable pour nous faire rêver. L’efficacité dramatique et la beauté doivent primer sur la vérité en art. Par exemple, les personnages s’expriment en vers au théâtre, ce qui n’est pas vraisemblable, mais beau.

De plus, l’art ne peut pas copier la réalité, sinon il ne serait plus de l’art mais de la science. L’artiste doit renoncer en partie à la vérité objective pour imprimer sa subjectivité, qui est une vérité singulière, et son style. Plus la subjectivité de l’artiste (l’expression) est exacerbée, plus la vérité objective (la figuration) s’efface. Dans l’art abstrait, la vérité subjective de l’artiste supplante entièrement la peinture objective.
En conclusion, l’art ne peut pas renoncer à toute forme de vérité, car il doit rester vraisemblant ou vraisemblable, et ne renonce à toute forme de vérité, car il exprime des vérités subjectives.

Si l’art est une expression subjective, faut-il renoncer à la critique d’art, qui se veut objective ? La beauté artistique s’éprouve, mais elle se prouve aussi. Elle n’est pas inexplicable. L’art exprime des idées et des émotions par des images ou des sons. Il suffit donc d’analyser l’adéquation de l’expression. Ensuite, la beauté artistique a des qualités formelles, comme la clarté et la richesse de l’expression, qui sont objectives. Cependant, la critique doit être centrée sur les fins de l’art, à savoir la beauté et la morale, et ne pas condamner les approximations historiques et matérielles, que le schématisme de l’art rend inévitables. Le critique doit donc renoncer à la vérité historique en art, mais ne doit pas renoncer à la critique esthétique, qui est objective.

[kercoz]

""Peut-on renoncer à la vérité?""

Il faudrait déjà pouvoir la reconnaitre pour y renoncer.

[alain]

Comme je ne sais absolument pas ce qu' est la " vérité ", je ne sais pas du tout, non plus, quel serait le cheminement le plus pertinent pour l' atteindre.
Par exemple, moi, j' ai le sentiment que l' art me rapproche d avantage de la vérité que la religion.
En effet la religion donne la vérité. Mais le probleme c ' est que chaque religion a sa vérité.
La religion congédie plus ou moins la raison.
Ce que ne fait pas la philosophie, porteuse également de vérités diverses.
C ' est l' art et principalement la musique qui me rapprocherait le plus de ce " graal ".

[maraud]

Vérité de comptoir: comment reconnaître sa main gauche de sa main droite ? Posez les à plat sur le comptoir; la main gauche est celle qui a le pouce à droite.

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