La pensée du devenir.
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La pensée du devenir.
Avant de pouvoir influer sur le cours des choses, il faut déjà savoir penser le devenir. La pensée d'Héraclite est une pensée du mouvement, du changement, de l'altération. Philosopher ce n'est pas simplement contempler l'être Un et éternel, avec un certain dédain pour la vie, pour ne pas dire dégoût ou mépris. Philo-sopher nécessite en premier abord d'être ouvert à la perception du monde. Accueillir le monde, et aller au-delà de ce que notre mémoire nous rappelle comme déjà-vu. Il faut pouvoir mieux voir alentour, et plus librement. Il faut s'exercer, s'y reprendre à plusieurs fois, pour faire le lien entre tout ce qui m'apparaît. Je propose à la lecture ce petit texte explicatif de la pensée d'Héraclite, par Edouard Zeller, dans La philosophie des Grecs considérée dans son développement historique (1882).
« Nulle chose ne demeure ce qu'elle est, tout se convertit en son contraire, tout devient tout, tout est tout. Le jour est tantôt plus court, tantôt plus long, de même la nuit; la chaleur et l'humidité se remplacent mutuellement, le soleil est tantôt plus rapproché, tantôt plus éloigné. Ce qui est visible devient invisible, ce qui est invisible devient visible ; l'un succède à l'autre, l'un périt par l'autre; le grand se nourrit du petit, le petit du grand. A l'homme aussi la nature enlève certaines parties, et en même temps elle lui en donne d'autres ; elle le rend ainsi tantôt plus grand, tantôt plus petit ; et l'un ne va pas sans l'autre. Le jour et la nuit sont une seule et même chose ; en d’autres termes, c'est un même être qui est tantôt clair, tantôt sombre. Il n'y a aucune différence entre ce qui est salutaire et ce qui est nuisible entre le haut et le bas, le commencement et la fin, le mortel et l'immortel. La maladie et la santé, la faim et le rassasiement, le travail et le repos sont identiques ; la divinité est à la fois jour et nuit, été et hiver, guerre et paix, abondance et disette ; tout est un, tout devient tout. Ce qui vit meurt, ce qui est mort devient vivant ; ce qui est jeune devient vieux, ce qui est vieux devient jeune ; ce qui veille s'endort, et ce qui dort se réveille ; le courant de la génération et de la mort ne s'arrête jamais, l'argile dont les choses sont faites revêt toujours de nouvelles formes.
C'est sur ce mouvement continuel que reposent la vie et le sentiment de la vie, c'est lui seul qui constitue l'existence des choses. Aucune chose n'est ceci ou cela : elle le devient uniquement, dans le mouvement de la vie de la nature. Les choses ne sont rien de persistant, d'achevé une fois pour toutes : elles sont continuellement créées à nouveau par les forces agissantes dans l'écoulement des phénomènes, elles ne sont que les points où se croisent les courants opposés de la vie de la nature. »
« Nulle chose ne demeure ce qu'elle est, tout se convertit en son contraire, tout devient tout, tout est tout. Le jour est tantôt plus court, tantôt plus long, de même la nuit; la chaleur et l'humidité se remplacent mutuellement, le soleil est tantôt plus rapproché, tantôt plus éloigné. Ce qui est visible devient invisible, ce qui est invisible devient visible ; l'un succède à l'autre, l'un périt par l'autre; le grand se nourrit du petit, le petit du grand. A l'homme aussi la nature enlève certaines parties, et en même temps elle lui en donne d'autres ; elle le rend ainsi tantôt plus grand, tantôt plus petit ; et l'un ne va pas sans l'autre. Le jour et la nuit sont une seule et même chose ; en d’autres termes, c'est un même être qui est tantôt clair, tantôt sombre. Il n'y a aucune différence entre ce qui est salutaire et ce qui est nuisible entre le haut et le bas, le commencement et la fin, le mortel et l'immortel. La maladie et la santé, la faim et le rassasiement, le travail et le repos sont identiques ; la divinité est à la fois jour et nuit, été et hiver, guerre et paix, abondance et disette ; tout est un, tout devient tout. Ce qui vit meurt, ce qui est mort devient vivant ; ce qui est jeune devient vieux, ce qui est vieux devient jeune ; ce qui veille s'endort, et ce qui dort se réveille ; le courant de la génération et de la mort ne s'arrête jamais, l'argile dont les choses sont faites revêt toujours de nouvelles formes.
C'est sur ce mouvement continuel que reposent la vie et le sentiment de la vie, c'est lui seul qui constitue l'existence des choses. Aucune chose n'est ceci ou cela : elle le devient uniquement, dans le mouvement de la vie de la nature. Les choses ne sont rien de persistant, d'achevé une fois pour toutes : elles sont continuellement créées à nouveau par les forces agissantes dans l'écoulement des phénomènes, elles ne sont que les points où se croisent les courants opposés de la vie de la nature. »
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Re: La pensée du devenir.
A propos du changement... En fin de compte, le changement permanent du présent n'est-il pas du à une comparaison incessante entre un état de fait présent et un état de fait juste passé ? Si aucune mémorisation à très court terme n'était présente au sein de notre esprit, au sein de notre apparaître, comment déterminerions-nous l'existence des changements au présent ?
N'est-il dès lors pas légitime de se demander si ce ne sont pas nos souvenirs du passé qui déterminent le le changement plutôt que les objets eux-mêmes, en quelque sorte par essence (comprenez, l'espace et la voiture existent platement et je capte le mouvement réel d'une voiture) ? Et si nos souvenirs déterminent notre présent, qui peut prétendre qu'ils aient une quelconque valeur de réalité ?
N'est-il dès lors pas légitime de se demander si ce ne sont pas nos souvenirs du passé qui déterminent le le changement plutôt que les objets eux-mêmes, en quelque sorte par essence (comprenez, l'espace et la voiture existent platement et je capte le mouvement réel d'une voiture) ? Et si nos souvenirs déterminent notre présent, qui peut prétendre qu'ils aient une quelconque valeur de réalité ?
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"Let us chace our imagination to the heavens, or to the utmost limits of the universe ; we never really advance a step beyond ourselves, nor can conceive any kind of existence..." D. Hume
Crosswind- Digressi(f/ve)
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Re: La pensée du devenir.
Crosswind a écrit:
N'est-il dès lors pas légitime de se demander si ce ne sont pas nos souvenirs du passé qui déterminent le le changement plutôt que les objets eux-mêmes, en quelque sorte par essence
Sauf que les souvenirs sont nos témoins du changement et pas l'inverse. Le changement est en effet bien là, il marque l'esprit. Nos souvenirs nous placent selon le cours des choses. Ceci dit, il est vrai et légitime de se demander si ceux qui sont rigides au devenir, ont oublié qu'ils ont eux-même évolué ?
Pour Héraclite, le changement est dû aux oppositions dans la Nature même. Cela vaut pour l'évolution de l'homme, de la société, comme du monde, cela fait partie de la Nature des choses. On peut penser au ying-yang. Sauf que le ying-yang c'est un équilibre entre deux opposés qui ne se mélangent jamais. Quand les opposés se mélangent/s'affrontent, il en résulte une tension de vie qui fait chambouler l'ordre des choses. Une sorte de rééquilibrage, dira-t-on.
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Re: La pensée du devenir.
jghislain a écrit:Crosswind a écrit:
N'est-il dès lors pas légitime de se demander si ce ne sont pas nos souvenirs du passé qui déterminent le le changement plutôt que les objets eux-mêmes, en quelque sorte par essence
Sauf que les souvenirs sont nos témoins du changement et pas l'inverse. Le changement est en effet bien là, il marque l'esprit.
Quel est le raisonnement qui te pousse à admettre le fait que tes souvenirs aient été des présents ? En toute bonne logique on peut parfaitement admettre que les souvenirs "poussent" dans ton esprit indépendamment d'un quelconque "présent", ces souvenirs "autonomes" deviendraient ainsi les artisans de ton présent. C'est parfaitement plausible (mais cela va à l'encontre du bon sens, je te l'accorde).
Mais nous sommes d'accord cependant sur un point : le changement est bien là.
Crosswind- Digressi(f/ve)
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Re: La pensée du devenir.
Crosswind a écrit:En toute bonne logique on peut parfaitement admettre que les souvenirs "poussent" dans ton esprit indépendamment d'un quelconque "présent", ces souvenirs "autonomes" deviendraient ainsi les artisans de ton présent.
Oui, ta remarque est très juste. Nos souvenirs ne sont qu'une défiguration de notre passé. Nous ne possédons pas vraiment notre passé. Nous ne retenons que ce que nous voulons déjà, et nous interprétons d'anciens événements sans jamais vraiment vraiment les avoir résolu. Ce qui me fait dire qu'il faut faire peu de cas du passé et des souvenirs, d'ailleurs. Sauf cas de névrose/traumatisme à résoudre, le psychisme sait très bien que faire de lui-même pour ne pas rester dans le passé. Après il paraît en psychanalyse que certains faux-souvenirs viennent faire écran, pour nous empêcher l'accès à des souvenirs vrais mais choquants. Freud l'explique, c'est de la psychologie élémentaire. Ce que tu décris là n'est en tout cas pas un état très enviable. Névrose ou nostalgie, voilà qui n'a rien de très attirant, c'est mon avis.
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Re: La pensée du devenir.
Oui, enfin, il y a aussi des mesures du passé qui sont tout à fait tangibles, mesurables et qui permettent de constater l'évolution des choses. Le passé n'est pas fait que de souvenirs, il peut être fait d'observations. Il y a quelques années, j'avais placé des repères sur un pont pour constater son déplacement progressif sur quelques mois. Autre exemple, l'évolution des températures globales est un phénomène observable non à partir du souvenir, mais des archives.
Et je ne crois pas renvoyer dos à dos le temps psychologisant de Freud et le temps scientifique : aucun des deux ne règle le problème de "penser le devenir", ils sont juste deux approches différentes.
A mon sens, le problème ne vient absolument pas de la fausseté ou de la justesse de cette appréciation du temps (psychologie vs science), mais plus de ce que nous en tirons comme conséquence :
- une conscience du temps cyclique comme la plupart des penseurs antiques
- une conscience du temps incertain magique, le fatalisme musulman
- une conscience du temps chronologique chrétien, avec une notion de progrès qui me semble évidente
- ou des approches totalement différentes comme celle des aborigènes australiens qui ne voient pas de différence entre le temps réel et le temps "mythique", celui du rêve, et qui conçoivent leur espace-temps comme un enchainement de traits (déplacements, cérémonies) et de cercles (haltes, communion) dédiés aux ancêtres/rêves.
Ce qui est intéressant c'est la lignée très forte entre la pensée d'Héraclite présentée par Zeller et la perception du temps spinoziste : une Nature éternelle et des agencements temporaires qui ne participent de cette éternité que par communion ou conscience, ça c'est pour Spinoza, ou un éternel modelage naturel qui réagence les choses (Héraclite selon Zeller).
A l'évidence, mais ce n'est pas évident pour tous. Ca me rappelle mon premier débat "philosophique" au lycée avec un professeur de Français qui soutenait que la mort était source de notre malheur alors que je lui disais que sans la mort (la non-persistance des choses), il ne pouvait pas y avoir de vie ce qui me faisait personnellement bien plus peur ! L’absence de mort, c’est la stérilité et l’immuabilité. Et de mémoire, il n'avait pas compris ce que je disais (ou je n'avais pas réussi à le dire avec les bons mots).
Et je ne crois pas renvoyer dos à dos le temps psychologisant de Freud et le temps scientifique : aucun des deux ne règle le problème de "penser le devenir", ils sont juste deux approches différentes.
A mon sens, le problème ne vient absolument pas de la fausseté ou de la justesse de cette appréciation du temps (psychologie vs science), mais plus de ce que nous en tirons comme conséquence :
- une conscience du temps cyclique comme la plupart des penseurs antiques
- une conscience du temps incertain magique, le fatalisme musulman
- une conscience du temps chronologique chrétien, avec une notion de progrès qui me semble évidente
- ou des approches totalement différentes comme celle des aborigènes australiens qui ne voient pas de différence entre le temps réel et le temps "mythique", celui du rêve, et qui conçoivent leur espace-temps comme un enchainement de traits (déplacements, cérémonies) et de cercles (haltes, communion) dédiés aux ancêtres/rêves.
Ce qui est intéressant c'est la lignée très forte entre la pensée d'Héraclite présentée par Zeller et la perception du temps spinoziste : une Nature éternelle et des agencements temporaires qui ne participent de cette éternité que par communion ou conscience, ça c'est pour Spinoza, ou un éternel modelage naturel qui réagence les choses (Héraclite selon Zeller).
C'est sur ce mouvement continuel que reposent la vie et le sentiment de la vie, c'est lui seul qui constitue l'existence des choses.
A l'évidence, mais ce n'est pas évident pour tous. Ca me rappelle mon premier débat "philosophique" au lycée avec un professeur de Français qui soutenait que la mort était source de notre malheur alors que je lui disais que sans la mort (la non-persistance des choses), il ne pouvait pas y avoir de vie ce qui me faisait personnellement bien plus peur ! L’absence de mort, c’est la stérilité et l’immuabilité. Et de mémoire, il n'avait pas compris ce que je disais (ou je n'avais pas réussi à le dire avec les bons mots).
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poussbois- Digressi(f/ve)
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Re: La pensée du devenir.
Le temps cyclique, on le retrouve chez Nietzsche aussi, la pensée de l'éternel retour. Eternel retour qui persiste sans jamais se résoudre, et à quoi on ne peut qu'opposer un amor fati de la vie. Quant aux grecs vis-à-vis du temps, je sais pas trop, à vrai dire, sauf "Le temps est la mesure du mouvement" (Aristote). Si tu peux préciser, je t'en serai reconnaissant.
Le temps chronologique (chez les chrétiens), qui fait de notre monde un lieu temporaire qui ne réalise qu'au fur et à mesure qu'une partie de l'oeuvre du divin, établit un temps supra-temporel (les théologiens parlent de temps spirituel, celui de Dieu : Je suis l'Eternel = Je suis tout ce qui est, qui a été, et qui sera, dont le monde temporel n'est qu'une image imparfaite). Spinoza penche de ce côté, me semble-t-il, en remplaçant Dieu par la Nature.
Le temps psychologique, et tout le mécanisme freudien, de l'oubli et du déni, a l'avantage d'expliquer comment le besoin d'équilibre du psychisme modifie nos souvenirs, qui utilise un temps à géométrie variable.
Ces trois temps ont une composante commune : notre rapport personnel à la vie. Faire face au temps cyclique, au temps chronologique, ou psychologique, et comment on appréhende ces divers temps : cela revient à reconnaître comment nous nous plaçons face non seulement à nous-même, (notre évolution) mais aussi face à l'évolution du monde.
Le temps chronologique (chez les chrétiens), qui fait de notre monde un lieu temporaire qui ne réalise qu'au fur et à mesure qu'une partie de l'oeuvre du divin, établit un temps supra-temporel (les théologiens parlent de temps spirituel, celui de Dieu : Je suis l'Eternel = Je suis tout ce qui est, qui a été, et qui sera, dont le monde temporel n'est qu'une image imparfaite). Spinoza penche de ce côté, me semble-t-il, en remplaçant Dieu par la Nature.
Le temps psychologique, et tout le mécanisme freudien, de l'oubli et du déni, a l'avantage d'expliquer comment le besoin d'équilibre du psychisme modifie nos souvenirs, qui utilise un temps à géométrie variable.
Ces trois temps ont une composante commune : notre rapport personnel à la vie. Faire face au temps cyclique, au temps chronologique, ou psychologique, et comment on appréhende ces divers temps : cela revient à reconnaître comment nous nous plaçons face non seulement à nous-même, (notre évolution) mais aussi face à l'évolution du monde.
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Re: La pensée du devenir.
"Le temps est la mesure du mouvement" (Aristote)
Jolie intuition quand on connait les répercussions de la relativité générale, et l'intimité qu'entretiennent temps et mouvements. En même temps, ces grecs ont "inventés" tant de systèmes physiques différents dont l'atomisme qu'il était fatal que l'un ou l'autre se voient confirmés quelques millénaires après.
Le temps cyclique des grecs, j'y ai été confronté pour la première fois chez Camus dans l'Homme révolté, où il fait une critique du progrès. Je pourrais te retrouver le passage si ça t'intéresse. C'est assez intéressant car ça rentre assez dans ta logique de définir notre relation au temps et au devenir.
Je me suis ensuite très (trop) rapidement renseigné via internet, mais sans approfondir. Globalement, selon Camus, dans l'esprit grecque les guerres médiques n'étaient ni avant ni après les guerres du Péloponèse, elles faisaient partie d'un cycle naturel sensé se renouveler. L'éternel retour à ce sujet n'est pas vraiment une invention de Nietzsche mais serait plutôt stoïcienne (les références me manquent).
Pour Spinoza, je vais essayer de trouver le temps de rechercher à nouveau, mais le souvenir de l'Ethique que j'ai me fait tendre vers une approche du temps et du progrès assez différente de celle des chrétiens. Le panthéisme spinozien, l'éternité et l'infinité de la Nature, est assez incompatible avec une notion d'échelle de temps linéaire. Mais c'est plus de l'ordre de l'intuition que de la raison, il faudrait que je retourne à la source. Promis si j'ai du temps...
Jolie intuition quand on connait les répercussions de la relativité générale, et l'intimité qu'entretiennent temps et mouvements. En même temps, ces grecs ont "inventés" tant de systèmes physiques différents dont l'atomisme qu'il était fatal que l'un ou l'autre se voient confirmés quelques millénaires après.
Le temps cyclique des grecs, j'y ai été confronté pour la première fois chez Camus dans l'Homme révolté, où il fait une critique du progrès. Je pourrais te retrouver le passage si ça t'intéresse. C'est assez intéressant car ça rentre assez dans ta logique de définir notre relation au temps et au devenir.
Je me suis ensuite très (trop) rapidement renseigné via internet, mais sans approfondir. Globalement, selon Camus, dans l'esprit grecque les guerres médiques n'étaient ni avant ni après les guerres du Péloponèse, elles faisaient partie d'un cycle naturel sensé se renouveler. L'éternel retour à ce sujet n'est pas vraiment une invention de Nietzsche mais serait plutôt stoïcienne (les références me manquent).
Pour Spinoza, je vais essayer de trouver le temps de rechercher à nouveau, mais le souvenir de l'Ethique que j'ai me fait tendre vers une approche du temps et du progrès assez différente de celle des chrétiens. Le panthéisme spinozien, l'éternité et l'infinité de la Nature, est assez incompatible avec une notion d'échelle de temps linéaire. Mais c'est plus de l'ordre de l'intuition que de la raison, il faudrait que je retourne à la source. Promis si j'ai du temps...
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poussbois- Digressi(f/ve)
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Re: La pensée du devenir.
crosswind a écrit:Quel est le raisonnement qui te pousse à admettre le fait que tes souvenirs aient été des présents ?
Il y a l'expérience.
Je pense ( mais je peux faire erreur ) que ne me souvienne que de ce dont j' ai été conscient. Conscient dans un présent.
Je peux aussi certes ne pas m'en souvenir.
Je ne vois pas des souvenirs "pousser" dans mon esprit indépendamment d'une quelconque expérience vécu au "présent". Pas très majoritairement.
Il peut néanmoins y avoir des constructions factices de souvenirs d'événements imaginaires ...mais même ceux- là je les place dans un présent, fusse- t- il imaginaire ... je me souviens que j ai vu telle chose ...dans un présent ).
Ou aussi je me souviens que j'ai eu ce souvenir ( mais que je l'ai eu dans un présent ).
hks- Digressi(f/ve)
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Re: La pensée du devenir.
de plus je m'insurge contre cette idée d' un changement du présent. Comme si le présent changeait d' essence et devenait de temps en temps le passé ou l' avenir... ou que sais -je ?crosswind a écrit:A propos du changement... En fin de compte, le changement permanent du présent
Le présent ne change pas de nature ( pas plus en permanence que par intermittence ). Ce qui change ce sont les objets perçus .
Autant confondre l' éclairage et les objets éclairés.
hks- Digressi(f/ve)
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Re: La pensée du devenir.
hks a écrit:je m'insurge contre cette idée d' un changement du présent. Comme si le présent changeait d' essence et devenait de temps en temps le passé ou l' avenir... ou que sais -je ?
Le présent ne change pas de nature ( pas plus en permanence que par intermittence ). Ce qui change ce sont les objets perçus .
Autant confondre l' éclairage et les objets éclairés.
Il y a beaucoup de choses que tu dis là (sans rien démontrer d'ailleurs...), qui méritent une petite analyse.
D'abord, le temps n'a pas d'essence. L'essence, c'est pour les choses. Si le temps change, il n'est pas question d'essence. Première erreur. D'où ta proposition farfelue : si le temps devenait passé ou l'avenir. Passons donc. Et aussi par la soi-disante nature du temps, que je trouve être une drôle d'invention.
Bon, "ce qui change ce sont les objets perçus". Là ben oui, c'est une évidence. Et ils ne font pas que changer, c'est-à-dire s'altérer, mais ils peuvent aussi changer de place...
Donc je dirais merci pour cette intéressante insurrection contre l'idée du devenir, et t'invite à nous faire profiter encore à l'avenir de ton éclairage sur la question. Même si à mon avis, dans ton choix simple entre éclairage et étant éclairé, tu ferais plutôt partie de la seconde catégorie. Mais j'arrête là ma moquerie. Bouh ouh c'est ta faute, t'avais qu'à pas polluer mon sujet.
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Re: La pensée du devenir.
à JG
Je répondais à crosswind.
Mais sur ta réponse.
Première méprise : je ne parle pas du temps, mais du présent .
Seconde méprise, en conséquence de la première: je ne m'insurge pas contre l'idée du devenir ( puisque je parle bien d'un changement l' état des choses)
Je ne tiens pas à heurter les convictions.
Le devenir c'est ce que tout un chacun imagine trop bien, il y a risque à se départir drastiquement de notre imaginaire et je m'en voudrais d'y obliger autrui sans motif valable .( je n'en trouve pas ici ).
.................
Double méprise sur un thème, celui du présent.
.................
J'ai répondu sur le souvenir et sur le présent parce que Crosswind en parlait.
Le sujet du fil ne m'intéresse pas.
Je ne suis ni familier ni sympathisant des philosophies du devenir.
Qu'elles prospèrent ou déclinent au gré des modes m'est indifférent.
A chacun son commerce et je dirais même son petit fond de commerce.
Je n'ai rien dit sur le devenir et n' ai pas l'intention d'en dire plus …
Je répondais à crosswind.
Mais sur ta réponse.
Première méprise : je ne parle pas du temps, mais du présent .
Seconde méprise, en conséquence de la première: je ne m'insurge pas contre l'idée du devenir ( puisque je parle bien d'un changement l' état des choses)
Je ne tiens pas à heurter les convictions.
Le devenir c'est ce que tout un chacun imagine trop bien, il y a risque à se départir drastiquement de notre imaginaire et je m'en voudrais d'y obliger autrui sans motif valable .( je n'en trouve pas ici ).
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Double méprise sur un thème, celui du présent.
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J'ai répondu sur le souvenir et sur le présent parce que Crosswind en parlait.
Le sujet du fil ne m'intéresse pas.
Je ne suis ni familier ni sympathisant des philosophies du devenir.
Qu'elles prospèrent ou déclinent au gré des modes m'est indifférent.
A chacun son commerce et je dirais même son petit fond de commerce.
Je n'ai rien dit sur le devenir et n' ai pas l'intention d'en dire plus …
hks- Digressi(f/ve)
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Re: La pensée du devenir.
Oui, sauf que là, on est dans une période où l'enjeu est relativement stratégique.
J'ai retrouvé le texte, vous comprendrais pourquoi ce passage de l'Homme révolté intéresse au plus au point les écologues comme moi, et pourquoi je m'intéresse tout particulièrement à ce sujet :
J'ai retrouvé le texte, vous comprendrais pourquoi ce passage de l'Homme révolté intéresse au plus au point les écologues comme moi, et pourquoi je m'intéresse tout particulièrement à ce sujet :
Camus, dans l’Homme révolté, a écrit: En opposition au monde antique, l’unité du monde chrétien et du monde marxiste est frappante. Les deux doctrines ont, en commun, une vision du monde qui le sépare de l’attitude grecque. Jaspers la définit très bien « c’est une pensée chrétienne que de considérer l’histoire des hommes comme strictement unique ». Les chrétiens ont les premiers considéré la vie humaine et la suite des évènements comme une histoire qui se déroule à partir d’une origine vers une fin, au cours de laquelle l’homme gagne son salut ou mérite son châtiment. La philosophie de l’histoire est née d’une représentation chrétienne, surprenante pour un esprit grec. La notion grecque du devenir n’a rien de commun avec notre idée de l’évolution historique. La différence entre les deux est celle qui sépare le cercle d’une ligne droite. Les Grecs se représentent le monde comme cyclique. Aristote pour donner un exemple, ne se croyait pas postérieur à la guerre de Troie. Le christianisme a été obligé, pour s’étendre dans le monde méditerranéen, de s’helléniser et sa doctrine s’est du même coup assouplie. Mais son originalité est d’introduire dans le monde antique deux notions jamais liées jusque-là, celle d’histoire et de châtiment. Par l’idée de médiation, le christianisme est grec. Par la notion d’historicité, il est judaïque et se retrouvera dans l’idéologie allemande.
On perçoit mieux cette coupure en soulignant l’hostilité des pensées historiques à l’égard de la nature considérée par elles non comme un objet de contemplation, mais de transformation. Pour les chrétiens comme pour les marxistes, il faut maîtriser la nature. Les Grecs sont d’avis qu’il vaut mieux lui obéir. L’amour antique du cosmos est ignoré des premiers chrétiens qui, du reste, attendaient avec impatience une fin du monde imminente.
L’Hellénisme associé au christianisme donnera ensuite l’admirable floraison albigeoise, d’une part, Saint-François de l’autre. Mais avec l’inquisition et la destruction de l’hérésie cathare, l’Eglise se sépare à nouveau du monde et redonne à l’histoire sa primauté sur la nature.
[…]
Le bel équilibre de l’humain et de la nature, le consentement de l’homme au monde, qui soulève et fait resplendir toute la pensée antique [NDP : qu’on retrouvera chez Thoreau], a été brisé, au profit de l’histoire, par le christianisme d’abord. L’entrée dans cette histoire, des peuples nordiques qui n’ont pas une tradition d’amitié avec le monde [NDP : discutable, le rapport allemand à la nature est bien plus fin que ce qu’il en dit], a précipité le mouvement.
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poussbois- Digressi(f/ve)
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Re: La pensée du devenir.
à poussbois
je veux bien être écologiste ...mais là je suis métaphysicien.
Il n'y a pas contradiction, ce sont deux domaines séparés.
Il y a des mathématiciens platoniciens et il y en a d'empiristes (constructiviste). Et tous font de la bonne mathématique.
Je suis philosophiquement éternaliste, j'ai donc beaucoup de réticences à discuter du "devenir" pensé comme d'une entité métaphysique.(voir les difficultés que j' ai avec le deleuzien )
Je place le temps dans l' Etre et pas l 'être dans le temps.
je veux bien être écologiste ...mais là je suis métaphysicien.
Il n'y a pas contradiction, ce sont deux domaines séparés.
Il y a des mathématiciens platoniciens et il y en a d'empiristes (constructiviste). Et tous font de la bonne mathématique.
Je suis philosophiquement éternaliste, j'ai donc beaucoup de réticences à discuter du "devenir" pensé comme d'une entité métaphysique.(voir les difficultés que j' ai avec le deleuzien )
Je place le temps dans l' Etre et pas l 'être dans le temps.
hks- Digressi(f/ve)
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Re: La pensée du devenir.
Camus, dans l’Homme révolté, a écrit: Mais son originalité est d’introduire dans le monde antique deux notions jamais liées jusque-là, celle d’histoire et de châtiment.
On peut se poser la question de la transition entre l'antiquité et l'époque médiévale.
Philosophiquement parlant, comment le monde antique a pu laisser tomber la vue mythologique de sa civilisation, pour s'en remettre à la vue historique ? Je pense que la transition s'est faite durant les invasions barbares.
La Grèce antique, c'est un ensemble d'îles qui entretiennent des rapports plus ou moins conflictuels, mais qui bénéficient en tout cas d'échanges commerciaux et culturels, dès lors que la navigation se développe. L'Empire romain a une autre façon de se voir, étant essentiellement basé sur l'expansion militaire, et l'intégration des nouveaux territoires à l'Empire, c-à-d entres autres la Grèce, le monde Juif, la Gaule, on dira le pourtour méditerranéen pour résumer. Tous les peuples conquis pouvaient accéder à la citoyenneté romaine, pour une meilleure stabilité de l'ensemble. Les invasions barbares rendent cet équilibre impossible à tenir.
Camus, dans l’Homme révolté, a écrit:
L’amour antique du cosmos est ignoré des premiers chrétiens qui, du reste, attendaient avec impatience une fin du monde imminente.
Ce sont essentiellement les premières sectes juives converties au christianisme qui propagent facilement cette idée, surtout dans un Empire qui n'arrive plus à contrer la barbarie des invasions, et qui voit sa puissance économique et militaire s'affaiblir.
Camus, dans l’Homme révolté, a écrit:
Le bel équilibre de l’humain et de la nature, le consentement de l’homme au monde, qui soulève et fait resplendir toute la pensée antique.
Nietzsche explique très bien comment la parole religieuse naît du ressentiment envers le monde. L'adoration envers le monde est dès lors remplacée par l'attente envers un au-delà, et une transformation dénaturée du monde.
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Re: La pensée du devenir.
jghislain a écrit:Philosophiquement parlant, comment le monde antique a pu laisser tomber la vue mythologique de sa civilisation, pour s'en remettre à la vue historique ? Je pense que la transition s'est faite durant les invasions barbares.
Bien avant, du fait même des Grecs, période hellénistique ( Voir par exemple " Paideia ", Werner Jaeger, sur la formation puis la trajectoire de l'homme grec, " tel " chez Gallimard. )
jghislain a écrit:La Grèce antique, c'est un ensemble d'îles qui entretiennent des rapports plus ou moins conflictuels, mais qui bénéficient en tout cas d'échanges commerciaux et culturels, dès lors que la navigation se développe.
On y distingue deux approches, façons de penser, radicalement différentes : ionienne ( Ce qui comprend la Grande Grèce, dont les principales cités sont fondées par des colons ioniens. ) et attique. Même si bien sûr, il y aura des échanges fructueux. Aristote, qui est un métèque à Athènes, illustrera de façon emblématique le procès osmotique des deux. Sans omettre quelques apports extérieurs via l'Asie mineure ( La Grande Année babylonienne chez Héraclite, mais aussi Aristote, etc. ). On sait par des listes que des chaldéens ont fréquenté l'Académie et le Lycée. Leurs apports en astronomie ont été considérables, décisifs.
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
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neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: La pensée du devenir.
neopilina a écrit:du fait même des Grecs, période hellénistique
Platon sert en premier lieu les doctrines bibliques, de part son invention du souverain Bien, et son monde des Idées. Avant il y a Parménide avec son être Un immuable, qui supporte une analogie frappante avec un dieu unique et éternel.
De là peut-on en conclure que le monde antique devait irrémédiablement tomber dans le judéo-christianisme ? Pas si sûr... Comme l'a noté Poussbois, c'est une période stratégique où rien ne se laisse présager car les écoles philosophiques sont très nombreuses et les doctrines diverses. Ce n'est qu'en 529 sur un édit de Justinien qui ferme l'Académie d'Athènes, que ce bouillonnement antique prend fin. Un beau cadeau pour le futur monopole de la parole biblique, déjà présente...
Ce qui me fait revenir à ce rapport primordial des sectes juives face un Empire romain dégradé. Car bien plus que des liens entre ces deux civilisations dans la philosophie, dans les faits, l'affaiblissement de l'Empire par les invasions barbares est une opportunité inespérée pour faire la transition, une réelle brèche. Tout s'est joué là, à mon avis.
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Re: La pensée du devenir.
jghislain a écrit: 1 - Platon sert en premier lieu les doctrines bibliques, de part son invention du souverain Bien, et son monde des Idées. 2 - Avant il y a Parménide avec son être Un immuable, qui supporte une analogie frappante avec un dieu unique et éternel.
1 - C'est sans recours à des sources externes qu'on voit le discours grec se téléologiser, et ça commence avec Socrate, puis Platon, puis Aristote, pour ne citer que les plus connus.
2 - Parménide ressort de la pensée ionienne, son propos n'est absolument pas théologique. Dans son poème on voit très bien que le Dieu est un auxiliaire bienveillant de l'audacieux voyageur mais pas une fin en soi, l'objet de la recherche. Comme je l'ai déjà dit, l'Un qui est une découverte éléate relative à l'Étant, est de nature ontologique et dialectique, c'est justement d'autres et après qui vont téléologiser celui-c. Mais, catégoriquement, ce n'est pas de leur fait. Les éléates, les premiers explicitement, font de l'ontologie, de la métaphysique, et donc chez eux l'Être, l'Étant et l'Un ne ressortent de rien d'autre. Dans la pensée ionienne, archaïque, les Dieux font partie du paysage, on fait complétement avec, sans aucune difficulté. Mais donc on voit très bien un premier glissement téléologique avec Socrate et Platon. Il n'en sera plus autrement jusqu'à la fin du règne de la scolastique.
Il faut bien comprendre que Platon et Aristote constituent des obstacles gravement préjudiciables à une bonne intelligence du monde grec archaïque, présocratique, c'est un lieu commun de la littérature spécialisée. Sachant qu'Aristote, pour des raisons épistémologiques, propres à son génie, sa façon de pensée, totalement innovante, va aggraver une situation déjà bien corrompue par le duo Socrate-Platon. De Thalès à Platon, on a un fil, même si avec Socrate et Platon, ou encore Diogène d'Apollonie, etc., il subit une très nette inflexion, mais Aristote, lui, rompt ce fil.
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neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: La pensée du devenir.
poussbois a écrit:
Pour Spinoza, je vais essayer de trouver le temps de rechercher à nouveau, mais le souvenir de l'Ethique que j'ai me fait tendre vers une approche du temps et du progrès assez différente de celle des chrétiens. Le panthéisme spinozien, l'éternité et l'infinité de la Nature, est assez incompatible avec une notion d'échelle de temps linéaire. Mais c'est plus de l'ordre de l'intuition que de la raison, il faudrait que je retourne à la source. Promis si j'ai du temps...
C'est vraiment bizarre que tu me dises ça, après coup. Il se trouve qu'avec mes activités philosophiques, j'ai pu rencontré des spinozistes. Disons deux ou trois. Ils prenaient toujours intérêt aux théories nietzschéennes. Ce qui me fait dire qu'il y a un lien entre ces deux visions du monde. Peut-être la force ? Chez Nietzsche, c'est le dynamisme du devenir. Chez Spinoza, me semble-t-il, il s'agit de la force de la Nature.
Mais si tu veux mon avis, devenir et Nature ne sont pas forcément liés, à vrai dire. La Nature est ce qu'elle est, point. Ce n'est qu'à l'homme qu'appartient le Devenir. Un animal n'a qu'une existence partielle, le caillou n'a pas d'existence propre, dans le sens heideggérien d'ex-sister (sortir de son état). Un caillou, ça reste un caillou. Un animal reproduit l'instinct de son espèce. Ce n'est qu'à l'homme qu'appartient la notion de progrès.
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Re: La pensée du devenir.
Camus par Poussbois a écrit:La notion grecque du devenir n’a rien de commun avec notre idée de l’évolution historique. La différence entre les deux est celle qui sépare le cercle d’une ligne droite. Les Grecs se représentent le monde comme cyclique. Aristote pour donner un exemple, ne se croyait pas postérieur à la guerre de Troie. Le christianisme a été obligé, pour s’étendre dans le monde méditerranéen, de s’helléniser et sa doctrine s’est du même coup assouplie. Mais son originalité est d’introduire dans le monde antique deux notions jamais liées jusque-là, celle d’histoire et de châtiment.
D'après Gadamer (Vérité et méthode, je crois, non garanti), c'est surtout l'eschatologie chrétienne qui conduit au concept du temps linéaire, d'un temps qui se déploie à partir d'une origine des temps (une Genèse) et s'achemine, dans un flux unidimensionnel, vers une fin des temps (une apocalypse, dans laquelle le Temps s'abolit). Cette conception linéaire est la condition de la constitution du concept d'histoire, qui est donc inconnu des Grecs.
NB : en grec, historia, que l'on traduit d'habitude par "enquête" désigne le travail de l'historiographe, les recherches du chroniqueur, de "l'historien". Ce n'est pas lié à la notion de passé ni même de temps particulière, comme lorsque l'on parle, "d'histoire naturelle" (Museum d'histoire naturelle à Paris, par ex.).
Courtial- Digressi(f/ve)
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Re: La pensée du devenir.
J'ai du mal a imaginer que les grecs ne considéraient le temps que cycliquement. Peut-être quand ils s'adonnaient à leurs spéculations mythico-religieuses mais ils avaient aussi des ''éducateurs'' historiens comme Hérodote ou Thucydide pour leur dérouler un temps chronologique donc linéaire. Je ne crois pas qu'Aristote qui évaluait toujours les écoles philosophiques précédentes pour mieux asseoir la sienne ait pu se sentir contemporain de la guerre de Troie même si c'est le grand Camus qui l'affirme (voir post de Poussbois plus haut). Par contre, oui, il y avait dans la pensée grecque un fond d'orphisme pythagoricien, peut-être aussi de métempsycose platonicienne qui incitait à avoir une vision quasi religieuse ou cosmique d'un temps cyclique mais sans doute moins opposée brutalement au temps linéaire des judeo-chrétiens. C'est du moins mon petit avis non manichéen !
Serge- Digressi(f/ve)
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Re: La pensée du devenir.
Oui, mais bon, Hérodote, je ne pense pas qu'il ait été beaucoup lu par le peuple grec. Alors que les récits mythologiques des héros font partie de la tradition. La pensée mythique, c'est le temps monumental, comme l'appelle Heidegger. Seul les événements marquants d'un peuple sont retenus, sans trop savoir la chronologie, qui importe alors peu. Le problème du temps linéaire c'est qu'il est tourné vers le passé, l'origine. L'origine étant Dieu, chez les chrétiens (chez qui tout est déjà écrit, et l'histoire est le développement de la volonté de Dieu). Les grecs avaient une autre conception du temps, n'en déplaise aux chrétiens (message supprimé)... Héraclite est le penseur du devenir. Aristote voit le temps comme la mesure du mouvement. Message supprimé
Modération : ton agressivité est inutile et injustifiable.
Modération : ton agressivité est inutile et injustifiable.
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Re: La pensée du devenir.
jghislain a écrit: Modération : message supprimé
Oui, oui, je comprends...et je mesure le poids du votre !
Serge- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 05/02/2015
Re: La pensée du devenir.
Aristote distinguait très bien l' antérieur du postérieur ... dans les analytiques c'est flagrant.
Maintenant sur la guerre de Troie, je doute qu' Aristote s' en soit senti contemporain... ce que je sais, c'est qu’objectivement Aristote est postérieur à la guerre de Troie.(là, le doute n' est pas permis).
Il faudrait sans doute distinguer le mythe d' un temps cyclique, de la réalité d' un temps objectif qui ne l'est à l' évidence pas du tout ( sauf démonstration, mais elle est exigible ).
Critiquer les mythes du christianisme, je veux bien ... mais pas pour réactualiser les mythes grecs. ( c'est mon opinion )
Je veux bien que le temps linéaire soit une mythologie chrétienne... mais assumée par Marx ça fait mal .
Le 18 brumaire de Louis Bonaparte (1853), Karl Marx.
Maintenant sur la guerre de Troie, je doute qu' Aristote s' en soit senti contemporain... ce que je sais, c'est qu’objectivement Aristote est postérieur à la guerre de Troie.(là, le doute n' est pas permis).
Il faudrait sans doute distinguer le mythe d' un temps cyclique, de la réalité d' un temps objectif qui ne l'est à l' évidence pas du tout ( sauf démonstration, mais elle est exigible ).
Critiquer les mythes du christianisme, je veux bien ... mais pas pour réactualiser les mythes grecs. ( c'est mon opinion )
Je veux bien que le temps linéaire soit une mythologie chrétienne... mais assumée par Marx ça fait mal .
Marx a écrit:"Hegel fait remarquer quelque part que, dans l’histoire universelle, les grands faits et les grands personnages se produisent, pour ainsi dire, deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde comme farce.."
Le 18 brumaire de Louis Bonaparte (1853), Karl Marx.
hks- Digressi(f/ve)
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Re: La pensée du devenir.
jghislain a écrit:Les grecs avaient une autre conception du temps, n'en déplaise aux chrétiens (modération : message supprimé)
Je débarque ici...alors, dites-moi, votre agressivité, elle, est-elle cyclique ou chronique ? À moins que vous ne soyez un nietzshéen refoulé ou revendiqué qui vient de déceler chez moi un vieux fond de christianisme mal résorbé que vous voulez vite étouffer ?
Cher Monsieur, prenez donc garde à ne pas voir des chrétiens un peu partout, ça vous rend manifestement très nerveux ! Quant à moi je ne suis pas venu ici pour me faire jeter dès le 5ème post, je vais donc vous laisser régler vos petits différents entre grands philosophes et, de mon côté, retourner à ma caverne.
Serge- Digressi(f/ve)
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