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Message par neopilina Mer 26 Mar 2014 - 13:37

Eut égard à l'ampleur du monde sadien, livres, travaux, thèses, articles, colloques, etc, on pourrait penser a priori trouver facilement des outils bibliographiques aboutis, à jour, j'ai vite découvert, bien surpris, que ce n'était pas le cas. On va donc trouver à la suite, pour commencer, ce qui ne pose pas de problèmes. On a là tout de même, l'essentiel de l'oeuvre, l'immense majorité du volume, connus. Quant au reste, connu, parfois publié, il pose des problèmes de référencement, de recoupement, bibliographiques, de titres, surtout pour le théâtre, où les titres varient même dans les manuscrits de Sade, et varient d'un éditeur à l'autre, comme on le verra ci-dessous, le manuscrit " Oeuvres de M. le M. de Sade ", recueil hétéroclite d'écrits de jeunesse compilé par Sade lui-même, n'a pas été publié intégralement par un éditeur, mais on en trouve des éléments ventilés, etc, etc. Je me propose de contribuer à l'élaboration de cet outil.


Dernière édition par neopilina le Ven 25 Avr 2014 - 11:03, édité 8 fois

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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
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Message par neopilina Lun 31 Mar 2014 - 22:00

Extrait de ma contribution à la fiche wikipédia de Sade, section oeuvres :

Débauché, délinquant, transgressif, subversif, avant même d'être durablement incarcéré, 1777-1790, période où il rallie radicalement et définitivement les Lumières ( Après 1781, c'est à ce titre qu'il est maintenu en détention. ), il ne perd jamais de vue la postérité, ce qui passe expressément par l'impression ; il a toujours été résolument et très tôt un auteur clandestin. De ce point de vue, on peut diviser sa carrière d'auteur, essentiellement clandestine, en quatre périodes : avant 1777, de 1777 à 1790, de 1790 à 1801, de 1801 à 1814. Ce n'est qu'à la fin de sa vie qu'il publiera quelques ouvrages sous son nom. Ses œuvres pornographiques, uniques, sont des objets de scandale et d'effroi qui sont dès leur parution interdites, et ce jusqu'en 1960. Elles sont à l'origine de la renommée de leur auteur. C'est uniquement à cause d'elles qu'il passe les 13 dernières années de sa vie à Charenton.

" Le Philosophe soi-disant ", sous le pseudonyme de L.P. de Bernowlly, référencé Bernouilly, pièce de théâtre publiée et représentée pour la première fois à Bordeaux par les Comédiens Français et Italiens, le 9 octobre 1762. C'est le plus ancien imprimé ( En in-8° en 1762 et en in-12° en 1764. ), connu à ce jour, de Sade. Le Journal de Paris du 8 septembre 1785 annonce une représentation de cette pièce pour le 9 aux Grands Danseurs du Roi. Sade libre depuis le 2 avril 1790, le Sieur de Bernowlly paraît sur la scène parisienne. Cette pièce a été jouée 10 fois par le théâtre du Palais Royal entre le 02 octobre 1789 et le 19 juin 1790. Le même théâtre donne 5 fois " Le point d'honneur " de Lesage entre le 11 décembre 1790 et le 18 février 1791. Les trois premières donnent le nom d'auteur véritable, mais les deux dernières donnent curieusement le pseudonyme de Bernowlly. On connaît également sous ce pseudonyme un opéra bouffon en un acte, " Les serruriers par hazard, ou le jaloux pris dans ses filets ", musique de M.Valois, imprimé à Avignon en 1762. Une lettre à son précepteur, le père Amblet, fait allusion à son théâtre clandestin et également à au moins un érotique pas encore identifié. " Le Philosophe soi-disant " est également imprimé en 1766 dans le tome II des " Contes moraux ", recueil à succès de petits contes anonymes d'auteurs divers, rassemblés et publiés par Jean-François Marmontel et, la même année, sous un autre pseudonyme qui sévit en Provence, Lesbros de la Versanne qui a sa propre bibliographie : au moins 8 textes référencées, deux comédies, un conte, et diverses brochures, dont une sur Marivaux (1) en plus du " Le Philosophe soi-disant " original. On relève les 7 autres titres dans Histoire des hommes illustres de la Provence. Seconde partie. Dictionnaire de la Provence et du Comté-Venaissin, dédié à Monseigneur le Maréchal Prince de Beauvau, par une société de gens de lettres (tome IV, Marseille, 1787). Lesbros de la Versanne ( Louis ), de Marseille, a publié " l’Esprit de S. Real ". " Dissertation sur les nourrices ". " Lettres sur les femmes ". " Pensées de l'ami des hommes " ? " L'Orpheline ", comédie en vers et en un acte, 1766, in-8° ; " Le Philosophe soi-disant ", comédie en vers et en trois actes, 1766, 8° ; " La Rosière ou le Triomphe de la vertu ", comédie héroïque, 1766 ; " L'Amour est une bonne chose ", conte, in -12, 1773 ; quelques romans ".

(1) Dans " Anonymes, pseudonymes et supercheries littéraires de la Provence ancienne et ... " par Robert Reboul. " 664. Esprit (l') de Marivaux, ou Annalectes de ses ouvrages, précéd. de la vie de l'auteur ( par Lesbros de la Versanne ). Paris, veuves Pierres, 1769, in -8°. Paris, veuve Duchesne, 1769, in -8°. Paris, Costard, 1774, in -8° ".

Commentaires.

- Aucun titre, sujet, qui étonnerait de sa part. On sait par ailleurs, ici ou là dans ce qui est connu, ce que Sade pensait de Marivaux et le catalogue raisonné de 1788 parle d'analyses des ouvrages de Marivaux. Et ses " Annalectes " sur Marivaux sont publiés entre autres par la maison " Veuve Duchesne ", chez qui Sade a été imprimé.

- " Le Philosophe soi-disant " est parfaitement connu, publié, d'après manuscrit depuis le début du XX° siècle. J'ai découvert qu'il avait été imprimé et joué dès 1762 à Bordeaux, et republié ensuite, au moins deux fois, en 1764, toujours par Chappuis à Bordeaux, et en 1766 dans un recueil dans le tome II des " Contes moraux " de Marmontel, je donne les liens de ces textes numérisés dans ma bibliographie, régulièrement mise à jour à la fin de ce sujet. En pistant le pseudonyme " Bernowlly ", on se retrouve avec 9 " inédits " potentiels de Sade, 1 de Bernowlly et 8 de Lesbros de la Versanne, en écartant " Le Philosophe soi-disant ". C'est quelque chose. Mais. Malgré toutes mes recherches, je n'ai pas pu pour l'instant mettre la main sur des numérisations de ces textes, et donc vérifier s'ils sont de la main de Sade ou pas. Notamment la version du " Le Philosophe soi-disant " de Lesbros de la Versanne de 1766, qui permettrait de confirmer ou d'infirmer le lien entre les deux pseudonymes. L'impression clandestine du XVIII° est une jungle, j'ai trouvé des dictionnaires de pseudonymes, de supercheries littéraires, etc, etc. Je cherche donc aussi le ou les érotiques non-attribués, c'est encore pire. Sade a passé sa vie à écumer les théâtres, quand il ne les montait pas, et les imprimeurs, et il semblerait qu'il ait commencé très tôt. Les Lumières sans Lumière sur la part d'ombre de l'Homme, ce n'est pas tout à fait les Lumières, c'est une grave fumisterie, mais, donc, Sade, très bien disposé, s'est proposé, résolument, instamment. De même, une oeuvre aussi clandestine que le bonhomme, on le savait déjà. L'histoire de Sade et de l'édition clandestine n'est pas terminée. " Soit ! Je serais le Clandestin des Lumières ! " Ce qu'il a voulu, dit et fait.


Dernière édition par neopilina le Mar 29 Avr 2014 - 14:22, édité 27 fois

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Message par neopilina Ven 4 Avr 2014 - 21:07

Je poursuis donc mes recherches des clandestins de Sade pas encore identifiés de Sade. J'ai trouvé ce très intéressant, je dirais pourquoi ensuite, érotique. Mes citations sont absolument scrupuleuses, au signe, fautes comprises, près, à l'identique de ce que j'ai trouvé.

- 1° Référence. " Académie, L, des pays bas, ou l'école des voluptueux, ouvrage didactique. pp. 120, i8mo. Chez Ignace Beaupoil, n.p., 1769 ".

- 2° Référence. " Académie (L) des Pays-Bas, ou l'Ecole des Voluptueux, ouvrage didactique ( en vers ). S.I., chez Ignace Beaupoil, 176 gr, in -i8 de 130 pp. - rare. C'est un recueil de poésies libres présentées sous le titre de Leçons au nombre de CXXXVIII, et terminé par l'Ode à Priape. En tête, une dédicace signé Tiranville, à Mlle de Montigny, abbesse  de l'abbaye la Joie à Paris ".

Intéressant donc :

- " Académie, école, didactique, Leçons ". On sait que le sous titre des 120 journées est l'école du libertinage et celui de la philosophie dans le boudoir, les instituteurs libertins. On connait aussi, uniquement via mentions " Théorie du libertinage ", " La Vénus dévoilée, variante : impudique, ou l'Art de Jouir ", une dissertation des Journées de Florbelle, le dernier grand ouvrage clandestin, manuscrit saisi et détruit en juin 1807, a priori perdu donc. Et dans deux des titres envisagés pour le voyage d'Italie on trouve " L'indicateur philosophique ". Cette " volonté " pédagogique est une constante bien attestée chez Sade.
- " Ignace Beaupoil ". Comme ça, à vue de nez, ça fait gag, très en vogue à l'époque de l'impression clandestine. Mais ce gag, outre l'attrait indéniable et évident de " Beaupoil ", a de multiples tiroirs. En effet, on connait un Jean-Vincent-Ignace de Beaupoil de St Aulaire, décédé en 1660. Et un de ses parents, François-Joseph de Beaupoil de St Aulaire, 1643-1742 ( Quasi centenaire ! ), membre de l'académie à partir de 1706. Et on se souvient que Sade fit ses études chez les pères jésuites, fondés par Ignace de Loyola.
- L'Ode à Priape de Piron, que Sade goutait comme on peut l'imaginer. On imagine son plaisir à le faire publier, outre que la présence de ce morceaux de choix, très prisé à l'époque, pouvait en soi constituer un argument de vente.
- Une dédicace à une abbesse. On sait que Sade fut amoureux et amant de sa belle-soeur, Mlle de Launay, abbesse de son état.
- La date. Qui correspond à la période où Sade lui-même place cette activité clandestine, avant le premier grand emprisonnement ( 1777-1790 ). Même si la date donnée doit être considérée avec la plus grande circonspection : les dates fantaisistes sont également une pratique très courante à l'époque, comme publier sous un nom d'auteur défunt ( Par contre, la date de l'édition de Bordeaux du " Le Philosophe soi-disant ", 1762, est absolument authentique, puisqu'elle donne la date précise d'une représentation de cette pièce dans cette même ville, le 9 octobre 1762 aux Comédiens Français & Italiens et qu'on retrouve mention de cette représentation dans les archives des théâtres de Bordeaux. ).

Mais donc, encore une fois, je n'ai pas trouvé de numérisation de ce texte.


Dernière édition par neopilina le Dim 27 Avr 2014 - 15:37, édité 2 fois

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Message par neopilina Sam 12 Avr 2014 - 11:00

Dans la " Bibliographie universelle ancienne et moderne ... ", 1811-1828, de Louis-Gabriel Michaud, dans l'article Sade, je relève :

" ... On trouve encore, au " Catalogue de M. de Soleinne ( 1844 ) ", la mention de deux pièces manuscrites suivantes : " ... et sous le N°3879, " Julia, ou le Mariage sans femme ", folie-vaudeville en 1 acte, in-4° ".

- Commentaire. Hors le catalogue Soleinne, dressé à l'occasion de la dispersion de sa collection après sa mort, aucune autre trace de " Julia, ou le Mariage sans femme ". L'occurrence étant unique, je la donne pour mémoire. L'essentiel de la collection Soleinne a été acquis par la B.N.F. et la bibliothèque de l' Arsenal.

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Message par neopilina Mer 23 Avr 2014 - 21:49

- Sade libelliste, pamphlétaire, correspondant, anonyme, dans le " Journal de Paris ", essayiste, auteur, anonyme ou clandestin ( L'époque faisait, légalement, la différence. ) entre 1777 et 1790.

Le " Journal de Paris, premier imprimé à être quotidien en France, y est l'organe officiel des Lumières, apparait le 01 janvier 1777, il est à ce titre scruté à la loupe par la censure, la police, leur lieutenant général, Le Noir ( " un homme des Lumières, pragmatique, qui souhaite réformer l’État en douceur ", d'après les travaux de Vincent Milliot. ) . Avant même son transfert à Aix pour la cassation du jugement de l'affaire marseillaise et la courte cavale, été 1778, Sade au cours de l'automne 1777 réussit à y faire imprimer ces premiers libelles et à nouer des contacts durables à l'extérieur, notamment avec des imprimeurs, liens qu'il refait fonctionner après sa cavale, de retour à Vincennes en septembre 1778. Sous l'étroite surveillance, et l'étrange permissivité ( De son fait ou inspirée ? ) du lieutenant de police général Le Noir, manifestement des limites ont été convenues entre les deux hommes, celui-ci peut surveiller les Lumières, dont son prisonnier le plus encombrant, quasi-quotidiennement, via cette feuille. Par exemple, le 14 juillet 1781, le lendemain de la première visite de la marquise après 4 ans et 5 mois, le marquis apostrophe sa belle-mère dans le Journal. Toutes les publications de Sade pendant cette période, principalement chez la maison " Esprit ", prestigieux imprimeur, entre autres de l'Encyclopédie, sont ainsi contraintes, limitées, a priori. Sade, brimé, qui bout en prison, ne cesse pas de mettre à rude épreuve les bornes fixées et la patience de Le Noir. Bien sûr, une fois que la marquise peut voir Sade en privé, celui-ci ne manque absolument pas de saisir la nouvelle marge éditoriale ainsi offerte.

Numérisations du " Journal de Paris " de 1777 à juin 1791. A partir de là, le Journal connaît de sévères tribulations. Accusation de " modérantisme " en 1791, pillage des locaux et destruction des presses en aout 1792. De quoi rappeler que des Lumières à la Révolution il y a une étape intellectuelle et historique notoire qu'on oublie souvent. A un moment, même les plus ardents saboteurs de l'Ancien Régime sont pris de cours par les événements. Sade n'est pas concerné par celle-ci, il est dans ce cas un adepte franc du principe des vases communicants.
Journal de Paris, 1777 au premier semestre 1791.

J'ai déjà débusqué 8 titres imprimés clandestinement, sans nom ou sous pseudonyme, de la brochure au pavé ( 159, 248, 80, 266, 300, 82, 1401, 266, pages. ) en passant par l'essai, entre 1779 et 1784. En ayant acquis l'intime conviction que même au sein de cette période j'en ai raté. Je ne parle que des textes dont la numérisation est disponible et que j'ai donc pu lire, en prenant des notes, bien sûr. Pour un autre, par exemple, un traité sur la musique, incroyablement technique, je n'ai trouvé que des extraits et donc suspend ma conclusion, plus les titres dont je ne trouve pas la numérisation. Chez ce type, à l'étroit dans son siècle, plumitif compulsif, imprimer était une obsession. Je l'ai montré en découvrant l'édition originale du " Le philosophe soi-disant " de 1762, il a 22 ans. J'ai lu 7 de ces titres en entier, et 1 partiellement, mais largement de quoi trancher, ils sont de Sade. Pas tout à fait celui qu'on connait ? Oui, pas de pornographie, par exemple. Un licencieux, tout de même, largement autobiographique, ce qui est assez somptueux pour un imprimé clandestin. Seuls ceux qui le connaissaient, des proches ou comme nous maintenant après les travaux du XX° siècle, pouvaient l'y reconnaître. Parfois dans le Journal, il signait " Le Petit Poucet ". Et normal, avant ceci, celui que je restitue était ignoré.


Dernière édition par neopilina le Dim 4 Mai 2014 - 14:25, édité 5 fois

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Message par neopilina Jeu 24 Avr 2014 - 11:24

- " Lettres d'un Voyageur Anglois ". A Londres. 1779. 159 pages. " Nouvelles Lettres d'un Voyageur Anglois ". A Londres. 1780. 247 pages. Ce dernier aura deux éditions la même année, la page de garde de la seconde est différente de la première. A la place d'une vignette, on trouve " Chez Esprit, Libraire, Palais Royal, Veuve Duchesne, rue Saint Jacques. Puis en juin 1780, " Fragment sur Shaekespear ", brochure de 80 pages. Les trois sont signés par Martin Sherlock. Journal de Paris, le 11 janvier 1779, n°11, page 43 ( Pagination courant sur l'année. ). En une, rubrique Belles Lettres : " Lettres d'un Voyageur Anglois. Avec cette Epigraphe : " Rien n'est beau que le vrai, le vrai seul est aimable ". Boileau. A Londres, 1779. brochure de 159 pag. qui se trouve à Paris, chez Esprit, Libraire, au Palais Royal ". Suivi d'une critique encourageante. C'est sans prétention, modeste, un persiflage " léger ". Mais le ton, le positionnement, requis, sont bien ceux des Lumières. Celles-ci le reconnaissent immédiatement et encouragent le jeune auteur à persévérer. Sade sait qu'il joue gros, c'est son coup d'essai sur cette scène, il s'agit de sa reconnaissance par ceux dont ils se réclament, de son examen de passage, et il les obtient. On lui demande même, au moins Esprit via le Journal, certainement entre autres, de prendre part aux très vifs débats du moment sur la musique, la poésie, à travers lesquels se sont bien les Lumières et les conservateurs, qui disposent de leur propre feuille, le Mercure, qui se déchirent. Sade ne se fait pas prier, se jette en entier dans la mêlée. Journal de Paris, le 24 avril 1780, n°115, page 473. En une, rubrique Belles Lettres : " Nouvelles Lettres d'un Voyageur Anglois, par M.Sherlock. A Londres, & se trouvent à Paris, chez Esprit, Libraire, au Palais Royal, & chez la veuve Duschene, Libr. rue St. Jacques, au Temple du Goût; in-8°. d'environ 200 pages ". Suivi d'une longue critique. Il est donc principalement question de musique et de poésie, comme requis. Et on est très content du nouveau venu. Sade termine cette seconde livraison ainsi : " Je dis, si j'écris encore; j'ai du plaisir à écrire et j'en aurais beaucoup à répondre aux critiques de M. de la Harpe et à faire un fidèle tableau du mérite et des défauts de Shakespear. Mais cela dépend du succès de ce livre. Quoique je ne suis pas jeune, je suis jeune Auteur et je n'ai pas encore de confiance en mon talent. Les premiers efforts que j'ai fait pour plaire au Public ont été reçu avec indulgence : si celui-ci mérite le même accueil, je continuerais d'écrire, mais comme je n'écris que pour la gloire, si je cesse d'intéresser, je jette ma plume ". Journal de Paris, le 16 juin 1780, n°80, page 686, page 2 du numéro, simple annonce dans la rubrique Livres divers : " Fragment sur Shakespear, tiré des Conseils à un jeune Poëte; par M. Sherlock, traduit de l'Italien par M. D.R. in-8°. de 80 pages. A Londres, & se trouve à Paris, chez Esprit, Libraire, au Palais Royal, & chez la veuve Duchesne, Libraire, rue St. Jacques ". Puis, le 23 juin 1780, n°175, page 713 et 714, en une, rubrique Belles Lettres, même annonce suivie d'une longue critique. Je n'ai pas trouvé de numérisation de la brochure sur Shakespeare, mais l'annonce même de Sade à la fin des Nouvelles Lettres, celles du Journal, et la critique du Journal de Paris ne laissent subsister aucun doute sur l'attribution, les trois se trouvent dans certaines grandes bibliothèques reliés ensemble et à l'époque. A la suite de cet ensemble il faut signaler, à des fins de vérifications, je n'ai pas trouvé de numérisation intégrale ni suffisante d'extraits, la parution suivante, Journal de Paris, le 29 avril 1781, n°119, page 479, rubrique Livres Divers : " Réflexions sur la Musique théâtrale, adressées aux Rédacteurs des articles Opéra dans le Journal de Paris. Broch. de 36 pag. d'impression; prix 12 sols. A Naples, & se trouve à Paris, chez Esprit, Libraire, au Palais Royal, & chez les Libraires qui vendent des nouveautés ". Une longue critique de l'époque du " Journal de littérature, des sciences et des arts; Annexé à l'Etablissement patriotique des Orphelins Militaire, Sous les auspices du ROI & de la REINE, Tome troisième. A Paris. Au Bureau du Journal, rue de Tournon, au coin de la rue de Vaugirard. 1781. Avec approbation & Privilège du Roi " termine ainsi : " Il serait à souhaiter que le jeune Auteur à qui nous devons cette brochure, eût résisté à la démangeaison d'en écrire les sept à huit premières pages, qui sont du style de la diatribe la plus sanglante; le ton qui y règne fait un contraste désagréable avec le reste de l'Ouvrage qu'à cela près on peut regarder comme devant faire époque dans l'histoire de la Musique en France. On ne sçaurait trop l'engager à développer ses idées sur le genre lyrique dans un ouvrage particulier qui ne doit rien avoir de commun avec la guerre des Gluckistes & des Piccinistes ". Ca colle comme un gant à Sade, sa passion pour les spectacles, ses connaissances dans ce sujet, son gout, son oreille, sa rigueur, et donc un tel ton à l'occasion.
Cet ensemble modeste, suivi, Lettres, Nouvelles Lettres et Fragment, ne doit pas faire oublier qu'avec celui-ci on voit Sade rallier résolument les Lumières.
Liens : " Lettres suivies de la seconde édition des Nouvelles Lettres d'un voyageur Anglois ", 159 pages et 248 pages.
Première édition de " Nouvelles Lettres d'un Voyageur Anglois ", ce qui permet d'avoir et de comparer les deux pages de garde.
Et donc, attribution à confirmer ou à infirmer : Critique de " Réflexions sur la Musique théâtrale ... " par le " Journal de littérature ... "

- " Observations critiques et philosophiques, sur le Japon, et les Japonais " . A Amsterdam. 1780. Sans nom. L'entrée sur la scène des Lumières de Sade est incontestablement une réussite, on lui a demandé une suite, qu'on a orienté, qui a connu une seconde édition, chez deux imprimeurs réputés. Même si on salue un débutant, sur cette scène, tout le monde a bien compris qu'il en est. La maison Esprit est la plus prestigieuse de France, et la maison veuve Duchesne ne publie pas n'importe quoi non plus. Notre enthousiaste plumitif va vite le comprendre. Entre la seconde livraison des Lettres et le Fragment sur Shakespear, Sade propose au moins ce petit livre, qu'Esprit et Duchesne refuseront. Journal de Paris, le 14 mai 1780, n°135, page 553, en une, rubrique Belles Lettres : " Obsevrvations Critiques & Philosophiques sur le Japon & sur les Japonais. A Amsterdam, & se trouvent à Paris, chez Knapen & fils, Libr.-Impr. de la Cour des Aydes, au bas du Pont S. Michel. In-12. de 266 pages ". Suivi de la critique. C'est une synthèse, dans l'esprit requis, des connaissances sur le Japon, c'est à dire pas grand-chose. Les principale sources de l'époque sur le Japon ressortent des Jésuites, chez qui Sade a fait ses études. Sade les cite parfois scrupuleusement, titre, auteur, page, etc. La Japon a expulsé les chrétiens sauf les marchands hollandais qui ont le bon gout de ne faire que du commerce. Il y a d'une part le Cubo ( Shogun ), pouvoir politique, et le Daïro ( L'Empereur. ), pouvoir uniquement, ça c'est très bien note t-il, spirituel. La présence d'espions dans sa garde " a pour objet la sureté de l'état qu'il troublerait, s'il s'avisait de sortir des bornes de l'autorité spirituelle ". On apprend aussi page 90 : " Il ( Le japonais. ) a outre cela un penchant singulier pour une autre espèce de plaisir qu'on ne doit point nommer ...", page 118 : " On y voit ( Sur les grands chemins. ) aussi grand nombre d'hôtelleries où l'ont est servi avec autant de promptitude que de propreté & d'élégance, elles sont pourvues de bains communs & séparés, de musiciens, de farceurs, de filles de joye & de ganimèdes; cette dernière marchandise n'est nullement décréditée au Japon; il y a même des maisons destinées à l'éducation de ces jeunes victimes d'une passion abominable, ... Les Chinois, leurs rivaux éternels, viennent fréquemment au Japon, pour le plaisir seul de voyager & de profiter des agréments qu'une industrieuse volupté a répandu sur les routes publiques : aussi appelle-t-on communément le Japon le B** de la Chine ". Mais encore. Page 233 : " Tous les Moines ne jouissent pas du privilège du mariage; on les oblige au célibat; mais ils se dédommagent d'une singulière manière de cette affreuse contrainte ", page 236 : " Le Noviciat dans la plupart des Ordres est fort austère, & le silence y est rigoureusement observé pendant ce temps d'épreuve; on exige des Novices une soumission aveugle aux ordres des Supérieurs, ce qui fait voir bien du chemin à ces jeunes gens; ...", page 237 : " On voit au Japon un Ordre de religieuses mendiantes, filles qui font voeu de se rendre utiles aux Voyageurs. Il n'est rien qu'elles ne fassent pour attendrir le coeur de ceux auxquels elles demandent galamment l'aumône. Elles rendent un compte exact de leurs quêtes à la Supérieure qui les gouverne, & lorsque l'âge où la fatigue a terni l'éclat de leurs pieux attraits, elles rentrent dans le cloître pour y remplir les fonctions destinées aux vieilles, et se nourrir dévotement du souvenir de leurs complaisances & de leurs victoires passées ", page 239 : " Il est bon d'observer que ceux des Japonais qui choisissent les Monastères pour le théâtre de leurs plaisirs, sont les plus incrédules sur l'article des dogmes & des cérémonies religieuses; s'ils méprisent la croyance populaire, ils en recherchent avidement les voluptueux abus ". Les japonais sont passionnés de Musique et de Spectacles, traitent très bien les animaux, mais le papier laisse à désirer, après avoir cité une référence, il commente : " Cette méthode de faire le papier n'est certainement pas aussi simple que la notre, & quelques beaux que soient les papiers Japonais, je préfèrerai toujours pour l'écriture & l'impression ceux qui se fabriquent en Hollande. Il serait à désirer qu'en France on négligeât moins les papiers d'impression; ils sont actuellement de la plus mauvaise qualité ". Sachant que la France et la Hollande disposent des mêmes papiers, si on s'arrête à des considérations purement techniques. Ce n'est pas encore les monastères où s'égarera l'infortunée Justine, mais on y va.
Lien : " Observations critiques et philosophiques, sur le Japon, et les Japonais ".

- " Conseils d'un Militaire à son Fils " . Journal de Paris, le 27 mai 1781, n°147, page 593, rubrique Belles Lettres : " CONSEILS d'un Militaire à son Fils; par M. le Baron d'A***, Colonel d'Infanterie. A Paris, chez Dupuis, Libraire, rue de la Harpe, près celle Serpente, & se trouve à Brest, chez Malassis, Libraire, in-12. de 300 pag. ". Suivi d'une longue critique, bonne, qui occupe presque toute la page 594. Je n'ai pas trouvé la numérisation intégrale, mais les extraits donnés par " L'esprit des journaux, français et étrangers. Par une société de Gens-de-Lettres. Aout, 1781. Tome VIII. Dixième année. De l'imprimerie du journal. Avec privilège. " ne laissent subsister aucun doute quant à l'attribution à Sade.
Lien : Extraits et critique d'époque de " CONSEILS d'un Militaire à son Fils ".

- " Analyse sur l'Ame des Bêtes. Lettres Philosophiques. Amsterdam. 1781.", Epitre dédicatoire signée A.D.M. " Journal de Paris ", le 10 juillet 1781, n°191, page 769, en une, rubrique des Belles Lettres : " ANALYSE sur l'Ame des Bêtes, Lettres Philosophiques. A Amsterdam, & se trouve à Paris, chez Esprit, Libraire, au Palais Royal. In 8°. de 82 pages ". Suivi d'une longue critique. Attribution indéniable. A cette période, on sait via correspondance avec sa femme, que Sade s'était un peu intéressé à la métempsychose, il n'en sera plus question après. Avec " Analyse sur l'Ame des Bêtes ", on peut conclure qu'après cette période, Sade en a définitivement terminé avec l'hypothèse de l'âme, et pas seulement celle des animaux. En 1782, il écrit " Dialogue entre un prêtre et un moribond ", manifeste de son athéisme radical.
Lien : " Analyse sur l'Ame des Bêtes ".


Dernière édition par neopilina le Mar 6 Mai 2014 - 22:06, édité 13 fois

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Message par neopilina Sam 26 Avr 2014 - 18:03

- En 1783 parait " Voyage d'un Amateur des Arts ", " Voyage d'un Amateur des Arts, en Flandre, dans les Pays-Bas, en France, en Savoye, en Italie, en Suisse, fait dans les années 1775-76-77-78; ... ", Par M. de la R***, Ecuy., ancien Capit. d'Inf. au Service de France, &. A Amsterdam, Liège en fait, en 4 volumes de 366, 459, 340 et 266, pages pour un total de 1401, de Sade, édité par Jacques-Joseph De Fabry (" Voyage d'un Amateur des Arts ", tome I, " Voyage d'un Amateur des Arts ", tome II, " Voyage d'un Amateur des Arts ", tome III, " Voyage d'un Amateur des Arts ", tome IV). Ouvrage anonyme, mais pas clandestin. Sade, emprisonné à Vincennes, rassemble tous ses souvenirs de voyage, ceux qui lui en paraissent dignes, et en les documentant, les vérifiant, les étayant, les complétant, a posteriori avec les meilleures sources disponibles de l'époque, l'aide de correspondants, les assemble, les relie entre eux pour faire son Grand Tour et en livrer sa relation. Ce à quoi s'ajoute le travail éditorial, considérable, de De Fabry, qui, bien sûr, se charge de certains articles, comme ceux pour Liège et Spa, par exemples. Partant de Calais, en y abordant de Douvres comme un anglais, le voyageur gagne rapidement Bruxelles où il est de retour à la fin du quatrième volume. C'est un monumental travail de synthèse, d'érudition, de documentation, qui fait appel aux meilleures références de l'époque. Il assume, motive, explique, le recours à celles-ci pour sa relation de voyage, genre qui fait alors florès. Avec ses souvenirs français, notamment ceux de la Provence, la plus grosse partie de l'ouvrage, l'incontournable classique de l'exercice, est l'Italie. Sade y a séjourné au moins trois fois. Environ 3 mois en 1772 dont une dizaine de jours à Venise, avec sa belle-soeur, et de juillet 1775 à juin 1776, lors de sa cavale après la condamnation d'Aix pour l'affaire marseillaise, avec son fidèle valet Carteron. A Florence, il fait connaissance avec le docteur lorrain Barthélemy Mesny, médecin du Grand Duc de Lorraine ( Florence est alors possession lorraine. ), naturaliste émérite ( Auteur d'ouvrages sur les fossiles, par exemples. ), avec qui il nouera une sincère amitié. Il devient l'amant d'une des filles de Mesny, Chiara Moldetti. Il se lie aussi avec le jeune docteur Iberti, qui a ses entrées au Saint Siège. Les demandes de renseignements du marquis, allant des moeurs aux oeuvres d'art, vaudront au jeune docteur 4 mois dans les cachots de l'Inquisition. A Naples, Sade fait également connaissance de Cosimo Collini, ancien collaborateur et secrétaire de Voltaire, historiographe et secrétaire particulier du prince électeur Charles-Théodore puis directeur du cabinet d'histoire naturelle de Manheim ( Il est le premier à décrire un fossile de ptérosaure. ). Collini, comme Mesny ( Mais les deux hommes ne s'apprécient pas. ), est membre de l'académie de Manheim, comme d'Holbach, une référence philosophique majeure de Sade. Sade, sans évoquer de tiers - ligne adoptée pour cette relation - fait une étape notoire, très bien documentée, au palais du prince électeur à Manheim et salue la libéralité de ce prince. De même, le voyageur prend soin de passer par Genève, référence à Rousseau, et à Fernay, chez Voltaire. Cet ouvrage est le plus aride, austère, connu de Sade. Il s'est voulu " scientifique ", c'est dit dans l'introduction. Il démontre les prodigieuses capacités de synthèse et de travail de Sade. De surcroit donc, il a été considérablement augmenté, corrigé, édité, par De Fabry, relais actif et prosélyte des encyclopédistes, des Lumières, à Liège, centre de propagande de ceux-ci, l'ouvrage y est imprimé par François-Joseph Desoer. Ces deux hommes sont des piliers de la Gazette de Liège. C'est factuellement, l'imprimé le plus abouti du vivant de Sade connu à ce jour en terme d'édition et d'impression. Aussi sec qu'un guide, c'en est un, c'est aussi une des nombreuses professions de foi philosophiques de l'auteur. Une des dernières notes manuscrites du Voyage d'Italie, inachevé, publié intégralement d'après manuscrits par Maurice Lever en 1995 ( Fayard ), avec les vues de Tierce, peintre, et mari d'une autre fille du docteur Mesny, engagé par Sade à Naples, dit : " NOTE. Un voyageur doit peu parler de lui, c'est un défaut où beaucoup tombent, parce qu'alors, s'il parle trop de lui, ce sont ces mémoires qu'il fait, et non ceux des pays qu'il a vu. Il ne doit se permettre de raconter une histoire qui lui est arrivée que lorsqu'elle sert à faire connaître l'esprit ou les moeurs de la nation qu'il parcourt ". C'est effectivement condamner le Voyage d'Italie tel qu'il est connu où le marquis se laisse aller aux plus scabreuses remarques, digressions, à la plus grande liberté de ton, d'expression. Ainsi lit-on dans l'introduction du Voyage d'un Amateur des Arts : " C'est par une suite de ce même principe, que nous nous sommes interdits tous détails étrangers aux beaux Arts. Si nous eussions voulu nous étendre sur l'Histoire, les Moeurs, les Lois, les Coutumes, la Population, le Commerce, &.; des Etats que ce Voyage fait parcourir, les volumes se seraient multipliés sous nos mains, ... " Le point de vue adopté, les prises de positions, sont détachés, philosophiques. Aussi rebutant soit-il, le Voyage d'un Amateur des Arts s'inscrit pleinement et délibérément dans la perspective élargie qui est clairement celle des Lumières. Cet ouvrage a t-il paru avec l'assentiment tacite de Le Noir, sachant que depuis le 13 juillet 1781 Sade voit régulièrement sa femme ? Eut égard aux innombrables libelles qui paraissent dans le Journal de Paris et aux ouvrages clandestins antérieurs, si besoin était, le très sage Voyage d'un Amateur des Arts, même si le point de vue est on ne peut plus ferme, n'a pas du poser le moindre problème. On note que la seconde édition de Pauline et Belval, celle de 1812 ( La première de l'An VI, 1797-98, est sans indication d'auteur. ), que Sade a corrigé et préfacé pour un tiers, est signée par M. de R***. On comprend parfaitement les intentions et les ambitions de Sade avec son Voyage d'un Amateur des Arts.
Sans omettre qu'il a du beaucoup s'évader en le faisant.


Dernière édition par neopilina le Dim 11 Mai 2014 - 19:38, édité 32 fois

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Message par neopilina Lun 28 Avr 2014 - 18:37

- En 1784 paraît " L'Etourdi ", Lampsaque, sans indication d'auteur, deux volumes, 155 et 111 pages, clandestin, roman épistolaire licencieux ( " L'Etourdi ", tome I, " L'Etourdi ", tome II. ). Lampsaque : ville antique bien connue pour son culte à Priape. L'ouvrage sort des presses de François Pion et de son gendre Fréderic Maximilien Hayez, et successeur à la mort de Pion le 3 novembre 1783 à Liège. Ils ont acquis le matériel usagé de l'imprimerie privée du Prince de Ligne en juin 1783 et commencent à imprimer en septembre de la même année. Des critères uniquement techniques et typographiques tels que défauts d'usure dans les vignettes, les caractères, la police, permettent de leur attribuer formellement cette impression et confirment la période, Hayez améliorant par la suite la qualité de son matériel et de sa production. L'ouvrage a une épigraphe sous le titre " Sous de noires couleurs, tel qui peint le plaisir, / Ne le blâmerait pas s'il pouvait en jouir ", une Epitre dédicatoire, une Préface de l'éditeur, un Avis, une Post-face de l'éditeur. A la suite des condamnations d'Apollinaire : " Attribué à Nerciat et, faussement aussi d'ailleurs, au marquis de Sade ... ", dans son édition des oeuvres de Nerciat, et dans sa bibliographie de Sade : " On a attribué au marquis de Sade des ouvrages dont il n'est l'auteur et parmi ceux-ci " L'Etourdi " et ... ", la critique a complétement délaissé, oublié, ce roman épistolaire, il est vrai, maladroit, bâclé, mais aussi léger, gai, licencieux, savoureux, où le regard au vitriol de Sade est à l'oeuvre, sans parler d'un humour parfois inquiétant, d'intrusions du noir, annoncées dés l'épigraphe, également révélateurs. A la lumière des connaissances actuelles sur Sade, l'attribution, à la simple lecture, très vite, va de soi. On sait grâce à la correspondance, qu'il est beaucoup question d'un projet autobiographique en 1783, il demandera même à voir le lieutenant de police général Le Noir pour trouver un accord à ce sujet. Ensuite, ce n'est plus évoqué dans la correspondance. Ecrit en prison, destiné à l'impression clandestine, c'est tout de même aussi autobiographique que possible. C'est en effet des mémoires, surtout amoureuses et/ou sexuelles, choisies et romancées, du héros, du collège jusqu'à son énigmatique retrait du monde dans la ville de B ***. La dernière lettre, " Conclusion ", est tout sauf légère : c'est la fin de " L'Etourdi ", celle du roman, et celle du personnage. A la fermeture du fort de Vincennes en 1784, Sade est transféré à la Bastille où il écrit en 1785 les 120 Journées. Par exemple, dans la Lettre XVI du tome II, page 84, intitulée " La Comédie ", le héros monte une troupe en Province et fait jouer " Le Glorieux " de Destouches. Cette pièce a été joué à La Coste en 1772, et très probablement en 1769 lors de son séjour avec la Beauvoisin. Sa peinture de la magistrature, des robins, du monde comme théâtre où la plupart des acteurs sont mauvais, " de la race à froc ", et tant d'autres, le style, sont absolument caractéristiques. Il y a une gravité sous-jacente incompatible avec le genre choisi. Parfois, le charme bien installé disparait brutalement. On reste sans voix, par exemple, quand le héros se propose de consoler de façon singulière une marquise qui vient de perdre un petit garçon de trois mois. Et immédiatement à la suite, séduire la femme d'un robin, qui vient de perdre un serin. Serin qui apparait dans " Analyse de l'Ame des Bêtes, et dans de nombreux libelles, comme une récurrence. On se demande toujours si Sade avait, oui ou non séduit sa belle-mère. On ne dispose d'aucune lettre de l'un à l'autre, fait relevé par tous les spécialistes. Et la dernière aventure de " L'Etourdi ", tome II, Lettre XX, reconsiste à cocufier un Robin. Il est également trainé en justice par une Première Présidente. C'est enlevé, caustique, jubilatoire, on rit beaucoup, le prisonnier Sade s'est manifestement amusé, distrait, défoulé, divertit, et continue de faire ses gammes, à se chercher. " L'Etourdi " a beaucoup lu, il raille Platon, Leibniz, ... , il connait la notion de kairos. Et il imite beaucoup. La galerie de portraits, uniquement féminins ici, rappelle immanquablement un des très grand succès de l'époque, constamment réédité " Les Confessions du Comte de *** " de Pinot-Duclos. L'épistolaire, licencieux ou pas, est très en vogue, et des spécialistes de Crébillon fils ont relevé formellement, en les mettant en regard, des paraphrases complètes de certains passages des " Heureux Orphelins ". Ce qui ne doit pas être les seuls cas dans " L'Etourdi ", roman à clef ( Satire, éviter la diffamation, parler de soi, se faire reconnaître par certains lecteurs. ) manifeste. Les études sur " L'Etourdi " sont rares, et presque inexistantes depuis les sentences d'Apollinaire. Charles Monselet, en 1882, dans " Les Galanteries du XVIII° siècle ", dit que l'auteur est un " audacieux arrangeur ... ". Durablement enfermé à partir de 1777, plumitif déjà bien avéré, il n'a plus aucun autre dérivatif qu'écrire. Ecrivain protéiforme, qui se cherche, se forme, s'essaye à tout les genres, fait feu de tout bois, c'est très exactement ce qu'on voit avec " L'Etourdi " et les productions antérieures. Roman à clef donc. Le héros se présente au début du premier volume : on apprend qu'il est l'un des fils d'un certain M. de Falton, c'est tout. C'est très tard dans le roman, et l'effet est soigné, qu'on apprend son prénom : Paul-Esprit. Et à partir de la page 63 du tome II jusqu'à la page 80, " L'Etourdi " qui écrit en 1784, tient absolument à faire savoir, à convaincre, qu'il est l'instigateur d'un minuscule feuilleton, certainement oublié de tous, paru à la fin de l'année 1777 dans le " Journal de Paris ", tome II, p.63 : " Cependant comme il fallait prendre un parti, je me décidai à louer un petit appartement propre & commode, à ne garder qu'un seul domestique, & muni de bons livres, & appelant la philosophie à mon secours, elle m'aida à supporter, avec patience, mon désastre; & à attendre que mes parents eussent arrangé mes affaires. Ce fut alors que dégagé de toute inclination, éloigné de tous désirs, & entièrement détaché de ceux que les passions entrainent après elles, je m'amusai à écrire au Journal de Paris cette lettre qui fit tant de bruit, intrigua toute la ville, & la mit en l'air pour en connaître l'Auteur. Je vais te la retracer, ainsi que celles qu'on y répondit. J'y joindrai également celle où est renfermée l'idée singulière de me mettre en loterie. Idée trouvée si plaisante qu'on en a fait plusieurs comédies ( Note de Sade : Voyez l'Amant gros lot, & l'Amour par loterie. ) ". C'est effectivement fin 1777, alors que Sade est à Vincennes, que sa famille travaille à la cassation du jugement d'Aix de l'affaire marseillaise, que parait le dit feuilleton dans le " Journal de Paris ". Et à la suite il reproduit 6 des 8 libelles qui le constituent, ce qui mène à la page 83, la relation de cet épisode s'achevant ainsi, tome II, p.83 : " Les monstres furent jusques à m'accuser de vieillesse ! ( Note de Sade : Journal de Paris du 24 Janvier 1778. ) Les lettres initiales de mon seing étaient encore une énigme dont chacun prétendait avoir trouvé le mot, & je voyais les esprits à la torture pour deviner le sens de six lettres capitales, comme si leur destin y été attaché. Tel est le caractère Français, & particulièrement de ceux qui habitent la Capitale. Il suffit qu'il se fasse, se dise ou s'écrive quelque chose de nouveau pour qu'ils s'en occupent avec ardeur, & comme les esprits sont toujours divisés, chaque parti s'abboie, se mord, se déchire, jusques à ce que la décoration change, & qu'une autre scène les ait mis en mouvement ". On sait que les maisons Esprit et Duchesne, celle-ci encore plus longtemps qu'Esprit, ont imprimé Sade. Et il faut rappeler ici que Sade a peut être été imprimé par Duchesne avant sa première grande détention : c'est chez Duchesne qu'on trouve, par exemple, les Annalectes sur Marivaux de Lesbros de la Versanne, qui est peut être - cela reste à confirmer ou à infirmer - un des pseudonymes utilisés par Sade. Ensuite, il passe enfin à autre chose, la lettre suivante, la XV, page 84, est celle intitulée " La Comédie ". Et pour un étourdi, la " Conclusion ", Lettre XXI, est singulièrement profonde et mélancolique, tome II, page 110 : " ... D'ailleurs n'ayant plus ni le gout ni le moyen de paraître dans le monde, comme j'y avais toujours été, je me vis forcé de m'éloigner. Je choisis la ville de B *** ( Bastille ? ) pour séjour. Et depuis lors j'y suis, comme tu le sais, fixé; partageant mon temps entre les occupations que mon état exige, & des méditations sur les vicissitudes de ce monde qui est un théâtre où chacun joue un rôle, mais peu d'acteurs ont des masques qui emboitent bien. D'ailleurs presque tous le portent avec tant de négligence qu'avec un peu d'attention on peut remarquer leurs traits naturels ... "

- Le feuilleton de " l'Amant gros lot, & l'Amour par loterie " dans le " Journal de Paris ", organe officiel des Lumières, premier imprimé quotidien de l'histoire de France, apparu le 1 janvier 1777. D'apparence anecdotique, il est bien question des premiers contacts entre un prisonnier d'Etat, sous lettre de cachet, qui déclare son ralliement officiel aux Lumières et sa disponibilité, et, entre autres, ses futurs imprimeurs, dans la feuille qui est la bête noire de l'Ancien Régime, des conservateurs, de la police, de la censure, même si Le Noir, un pragmatique, qui souhaite une évolution de la société en douceur, fait preuve d'une certaine complaisance avec Sade. Après la cavale de l'été 1778, très rapidement, on revoit les libelles de Sade inonder le " Journal ". " L'Etourdi " reproduit 6 des 8 éléments, ne donne que les références des deux derniers. Ces échanges et les suivants aboutiront aux 3 publications sous le pseudonyme de Martin Sherlock. C'est les débuts de Sade auteur des Lumières. A propos de la réponse du 21 octobre 1777, Sade dans " L'Etourdi " en 1784 sera beaucoup moins diplomate, en note il qualifie l'auteur de prostituée, tome II, page 74 : " (1) Mademoiselle Du Thé est une de ces femmes charmantes que leur penchant dévoue au service de la patrie sous les étendards de la volupté. Elle a eu en France autant de célébrité & d'adorateurs, que Laïs en eut parmi les amateurs de Corinthe ".

- Le 18 octobre 1777, n° 291, dans la rubrique Belles Lettres parait :

" LETTRE aux Auteurs du Journal.

Messieurs,

J'ai toujours pensé que quand on voulait se marier on devait désirer & rechercher dans la femme qu'on se destine, cette analogie de caractère & de gouts si nécessaire à tempérer l'amertume des maux qui accompagnent notre courte existence, & que sans croire à cette idée des ames créés doubles, qui se cherchent sans cesse, se trouvent rarement, mais dont l'heureuse rencontre fait la suprême félicité, il en est dont les rapports sont aussi immédiats entr'eux que cette similitude dans les traits qu'on remarque quelquefois sur deux différents visages; & que de leur union doit résulter le nec plus ultra du bonheur.
  Affermi dans cette idée & déterminé depuis un an à prendre femme, j'ai tâché d'en découvrir une qui réunit l'objet de mes désirs; espoir chimérique ! J'en ai trouvé de jolies, de laides, de sottes, d'aimables, de précieuses, de prudes, de coquettes, de dévotes, de bégueules, de galantes, de métaphicisiennes même, mais jamais aucune qui, en même temps, m'ait inspiré & ait ressenti pour moi, ce trait simpathique dont la première entrevue décide, & qui fixe sur le champ le coeur. Persuadé cependant qu'il existe une mortelle qui, de toute éternité, est destinée à devenir ma compagne, & qu'elle désire aussi vivement que moi que le hazard lui indique celui qu'elle doit rendre heureux en faisant elle-même son bonheur, je vous prie, Messieurs, d'insérer cette Lettre dans votre premier Journal; & afin qu'elle puisse mieux reconnaître si je suis cet objet, je vais tracer ici mon portrait; il sera d'autant plus vrai, qu'étant caché derrière le rideau de l'anonyme, mon amour propre n'aura point à souffrir des coups de pinceaux de la vérité.
 Je suis d'extraction noble, j'ai servi quelques années; je suis réformé depuis trois, & j'en ai vingt-six. Ma hauteur est de cinq pieds sept pouces; ma taille est svelte & bien prise. Mes cheveux sont noirs, en grande quantité, & bien plantés sur un front étroit, au bas duquel règnent deux sourcils fort noirs & bien arqués. J'ai les yeux vifs, brillans, mais un peu enfoncés, le nez ni grand ni petit, & d'une assez jolie forme; la bouche proportionnée, les lèvres tant soit peu grosses, les dents fort blanches, un menton ordinaire & beaucoup de barbe : voilà l'individu. Mon coeur est tendre, sensible, compatissant; j'ai le caractère vif, enjoué & liant. L'esprit ... oh ! pour celui-là, qu'on en juge par ce qu'on vient de lire. Je dirai seulement que je passe pour en avoir, ainsi que des connaissances. Mes talens se réduisent à faire quelques fois des vers, trouvés assez bon, & à jouer modestement la Comédie. Mes passions sont les Belles Lettres & les chevaux.
  Si quelque femme reconnaît là celui qu'elle désire, je la prie de me l'apprendre par la même voie dont je me sers, & alors je lui indiquerai les moyens de nous rapprocher sans qu'elle puisse être compromise.
     Je suis, & D.L.D.A.D.G. "

- Le lendemain, 19 octobre 1777, n° 292, parait :

" REPONSE à la Lettre anonyme du Journal de Paris, N°.291.

 Il y a bien longtemps, Monsieur, que je cherche ce que vous chercher. Il m'est souvent venu dans l'esprit de faire publiquement la même demande. Voilà déjà un commencement de sympathie que la convenance de mes gouts & de mes sentimens semble jusitifier; excepté le talens des vers que je n'ai point du tout : mais bien au contraire, une grande indifférence pour cette sorte de passe-temps sur lequel Boileau, Rousseau & Voltaire m'ont rendue très-difficile. Je ne crois pas cependant que ce soit jamais cause de divorce. Vous en serez quitte pour faire les vôtres incognito, & ne les montrer qu'autant qu'ils seront du mérite de ceux de ces trois Auteurs.
  Quand à la figure, je crois que je vous ressemble beaucoup, & qu'il serait difficile de rencontrer plus de rapport entre deux êtres. Il n'y a que les dates de nos extraits Baptistaires qui ne sont pas précisément les mêmes.
 L'axe du monde, en dérangeant l'équinoxe, a un peu éloigné les jours  de notre naissance; mais c'est si peu de chose, en comparaison de l'Eternité, que je ne pense pas que vous vouliez rompre avec moi pour cette bagatelle. Je suis née en 1701. Ce n'est pas ma faute, & malgré les charmes de la carrière que j'ai parcourue, je desirerais n'avoir que quinze ans pour vous être plus agréable. Vous me paraissez trop galant-homme pour prendre garde à cette niaiserie, quand les gouts, les talens & les sentimens sont d'ailleurs si analogues.
  J'ai reçu votre annonce à dix heures, il n'en est pas onze, & voilà ma réponse. Puisse mon empressement être un mérite à vos yeux & faire que je n'aye pas toujours à gémir des dates. Vous voyez, Monsieur, que je suis déjà jalouse du nombre de rivales qui vont se déclarer, par mon empressement à les devancer ".

- Le 21 octobre 1777, n° 294, parait :

" Réponse à la Réponse de la Lettre anonyme du Journal de Paris, insérée dans le n°.292.

MADAME ou MADEMOISELLE,

 J'aurais eu l'avantage de vous répondre par le Journal d'aujourd'hui si le sort toujours jaloux à me persécuter ne m'eut privé hier du plaisir de vous lire. J'étais à la campagne d'où j'arrive à l'instant que quatre heures du soir sonnent. Mon premier empressement, comme vous devez bien le présumer, est de demander le Journal, & vous ne doutez pas que la simpathie que vous avez remarqué déjà exister parmi nous, ne porte forcément mes regards sur la page qui contient votre agréable Réponse. Elle a fait sur moi la plus vive impression. Et j'oserais vous assurer que vous êtes celle que je cherche s'il n'y avait parmi nous, d'autre différence que celle de mon gout à faire des vers, & que la date de nos Extraits de Baptême, je ne tiens pas à une niaiserie pareille; mais j'en soupçonne une trop considérable dans nos individus pour ne pas vous demander de plus amples ecclaircissements. vous croyez me ressembler beaucoup, quant à la figure & moi, pardon de ma franchise, j'ai peur que l'axe du monde en dérangeant l'équinoxe, n'ait un peu altéré cette fraicheur que vous aviez, à coup sur, à l'âge où je suis. Je crains encore qu'il n'ait un peu ébranlé cette santé ferme qui est l'apanage de vingt-six ans. Je ne redoute rien tant que des malades. En vain m'assureriez vous qu'il y a quelques douzaines d'années que vous étiez à l'abri de mes allarmes. Je crains les efforts de mémoire  que je serais obligé de faire pour me transporter à cette époque. J'aurais bien désiré aussi que vous eussiez voulu mettre les lettres initiales de votre nom, pour voir s'il y a entr'elles quelques conformité; je vous préviens cependant que l'Imprimeur s'est trompé dans celles qui forment ma signature, je vous prie de substituer une R au lieu d'un A qu'il y a mis. Quant à mon nom de Baptème, je m'appelle Paul-Esprit. Voudrez-vous bien encore avoir pour agréable de m'apprendre quelle est votre fortune, il est nécessaire que je sache si elle est à la mienne dans le même rapport que nos autres convenances. Je suis avec des sentimens pareils à ceux que vous avez pour moi, tout à vous. Paul-Esprit D.L.D.R.D.G.
 Paris, ce 20 Octobre à quatre heures & demi du soir."

- Le 26 octobre 1777, n° 299, parait :

" LETTRE au Célibataire Anonyme.

  Le Public me passera, Monsieur, de préférer l'intérêt du bonheur de ma vie à celui de lui éviter un moment d'ennui; il s'est amusé de votre idée, comme d'une plaisanterie neuve. Ma Lettre ne lui en présentera qu'une suite fatiguante, qu'il ne la lise pas, mais vous, Monsieur, lisez-là, c'est à vous & non pas à lui que j'ai affaire. Je n'ai point adopté sa manière de juger. Votre proposition m'a paru très sérieuse, & j'y répons de très-bonne-foi.
  Une rivale de 1701 est respectable, mais on ne craint pas tout ce que l'on respecte; quand j'aurai mis mon portrait à coté du sien, vous jugerez si je dois la craindre.
  Vous voulez vous marier pour goutter un bonheur pur, & je ne veux un mari que pour le lui procurer. Mais le bonheur est comme ces couleurs fines & agréables qui exigent un fond où elles puissent conserver leur fraîcheur & leur éclat. Le fond en morale est le caractère qui tient au coeur & à l'esprit. Une seule réflexion me les a fait juger tous deux en vous, c'est que lorsque vous avez voulu peindre votre coeur, vous n'avez rien emprunté à votre esprit. Votre âge, votre figure, vos talens m'ont bien moins frappé que la simplicité touchante de ces mots : J'ai le coeur tendre, sensible, compatissant. En les lisant, je me suis attendrie, je me suis déterminée à vous répondre.
  Enfin, Monsieur, le motif de ma démarche doit l'excuser, & peut déjà servir à établir votre opinion sur moi.
  Quand vous dateriez de 1701 comme ma rivale, je ne sais si les qualités de votre coeur ne l'auraient pas emporté dans le mien sur ce défaut. Mais je ne veux pas que vous retourniez cet argument en sa faveur si mon désir s'accomplit, votre jeunesse me deviendra précieuse, elle me laissera plus de tems à employer au soin de vous plaire, & au bonheur de vous aimer. Jugez mes sentimens sur ce que je viens de dire. Je vais vous parler d'objets moins importuns, mais qui peuvent la perfectionner.
  Ma Famille est noble & bien alliée, ma fortune est médiocre; mais je ne joindrai pas à ma dot les fantaisies d'un jour, où le dégout de l'acheteur précède de bien des années les mémoires de Marchands; ce gout de parure qui épuise la bourse des maris pour fixer les regards des Amans; cette passion pour les modes, qui est elle même le plus folle des modes; cette ardeur de se montrer dont l'effet le moins funeste est pour les autres l'ennui de vous voir; l'amour du jeu qui est un ridicule à vingt ans, une habitude à trente, une frénésie à quarante, & toute la vie une cause de dérangement dans la fortune & la santé. Je ménagerai l'une & l'autre par ma conduite, & je ne me croirai malade que lorsque je serai jugée telle, non par mon Médecin, mais par le vôtre.
  Quant à ma figure, oubliez que c'est moi qui parle mieux que je n'ai oublié ce que j'en ai entendu dire.
  On prétend que je ressemble en beau à Mlle du Thé; mais j'ai depuis peu quinze ans qu'elle a depuis longtems. Ma taille est haute & bien prise, elle s'arrête entre l'élégance qui décore la maigreur & l'embonpoint qui annonce la force. Ma peau est très-blanche, de grands yeux d'un bleu foncé, des sourcils & de longues paupières noires, une bouche vermeille, de belles dents, un joli né, des joues pleines & coloriées, un menton arrondi, des cheveux bien plantés, voilà le visage qui désire de trouver grace devant vous. Je suis blonde & vous êtes brun, d'où il résulte que nos enfants seront chatains, ce qui ne laisse pas d'avoir son agrément.
 Mes défauts sont un peu de coquetterie; mais elle consiste plutôt dans le désir de plaire que dans celui d'être aimée; car ce défaut est corrigé & maintenu dans ses effets par une fierté sévère qui me fera toujours distinguer les hommages qui peuvent me flatter, des tributs intéressés qui doivent m'offenser. Un peu trop d'indifférence & de langueur, plus de solidité & de réflexion que mon âge n'en exige, voilà les traits qu'il faut adoucir ou effacer dans le tableau : ce sera votre ouvrage.
  Si vous me voulez, adressez-vous, s'il vous plaît, à M de ***, mon cousin, rue des ***, Fauxbourg St ***, qui en parlera à M. de ***, mon papa, qui en parlera à maman, qui m'en parlera, avant que vous m'en parliez vous-même à la grille de mon Couvent.
  J'ai l'honneur d'être, &c. ***."

- Le 5 ( " L'Etourdi " porte à tort 15, toutes les autres références sont aussi scrupuleuses que correctes, coquille ? ) novembre 1777, n° 309, parait :

" Réponse à la Lettre anonyme insérée dans le Journal de Paris N°.299.

 J'ai lu votre Lettre, charmante Anonyme, & je dois vous rendre compte de l'impression qu'a fait sur moi le portrait que vous y avez tracé; il efface tout ce qui pourrait se montrer à mes yeux, & il n'y a que vous qui puissiez justifier les sentimens que vous avez fait naître.
 Vous ne voulez un mari que pour lui procurer un bonheur pur; cet excès de délicatesse ajoute encore à mon empressement, il développe cet attrait sympathique qui est entre nous, il est pour moi la preuve irrévocable  que vous êtes cet être inconnu dont l'existence doit être unie à la mienne.
  Comment ne serais-je pas heureux lorsque vous prendriez tant de soin pour que je le susse; chacun à sa manière de gouter le bonheur, mais ayant tous deux la même, celui que vous me procureriez serait réversible sur vous; mon imagination me peint, d'après ces idées, le ménage le plus aimable, & malgré cette coquetterie dont vous me menacez, je brule de vous appartenir.
  Vous m'annoncez un peu d'indifférence & de langueur; & vous mettez avec raison ces deux choses au nombre des défauts que vous vous reprochez. L'indifférence devrait être défendue aux Belles comme la vanité aux Dévotes, elle ternit l'éclat de la beauté & diminue sa puissance; quant à la langueur, je me chargerai volontiers de cette cure, & si la vanité ne m'abuse pas, j'ose croire que vous en guérirai.
  La Réponse de votre Rivale de 1701 à ma proposition de mariage m'a montré aussi bien qu'à vous, que le Public n'avait vu ma demande que comme une de ces plaisanteries qui servent d'aliments à ses plaisirs. Pour moi, je désirerai vous convaincre de la sincérité de ma proposition, de la réalité de mon existence & du désir que j'ai de retrouver en vous le portrait moral & physique que vous m'avez offert.
 Vous me parlez de la médiocrité de votre fortune; que m'importe t-elle ? Vous n'en avez pas besoin; & pour vous tranquillisez sur l'espèce de crainte que vous pourriez avoir que nous nous ressemblassions à cet égard, le seul peut être dans lequel il importe que nous différions, je vous déclare que la mienne peut suffire à tous deux, & que l'amour pourra, d'accord avec mes gouts, vous offrir de quoi satisfaire tous les vôtres.
  D'après cela simplifiez votre adresse, diminuez le nombre de personnages que je dois intercéder pour arriver jusqu'à vous. Plus d'obstacle, le plus difficile est franchi, nos coeurs s'accordent, nos gouts sont de mêmes, tout ce qui pourrait retarder l'instant de nous voir est un supplice : vous connaissez ma sincérité, je me suis montré tel que j'étais & je n'ai plus d'autre désir que de vous assurer de vive voix qu'aucune femme n'a jamais eu sur mon coeur les droits que vous y avez acquis.
   Paul-Esprit D.L.D.R.D.G."

- Le 19 décembre 1777, n° 353, parait :

" LETTRE aux Auteurs du Journal.

 Vous avez bien voulu, Messieurs, insérer dans votre Journal n°.291 une Lettre que j'ai eu l'avantage de vous écrire, & dans laquelle j'ai peint fidélement ma personne, mes gouts, mes passions & ma demande au sujet d'une Compagne. Comme je n'ai point vu réaliser mes espérances, que mon penchant pour le mariage n'est point éteint, & que vraisemblablement les années s'accumeleraient en foule sur ma tête avant qu'elle fût ornée du joug de l'hyménée, si j'en attendais l'accomplissement avec sécurité, j'ai pris le parti de recevoir une femme des mains du hasard, à l'exemple de tant d'honnêtes gens qui n'ont pas eu lieu de s'en repentir, & pour cela j'ai imaginé de me mettre en Loterie. Voici mon projet; je vous prie de le rendre public.
  La Loterie sera composée de 50 mille Billets, & chaque Billet coutera six livres, ce qui fera une somme de trois cens mille francs qui sera divisée en deux portions égales, dont on va voir la destination. Il n'y aura qu'un Lot gagnant, & ce Lot sera moi, c'est-à-dire, un mari avec cent mille écus, ou point de mari, mais 150 mille livres.
  Celle à qui tombera le Billet favori, aura le privilège de m'épouser; pourvu qu'il n'y a rien de vil dans sa naissance, sa profession & ses moeurs. Je ne m'attache qu'à la vertu & à l'honnêteté, je les fête partout où je les trouve, & ma satisfaction serait extrême de pouvoir leur procurer une sorte d'opulence, & de leur être redevable de ma félicité; je reconnaîtrai par contrat de mariage une dot de 150 mille livres. Mais s'il arrivait que la personne favorisée du sort ne me trouvât nullement à son gré, mon intention n'étant point d'augmenter le nombre des mariages mal assortis, elle sera libre de ne point unir sa destinée à la mienne, & alors elle n'aura qu'une des deux portions des 300 mille livres.
  Les femmes étrangères auront le même privilège que les nationales & seront soumises aux mêmes conditions.
  L'on voit aisément les avantages de cette Loterie, elle en offre de réels. Celui d'apporter une dot considérable à la beauté sans fortune, ou d'enrichir celle dont la laideur fait fuir tous les partis qui se rapprochent à l'aspect de l'or, comme le fer à celui de l'aimant. Quel est le père de famille qui ne sacrifie pas six livres avec plaisir d'établir avantageusement une fille chérie ?
  J'ai l'honneur d'être, &c.
    Paul-Esprit D.L.D.R.G." ( Sic, au lieu de D.L.D.R.D.G., coquille. On a vu n°294 D.L.D.R.D.G. reprendre l'imprimeur qui avait estropié sa signature dans le n°291. )

Le 24 décembre 1777, n° 358, parait :

" Seconde Lettre de FULVIUS aux Auteurs du Journal.

 Grand-merci, Messieurs, me voilà Auteur; vous avez imprimé ma Lettre. Le jour même qu'elle a paru dans votre Journal, avant de l'y avoir lue, j'aurais du le pressentir au changement subit qui s'opérait en moi, & qui me déclarait bien évidemment Auteur. Dés ce jour-là, comme aujourd'hui, j'ai jugé dédaigneusement nos modernes Ecrivains, je me suis mis à critiquer sévèrement tout le monde, & j'ai conçu la plus grande aversion pour la critique; j'ai dénoncé, comme perturbateurs du repos public tous les Journalistes, hors vous pourtant, mes chers Bienfaiteurs; j'ai défendu à mon Portier, quand il m'annoncera des visites, de se servir du siflet, regardant cet instrument là, comme sinistre & affligeant; j'ai protégé dans mes discours les Grands qui avaient protégé les Lettres; j'ai même songé aux pensions du Gouvernement, & j'ai déclamé hautement contre l'envie. Voilà, je crois, Messieurs, des signes d'une vocation incontestable. Le Public vous remerciera sans doute de l'avoir pressentie, & je vous remercie, moi, de la considération que vous m'avez attirée en m'imprimant. Ma Lettre, que je trouve fort jolie, commence à se répandre dans le quartier que j'habite, je m'aperçois, quand je sors, que je suis salué plus fréquemment; & l'un des Suisses de l'Académie française, qui me connaît & qui lit vos feuilles, m'a dit que j'écrivais fort bien le Français.
  Il m'est arrivé, Messieurs, à l'occasion de vos Feuilles, une aventure qui prouve la considération dont je jouis déjà dans le monde. Quand je ne me serais pas chargé de vous en faire part, la reconnaissance m'en ferait un devoir. Un jeune homme d'une naïveté précieuse, comme vous allez en juger vous-mêmes, marié depuis peu, & qui lit assidument votre Journal, est venu me trouver fort mystérieusement, pour me prier de le seconder de mes lumières & de mes soins, dans un projet qu'il a conçu. Il a lu cette Lettre de l'Anonyme qui cherche à se marier, & qui propose une Loterie, dont il sera lui-même le gros Lot; & cette idée, digne en effet d'être perfectionnée, lui en a fait naître une autre qu'il juge plus naturelle encore. Votre Anonime propose une Loterie pour acquérir une femme qu'il n'a pas ; le mien veut en proposer une pour mettre en Loterie la femme qu'il a déjà. Je n'ai qu'une crainte, m'a-t-il dit fort ingénuement, & elle est vraiment embarrassante. Je ne peux exécuter mon projet, sans le rendre public; & si je le rends public, j'ai peur qu'à mon exemple on n'ouvre de tous cotés des Loteries semblables, & que la mienne ne soit jamais remplie.
  Il m'a fallu convenir que sa crainte était fondée; mais je l'ai rassuré sur ce qu'il m'a dit que sa femme était jeune & jolie; & j'ai pris sur moi de publier son projet par la voie de votre Journal.
  Conseillez, je vous prie, à votre Anonyme de se pourvoir de beaucoup de Billets de cette nouvelle Loterie; c'est un moyen pour lui de remplir deux fois son objet, puisque si la chance est pour lui, il peut se trouver avec double dot & double femme. Comme le mien est fort riche, il m'a promis, pour aider à remplir promptement sa propre Loterie, de me fournir secrètement des fonds, afin de prendre pour moi ou pour mes amis un grand nombre de Billets.
  Le fond de cette Loterie sera le même que celui de la précédente : cent mille écus avec une femme; eh bien, Messieurs, ce mari généreux & désintéressé m'a déclaré qu'après le Tirage, il aurait autant de plaisir en livrant la femme & la dot, que celui qui recevrait l'un & l'autre; & qu'il ne croirait pas avoir un moindre Lot que le gagnant. Je vous prie donc d'annoncer cette nouvelle Loterie; si elle réussit, je suis chargé d'offrir un Billet gratis à chacun de vous.
   J'ai l'honneur, &c. FULVIUS. "

- Le 24 janvier 1778, n° 24, parait :

" LETTRE aux Auteurs du Journal.

 Lorsque vous avez annoncé, Messieurs, que je désirais recevoir une compagne des mains du hazard, & que pour cela je proposais de me mettre en Loterie, j'ai vu le Public sourire avec complaisance à mon projet; & regardant les cinquante mille billets comme presque distribués, je me représentais déjà en ménage, & m'ennivrais d'avance de toutes les douceurs qu'une union ainsi formée pouvait promettre Flatteuse Espérance ! vous avez bien vite vous perdre dans la nuit des songes; ces gens qui disent tout connaître & pour lesquels rien ne se fait derrière la toile, ont assuré, avec leur ton affirmatif, qu'en crayonnant mon portrait, je n'avais point trempé mes pinceaux dans les couleurs de la vérité. Les uns m'ont fait bossu; d'autres, borgne ou boiteux; ceux-là, ont prétendu que ma taille n'était point svelte, mais courte & trapue; ceux-ci, ont voulu persuader que j'étais d'une laideur amère : enfin il n'est point de défaut de nature qu'on ne m'ait attribué. Les monstres ! ils ont été jusqu'à m'accuser de vieillesse. J'ai sans doute mes défauts tout comme un autre; mais au moins puis-je certifier que je n'ai que vingt-six ans, & que mon individu est tel que le l'ai dépeint (* Voyez la Feuille du 18 Octobre 1777. ). Permettez donc, Messieurs, que je me serve de la voie de votre Journal pour apprendre au Public que mon intention n'a jamais été de l'induire en erreur. Rassurez-vous, Sexe charmant; mon coeur n'est point usé; ma santé est ferme; prenez des billets avec confiance : celle d'entre vous qui gagnera le gros lot, n'aura point à se plaindre du sort, ni de reproches à faire à son mari.
          Paul-Esprit D.L.D.R.D.G.


Dernière édition par neopilina le Sam 17 Mai 2014 - 9:13, édité 9 fois

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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
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Message par neopilina Mar 20 Mai 2014 - 19:05

Je vous propose en exclusivité, sans doute le plus méconnaissable des ouvrages de Sade qui puisse être, et ceci dit tout en étant absolument certain qu'il en dort encore beaucoup d'autres au sein de l'énorme masse de l'imprimerie anonyme, sous pseudonymes, et clandestine, de la fin de la deuxième moitié du XVIII° siècle. C'est le neuvième que j'exhume, en plus du plus ancien imprimé connu de son vivant, à 22 ans, d'une pièce qu'on connaissait jusqu'alors via manuscrit. " Méconnaissable ", pourquoi ?
En avril 1779, parait " Mon Oisiveté ", A Amsterdam, par M. R**. L'ouvrage est réédité tel quel en 1787 sous le titre " Considérations philosophiques, Sur les moeurs, les plaisirs et les préjugés de la Capitale ". L'ouvrage est écrit manifestement pour essayer de rassurer, de donner le change aux autorités, de telle sorte qu'il soit reçu par la censure royale, en l'occurrence, dans le cas de Sade, personnellement exercée par le lieutenant général de police, Jean-Charles-Pierre Le Noir, personnage qui gagne à être connu ( On connait ses archives et mémoires manuscrites mais elles n'ont pas été publiées. ), il y a clairement un duel au sommet entre les deux hommes de 1777 à 1785 ( Fin de la lieutenance de Le Noir. ). Le Noir a décidé de laisser exister Sade, mais en fixant la longueur de la laisse. Donc, Sade y est méconnaissable, mais il prend le soin extrême, sous les yeux du censeur qui lira donc le manuscrit avant qu'il puisse parvenir à un imprimeur, de semer des indices, notamment autobiographiques, qui permettent une attribution absolument catégorique. Un tel acte de soumission de Sade à son geôlier n'a sans doute eut aucun précédent ni suite : très vite les rapports se durcissent, il n'est plus question pour le pouvoir de relâcher cet incendiaire. Il est bien sûr évident que cet ouvrage n'a jamais atterri dans les mains du Roi, qui après avoir décidé de son sort avait précisé qu'il ne voulait plus en entendre parler. Dés 1778, via le Journal de Paris et de nombreuses publications, parfois commandées par les radicaux, l'élite intellectuelle de Paris et de l'Europe ne peut pas ignorer ce qui se passe entre le marquis sulfureux et incarcéré, dont il n'est pas permis de prononcer ni d'écrire le nom, mais radicalement rallié aux Lumières, et le pouvoir français. Ce ne sera pas un inconnu pour cette élite qui deviendra membre de la section des Piques en 1790.

Edition originale de " Mon Oisivité ".


Dernière édition par neopilina le Mar 3 Juin 2014 - 20:20, édité 10 fois

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Message par neopilina Mar 20 Mai 2014 - 20:08

Autre exclusivité ! Celles et ceux qui connaissent Sade, connaissent entre autres, son oeil d'ancien combattant sur les installations, les positions, son regard particulièrement affuté en matière d'urbanisme, il était sensible à cela, la circulation, la sécurité des piétons, le percement des places, la voirie. On retrouve par exemple de façons récurrentes des examens très minutieux, des propositions très concrètes, pratiques, pertinentes, pour les théâtres, les lieux de spectacles. Qu'ils soient antiques, arènes, amphithéâtres, ou contemporains, en France et en Italie, il les examine longuement. Il adore les ponts, et il ne cesse de vitupérer quand l'un d'eux est enlaidi par des échoppes. A Rome, il va voir ce que tout le monde va voir, mais il regarde aussi le reste, et conclut que la Rome antique était beaucoup plus propre, salubre, que celle du XVIII° siècle. On connait via correspondance son projet d'une maison des arts qu'il décrira, mais le devis des plans et levées par l'architecte, et certainement d'autres motifs, lui feront renoncer.

Le 7 novembre 1778, dans le " Journal de Paris ", n° 311 de l'année, alors qu'il est enfermé à Vincennes, il fait insérer à ses frais, sa proposition de couronnement des tours de Saint Sulpice, qui achevées à la va vite, allaient être restaurées. La proposition de Sade est celle de droite, " Avis d'un amateur ". On note dans sa missive une évocation du peintre Carl van Loo, c'est également récurrent, dés qu'il le peut, il le place. Et le seul portrait connu de Sade est de ce peintre !

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Dernière édition par neopilina le Mer 21 Mai 2014 - 20:24, édité 2 fois

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Message par neopilina Ven 5 Déc 2014 - 18:19

" Journal de Paris ", 05/03/1778, N°64, page 254 ( La pagination court sur l'année. ).
L'Homme au Bon Gros Sens est le lieutenant général de police, Jean-Charles-Pierre Le Noir, il répond à une Dame de Pontoise, Madame de Martigny qui est en fait Madame de Montreuil, la belle-mère de Sade. Pro Patria est un des innombrables pseudonymes de Sade dans le Journal de Paris, c'est le Sade urbaniste, architecte. Lise et Zoé sont la marquise de Sade et sa jeune sœur. Noflette est Nanon, Wikipédia : " Nanon, Antoinette Sablonnière, chambrière au château. Elle a 24 ans et accouche en mai 1775 d'une fille dont la rumeur attribue la paternité au marquis (« elle passait le plat quand les petites filles avaient apporté les épices » dit Bourdin). Elle fait scandale, menace sans doute. Les Sade demandent à Mme de Montreuil une lettre de cachet pour la chambrière qui se retrouve en juillet 1775 à la maison de force d'Arles. Sa petite fille, confiée à une nourrice enceinte de quatre mois meurt fin juillet (enceinte, la nourrice a manqué de lait), sans qu'on ose l'apprendre à Nanon. Elle ne sera remise en liberté qu'en février 1778 après avoir promis de ne plus parler du passé ".
Ce qu'évoque Le Noir dans son billet que je donne ci-dessous " ... ; je ne m'inquiète point pour Noflette. Elle aura ri sans avoir besoin de rire de personne; le carnaval expire; Lise et Zoé rentrent sous l'abri maternel; la solitude et les avis vont tout réparer ". Le Baron " sacrifié ", c'est bien sûr Sade enfermé à Vincennes depuis le 13/02/1777, il était en cavale, notamment en Italie, depuis juillet 1775. La " jeune beauté de 18 ans " est la marquise de Sade qui piquée au vif par les lettres de sa mère en fait insérer une le 22/02/1778, N°53, page 210. Les deux lettres de la belle-mère se trouvent le 14/01/1778, N°45, page 178, " Elisabeth Hervey de Martigny à Pontoise ... ", et le 20/02/1778, N°51, page 201, " Seconde Lettre de la Dame de Pontoise ... ", où elle en appelle au " Homme au Gros Bon Sens ", Le Noir donc. C'est sa réponse que je donne ci-dessous. Il a ce mot que je n'arrive pas à qualifier : " Cette famille serait digne d'occuper l'Auteur d'Émile ".
Il y a une coquille d'impression dans la première passage, il faut lire " réflexions sur ce carnaval ", le " sur " manque.

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Message par neopilina Lun 9 Mar 2015 - 14:54

J'attire donc l'intention sur cette une du " Journal de Paris ", qui est je le rappelle, l'organe officiel des Lumières en France. L'auteur de la lettre est rien de moins que Blin de Sainmore, censeur royal : " Lettre de M. BLIN DE SAIMORE à M. DE SHERLOCK pour le remercier d'un Exemplaire de son livre intitulé : Lettres d'un Voyageur Anglois ".

Sade a pu publié ses " Lettres " sous le pseudonyme de Martin Sherlock sans particule. Il est dédié à un lord anglais, Hervey, évêque de Derry, ami des arts et des lettres, que Sade a probablement rencontré en Italie. Mais Sainmore préfère évoquer le sulfureux cardinal de Bernis, ambassadeur de France au Vatican, libertin notoire, que Sade a fréquenté lors de sa cavale en Italie ( Voir les biographies, le " Voyage d'Italie ", etc. ), les espions français ne le lâchant pas ( Il en rossera un. ), le pouvoir le sait parfaitement, et le fait savoir à Sade, si par hasard il l'ignorait. Le message en clair est celui-ci : Sade est autorisé à écrire, et même très ironiquement encouragé à le faire à la fin de la lettre, mais bien sûr, sous la tutelle de la censure, et toujours sans pouvoir signer, à cause de la lettre de cachet. Il y a un accord entre le pouvoir et le prisonnier, et avec cette lettre, tout le monde, l'intelligentsia européenne, qui connait Sade depuis longtemps, est mis au courant, le sait. Mais on comprend que le plus mauvais sujet de France ( Avant l'arrestation de 1777, les arrêts royaux précisent toujours bien " - Qu'on se saisisse de tous ses livres et papiers, - Et de sa personne " ! ) n'a pas dit son dernier mot, ne s'en tiendra pas là, mettra à très très rude épreuve l'accord.


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Message par neopilina Mer 18 Mar 2015 - 13:30

Ce n'est pas tous les jours Noël ! lol!
Après des recherches dont je vous fais grâce, Sur l'oeuvre 528445520 , je retire de ma bibliographie " Analyse sur l'âme des bêtes ", qui est bien un ouvrage anonyme de Pierre Aumeur. L'épître est signé ADM (Aumeur docteur en médecine).
L'auteur quasi inconnu fut médecin du Roy à La Châtre dans le Berry. On lui doit également une " Dissertation sur la goutte ", 1767, et un " Mémoire sur une maladie épizootique dans la partie méridionale du Berry en 1754 sur les bêtes à cornes ".


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Message par neopilina Ven 1 Jan 2016 - 22:43

C'est Noël dans la section " Sade " : j'ai ajouté dans la bibliographie ( Que j'ai mise sur un " fil " à part pour des raisons purement pratiques et techniques : visibilité et possibilité pour moi de l'actualiser à volonté sans reposter ad nauseam ce pavé appelé par nature à évoluer, je mentionne donc dorénavant la date de la dernière mise à jour et les modifications apportées. ) deux titres " inédits ". Je rappelle que j'entends donc ici, dans le cas de Sade, par " inédits " des imprimés d'époque pas encore identifiés comme étant de Sade, des clandestins, anonymes, pseudonymes, etc., et toute la difficulté réside dans le fait qu'il y en a des milliers pour la période qui recouvre la vie de Sade (1740-1814), pire, il y a encore des attributions erronées d'époque toujours pas corrigées : c'est l'éternelle histoire des aiguilles dans la botte de foin. Je donne un exemple d'attribution erronée : je lis un clandestin, très manifestement, indéniablement, l'auteur a été ou est militaire, je fais des recherches sur l'auteur supposé et m'aperçois que le type n'a jamais embrassé cet état, et comme depuis, personne ne s'est sérieusement intéressé à ce petit clandestin, l'erreur perdure, est reprise même par les plus sérieuses références actuelles, etc. Je donne un inédit de 1774, où on trouve un Baron, " personnage à systèmes " excentrique, c'est bien sûr d'Holbach. L'ouvrage est particulièrement bâclé, mais on comprend parfaitement à la fin ce qui l'a motivé : c'est une année très difficile pour Sade, il est fuyard contumace suite à l'affaire de Marseille, il a la police à ses trousses, on trouve carrément étonnant qu'il ait le temps de griffonner. Le second que j'intègre est de 1808, et celui-là est par contre du plus grand intérêt. J'invite vivement à lire la seconde partie de ses " Variétés philosophiques et littéraires " de 1808. Il a 68 ans, ça fait 8 ans qu'il est détenu arbitrairement, il décide de se poser, de faire le point, de " regarder en lui-même " ( Il a été profondément marqué par les " Essais " de Montaigne. Un peu partout il place des personnages gascons, c'est une des innombrables récurrences que j'ai repéré, et ce n'est jamais des idiots du village, des personnages négatifs, des méchants, etc. ), c'est le seul essai philosophique, connu à ce jour, de Sade. Seul bémol et pas des moindres : comme à chaque fois qu'il est emprisonné, il met de l'eau dans son vin " pour que ça passe ", selon l'expression consacrée à l'époque, comme pour ce qu'il a publié à Vincennes et à la Bastille, même si parfois, enfermé, il réussit quand même à faire sortir clandestinement certains ouvrages. Il faut absolument avoir cette donnée quand on lit Sade : est-il libre ou pas, au moment où il écrit et au moment où il donne à l'impression, en effet, un ouvrage commencé en détention peut être considérablement modifié s'il est libéré avant d'imprimer le dit ouvrage ( Les exemples sont nombreux, il suffit de citer " Justine ". ). Le cas des ouvrages officieux se présente ainsi : il est emprisonné mais les autorités laissent passer avec droit de regard, sans qu'il puisse apposer son nom. Dans le cas d'une incarcération par lettre de cachet, il carrément stipulé que le nom de l'incarcéré est interdit par la loi à l'impression, c'est un authentique ostracisme social, même si la société sait parfaitement qui est l'auteur de certains articles dans les journaux ( Pendant des années on verra les lieutenants de police rappeler Sade à l'ordre, aux limites convenues, via la presse ! ), ouvrages, etc., par contre cela complique de façon paradigmale des recherches effectuées plus de deux 2 siècles après : à lecture on a conscience de connivences, de liens, de relations, de secondes lectures, de sous-entendus, etc., mais donc forcément pas aussi bien que les protagonistes, les contemporains. Le plus gênant, délicat, pour nous, avec les officieux, c'est démêler le fond de la pensée des concessions pour amadouer la censure. Dans cet essai, la seconde partie de ses " Variétés philosophiques et littéraires " de 1808, il semble adopter le déisme minimaliste, mécaniste, de Rousseau, qu'il mentionne. Mais malgré un ton affirmatif, voire martial, on voit bien qu'il s'interroge profondément comme il s'est proposé de le faire et le dit dans sa préface que je trouve très belle. D'ailleurs, on l'oublie souvent, même si Sade est classiquement classé comme matérialiste, définitivement gagné à la cause de la " philosophie nouvelle " ( Les Lumières. ) par la publication du " Système " d'Holbach, il ne prendra jamais parti dans la querelle qui a opposé " la coterie holbachique ", dixit Rouseau, et celui-ci, de même quant à la rupture entre Voltaire et Rousseau, il n'y a aucune trace de ces querelles chez Sade, qui n'est pas homme du sérail, de réseaux même si certains de ses proches en sont ( Marmontel, le marquis de Villette, etc. ), il n'entre pas dans les débats ( Les Lumières c'est tout sauf un tout homogène, même sur les sujets les plus polémiques : politique, religion, etc. ). " Volcan " ( C'est à ce titre qu'il sera longtemps brouillon. ) autodidacte, sulfureux, son souci c'est définitivement, prioritairement, intimement, " les passions ", euphémisme classique, convenu, devenant avec lui encore plus dépassé ! Il adule d'Holbach, Voltaire, Rousseau, etc. ( Sans jamais se départir de son esprit critique : en 1781 par exemple, aussi respectueuses soient-elles, il formule des critiques très bien senties de Voltaire qui est alors quasiment " déifié ", intouchable, etc. ), jusqu'à la fin de sa vie, avec une préférence pour Rousseau avec l'âge ( Un constat que j'avais fait avant de découvrir ces " Variétés ", Rousseau deviendra la figure tutélaire avant même sa sortie de la Bastille. ). On regrette infiniment de ne pas disposer du même exercice effectué alors qu'il était libre, mais un ouvrage ouvertement athée lui aurait occasionné un surcroit d'ennuis alors qu'il ne songe qu'à retrouver la liberté. Napoléon pourchasse ouvertement l'athéisme, dans une " Note à l'Académie des sciences contre l'astronome Lalande dont on ne devra plus rien imprimer " il dit de l'athéisme qu'il est " destructeur de toute organisation sociale "
Cet essai, le seul entièrement et uniquement philosophique connu à ce jour de Sade, vaccine si besoin est contre les clichés réducteurs où certains s'entêtent à cantonner l'Énergumène, cet Homme-Continent, prodigieux, frénétique, Arpenteur de l'âme humaine.
Même si l'ouvrage doit être pris avec la plus extrême des prudences, il l'écrit alors qu'il est enfermé, le climat est ouvertement très hostile à l'athéisme, je pense que c'est un document précieux, qui faisait gravement défaut.

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Message par neopilina Ven 8 Jan 2016 - 13:38

Je viens de supprimer les opuscules de Martin Sherlock dans la bibliographie de Sade. Résultats de recherches récentes, j'ai trouvé deux autres opuscules de sa main, en plus des trois que j'avais attribué à Sade, et surtout, que le personnage était bien réel. Ce qui n'est pas un critère absolu : pour des raisons historiques, le XVIII° n'a aucun parallèle en matière d'impression clandestine, anonyme, sous pseudonymes, de supercheries littéraires, faux posthumes ( Parmi les plus célèbres adeptes de cette pratique d'Holbach, Diderot, etc. ), d'attributions, de signatures, erronées, parfois délibérément ( On voit régulièrement dans les journaux des personnes protestées qu'elles ne sont pas l'auteur de tel ou tel ouvrage imprimé avec leur nom, c'est parfois vrai, ou faux !!, etc. ), etc., etc., un vrai enfer pour qui prétend y mettre le nez. Après le travail de fond du XVII°, aux XVIII°, l'esprit, les esprits, s'émancipent, mais les pouvoirs ne l'entendent pas de cette oreille, d'où le caractère unique de l'impression de ce siècle : on ruse de toutes les manières possibles et imaginables avec les autorités. Reste que Martin Sherlock était le chapelain de Frederick Hervey, comte de Bristol, évêque, mais aussi agnostique, philanthrope, excentrique, libertin, matérialiste ( Sens philosophique de l'époque, bien sûr. ), que Sade a rencontré à Rome ( Tout comme Bernis, cardinal et ambassadeur de France, compagnon de " jeux " de Casanova, etc., on est dans la fine fleur ! ). Mais je n'ai pas réussi à savoir si lors de ce voyage précis Sherlock est au coté de son maitre. Hervey s'est rendu de nombreuse fois en Italie, a parcouru l'Europe, les cours européennes, pendant des lustres, et parfois on peut attester de la présence de Sherlock à ses cotés, parfois pas.

Reste à expliquer mon erreur. Elle est finalement assez simple. Après avoir lu quelques milliers de pages de Sade, quelques autres milliers sur Sade, bien " imbibé ", c'est ce qu'il faut, je me lance à sa recherche dans la dite impression. Et quand je lis trois des opuscules de Sherlock, vers la mi-2014, je retrouve des choses que j'ai vu chez Sade, sans trouver trace de l'homme, donc ? A tort, je conclus que c'est de Sade. En fait, c'est l'inverse qui s'est produit ! : c'est chez Sade, qui ayant lu Sherlock, qu'on retrouve du Sherlock ! Sade ayant fait le voyage d'Italie ( Historiquement, c'est l'ancêtre du Grand Tour. ), deux brefs séjours, puis un de plus d'un an, et voulant faire la relation de celui-ci, composer son Grand Tour, en mettant bout à bout tous ses souvenirs de voyages, ce qu'il fit, s'est prodigieusement documenté. Maniaque, et enfermé quand il entreprend cet ouvrage, il a tout le temps : en dehors de contingences il lit ou écrit. Un ami de Sade, un jeune ecclésiastique, très bien introduit au Vatican, le docteur Iberti, se retrouvera dans les geôles de l'Inquisition pendant plusieurs mois et risquera l'échafaud, à cause des recherches que Sade lui demande de faire pour lui, on ne fouille pas impunément les " caves " du Vatican. Je dois être le meilleur spécialiste français de Martin Sherlock ! Allez ! Je vais me pendre, et je reviens !  Sur l'oeuvre 644465191

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Message par neopilina Dim 6 Mar 2016 - 17:14

Je reviens à Martin Sherlock ( 1750-1797 ), chapelain de Frederick Hervey, comte de Bristol. On sait que Sade a rencontré le comte de Bristol en Italie. Dans le message précédent, je me demandais si lors de ce voyage du comte de Bristol son chapelain était présent. Je suis en mesure d'affirmer que oui. Sherlock, sans nommer Sade, évoque celui-ci, au moins une fois, dans " Lettres d'un voyageur anglais ", 1780, directement écrit en français, dans la " Lettre XV Naples ".
Martin Sherlock a écrit :
- Consiglio ad un giovane poeta dal sig. Sherlock, 1779, Naples puis Rome, écrit directement en italien.
- Lettres d'un voyageur anglais, 1779 ( Disponible en janvier 1780 à Paris. ), Londres ( Fausse adresse très probable, peut être Genève et/ou Paris. ), écrit directement en français.
Suite au succès des précédentes on lui réclame une seconde livraison qui parait en avril 1780 :
- Nouvelles lettres d'un voyageur anglais; par M. Sherlock, Londres ( Probablement Paris. ), écrit directement en français. Nota bene : les Lettres X, XI, XII, XIII, sont une traduction en français de plus de la moitié des " Consiglio ad un giovane poeta ". Épuisées en quelques semaines, il y aura une seconde édition.
- Fragment sur Shakespear : tiré des conseils à un jeune poëte ; par M. Sherlock. Traduit de l'Italien par M.D.R., Londres ( Probablement Paris. ), 1780 ( Juin. ). Nota bene : c'est le reste des " Consiglio ad un giovane poeta " qui n'avait pas été traduit en français.
De retour en Angleterre, il écrira :
- Letters on several subjects. By the Rev. M.S., A.M. chaplain to the Right Honourable the Earl of Bristol, Londres, 1781.

Une fois qu'il n'est plus chapelain du comte, son sort semble s'assombrir. Les anglophones pourront en juger mieux que moi avec ce lien : https://en.wikisource.org/wiki/Sherlock,_Martin_%28DNB00%29

Dans cet article, j'ai cru comprendre ( Mon anglais étant ce qu'il est, ne pas hésiter à éclairer ma lanterne. ) que son auteur disait que Sherlock écrivait un mauvais français. Sur ce point, je le conteste formellement. Il l'écrit suffisamment bien pour m'abuser.

Tout lecteur de Sade qui lira Sherlock sera frappé des correspondances, des occurrences, etc., communes. Sade a rencontré Sherlock, mais il l'a surtout beaucoup lu et s'en est souvenu, servi, pour son propre " Voyage d'Italie ", entre autres. Et pour le " Voyage d'un amateur des arts " que je lui attribue. C'est du reste la raison de mon erreur.

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Message par kastillon Sam 23 Avr 2016 - 3:11

Bonjour Neopilina,

Impétrant, je n'ai pas encore la possibilité de vous écrire un MP.
J'ai lu avec intérêt (le mot est faible) votre bibliographie renouvelée de Sade.
Elle soulève quelques interrogations, vous vous en doutez.
Ainsi, qu'est-ce qui vous fait écrire que "Mon Oisiveté" est du marquis ?
A ma connaissance, vous êtes la seule personne à faire un lien avec Sade ; l'ouvrage étant unanimement attribué par les bibliographes (Conlon, 79:1502 ; Lacombe, 282 ; Cioranescu, 53526 ; Barbier, III, 331) à un certain Charles Rémi, illustre inconnu je vous l'accorde, peut-être un nom d'emprunt, OK, mais pourquoi Sade ?

Bien cordialement,
K.

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Message par hks Sam 23 Avr 2016 - 8:13

neopilina a écrit:le plus méconnaissable des ouvrages de Sade
Tu t'avances un peu. La remarque de Kastillon est fondée. Peut -être qu'une analyse stylistique donnerait quelque chose de mieux fondé que le biographique. Sur l'oeuvre 4221839403
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Message par neopilina Dim 24 Avr 2016 - 12:42

Bonjour Kastillon,

Et sois le bienvenu parmi nous.

Je vais essayer de te résumer de la façon la plus concise possible le pourquoi de mes recherches d'inédits de Sade. J'entends ici et dans son cas donc par " inédits " : des imprimés d'époque de Sade qui ne sont pas encore identifiés comme tels.
Un jour, bien surpris de ne pas trouver une bibliographie digne de ce nom, je décide d'en faire une. C'est un gros morceau. Sade, libre ou pas, à cause de ce qu'il est et/ou de contraintes ( Emprisonnement, etc. ) a toujours été un adepte forcené de la clandestinité ( Ce qu'il a signé n'est rien de moins, quantitativement, que marginal : 5 textes signés. ), de ce fait, on ne fait pas la bibliographie de Sade dans les mêmes conditions que pour un autre. Je m'y attelle, beaucoup de travail, recoupements, etc. Et lors de ces recherches, totalement par hasard, je tombe sur les numérisations d'impressions d'époque d'une petite pièce, " Le philosophe soi-disant " ( 1761, 2, 4, etc. ), anonyme, sous différents pseudonymes, prêtes noms ( Ce qui est très intéressant : cela met sur la voie de collaborations avec un tiers, fait jusque là inconnu dans le cas de Sade. ). Jusqu'à ce moment, l'histoire officielle nous dit que Sade imprime pour la première fois à 51 ans, en 1791, avec le roman " Justine ". La petite pièce de théâtre, jusqu'alors était connue depuis le XX° siècle uniquement d'après manuscrits. Avec cette découverte, je découvre un Sade qui imprime pour la première fois en 1761, à 21 ans. La plus ancienne édition de cette piécette se trouve dans la première édition des " Contes moraux " de Marmontel en 1761, Sade a 21 ans, je recule ainsi la date officielle de la première publication de 30 ans ( Même s'il est discret à ce sujet, Marmontel sera fidèle en amitié à Sade toute sa vie : Sade enfermé à Vincennes et Bastille, lui fait lire ses productions et requiert son avis, c'est attesté par la correspondance entre le marquis et la marquise. ).

Mine de rien, avec cette découverte une brèche est ouverte : et s'il y en avait d'autres ? Exemples : sa belle-mère profite de sa détention pour faire soustraire des manuscrits conservés sous clé au château de la Coste, on sait que ses manuscrits sont antérieurs à 1774, on ne les reverra jamais, etc., etc. Je résume : j'ai l'intime conviction que Sade fut très tôt un graphomane et que faire imprimer fut une de ses plus constantes obsession. Sade est un autodidacte, et jusqu'à preuve du contraire, il trouve sa " patte ", sa voie littéraire, son style, avec les 120 Journées, dont le manuscrit est daté de 1785, il a 45 ans, c'est assez tardif pour un écrivain. Puisque hks parle d'analyse stylistique, même ici c'est délicat : au moins avant les 120 Journées, on a type qui se cherche, s'essaye, apprend. On a la fin de la trajectoire de l'écrivain, pas le début. De surcroit, d'un écrivain caméléon, qui se cache, ne veut pas être reconnu, identifié. Dans son cas, tout est affreusement compliqué.
Je résume ma position : je ne peux plus concevoir un Sade qui n'imprime rien entre au moins 1761 et 1791, plus, même après cette date des impressions nous ont échappées, comme les " Variétés philosophiques et littéraires " de Charenton, 1808.

Tu as bien raison de qualifier Charles Rémi d'illustre inconnu : on ne trouve aucune preuve de son existence réelle en tant qu'individu. En 1779 les spécialistes de Sade relève une période où la correspondance du prisonnier Sade s'est singulièrement apaisée, ma conjecture est celle-ci : il écrit " Mon Oisiveté " ( Voir ci-dessus 20 mai 2014. ). Espérant encore une libération rapide, il s'y montre donc aussi conciliant que possible. Et ce livre offre une petite énigme que je n'avais jamais rencontré. Ce livre reproduit textuellement l'autorisation du censeur qui n'est pas nommé ( LeNoir, son supérieur ? ) et pourtant, paradoxalement donc, ce n'est pas une publication officielle. Fausse adresse " A Amsterdam ", dont personne n'est dupe à l'époque, pas d'approbation et de privilège, et pseudonyme. Comment expliquer cela !? Mon hypothèse : c'est l'ouvrage autorisé d'un prisonnier. Rappelons ici, que l'une des conséquences de la lettre de cachet est l'interdiction légale d'imprimer le nom de celui qui en fait l'objet. Pendant des années Sade sera imprimé dans le " Journal de Paris ", organe des Lumières, sous différents pseudonymes, et absolument tout le monde sait que c'est lui qui se cache derrière certains masques : on le reconnait vite, certains persifleurs lui renvoie à la figure l'affaire d'Arcueil et le persifleur est rappelé à l'ordre par le lieutenant général de police, LeNoir, qui d'ailleurs, très régulièrement rappelle Sade à l'ordre par la même voie, ça lui évite de se déplacer ! Ce n'est même pas un secret de polichinelle : on respecte simplement la loi, c'est à dire ne pas imprimer son nom. Ce qui effectivement aujourd'hui, nous complique de façon gravissime la tâche.

Au début de mes recherches, enthousiasmé, on peut le voir ci-dessus, j'ai franchement eu un ton péremptoire dans mes affirmations. Mais récemment ( Voir ci-dessus. ) il m'a fallu retirer de la liste des dites découvertes les opuscules de Martin Sherlock, chapelain du comte Hervey ( Grand voyageur, rentier oisif, dilettante et libertin. ), Sade ayant rencontré les deux hommes lors de son dernier voyage en Italie. Ils sont bien de Sherlock, et Sade les a lu et a puisé dedans, ce qui m'a abusé.
Devenu plus prudent, mon propos aujourd'hui est celui-ci : je demande à celles et ceux qui s'intéressent à Sade, qui le connaissent, qui l'ont lu, en sont imprégnés, d'examiner mes propositions. Mon plus grand désir est d'en discuter, d'avoir d'autres avis, de connaisseurs. Pour les bibliographes, il ne faut pas oublier qu'ils se reprennent les uns et les autres, et qu'au début du XIX° siècle il est toujours interdit par la Loi de mentionner Sade, pire, la répression est encore plus restrictive que de son vivant : même " Aline et Valcour ", " Les crimes de l'amour ", publiés avec nom d'auteur en leur temps, sont interdits à la réimpression. Sur les 8 titres que j'ajoute dans la bibliographie, " Mon Oisiveté " et " Le Voyage d'un amateur des arts " sont ceux sur lesquels je balance le plus. Le second est incontestablement un ouvrage collectif, l'agencement littéraire de voyages de plusieurs personnes ( Sade et Fabry, et peut être d'autres contributeurs pour quelques articles. ) à différentes époques de leur vie, ce " Grand Tour " n'est rien de moins qu'artificiel ( On propose trois passages des Alpes, le tracé sur une carte laisse complétement perplexe, etc. ). Mais en dernier lieu, que je sois sûr de mon fait à 100 %, 75, 50, etc., n'a pas d'importance, la seule façon de trancher c'est un débat, des recherches toujours plus approfondies, entre connaisseurs. Notoirement, lire Sade, beaucoup, le connaitre de façon intime, et lire les titres que je propose.

Ta réaction me fait plaisir, tu es le premier à réagir à ce sujet sur le forum. La découverte des impressions d'époque du " Le philosophe soi-disant ", je fournis les liens qui permettent de vérifier facilement par soi-même et les archives du théâtre de Bordeaux attestent 3 représentations en 1762, est déjà entérinée par des publications récentes ! J'ai également totalement refondu la section " Oeuvres " de la fiche Wikipédia de Donatien. Bien sûr, les titres que j'introduis ont valu à la fiche d'être épinglé par un bandeau d'avertissement. Wiki ne veut que du certain. Je cherche juste à susciter la curiosité, des réactions. En toute bonne foi, le XX° siècle nous a rendu Sade. Mais ce n'est pas fini.

A ta disposition et bien à toi.

P.S. A l'administration. J'ai déjà demandé que les nouveaux membres puissent accéder au M.P. le plus vite possible.

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Message par kastillon Dim 24 Avr 2016 - 18:31

Bonsoir Neopilina,

Merci pour ces éclaircissements. C'est un plaisir de pouvoir échanger avec un interlocuteur à l'esprit ouvert et qui admet la critique. On a toujours quelques appréhensions à porter la contradiction à des personnes qui se sont investies dans un travail de longue haleine aux résultats inédits.

Vos, tes propos, puisque on se tutoie, mettent à l'aise et c'est tout à ton honneur. Je ne suis pas un spécialiste de Sade et mon approche est donc différente. J'ai lu "Mon Oisiveté", ouvrage très original, pré-révolutionnaire, qui s'en prend principalement à la bourgeoisie montante, prédatrice, spéculatrice, et aux signes ostentatoires des nouveaux riches (les carrosses, comme en écho aujourd'hui aux voitures de luxe).

L'ouvrage aborde une multitude de sujets (de la mode des robes polonaises à la saleté repoussante des fiacres). Quelques passages sont plus marquants comme celui où l'auteur critique avec véhémence les liaisons très libres de ses contemporains, les couples qui se forment "sans amour et sans estime, on se quitte sans regrets", la "volupté postiche, libertine et débauchée", ces hommes qui ont peu d'égard à l'attention des femmes. "Supérieures en toutes choses aux hommes, tout ce que l'homme a d'excellent se trouve réuni chez la femme, tandis qu'il n'a aucun de ses charmes, sciences, arts, etc."

J'avoue que c'est sur ce type de parties de l'ouvrage que j'ai le plus grand mal à reconnaître Sade. Déjà, l'auteur anonyme n'écrit dans aucun des styles littéraires que je connais de Sade et, sur un sujet semblable, on est même aux antipodes du style de la lettre que lit Dolmancé dans la Philosophie dans le boudoir, manifeste écrit par Sade qui peut se comparer avec certains passages de Mon Oisiveté.

Donc le style est radicalement différent. Mais que dire du contenu alors ! On découvre un Sade au féminisme très appuyé et au conformisme assumé. Attribuer "Mon Oisiveté" à Sade n'est pas bénin, les conséquences sont énormes : la connaissance que l'on a de Sade est totalement révolutionnée parce que radicalement contradictoire en bien des aspects avec ce que l'on sait de certain sur sa personnalité.

Conformisme de façade , me répondras-tu avec les explications liées aux circonstances de la rédaction. Et d'argumenter :  "Fausse adresse " A Amsterdam ", dont personne n'est dupe à l'époque, pas d'approbation et de privilège, et pseudonyme. Comment expliquer cela !? Mon hypothèse : c'est l'ouvrage autorisé d'un prisonnier."

Le problème c'est que le XVIIIe siècle littéraire est rempli d'ouvrages anonymes à la fausse adresse d'Amsterdam ou de Londres. Barbier, qui consacre 4 tomes au sujet,  doit, à la louche, sérier plus de 15 000 livres anonymes publiés dans le XVIIIe siècle ! Les raisons les plus diverses président à l'anonymat, l'emprisonnement est rare. En tous cas, statistiquement, il y a peu de rapport entre l'incarcération et l'anonymat et, même au delà, il n'y a pas tant de rapport que cela entre l'interdiction et l'anonymat.

Alors plutôt que de voir Sade se travestir pour faire amande honorable en maquillant son style et en tenant des propos contrariant ses convictions profondes, trahissant son Moi que ses meilleurs biographes reconnaissent inébranlable, n'est-il pas plus simple de considérer que cet ouvrage n'est pas de Sade ?

Tu me diras, le seul moyen de nous départager est encore de prouver l'existence de Charles Rémi, comme ce fut le cas avec Martin Sherlock.

Je me propose d'enquêter dans ce sens par respect pour le formidable travail bibliographique que tu as accompli plus que par conviction personnelle. Tes hypothèses sont passionnantes, je voudrais bien y croire, tu accueilleras avec bienveillance, j'espère, le fait qu'un non spécialiste de Sade y participe, dans la mesure de ses moyens, en tentant d'en invalider une... ou au contraire en se montrant incapable de le faire.

Bien à toi,
K.

kastillon
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Message par neopilina Lun 25 Avr 2016 - 13:31

kastillon a écrit:J'ai lu "Mon Oisiveté", ouvrage très original, pré-révolutionnaire, qui s'en prend principalement à la bourgeoisie montante, prédatrice, spéculatrice, et aux signes ostentatoires des nouveaux riches (les carrosses, comme en écho aujourd'hui aux voitures de luxe).

C'est exact, et même plus, c'est aussi un terrible brulot à charge contre l'aristocratie, la noblesse, après la paix humiliante de la Guerre de Sept Ans. L'auteur respecte le Roi, mais c'est tout. On voit même clairement que cela ne lui déplairait pas de le servir. Et là je reviens au paradoxe " autorisation textuelle d'un censeur et anonymat " : avec ces deux mesures l'auteur prend les devants sachant bien que l'ouvrage ne plaira pas du tout à l'élite du moment. On a un auteur progressiste qui prend soin de recueillir l'assentiment d'un censeur également progressiste. Ce qu'était le lieutenant général de police LeNoir, également directement responsable des prisons parisiennes. Vincent Milliot, après examens des mémoires manuscrites de LeNoir conservées à Orléans évoque, je cite, " un homme des Lumières, pragmatique, qui souhaite réformer l’État en douceur ". De plus, Sade qui a été militaire, officier, qui a fait la Guerre de Sept Ans ( Excellents états de service, les gazettes feront état de son courage lors de la prise du Fort Mahon aux Anglais à Minorque, mais un supérieur notera également  " fort brave mais tête au diable " ! ), est depuis d'une lucidité sans concession à l'égard de l'aristocratie. J'en avais donc déduit qu'un LeNoir lui-même progressiste, qui n'est pas noble, avait pu autorisé ce livre, et sa complaisance de circonstance, de son plus encombrant prisonnier, marginal notoire au sein de sa propre caste, ce qu'elle lui fera payer très cher.

kastillon a écrit: ... on est même aux antipodes du style de la lettre que lit Dolmancé dans la Philosophie dans le boudoir, manifeste écrit par Sade qui peut se comparer avec certains passages de Mon Oisiveté.

A propos de l'adresse aux français dans " La philosophie dans le boudoir ". Certains la prennent au sérieux, la lisent au premier degré. A ce point : on peut même la trouver publiée et commentée à part, dans des compilations des écrits politiques, du sectionnaire Sade, etc. C'est un tort grave, elle est tout aussi romanesque, délurée, que le roman où elle se trouve, et donc je la lis comme telle. Sade s'y emmêle terriblement les pinceaux. Le libertin extrémiste, le romancier apologiste du meurtre de luxure, condamne les horreurs de la Terreur, etc. Le romancier est délibérément et outrageusement radical, vertigineux : c'est une des raisons majeures de sa notoriété. Mais réellement, l'individu, l'est beaucoup, beaucoup, moins, il faut encore le dire aujourd'hui, Sade n'était pas l'ogre Minski, etc., un personnage de ses romans. Tout le monde a relevé que " La philosophie ... " était le roman le plus foncièrement gai, joyeux, jubilatoire, de Sade. Et pour cause : il est toujours en vie, le couperet de la Terreur l'a décoiffé in extremis, tellement qu'après cela Sade décide lui-même de sa mort politique, il ne fera plus jamais de politique, alors qu'après la chute de Robespierre, le révolutionnaire Sade ne s'est jamais aussi bien porté, il est dans les petits papiers du comité de sureté générale. Sorti de prison, il écrit à Gaufridy, son régisseur général : " Et moi aussi, mon cher ami, j'ai été dans un cruel état de souffrance. Après tout ce que j'ai fait pour la chose publique, ils m'ont tenu trois cent douze jours en prison sans motif. Enfin mes peines sont finies, et le comité de sureté générale, en me rendant justice, m'a même donné une grande marque d'estime en me retenant à Paris quoique ex-noble, et cela à cause de mes ouvrages patriotiques dont le comité désire que je continue d'alimenter l'esprit public ". Mais il a eu trop peur, quelques mois plus tard il écrit au même : " ... je suis pour tout l'été à la campagne, hors du bruit, du trouble et du théâtre révolutionnaire dont la moitié des gens qui y montent ne descendent que pour aller grimper sur celui de M. Guillotin, où je n'ai pas encore envie de me faire voir ". Fin de la Révolution, de la politique pour Sade. Et du temps que j'y suis, rien qu'à ce titre, je suis absolument convaincu que le pamphlet anti-bonapartiste " Zoloé ", un temps attribué à Sade, ne peut pas être de lui. Et puis, très tôt ( Par exemple lors des combats sanglants entre la Convention et les Sections du 13 Vendémiaire An IV. ), on voit son fils ainé dans les milieux bonapartistes. Ce qui inquiète le papa désormais apolitique et qui voudrait bien que son fils en fasse autant. Alors que Sade a été toute sa vie ou presque un irréductible, paroxystique, rebelle, mais tout le monde vieillit, s'assagit, même Sade ! Du reste, Louis-Marie de Sade sera tué dans une embuscade près de Naples en servant Napoléon.

kastillon a écrit:Conformisme de façade , me répondras-tu avec les explications liées aux circonstances de la rédaction. Et d'argumenter :  "Fausse adresse " A Amsterdam ", dont personne n'est dupe à l'époque, pas d'approbation et de privilège, et pseudonyme. Comment expliquer cela !? Mon hypothèse : c'est l'ouvrage autorisé d'un prisonnier."

C'est moi qui souligne, c'est effectivement mon argument principal pour attribuer cet ouvrage à Sade : ouvrage de complaisance d'un prisonnier qui veut sortir.

kastillon a écrit:Le problème c'est que le XVIIIe siècle littéraire est rempli d'ouvrages anonymes à la fausse adresse d'Amsterdam ou de Londres. Barbier, qui consacre 4 tomes au sujet, doit, à la louche, sérier plus de 15 000 livres anonymes publiés dans le XVIIIe siècle ! Les raisons les plus diverses président à l'anonymat, l'emprisonnement est rare. En tous cas, statistiquement, il y a peu de rapport entre l'incarcération et l'anonymat et, même au delà, il n'y a pas tant de rapport que cela entre l'interdiction et l'anonymat.

Tu as raison, le XVIII°, pour des raisons historiques, c'est celui de l'émancipation, des Lumières, est un enfer bibliographique totalement spécifique, la matière est surabondante, pléthorique, et tout le monde ruse avec le régime. Des hommes commencent le siècle dans les forteresses, et ils le finissent, avant même 1789, dans les Académies, etc. Le contexte historique décuple les difficultés de toutes recherches. Il y a une quinzaine d'années j'avais fait une " immersion " profonde, prolongée, dans le XVII° siècle, au sein de " la République des lettres et çavants d'Europe ", ça n'avait rien à voir.

kastillon a écrit:Alors plutôt que de voir Sade se travestir pour faire amande honorable en maquillant son style et en tenant des propos contrariant ses convictions profondes, trahissant son Moi que ses meilleurs biographes reconnaissent inébranlable, n'est-il pas plus simple de considérer que cet ouvrage n'est pas de Sade ?

Rasoir d'Ockham ! J'ai dit que " Mon Oisiveté " était de tous les titres que j'ajoutais à la bibliographie de Sade celui dont j'étais le moins sûr. Suite à ma déconvenue avec les opuscules de Sherlock, j'ai refais des recherches sur cet ouvrage. Le " Journal de Paris " en fait la critique le 21 avril 1779, N°111, page 445, la pagination courant sur l'année. Et elle est mauvaise. Elle appuie sur l'indigence littéraire du livre. Même si pour nous, aujourd'hui, il présente un intérêt historique, politique, tu as toi-même dit qu'il était parfaitement " pré-révolutionnaire ".
En 1779, ça fait déjà longtemps que Sade est régulièrement imprimé dans le " Journal ... ", il lui ouvre largement ses colonnes, au risque de provoquer des rappels à l'ordre, aux limites, de LeNoir, ce qui arrivera maintes fois au " Journal " et/ou à Sade. Le " Journal " est bienveillant avec le prisonnier. Mais bienveillance n'est pas complaisance, si j'ai un ami qui écrit un mauvais livre, je lui dirais gentiment que son livre est mauvais. Mais là ça va plus loin. On sent une antipathie à l'égard de l'auteur. Plus. Je viens de la relire, il est qualifié de, je cite, " Prêcheur de vertu ", de " Sermonneur ", ce que n'aurait surement pas fait l'auteur de la critique si le livre était de Sade, quand bien même il serait, et est effectivement, littérairement médiocre. Et cela, clairement, est en défaveur d'une attribution à Sade !

Pour Charles Rémi, j'ai encore fait quelques recherches hier soir. Toujours aussi infructueuses. Gallica ne référence même pas " Mon Oisiveté ", mais sa réédition de 1787 sous un autre titre ( Ici : http://www.rechercheisidore.org/search/resource/?uri=ark:/12148/bpt6k6540909b ).

Je termine par deux questions. Qu'est-ce qui t'as poussé, motivé, à lire " Mon Oisiveté ", qu'est-ce qui t'intéresse en particulier au XVIII° siècle ?

_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
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Message par neopilina Mar 26 Avr 2016 - 19:56

Critique du " Mercure de France " de " Mon Oisiveté ",

Sur l'oeuvre Books?id=7QDVYOFU2Z8C&hl=fr&pg=PA71&img=1&zoom=3&sig=ACfU3U1Ccse9yFLVo4VX91Hb4Y-hUTpGrQ&ci=106%2C76%2C800%2C835&edge=0

Critique du " Journal de Paris " de " Mon Oisiveté " :

Sur l'oeuvre Books?id=BDETAAAAYAAJ&hl=fr&pg=PA445&img=1&zoom=3&sig=ACfU3U0SeWTQXwoIktJh2cTWfy9NujvY4A&ci=54%2C609%2C840%2C664&edge=0

Sur l'oeuvre Books?id=BDETAAAAYAAJ&hl=fr&pg=PA446&img=1&zoom=3&sig=ACfU3U2jSjsF2Bpvv2k63jMXUXiSALMgQg&ci=111%2C104%2C846%2C1183&edge=0

Le " Mercure de France ", bastion des conservateurs, des modérés, dit à propos de l'auteur " Vieux censeur " ( Alors qu'en 1779, Sade a 39 ans. ), la critique est très positive, et jamais il n'aurait ouvert ses colonnes à Sade, même pour le critiquer.
Le " Journal de Paris ", organe des Lumières, dit " Prêcheur de vertu ", " Sermonneur ", et la critique est sans pitié. L'un et l'autre savent qui est l'auteur.
Donc ? Je pense que l'affaire est entendue. Je vais retirer " Mon Oisiveté " de la bibliographie de Sade !

P.S. A l'administration. Est-il possible d'agrandir la deuxième et troisième image, je n'y arrive pas. Merci.

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Message par neopilina Ven 27 Mai 2016 - 9:07

A propos de " Mon Oisiveté " de Charles Rémi. kastillon a retrouvé une trace de l'homme. Il s'est notoirement fait remarqué en brocardant l'abbé Pellegrin en vers, il est régulièrement cité à ce titre.

" Ci-gît le pauvre Pellegrin
Qui, dans le double emploi de poète et de prêtre,
Eprouva mille fois l'embarras que fait naître
La crainte de mourir de faim.
Il dînait de l'autel et soupait du théâtre,
Le matin catholique et le soir idolâtre ".
Commentaire : au sujet de l'abbé Pellegrin, mort en 1745.

Rémi écrivant ces vers peu ou prou après la mort de Pellegrin, en 1745, on comprend qu'à propos de Rémi, le " Mercure " écrive " vieux censeur " en 1779. Je crois qu'on peut clore le débat à ce sujet.

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Message par neopilina Ven 3 Juin 2016 - 18:54

kastillon m'a très gentiment communiquer le catalogue d'une vente " Sade "qui promet d'être mémorable de par la qualité et le nombre de lots chez une grande maison parisienne.

Je l'ai complétement épluché : ces documents et les expertises permettent d'affiner encore la connaissance du personnage, de son environnement, du contexte, etc.

Quand je pense à Madame Bimard, belle-mère du second fils du marquis ( L'ainé un romantique pur sucre, historique, c'est le moment, naturaliste, historien et musicien, proche de Bonaparte dés la Révolution, avait repris du service quand le corse est devenu Empereur, a été tué en service près de Naples en 1809, il avait participé aux batailles d'Eylau, Friedland, etc. ) qui offre un exemplaire du " Génie du christianisme " de Chateaubrilland alors qu'il est arbitrairement détenu chez les fous, y'a des baffes qui se perdent !! Il n'y a rien dans ce livre que Sade ignore, et on sait ce qu'il en pense.

J'attire l'attention sur les lots 56 et 59, une fable et un conte absolument inconnus, inédits. Bien sûr, on espère une publication rapide, ceci fait, ils rejoindront la bibliographie de votre serviteur.

Catalogue de la vente : http://www.neret-tessier.com/flash/index.jsp?id=26356&idCp=49&lng=fr

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Message par neopilina Dim 31 Juil 2016 - 8:05

Je me suis porté acquéreur à une vente aux enchères d'un petit document : " Curieux document manuscrit retrouvé dans les papiers de Sade après sa mort à l'hospice de Charenton. Une page manuscrite au recto d'une main inconnue, format in-8° ". L'expertise et les commentaires qui suivent sont de moi.

Transcription diplomatique :

[Recto. Ligne 1 et 2, titre] remêde pour rendre à la raison les
[L2] malades attaqués de folie. -
[Espace d'une ligne]
[L3] donné [je restitue : le] 30 mars 98 v.S. par m. de la praylaye
[L4] qui en a crû faire usage avec succès et a vu
[L5] un malade qui l'a fait 10 après sa guérison parfai-
[L6] tement sain de corps et d'esprit. -
[L7] il faut faire saigner un asne. mettre une
[L8] serviette dans un vase pour recevoir le sang dessus.
[L9] lorsque cette serviette est entièrement teinte. vous la
[L10] tirez et la laissez sécher. tous les matins vous en
[L11] coupez un morceau de la grandeur des trois quarts
[L12] de la main que vous mettez dans un verre de vin
[L13] blanc : lorsque le vin a pris la couleur de vin rouge
[L14] vous en tirez la toile et le donnez à boire au malade.
[L15] il faut prendre le remêde à jeun.
[L16] durant son usage il n'en faut faire aucun autre
[L17] tenir le malade tranquille et gai sans contrariété.
[L18] ne pas boire d'autre vin que celui qui contient le
[L19] remède et user d'eau au reste de la boisson. si la 1ère
[L20] serviette imbibée de sang d'asne est consommée sans
[L21] voir le malade rendu à la raison, en retremper une 2de. en
[L22] continuer le remède sans interruption jusqu'à guérison il
[L23] ne peut manquer d'opérer à la 1ère ou 2de reprise +
[Mention marginale à gauche du texte, même main :] on le tient d'un médecin qui l'a fait avec succès !
[Verso. Dans le coin en haut à gauche, mention manuscrite, même main :] remède contre la folie.

Remarques :

- La tentative de ponctuation est postérieure à la rédaction initiale.
- Le " v.S. " après la date, ligne 3, signifie  " vieux style ", relativement au calendrier révolutionnaire alors en vigueur. C'est soi la date de ce document soi la date du document dont on aurait ici une copie.
- On voit que cette feuille était pliée horizontalement au milieu, texte coté intérieur, ce qui ne laissait plus apparaitre que la petite mention du verso. Peut être un mode de rangement, de classement.

La lecture " asne ", devenu âne selon un processus connu ( Quand le " s " muet disparait, un accent circonflexe apparait classiquement sur la première voyelle antérieure, hospital / hôpital, etc. ), L7 et L20, est indubitable, parfaitement attestée historiquement dans ce cas. Le sang d'âne est présent de l'antiquité au début du XIX° siècle dans la pharmacopée (Et la magie, la sorcellerie.) occidentale, et française. Juste deux exemples, Pline le Second dans son " L'Histoire du monde ", édition de Du Pinet de Noroy, 1581, " Le vingt huitième livre de l'histoire naturelle de C. Pline second ", " Chap. XVI : Contre les gouttes, & le haut mal: & des remèdes propres à ceux qui vont * ( Ce symbole indique une note imprimée en marge que voici : " Syderatis ou qui sont frappez de mauvais vent ". Sideratis est un adjectif du verbe latin siderare signifiant " frappé par l'action funeste des astres ".) séchants sur terre : contre la jaunisse, & les fractures des os ", page 432, le recommande dilué dans le vin contre le haut mal c'est à dire l'épilepsie, je cite : " Les autres ordonnent à ceux qui sont sujets à ce mal, de manger de la chair d'Asne, ou user du sang de cet Animal, quarante jours durant, le démêlant en vin-aigre ", ou encore dans " La pratique de médecine de Paul Barbette ", 1692, " Livre premier ", " Section VII ", " De la mélancolie et de la manie ", page 202, le recommande contre la mélancolie et la manie, je cite : " Les remèdes pour la mélancholie & la manie sont ... , le sang d'asne & de mulet, ... ". La continuité de l'héritage antique dans ce document est manifeste. Il appartient aux plus récents faisant encore mention d'un usage du sang d'âne pour les affections mentales (Auxquelles étaient alors assimilée l'épilepsie.). Le début du XIX° siècle qui voit advenir la psychiatrie moderne balayera très vite tout cela.

La formule " qui en a cru faire usage avec succès " et le point d'exclamation à la fin de la mention marginale trahissent un recul sarcastique de la part du copiste. Sade est bien connu pour avoir collecté très tôt des " consultations ", il emploie lui-même ce terme, très embarrassantes (Avortement, assassinat, empoisonnement, et autres thèmes inquiétants ou scabreux.) ce dont il devra s'expliquer et qui lui coutera très cher. Sade n'était ni fou, sa santé mentale n'était rien de moins que de fer, en droit, par exemple, il était totalement responsable de ses actes, ni crédule. L'ironie grinçante, c'est qu'il conserve un tel document à titre de curiosité alors qu'il est maintenu arbitrairement, sans procédure officielle, jugement, en détention chez les fous à Charenton, à vie, à cause de ses " infâmes " livres, notamment le dernier en date, " Histoire de Juliette ". Prison à vie, arbitrairement, pour un livre immoral.

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