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Philèbe : l'alternative impossible

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Message par Bergame Jeu 9 Jan 2014 - 8:31

poussbois a écrit:Oui, tu rappelles avec justesse que l’économie n’est finalement rien d’autre qu’une approximation objective pour le calcul du bonheur moyen. Ce n’est pas satisfaisant dans l’étude des cas particuliers, mais globalement, le pouvoir d’achat est en moyenne quelque chose qui sert à évaluer le bonheur, avec sa dimension dynamique. L'économie ne sert à rien d'autre.
Ben justement, ça commence à ne plus être trop d'actualité, ça. En effet, l'économie, en tant que discipline, s'est longtemps constituée sur le principe de "bien-être" comme approximation subjective du bonheur -subjective au sens de "déclarée"-, un "bien-être" défini comme la satisfaction des désirs. Or, comme l'argent (le revenu) est conçu par les économistes comme la valeur d'échange universelle, celle qu'on peut échanger contre tout type de services ou de biens, la satisfaction pérenne des désirs pouvait être réductible au revenu.

Mais précisément, un des courants de recherche qui a le vent en poupe en économie actuellement, c'est ce qu'on appelle "'l'économie du bonheur" -j'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer. C'est-à-dire un paradigme qui questionne l'articulation entre le revenu et le "bien-être". Et dont l'un des enseignements, pour l'instant, est que cette articulation est loin d'être simple. Le travail séminal dans le domaine est celui d'Easterlin qui montrait dans les années 80 cette chose toute simple : Au Japon, le revenu moyen avait été multiplié par 5 en 30 ans ; pourtant, lorsqu'on regardait l'évolution du "bien-être" déclaré, il restait plutôt stable sur cette période. Donc la relation entre "augmentation du revenu" et "bonheur" que décrit par exemple Victor :
Si je possède 10 $ et que je trouve 20 $ dans la rue, ce qui me fait 30 $ au total, eh bien je suis heureux, car selon mes propres repères culturels, 30 $, c'est plus que 10 $.
a priori ne fonctionne pas. Ou du moins, ce n'est pas si simple.

Alors à partir de là, il y a plein d'hypothèses. Je vous en cite quelques-unes au débotté :
- Ce n'est pas l'augmentation du revenu absolu qu'il faut prendre en compte, c'est l'augmentation du revenu relatif. En d'autres termes, que mon revenu augmente ne suffit pas pour que je sois plus heureux ; il faut que mon revenu augmente ET que celui des autres n'augmente pas (ou pas autant).
- Les individus adaptent leurs désirs à leur revenu. Lorsque leur revenu augmente, dans un premier temps, ils peuvent être plus heureux. Mais ensuite, ils s'habituent. De même, lorsque leur revenu diminue, ils sont plus malheureux d'abord, mais ensuite réévaluent cognitivement leurs désirs. Ce qui fait que leur "bien-être" peut connaître des fluctuations à court terme, mais reste à peu près constant sur le moyen et le long terme.
- Les individus anticipent les variations de revenu. Si par exemple leur revenu augmente, mais que pour une raison ou pour une autre, ils anticipent des difficultés économiques à venir, leur "bien-être" n'augmentera pas.
- Le revenu initial, avant augmentation, a son importance dans l'engendrement ou non d'une hausse de "bien-être" -une hypothèse qui se fonde sur la théorie de la pyramide des besoins : Lorsque l'augmentation du revenu permet de satisfaire des besoins "de base" (de la pyramide) qui, jusque là n'étaient pas satisfaits, le "bien-être" s'accroît davantage que lorsque l'augmentation permet de satisfaire des besoins "du sommet" (de la pyramide). En d'autres termes et prosaïquement, l'hypothèse [hausse du revenu -> hausse du "bien-être"] fonctionne pour les individus qui sortent de la pauvreté (et donc, au niveau macro, pour les pays en développement), mais pas ou moins pour les individus des classes moyennes ou aisées (et donc, au niveau macro, pour les économies matures).
- L'explication fonctionne moins en cas de hausse du revenu qu'en cas de baisse. En d'autres termes, l'augmentation du revenu n'engendre pas de hausse statistiquement remarquable du "bien-être". En revanche, la baisse de revenu entraine une diminution importante du "bien-être" (ce qu'on pourrait appeler "l'hypothèse de Tocqueville").
- Le revenu est secondaire dans la fluctuation du "bien-être" : Le patrimoine et la "satisfaction du consommateur" ("résultat d’une comparaison entre la qualité du produit/service et les attentes générées par lui") sont plus déterminants.
- Le revenu n'a qu'un impact indirect sur la fluctuation du "bien-être", au travers de son influence sur des variables telles que la santé publique, le logement, le système éducatif, etc.
- Les variables économiques n'ont qu'un impact secondaire sur la fluctuation du "bien-être". Des variables biographiques ou sociologiques telles que l'âge, le niveau d'étude, le mariage / célibat, la religion, le sentiment d'accomplissement personnel et professionnel, etc. sont plus déterminants.
Etc. etc.

Rappelons que ce paradigme de "l'économie du bonheur" commence à avoir des répercussions sur la pratique puisque, par exemple, en France, la constitution d'une commission dite "Sen-Stiglitz"à la demande de Sarkozy avait aboutie en 2009 à un rapport qui préconisait une modification substantielle des critères utilisés par l'INSEE.

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Message par victor.digiorgi Jeu 9 Jan 2014 - 12:23

Bergame a écrit:Donc la relation entre "augmentation du revenu" et "bonheur" que décrit par exemple Victor :
Si je possède 10 $ et que je trouve 20 $ dans la rue, ce qui me fait 30 $ au total, eh bien je suis heureux, car selon mes propres repères culturels, 30 $, c'est plus que 10 $.
a priori ne fonctionne pas. Ou du moins, ce n'est pas si simple.

Ce qui fonctionne, c'est la dynamique de la perception ponctuelle d'une situation changeant ponctuellement.

L'argent permet de chiffrer cette dynamique dans le cadre d'une didactique. Il ne constituent pas le fond de la question du bonheur. Ils est le prétexte d'une arithmétique explicative fondée sur une métaphore dont le chiffre est au centre.

Dans le bonheur (ou le malheur), ce qui compte, c'est la PERCEPTION d'un CHANGEMENT associée à la PERCEPTION de la différence d'une VALEUR entre DEUX situations, celle du moment précédant immédiatement le changement et celle suivant immédiatement le changement.

Ce phénomène peut s'appliquer à n'importe quel objet.

Un ouvrier mis à la porte par son patron, il n'est pas heureux. Un ouvrier mis à la porte par son patron qui le rappelle pour le réintégrer dans son travail, il est heureux.

Une mère qui perd son enfant dans la foule, elle n'est pas heureuse. Une mère qui retrouve l'enfant qu'elle avait perdu, elle est heureuse.

Dans le cas de l'ouvrier comme dans celui de la mère, c'est la perception de la différence dans le changement d'une situation qui établit le sentiment de malheur ou de bonheur.

Mais cette perception n'est pas éternelle, et c'est ça qui établit l'inaptitude quasi générale au malheur ou au bonheur permanent chez l'humain.

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Message par Courtial Jeu 9 Jan 2014 - 19:11

victor di giorgi a écrit:Et ensuite, supposons que je ne règle jamais mon bonheur que sur la valeur de l'argent, ça te gênerait ?

Je VEUX savoir !

Il ne me gêne en rien que tu fasses ton bonheur comme cela te chante. Cela n'influe pas sur moi et ne peut donc rien "gêner". De même que si je me passionne pour les Echecs et que toi, ce jeu t'assomme, tu ne seras pas "gêné" par mes joies, je suppose.
Tout ce que je peux en dire, c'est que s'il en est ainsi, je te souhaite d'avoir de l'argent, et de préférence beaucoup. Car si tu n'en n'as pas, tu dois être bien malheureux.
Si tu veux connaître maintenant mon opinion (ce qui diffère à la fois de ce qui me gêne ou pas et de la question philosophique), je dirais seulement que ce n'est peut-être pas la peine de se mettre dans des états pareils (de félicité absolue ou de déréliction prostrée) pour de l'argent.
Voilà, tu sais cool-1614...

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Message par neopilina Jeu 9 Jan 2014 - 19:40

De même, j'ai pu, à titre personnel, chez les fous, constater que la folie ne pratiquait pas l'injustice de classe.

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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
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Message par victor.digiorgi Jeu 9 Jan 2014 - 21:43

Courtial a écrit:
victor di giorgi a écrit:Et ensuite, supposons que je ne règle jamais mon bonheur que sur la valeur de l'argent, ça te gênerait ?

Je VEUX savoir !

Il ne me gêne en rien que tu fasses ton bonheur comme cela te chante. Cela n'influe pas sur moi et ne peut donc rien "gêner". De même que si je me passionne pour les Echecs et que toi, ce jeu t'assomme, tu ne seras pas "gêné" par mes joies, je suppose.
Tout ce que je peux en dire, c'est que s'il en est ainsi, je te souhaite d'avoir de l'argent, et de préférence beaucoup. Car si tu n'en n'as pas, tu dois être bien malheureux.
Si tu veux connaître maintenant mon opinion (ce qui diffère à la fois de ce qui me gêne ou pas et de la question philosophique), je dirais seulement que ce n'est peut-être pas la peine de se mettre dans des états pareils (de félicité absolue ou de déréliction prostrée) pour de l'argent.
Voilà, tu sais cool-1614...

Ça y est ! Je suis heureux ! Le savoir rend heureux. Ou plutôt l'AUGMENTATION du savoir rend heureux.

Ou du moins, selon ma petite théorie, confirmée par l'essspérience et l'aubserfation, c'est que la perception de deux états, celui d'un départ comprenant X connaissance et celui d'une arrivée comprenant X + x connaissance peut se traduire (sans oublier de déverbaliser) par un sentiment de bonheur, puisque le second état est perçu comme ayant plus de valeur que le premier.

Mais la perception a un rôle très important à jouer, et il ne faut pas prendre à la lettre le « volume » de connaissance acquise, car si j'apprends que mon chat est mort, j'en sais plus qu'au moment où je ne le savais pas encore, c'est Lapalisse qui me l'a dit, et pourtant, je juge que la mort de mon chat me place dans une situation de moins de valeur que celle ou mon chat était encore vivant ou bien que je ne savais pas encore qu'il était mort. Je sais par ailleurs que j'ai eu dans ma vie plus d'un chat qui est mort, et cela ne m'a pas rendu éternellement malheureux. Pareil avec les ouvriers syndiqués, dans le sens du bonheur. Lorsque des grévistes finissent par obtenir ce qu'il exigeaient, à savoir par exemple des vacances supplémentaires et une augmentation de salaire, sur le coup ils sont heureux, mais à mesure que le temps passe, ils s'habituent à leur nouvelle situation, et leur bonheur disparaît petit à petit, ce qui fait dire aux sociologues les plus instruits et les plus intelligents de la terre que l'argent ne fait pas le bonheur et que le bonheur non plus ne fait pas l'argent (du patron).

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Message par neopilina Jeu 9 Jan 2014 - 23:28

Renseignes-toi sur la notion de facteur limitant, énoncé par Justus von Liebig. Le dément qui ne manque de " rien " devrait intuitivement te mettre sur la piste. J'en ai vu des gonzesses couvertes d'or, et bien leur or, et surtout le ... " reste ", je leur laisse.

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Message par victor.digiorgi Ven 10 Jan 2014 - 1:11

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@ neo :

Le problème de l'or en tant qu'emblème métaphorique du matérialisme vulgaire se résout par la vigilance au regard de l'assimilation personnelle aux objets.

Quiconque superpose, confond et intègre l'un à l'autre son être et celui de l'objet qu'il possède se trouve confronté au bonheur éphémère du moment de l'acquisition seule.

Il est vite en manque.

Et il lui faut réitérer le moment de l'acquisition seule.

L'enchaînement est diabolique.

Celui-là, il est 99 % de son temps dans le malheur de la vulgarité matérialiste d'une recherche forcenée des objets auxquels il pense devoir l'essence de sa propre vie.

Il est condamné à la mort vivante.

Il ne sait pas que la seule chose qu'il est, c'est ce qui jamais en lui ne change. Et ce qui ne change pas, chez lui comme chez les autres, c'est l'amour et l'amitié.

S'il en est dépourvu, c'est parce qu'il pense s'approprier l'amour et l'amitié des objets dont il croient qu'ils sont capables de ces deux choses qui jamais ne changent en nous, et qui sont l'amour et l'amitié.



THE SILENCE SPACE OF STILNESS OF PURE CONSCIOUSNESS :







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Dernière édition par victor.digiorgi le Ven 10 Jan 2014 - 1:21, édité 1 fois

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Message par Courtial Ven 10 Jan 2014 - 1:18

Mais la perception a un rôle très important à jouer, et il ne faut pas prendre à la lettre le « volume » de connaissance acquise, car si j'apprends que mon chat est mort, j'en sais plus qu'au moment où je ne le savais pas encore, c'est Lapalisse qui me l'a dit, et pourtant, je juge que la mort de mon chat me place dans une situation de moins de valeur que celle ou mon chat était encore vivant ou bien que je ne savais pas encore qu'il était mort.

En effet : on préfère plutôt les bonnes nouvelles aux mauvaises : la qualité compte donc aussi, en sorte qu'on préférera l'accroissement des bonnes nouvelles parce qu'elles sont... bonnes, et pas parce qu'elles sont nouvelles. Le "plus" en soi n'est peut-être pas déterminant (d'autant quand on parle de choses qui ne s'accumulent pas vraiment, qu'on ajoute des choux et des navets).
J'avais failli en faire la remarque lorsque tu parlais de passer de 10 euros à 30 euros, donc d'un gain de 20 euros, comme un accroissement du bonheur. 20 euros, c'est à peu près le prix d'une consultation chez le médecin. J'imaginais par exemple un médecin te déclarant : "voilà, vous avez un cancer du foie, je vous en donne pour 6 mois. Mais vous ressortirez heureux tout de même de mon cabinet : j'ai décidé de ne pas vous faire payer la consultation".

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Message par victor.digiorgi Ven 10 Jan 2014 - 1:22

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Courtial, tu nous fais du Bernard Mabille ...

 lol 

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Message par victor.digiorgi Ven 10 Jan 2014 - 1:31

Courtial a écrit:
Mais la perception a un rôle très important à jouer, et il ne faut pas prendre à la lettre le « volume » de connaissance acquise, car si j'apprends que mon chat est mort, j'en sais plus qu'au moment où je ne le savais pas encore, c'est Lapalisse qui me l'a dit, et pourtant, je juge que la mort de mon chat me place dans une situation de moins de valeur que celle ou mon chat était encore vivant ou bien que je ne savais pas encore qu'il était mort.

En effet : on préfère plutôt les bonnes nouvelles aux mauvaises : la qualité compte donc aussi, en sorte qu'on préférera l'accroissement des bonnes nouvelles parce qu'elles sont... bonnes, et pas parce qu'elles sont nouvelles. Le "plus" en soi n'est peut-être pas déterminant (d'autant quand on parle de choses qui ne s'accumulent pas vraiment, qu'on ajoute des choux et des navets).
J'avais failli en faire la remarque lorsque tu parlais de passer de 10 euros à 30 euros, donc d'un gain de 20 euros, comme un accroissement du bonheur. 20 euros, c'est à peu près le prix d'une consultation chez le médecin. J'imaginais par exemple un médecin te déclarant : "voilà, vous avez un cancer du foie, je vous en donne pour 6 mois. Mais vous ressortirez heureux tout de même de mon cabinet : j'ai décidé de ne pas vous faire payer la consultation".

Ce n'est pas le gain de 20 $ qui fait le bonheur, c'est la perception de celui qui en bénéficie.

La perception d'un type qui apprend qu'il va mourir dans 6 mois, ce n'est pas la même pour celui qui avait prévu de construire son entreprise et sa maison pour la léguer à ses enfants que pour celui qui avait prévu de camoufler son suicide après avoir pris l'assurance vie qu'il avait contractée au bénéfice de ses enfants. Par exemple.

Par exemple encore, la perception de l'histoire du médecin que tu viens de me livrer a déclenché un tel rire de ma part que je te jure que j'en suis encore tout heureux.

Merci, mon vieux !

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Message par poussbois Dim 12 Jan 2014 - 12:26

euthyphron a écrit:
C'est ma faute. Ce n'est pas exactement une histoire de beurre et d'argent du beurre, c'est pourquoi Neopilina a raison de rappeler qu'on peut concilier plaisir et sagesse. Mais la question est celle de la hiérarchie. Faut-il n'être sage que dans la mesure où cela fait plaisir, ou bien ne se faire plaisir que dans la mesure où c'est sage?
Tu remarqueras que tout en prenant tout, Platon (c'est toi qui l'a rappelé) propose une hiérarchie des biens.
Quant à ta dernière question, au-delà de la possibilité de mesurer la vie bonne, il y a sa réalité (ainsi que celle de la vie mauvaise). Le mythe final du Gorgias laisse penser que nous ne pouvons pas savoir si quelqu'un a réussi sa vie ou pas. Mais à défaut de pouvoir montrer son diplôme de réussite de vie il faut bien vivre, et le mieux possible.

Oui, tout à fait, et je n'ai pas besoin de remarquer (à l'instant) puisque je l'avais déjà fait au préalable. Wink

Bon, très bien, passons sur le dilemme d'ouverture de l'ouvrage puisque la question est somme toute plus d'ordre scénaristique que vraiment philosophique. Je continue à y voir une forme de filouterie de Platon, laisser croire qu'il y a une alternative alors qu'il n'y a que hiérarchie. Je continue à trouver que comme dans le Théétète, mettre en scène l'impasse philosophique construite, au dépend d'une école philosophique présente dans le cours de l'histoire, présente une forme de manipulation. Mais passons, d'abord les ressorts de son théâtre n'en sont que plus efficaces, quoique légèrement déloyaux à mon sens.

Je relance ce post principalement pour la dernière partie de ton intervention que je trouve très juste. Oui, il ne peut pas y avoir de validation du diplôme en cours de route, c'est ce qui fait partie de l'angoisse existentielle. Adossé à l'angoisse de la disparition, il y a également l'angoisse de ne pas rater sa vie et donc de choisir les critères d'une vie bonne. C'est la définition que je donnerai au bien : ce qui fait que nous en rapprochant, nous nous donnons les meilleures gages d'une vie bonne. Pas vertueuse, pas réussie, essentiellement bonne.
Bien entendu, je pars du principe qu'il y a un choix, une possibilité "d'aller vers" et pas un déterminisme absolu qui ne permet plus que le fatalisme.

Dans ce cadre, comment calmer cette angoisse existentielle ? Si la position transcendantale de Platon est tout à fait bien organisée et assez attirante, je continue à trouver que cela demande de faire crédit à cette transcendance. Je ne trouve pas moins malin, ni plus justifié, hors cette transcendance, d'avoir comme premier niveau de hiérarchie les plaisirs hédonistes. Quand il ne reste rien qui justifie notre présence, quand les Dieux ne sont pas à craindre, qu'ils sont matériels pratiquement au même titre que nous et qu'ils interfèrent aussi peu avec nous, que reste-t-il pour une garantie de vie bonne que ces plaisirs ? D'où je pense le côté assez agaçant de l'hédonisme qui vend un souverain bien monolithique et sans beaucoup de nuances, basé sur des éléments relativement pauvres, totalement vulgaire et dépourvu de la moindre trace d'élitisme, bref intellectuellement accessible au plus grand nombre.

Au plus grand nombre ? Donc à toutes les dérives ! Evidemment, d'où la proposition absolument nécessaire de Platon de toute prendre. L'hédonisme, sans la mesure (qui est une des thèses principale d'Epicure) n'est que débauche. L'hédonisme sans la science n'est que vie météorique sans compréhension du monde et sans capacité d'adaptation à ce monde s'il change. L'hédonisme sans la proportion, l'art, le beau, ne permet pas les plaisirs de la contemplation. l'hédonisme sans la sagesse, ne permet pas même de se rendre compte de la vie que l'on mène. Le souverain bien immanent ne peut être que nécessairement les plaisirs, et ne peut amener qu'une vision utilitariste (notez la fréquence de ce mot dès les textes d'Epicure) de la vie. Mais il ne peut être dépourvu du reste du bien platonique.

C'est donc bien un problème de hiérarchie, mais je ne crois pas que l'approche hédoniste en soit dépourvu ce que laisserait croire ce dilemme, cette hiérarchie est juste inversée.

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Message par Bergame Dim 12 Jan 2014 - 12:56

Je pense que, d'abord, il faut mieux distinguer entre "plaisir" et "bonheur". Classiquement, le plaisir est la satisfaction d'un besoin ou d'un désir, tandis que le bonheur est un plaisir pérenne, qui dure.

Donc si l'on part du principe que les hommes sont incapables de ressentir un plaisir durable, on a écarté de fait le concept de "bonheur". Et par conséquent, ne reste que le plaisir. Or, je pense que cette réduction, en soi, n'est déjà pas anodine.

En revanche, si l'on accorde du crédit au concept de "bonheur", il me semble que l'introduction de cette simple nuance de durée dans l'extension du concept entraîne avec elle quelque chose qui peut ressembler à de la "transcendance". En tout cas, un plaisir-qui-dure, ce n'est plus un plaisir comment dire, immédiatement perçu, uniquement sensible, c'est déjà quelque chose de plus... intellectualisé peut-être, de plus réflexif, de plus représentatif.

Donc il se pourrait que la "transcendance" commence là, dans la simple distinction entre "plaisir" et "bonheur". Dès lors qu'on ne parle plus d'un plaisir ressenti immédiatement, on est déjà, peut-être, dans autre chose. Prenons l'exemple le plus évident et le plus trivial, celui de la relation amoureuse. Ne faut-il pas distinguer entre le moment du plaisir à proprement parler, celui de l'orgasme, et ce bien-être qui suit (ou qui peut suivre) l'orgasme, plus ou moins durablement, lié au bonheur d'être ensemble, avec un être aimé ? Je pense -j'espère !- que tout le monde connaît ou a connu cet état ? Or, dès que, analytiquement, on quitte le domaine du plaisir pour s'aventurer sur celui de l'amour, il me semble que les choses deviennent bien plus complexes, et qu'on est confronté à une grande variété de représentations. Qu'est-ce que l'amour ?



victor.digiorgi a écrit:
Bergame a écrit:Donc la relation entre "augmentation du revenu" et "bonheur" que décrit par exemple Victor :
Si je possède 10 $ et que je trouve 20 $ dans la rue, ce qui me fait 30 $ au total, eh bien je suis heureux, car selon mes propres repères culturels, 30 $, c'est plus que 10 $.
a priori ne fonctionne pas. Ou du moins, ce n'est pas si simple.

Ce qui fonctionne, c'est la dynamique de la perception ponctuelle d'une situation changeant ponctuellement.

L'argent permet de chiffrer cette dynamique dans le cadre d'une didactique. Il ne constituent pas le fond de la question du bonheur. Ils est le prétexte d'une arithmétique explicative fondée sur une métaphore dont le chiffre est au centre.
"Prétexte" ne me semble pas très juste. Je dirais plutôt que l'économie est une tentative d'opérationnalisation de ce que tu ressens intuitivement.
Mais comme tu n'es pas dans la tête des autres, tu es bien obligé de faire des inférences sur la manière dont ils ressentent les choses. Et bien entendu, tu pars du principe qu'ils ressentent les choses plus ou moins comme toi. D'où la possibilité d'opérationnaliser.

Ainsi, peut-être qu'il existe ainsi une arithmétique du plaisir telle que : Soit une situation T et une situation T+1, selon certaines conditions, le différentiel de ressenti entre les deux situations occasionne du plaisir.
Mais on peut penser que ce qui est valable pour le plaisir ressenti à l'augmentation du revenu, lui-même opérationnalisation du "bien-être", lui-même défini comme approximation du bonheur, est valable pour les autres items.

En d'autres termes, et en suivant les mêmes hypothèses, peut-être que l'ouvrier mis à la porte par son patron ne sera pas heureux, mais il sera peut-être d'autant moins heureux qu'il sera le seul à être mis à la porte. Et s'il est repris, il sera peut-être d'autant plus heureux qu'il sera le seul à être repris.
Ou bien, autre hypothèse : On peut penser que le "différentiel de bonheur" sera, en valeur absolue, plus important pour l'ouvrier mis à la porte que pour les ouvriers qui restent dans l'usine. On peut même penser qu'il sera plus important que le "différentiel de bonheur" du collègue qui aura eu une promotion. Etc. etc.

Tout ça pour dire : N'écarte pas ce programme de recherche au simple prétexte -cette fois- qu'il traite d'argent et non pas de plaisir ou de bonheur. Puisque l'argent, ici, ne sert qu'à opérationnaliser le bonheur.

Maintenant, si ta critique vise à dire que, bien sûr, le bonheur ne peut pas se réduire à l'argent, et que le réductionnisme économique est bien naïf, nous en serons d'accord. Et ça me fera plaisir.

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Message par poussbois Dim 12 Jan 2014 - 22:01

Bergame a écrit:Je pense que, d'abord, il faut mieux distinguer entre "plaisir" et "bonheur". Classiquement, le plaisir est la satisfaction d'un besoin ou d'un désir, tandis que le bonheur est un plaisir pérenne, qui dure.

Donc si l'on part du principe que les hommes sont incapables de ressentir un plaisir durable, on a écarté de fait le concept de "bonheur". Et par conséquent, ne reste que le plaisir. Or, je pense que cette réduction, en soi, n'est déjà pas anodine.

En revanche, si l'on accorde du crédit au concept de "bonheur", il me semble que l'introduction de cette simple nuance de durée dans l'extension du concept entraîne avec elle quelque chose qui peut ressembler à de la "transcendance". En tout cas, un plaisir-qui-dure, ce n'est plus un plaisir comment dire, immédiatement perçu, uniquement sensible, c'est déjà quelque chose de plus... intellectualisé peut-être, de plus réflexif, de plus représentatif.

Donc il se pourrait que la "transcendance" commence là, dans la simple distinction entre "plaisir" et "bonheur". Dès lors qu'on ne parle plus d'un plaisir ressenti immédiatement, on est déjà, peut-être, dans autre chose. Prenons l'exemple le plus évident et le plus trivial, celui de la relation amoureuse. Ne faut-il pas distinguer entre le moment du plaisir à proprement parler, celui de l'orgasme, et ce bien-être qui suit (ou qui peut suivre) l'orgasme, plus ou moins durablement, lié au bonheur d'être ensemble, avec un être aimé ? Je pense -j'espère !- que tout le monde connaît ou a connu cet état ? Or, dès que, analytiquement, on quitte le domaine du plaisir pour s'aventurer sur celui de l'amour, il me semble que les choses deviennent bien plus complexes, et qu'on est confronté à une grande variété de représentations. Qu'est-ce que l'amour ?

Ha pour cette question là, c'est pas dans le Philèbe mais dans le banquet :) ou Phèdre (entre les deux, mon cœur balance...).

On sait maintenant tous que nous sommes des animaux régis par des hormones. Je vais faire mon Victor, mais ton bien-être après l'amour est en grande partie lié aux multiples décharges d'hormones de type endorphine. Tu es en fait totalement stone, mais sans aucun risque d'overdose. On est donc bien dans la gamme des plaisirs.  

Le texte de Platon est très clair, il parle des plaisirs et pas du tout du bonheur (même pas évoqué, il me semble). Je ne le suis pas moins (clair), je parle également des plaisirs, une valeur matérialiste au final assez sure et à peu près définie biologiquement : ce qui peut apporter une jouissance. Il y a un assez bon catalogue dans le Philèbe, plutôt drôle parfois, jusqu'au fait de se gratter quand ça démange ou qu'on est galeux : un plaisir jouissif qui ne peut apporter que de la souffrance a posteriori, ou qui mélange plaisir et souffrance.

Le bonheur, ça ne peut être qu'un résultat, et c'est une notion qui commence effectivement à paraitre relativement abstraite, voire à rejoindre ce qui ressemble au diplôme impossible à valider d'Euthyphron.

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Message par euthyphron Lun 13 Jan 2014 - 10:38

Je ne me souviens plus de l'argument de la gale dans le Philèbe. En revanche, je n'ai pas oublié le rôle essentiel qu'il joue dans le Gorgias. C'est lui qui va faire taire Calliclès.
La raison en est transparente (le texte est très clair) : il est demandé à l'hédonisme d'assumer l'obsession sexuelle. Une vie heureuse est-elle une vie d'orgasmes permanents?
Si d'ailleurs la réponse affirmative n'est pas vraiment envisagée, c'est qu'elle ne convient ni à Socrate, on s'en doute, ni à Calliclès dont cela détruit toute la dimension essentielle à l'hédonisme de raffinement élitiste.

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Message par poussbois Lun 13 Jan 2014 - 12:03

euthyphron a écrit:
Si d'ailleurs la réponse affirmative n'est pas vraiment envisagée, c'est qu'elle ne convient ni à Socrate, on s'en doute, ni à Calliclès dont cela détruit toute la dimension essentielle à l'hédonisme de raffinement élitiste.

Pas compris.

Le sens de la mesure, l'évitement des passions quelle qu'elles soient semble tout de même une grande constante de la philosophie antique (avec un bémol pour l'amour d'après Socrate, mais on en a parlé sur Phèdre, c'est plus compliqué que ça). J'imagine que l'obsession mathématique qui ferait passer des heures passionnées sur ses tables de calculs n'auraient pas non plus été validée.
Aristippe a écrit:il est vrai que je possède Laîs, mais Laîs ne me possède pas
[...]
Mon enfant, lui dit-il, ce n'est pas d'y entrer [au bordel] dont on doit rougir, mais c'est de n'en pouvoir sortir

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Message par euthyphron Lun 13 Jan 2014 - 12:34

Oui, c'est bien cela, justement.
L'hédonisme répond "non" à la question : "faut-il passer sa vie à rechercher l'orgasme en permanence?". Donc, la voie de recherche de plaisir la plus sûre et la plus intense n'est pas exactement ce qu'il préconise, mais bien plutôt une sorte de culture de soi-même, qui n'est pas forcément à la portée du vulgaire, pour reprendre les mots de Calliclès.
Il faut donc reconnaître que le bien et l'agréable ne sont pas strictement identiques, si la recherche du plaisir identifié au bien implique hiérarchie des plaisirs.
Ou, si tu préfères, il faudra dire que ce qui produit de la jouissance intense n'est pas forcément si agréable que ça, dans le cas de l'addiction par exemple (cf. Aristippe cité par toi). Mais qui décide alors de ce qui est agréable ou pas, si ce n'est plus l'immédiateté du désir?
Quelque chose qui a alors nécessairement à voir avec la sagesse, non?

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Message par poussbois Lun 13 Jan 2014 - 21:41

Oui, ce sont tes contre-arguments qui n'en sont pas vraiment, mais qui dénaturent toute pensée hédoniste : c'est soit une pensée prescriptive, les pousses à jouir de Courtial (insupportable), soit une ascèse (un travail sur soi pour arriver à la libération). J'ai l'impression que c'est beaucoup plus libre que cela, et qu'il n'y a pas grand chose à libérer, mais au contraire à accepter ; bon, tout cela est trop flou et fouilli.
On retombe systématiquement sur ce nœud dont je ne sais pas quoi faire. Je pensais bien connaitre l'hédonisme et ne pas me faire planter facilement sur le sujet, mais là je bloque.
Et tu me proposes toujours la sagesse comme échappatoire. Note que ce n'est que la 3ème roue du char platonicien, c'est un peu humiliant  Philèbe : l'alternative impossible - Page 2 3438808084 Mais, bon, il faut bien commencer par quelque chose pour un scientifique comme moi (qui a donc déjà les "idées vraies" !), avant de passer au beau et enfin à la mesure. Etape par étape, hein !

Non, je bloque à nouveau, mais relire ce livre m'a fait un bien fou. Je retourne à mes lectures.

Amicalement,

L.


Dernière édition par poussbois le Ven 14 Nov 2014 - 2:14, édité 1 fois

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Message par euthyphron Mar 14 Jan 2014 - 15:09

poussbois a écrit:Oui, ce sont tes contre-arguments qui n'en sont pas vraiment
Si je suis parvenu à être fidèle à Platon, ils ne sont pas vraiment des arguments en effet. C'est de la dialectique et non de la rhétorique.
La rhétorique a pour but de faire triompher sa thèse sur la thèse adverse, la dialectique a pour but d'en récupérer tout ce qu'il y a de vrai. Il n'est donc pas étonnant que chaque fois que tu crois avoir trouvé une bonne manière d'être hédoniste, elle se trouve intégrée dans le discours platonicien.
D'ailleurs, en quoi Platon n'est-il pas hédoniste? En ce qu'il admet une hiérarchie des biens fondée sur la distinction entre l'apparent et le réel. C'est la position du sens commun. Ce qui agace éventuellement, c'est qu'il ne se contente pas de l'approuver, mais qu'il essaie de la penser dans toutes ses conséquences.

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Message par poussbois Ven 14 Nov 2014 - 3:51

Pourquoi Platon n'est pas hédoniste ? Mais parce qu'il ne place pas les plaisirs en souverain bien, mais la mesure (dans Philèbe) et qu'il fait partie d'un courant de pensée idéaliste qui est incompatible avec l'hédonisme. Pas avec les plaisirs, puisqu'il faut être précis et éviter toute suspicion de mauvaise lecture.
Qu'il combatte cette école hédoniste via Protarque parce que c'est une pensée tronquée, ou comme école concurrente, je ne sais pas, mais il n’y a pas que de la dialectique dans les livres de Platon. Peu importe, comme déjà dit, ce n’est pas cela le problème, mais plutôt pour moi de comprendre les implications de ces prises de parties.

Comme je suis un parent attentif, j’amène mes enfants à des activités récréatives et formatrices, en l’occurrence du hip-hop ce qui me permet de faire quelques économies : en une seule activité, ils font une activité physique ET artistique. Mais comme c’est loin et que ça ne dure qu’une heure, j’ai le temps de m’endormir dans la voiture sur quelques livres qui m’ont suivi sous les tropiques, et je suis tombé ce soir sur un passage intéressant de l’Utilitarisme de J. S. Mill :

J. S. Mill a écrit:Selon le principe du plus grand bonheur, tel qu’il vient d’être exposé, la fin dernière pour laquelle et par laquelle toutes les autres choses sont désirables (que nous considérions notre propre bio ou celui des autres) est une existence aussi exempte que possible de douleurs, aussi riche que possible ne jouissances, envisagées du double point de vue de la quantité et de la qualité ; et la pierre de touche de la qualité, la règle  qui permet de l’apprécier en l’opposant à la quantité, c’est la préférence affirmée par les hommes qui, en raison des occasions fournies par leur expérience, en raison aussi de l’habitude qu’ils ont de la prise de conscience et de l’introspection sont les mieux pourvus de moyens de comparaison. […] La morale peut donc être définie comme l’ensemble des règles et des préceptes qui s’appliquent à la condition humaine et par l’observation desquels une existence telle qu’on vient de la décrire pourrait être assurée dans la plus large mesure possible, à tous les hommes ; et pas seulement à eux, mais autant que la nature des choses le comporte, à tous les êtres sentant de la création.

Mill essaye de contourner cet obstacle de la prescription en avançant l’idée du suffrage, du verdict. Il y a des plaisirs simples amenant à la satisfaction [content], et des plaisirs plus élevés amenant au bonheur [happiness]. Et pour faire la part des choses et dépasser l’approche strictement quantitative de Bentham (tout préjugé mis à part, le jeu de push-pin est de valeur égale avec les arts et sciences de la musique et de la poésie), il met en place un référentiel commun permettant de distinguer les plaisirs simples des plaisirs plus élevés, et donc permettant de se rapprocher au mieux de ce souverain bien. Ce référentiel se basera sur le retour d’expérience et l’avis majoritaire de ceux qui ont accès à l’ensemble des plaisirs et qui promeuvent les plaisirs les plus hauts : le verdict permet de définir ce qui est élevé, le suffrage permet de retenir l’avis dominant.

Au final, très démocratique comme approche et pas tout à fait étrangère à notre propre fonctionnement notamment de l’école républicaine.

Le contre-argument évident, c’est que quelqu’un qui aurait une notion du plaisir différent de l’esprit dominant ne pourrait pas participer à se bonheur utilitariste, mais n’est-ce pas là le contre-argument pour toutes  les philosophies prescriptives, toutes celles qui parlent d’impératif catégorique ?

La grande invention de l’hédonisme, c’est de proposer une économie de son souverain bien : on n’est pas heureux tout le temps, mais on peut chercher à l’être souvent, notamment en évitant les sources de déplaisirs. De plus, tous les plaisirs ne se valent pas et il y a une éducation à mettre en œuvre pour apprendre à domestiquer nos envies.
Enfin, pourquoi se baser sur ce bonheur comme souverain bien ? Tout simplement parce qu’on arrive à voir en imagerie médicale quelles sont les aires cérébrales du contentement, du plaisir, mais qu’on ne visualise toujours pas l’aire d’excitation de la vertu. Le plaisir de jouir reste donc le principe primordial, notre moteur, qu’on le trouve dans la mesure (Platon), dans l’excès et la démesure (Nietzsche), dans la souffrance (S. Masoch), dans la renonciation (Goethe), etc.
Pour ce dernier, c’est le lien parfait entre l’hédoniste matérialiste et l’idéalisme transcendantal : « Ce n’est que par la Renonciation qu’on peut dire à proprement parlé que la vie commence », sous entendus, la jouissance sera apportée par la renonciation de notre immanence pour accéder à la transcendance.

Dans tout cet idéal transcendantal, il y a une tentative de sublimation des plaisirs. Le risque bien entendu, quand on passe d’une économie immanente à un impératif catégorique idéal, c’est la frustration de ne pas aboutir. Or, l’hédonisme intègre dans sa pensée économique et dans son éducation cette frustration de ne pouvoir jouir non-stop.


Au final, je pense sincèrement que l’hédonisme n’est pas réductible à l’ascèse même s’il en a certaines dimensions, et que sa prescription ne dépasse pas celle des théories idéalistes à partir du moment où on oublie l’individualité du sujet et de ses propres plaisirs et passions. Ce qui est le cas de JS Mill. Alors, il l’oublie sur l’autel du collège d’expert, d’une forme « démocratique » de hiérarchisation des plaisirs, ce qui pourrait paraître être un moindre mal, mais il l’oublie tout de même.  Dans le même temps, on comprend bien que s’il prend en compte cette individualité et pas l’aspect majoritaire, sa philosophie du bonheur du plus grand nombre tombe totalement à l’eau et devient à l’instar d’autre, une idée aux mains pures, mais qui n’a pas de bras. Alors que l’application politique de l’utilitarisme, avec ses références du bonheur majoritaire,  se ressent actuellement dans une bonne partie des pays laïcisés.


Enfin, et c'est un aparté, l'utilitarisme est une des rares pensées qui inclut le bien-être animal dans sa pensée. Sans compter que la défense moderne du droit des femmes et de la parité des sexes fait partie des combats utilitaristes.

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Message par kercoz Ven 14 Nov 2014 - 8:11

Bergame a écrit:Je pense que, d'abord, il faut mieux distinguer entre "plaisir" et "bonheur". Classiquement, le plaisir est la satisfaction d'un besoin ou d'un désir, tandis que le bonheur est un plaisir pérenne, qui dure.

Donc si l'on part du principe que les hommes sont incapables de ressentir un plaisir durable, on a écarté de fait le concept de "bonheur". Et par conséquent, ne reste que le plaisir. Or, je pense que cette réduction, en soi, n'est déjà pas anodine.


Il me semble qu' il faut inverser le concept pour approcher la réalité.
Tout comme il n' y a pas de "Bien" , mais un moindre mal ( négociation sur l' agressivité), il n' existe pas de "plaisir" en tant qu ' objet. S' il existe en tant que ressenti, c'est qu'il comble une attente , un manque. Le plaisir est un moindre déplaisir. C'est un ressenti de satisfaction nécessaire à la survie d' un animal. Tout comme on écarte sa main du feu quand on se brule, on se nourrit pour ne pas périr.D' un coté on arrête la souffrance causée par la flamme , de l' autre celle de l' estomac vide .
C'est la temporalité qui semble séparer le plaisir du bonheur....mais effectivement , il faut passer par la possibilité pour l' individu d' intégrer ces sommes de plaisir-déplaisir pour faire émerger le concept de bonheur .
Un individu dans un environnement aux plaisirs rares ( aux manques fréquents donc) va chercher un environnement de moindre malheur s'il est capable de faire un lien entre les causes et les effets ( changer de lieu ).....S' il n' en est pas capable , ceux de son espèce qui survivent dans l' environnement difficile vont se raréfier , tandis que ceux qui sont nés dans un meilleur endroit vont se multiplier .

Par contre , il faut tenir compte de la notion de "Rigidité comportementale" .Ces concepts plaisir -bonheur sont apparus- se sont formatés durant des millénaires , et plus en référence à un modèle ( groupe-Structure), qu' a l' individu......Le déplacement de ces notions de plaisir bonheur vers d'autres "champs" que celui des besoins physiologiques va faire sortir un tas de trucs du modèle ( ou attracteur) anciennement stabilisé.

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Message par poussbois Ven 14 Nov 2014 - 15:43

C'est tout à fait "Mill-compatible" comme discours. Philèbe : l'alternative impossible - Page 2 2101236583


Une question tout de même, parce que cette histoire de souverain bien commence à me chatouiller un peu tout de même. On peut le voir de deux façons :
- une négative qui est que la recherche d'un souverain bien unique, dans la diversité de nos expériences individuelles va fatalement générer cette prescription dont on voit bien le problème qu'elle pose dans toute philosophie de la liberté.
- une positive qui correspondrait à la recherche du PGCD : l'élément qui reste commun à tous pour évaluer la vie bonne, mais qui réclame alors une bonne dose de déterminisme.

Or, au final, je n'ai pas l'impression que ce soit le problème de Platon. C'est bien une très rapide partie du Philèbe où globalement il explose ses jeunes auditeurs en leur expliquant qu'ils voient trop court. La démonstration du "voir plus loin" est beaucoup plus longue. Cette approche platonicienne du "je prends tout", et je l'organise, le hiérarchise, me parait bien éloigné d'un souverain bien qui peut paraitre alors simpliste et extrêmement réducteur.

Dans le même temps, on ne se refait pas, je suis biologiste et je sais bien que si le déterminisme n'est pas complet, il est tout de même inscrit pour une grande part dans noter biochimie interne. Et les plaisirs sont un moteur extrêmement puissant de ce déterminisme. Cette histoire de PGCD peut de plus créer une communauté, c'est bien ce qu'avait pressenti des utilitaristes comme JS Mill.

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