MARIE-MADELEINE
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MARIE-MADELEINE
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Le récit suivant est parfaitement autobiographique. Seul le nom de la personne en question a été inventé.
C'est de loin mon exercice littéraire préféré...
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MARIE-MADELEINE
C'était au début des années 2000.
Google commençait à faire des ravages dans le business des moteurs de recherche, et l'idée de chercher à savoir ce qu'était devenue Marie-Madeleine me vint tout à coup à l'esprit.
Je taperais son nom et je verrais bien ce que ça donnerait.
Marie-Madeleine, quand j'avais sept ans, je la connaissais déjà depuis toujours. Elle avait sept ans aussi...
Les jours de chaleur, en été, nous faisions voguer des petits bateaux en papier dans la rigole de la rue que le cantonnier inondait pour la nettoyer au balai de broussailles. Oh, il y a longtemps...
Nous grandissions en même temps, presque toujours ensemble. Nous étions voisins.
Nous nous échangions des images d'animaux trouvées dans les emballages de tablette de chocolat. Ou des timbres. Ou des capsules de bouteilles. À la plage, nous bâtissions des châteaux ou sculptions des poissons dans le sable mouillé.
Les heures passaient sans que nous ne nous rendions compte que c'était des semaines, des mois et des années qui lentement s'additionnaient. Huit ans. Neuf ans. Dix ans.
Encore enfants tous les deux, nous allions aux rampes de mise à l'eau des barques du petit port pour lancer des galets en ricochets sur l'eau.
Nos jeux se complexifiaient peu à peu. Ça a été la pêche à la ligne, puis la gymnastique aux agrès de la plage. Et puis aussi la lecture.
Notre tout premier livre, à elle comme à moi, ça a été Don Quichotte, le doigt sur la ligne, suivant en même temps le récit, en lisant à voix haute et en éclatant de rire aux mêmes passages, le saladier-chapeau, Sancho balancé en l'air, etc.
Onze ans. Douze ans. Treize ans.
Dans la fenêtre de Google, je tapai « Marie-Madeleine Bianquis » et appuyai sur Enter. Je ne sais plus si je fus surpris ou si ne le fus pas. Je sais simplement que son nom m'est apparu immédiatement, en haut de la liste, en bleu, et que j'ai cliqué dessus.
Nos jeux se complexifiaient. Un jour, le hasard a voulu que nous nous retrouvions seuls chez elle un après-midi de chaleur. Comment tout s'est enchaîné alors, je ne saurais pas l'expliquer. Nous ne savions rien ni l'un ni l'autre de ce qui nous arrivait et qui nous prenait par surprise elle et moi. Tout s'est enchaîné sans que nous n'ayons un seul instant l'impression de pouvoir y faire quoi que ce soit. L'instinct le plus sauvage nous est carrément tombé sur le corps. Un vertige. Un firmament. Un gouffre. Un ouragan bienheureux. Des myriades d'étoiles au fond des yeux.
Mon ordinateur n'était pas très rapide. Un texte s'est affiché lentement. Au bout de deux ou trois secondes, j'ai vu qu'il y était bien question de ma Marie-Madeleine à moi. Une minuscule image est apparue tout en bas du texte. Je ne voyais pas ce que c'était. La flèche de ma souris s'est transformée en main quand je l'ai placée dessus... J'ai cliqué.
Nous avons eu par la suite quelques fois le même vertige et vu les mêmes étoiles, mais Marie-Madeleine m'a dit un jour que c'était trop dangereux pour elle. Les jeunes filles étaient plus instruites de la vie, plus conscientes des dangers que les jeunes garçons. À cette époque, la pilule n'existait pas. Les préservatifs étaient introuvables. L'avortement était extrêmement dangereux. Le risque était trop grand pour celles qui avaient « fauté », comme on disait à cette époque. Pour une « fille-mère », comme on disait aussi, c'était l'enfer assuré toute la vie. La morale bien pensante régnait de façon tyrannique sur les corps et les esprits.
Nous sommes donc passés aux caresses, à la tendresse et à l'amitié la plus pure qui ait existé de mémoire d'amour courtois.
Mais un jour, nous avions à peu près quinze ans, les adultes sont tous devenus fous.
Il a fallu fuir. Elle a suivi ses parents. J'ai suivi les miens.
Nous ne nous sommes plus jamais revus...
Une photo se construisit lentement sur mon écran. D'abord les boucles de ses cheveux. Puis l'arc de ses sourcils. L'arrondi de ses oreilles. La limpidité de ses yeux. Le galbe de son nez. Le sourire de sa bouche. Un peu de son épaule Et sa gorge devinée.
Comme une aube, une aurore, un rayonnement, un soleil.
Une douceur infinie.
Marie-Madeleine Bianquis (†)
Et, me lacérant les tripes, m'arrachant le cœur, me déchirant le corps, tout à coup, là, sous mes yeux, entre parenthèses, un poignard...
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Le récit suivant est parfaitement autobiographique. Seul le nom de la personne en question a été inventé.
C'est de loin mon exercice littéraire préféré...
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MARIE-MADELEINE
C'était au début des années 2000.
Google commençait à faire des ravages dans le business des moteurs de recherche, et l'idée de chercher à savoir ce qu'était devenue Marie-Madeleine me vint tout à coup à l'esprit.
Je taperais son nom et je verrais bien ce que ça donnerait.
Marie-Madeleine, quand j'avais sept ans, je la connaissais déjà depuis toujours. Elle avait sept ans aussi...
Les jours de chaleur, en été, nous faisions voguer des petits bateaux en papier dans la rigole de la rue que le cantonnier inondait pour la nettoyer au balai de broussailles. Oh, il y a longtemps...
Nous grandissions en même temps, presque toujours ensemble. Nous étions voisins.
Nous nous échangions des images d'animaux trouvées dans les emballages de tablette de chocolat. Ou des timbres. Ou des capsules de bouteilles. À la plage, nous bâtissions des châteaux ou sculptions des poissons dans le sable mouillé.
Les heures passaient sans que nous ne nous rendions compte que c'était des semaines, des mois et des années qui lentement s'additionnaient. Huit ans. Neuf ans. Dix ans.
Encore enfants tous les deux, nous allions aux rampes de mise à l'eau des barques du petit port pour lancer des galets en ricochets sur l'eau.
Nos jeux se complexifiaient peu à peu. Ça a été la pêche à la ligne, puis la gymnastique aux agrès de la plage. Et puis aussi la lecture.
Notre tout premier livre, à elle comme à moi, ça a été Don Quichotte, le doigt sur la ligne, suivant en même temps le récit, en lisant à voix haute et en éclatant de rire aux mêmes passages, le saladier-chapeau, Sancho balancé en l'air, etc.
Onze ans. Douze ans. Treize ans.
Dans la fenêtre de Google, je tapai « Marie-Madeleine Bianquis » et appuyai sur Enter. Je ne sais plus si je fus surpris ou si ne le fus pas. Je sais simplement que son nom m'est apparu immédiatement, en haut de la liste, en bleu, et que j'ai cliqué dessus.
Nos jeux se complexifiaient. Un jour, le hasard a voulu que nous nous retrouvions seuls chez elle un après-midi de chaleur. Comment tout s'est enchaîné alors, je ne saurais pas l'expliquer. Nous ne savions rien ni l'un ni l'autre de ce qui nous arrivait et qui nous prenait par surprise elle et moi. Tout s'est enchaîné sans que nous n'ayons un seul instant l'impression de pouvoir y faire quoi que ce soit. L'instinct le plus sauvage nous est carrément tombé sur le corps. Un vertige. Un firmament. Un gouffre. Un ouragan bienheureux. Des myriades d'étoiles au fond des yeux.
Mon ordinateur n'était pas très rapide. Un texte s'est affiché lentement. Au bout de deux ou trois secondes, j'ai vu qu'il y était bien question de ma Marie-Madeleine à moi. Une minuscule image est apparue tout en bas du texte. Je ne voyais pas ce que c'était. La flèche de ma souris s'est transformée en main quand je l'ai placée dessus... J'ai cliqué.
Nous avons eu par la suite quelques fois le même vertige et vu les mêmes étoiles, mais Marie-Madeleine m'a dit un jour que c'était trop dangereux pour elle. Les jeunes filles étaient plus instruites de la vie, plus conscientes des dangers que les jeunes garçons. À cette époque, la pilule n'existait pas. Les préservatifs étaient introuvables. L'avortement était extrêmement dangereux. Le risque était trop grand pour celles qui avaient « fauté », comme on disait à cette époque. Pour une « fille-mère », comme on disait aussi, c'était l'enfer assuré toute la vie. La morale bien pensante régnait de façon tyrannique sur les corps et les esprits.
Nous sommes donc passés aux caresses, à la tendresse et à l'amitié la plus pure qui ait existé de mémoire d'amour courtois.
Mais un jour, nous avions à peu près quinze ans, les adultes sont tous devenus fous.
Il a fallu fuir. Elle a suivi ses parents. J'ai suivi les miens.
Nous ne nous sommes plus jamais revus...
Une photo se construisit lentement sur mon écran. D'abord les boucles de ses cheveux. Puis l'arc de ses sourcils. L'arrondi de ses oreilles. La limpidité de ses yeux. Le galbe de son nez. Le sourire de sa bouche. Un peu de son épaule Et sa gorge devinée.
Comme une aube, une aurore, un rayonnement, un soleil.
Une douceur infinie.
Marie-Madeleine Bianquis (†)
Et, me lacérant les tripes, m'arrachant le cœur, me déchirant le corps, tout à coup, là, sous mes yeux, entre parenthèses, un poignard...
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Au nom de l'ART, de la SCIENCE et de la PHILOSOPHIE. (Ainsi soit-il.)
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victor.digiorgi- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 23/04/2013
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