Nietzsche, Par-delà Bien et Mal
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Nietzsche, Par-delà Bien et Mal
Ressuscité de Philautarchie
Par-delà Bien et Mal (1886) est un livre riche et assez clair. Il expose certains des grands principes Nietzschéens sans poser beaucoup d'ambiguïtés. Je vais me concentrer ici sur trois chapitres, ceux qui me semblent les plus importants quand à ce que j'aimes à considérer comme le matérialisme de Nietzsche.
Section 1 : Des préjugés des philosophes
Nietzsche n'est pas un philosophe, c'est plutôt un interprète. Il interprète les mouvements de l'homme, ses inclinaisons, pensées, pour débusquer les forces à l'oeuvres, les mouvements véritables qui guident ses actions. C'est ce que Ricoeur appellerait un Herméneute. Nietzsche, va s'interesser en premier lieu à l'activité philosophique, avec comme ennemi premier : Kant.
Qu'est-ce donc que cette volonté des philosophes de rechercher la vérité ? De rechercher un ordre, une chose en soi ? Un inconditionné ? Et d'ailleurs, pourquoi une chose en soi ? Pourquoi l'apparence aurait-elle moins de valeur, pourquoi le sensible serait haïssable ? Cet héritage platonicien d'une recherche d'un absolu, d'un anhypothètique en dehors du monde est en vérité une crainte, une crainte de la vie. Le philosophe est timide et vulnérable, et cherche alors à se rendre seigneur et maître de l'existence.
Le philosophe est un tyran. Un tyran qui transforme le monde à son image, à ses propos. L'activité philosophique est mûe par une pulsion tyrannique. Au final, l'Idée triomphe sur les sens. Or la philosophie, et la science elle-même, la physique, sont des arrangements. L'homme ne pourrait peut-être pas vivre sans ces arragements, sans écraser le monde, la vie. Le savant projette des signes et chosifie les formules. Ce besoin de vérité est faiblesse. Ce besoin de chosification est leurre. Le savant mobilise ses forces au service de sa survie.
Bref, sous l'action, sous l'intention se cache des forces, des inclinaisons qu'il faut aller débusquer, non sans une certaine cruauté. Car il faut être cruel pour aller creuser là où ça fait mal, là où les hommes placent leur foi, leurs idoles. Et pourtant, c'est la philosophie de l'avenir.
Section 2 : L'esprit libre
Ce sont des hommes du rire, du gai savoir, des rustres mêmes, qui ne vont surtout pas se laver les mains avant de parcourir les textes sacrés.
Le christianisme est en effet une cible de choix pour les doigts de Nietzsche. Il trouve suspect les préceptes religieux. Il faut se méfier de ces "dons de soi", de ces bon sentiments qui veulent le bonheur de l'autre, de ces sacrifices pour le prochain. Il faut convoquer au tribunal ces actions "chrétiennes" et les faire parler pour qu'elles révèlent leur méchanceté, leur tyrannie, leur esclavagisme.
Finalement, il me semble que la pensée de Nietzsche est bel et bien un matérialisme : Les actions, les valeurs de Bien et de Mal, sont en dernier recours régies par des mouvements profonds, des enchêvetrements de désirs, de passions. Ce sont des forces qui veulent leur expansion ou la maîtrise des autres qui sont à l'origine des formations morales de Christianisme. Le §36 est assez clair là dessus, et suffit à lui seul à valider le Nietzsche de Deleuze : pulsions, désirs et passions ne sont que des ramifications de l'élan profond qu'est la Volonté de Puissance.
Bref, les formations culturelles, religieuses, la pensée et actions sont finalement des effets des ensembles économiques que sont les forces à l'oeuvre.
Qu'est-ce qu'être libre alors ? Qu'est-ce qu'être fort ? Si l'emprise sur le monde vient subvertir la volonté de puissance, alors il faut se rendre indépendant, libre. Indépendant des autres, des jugements moraux, des préceptes unananimes. ll faut se détacher, se rendre irresponsable, se débarasser de ce qui pèse. Il faut se laisser renverser, ne pas tenter de se protéger, de protéger son bien, ses valeurs. Le philosophe ne doit point être "ami de la sagesse", mais bien au contraire, un point d'interrogation dangereux. Mais c'est une rude tâche, car l'Église s'est acharnée à répandre son venin, à rendre haïssable cet homme.
Section 9 : Qu'est-ce qui est noble ?
Par ce "matérialisme énergétique", Nietzsche entreprend une histoire de la civilisation, et par l'opposition de deux figures : le maître et l'esclave. Deux figures qui parfois se juxtaposent, ou se retrouvent même toutes deux dans un même homme.
Le maître est un fort, un barbare. Un barbare qui tend à l'expansion, à la domination. Il se jette sur le pacifique, le faible, l'homme qui s'occupe du bétail, du commerce. Sa volonté de domination s'abbat sur l'homme qui se prête volontier à l'esclavagisme.
Le privilège des forts, c'est de pouvoir créer les valeurs, la morale. Ce qui est nuisible pour le fort est nuisible en soi. La violence, l'oisiveté, sont alors réprimés, condamnés. Le maître parfois, aide le faible, prenant par ailleurs un plaisir certain dans la démonstration de sa puissance. Le maître se trouve volontier des ennemis, qui lui serviront à éconduire son hostilité (finalements, ses ennemis sont bien utiles). Par la religion, et surtout, par les dogmes religieux, les maîtres viennent assujettir le peuple, le troupeau. La morale condamne l'oisiveté, le laisser-aller et la légèreté. Elle chante le don de soi, le sacrifice, au final, la souffrance.
Le faible, quant à lui, se vautre dans une morale de l'utilitarisme (ce qui est bien est ce qui est utile et agréable). Le faible craint le danger, la violence, l'instabilité. On loue le jêune, l'abstinence, la domination de soi : bref on condamne fermement la vie, l'affect. On clâme les méfaits de la passion pour les vertues de la raison (on fait d'ailleurs grand cas de la raison).
L'image de l'homme "bon" véhiculée est un homme simple, voire naïf, en tout cas qui ne cherche pas à ruser l'autre. Pour se réconforter, le faible va croire que le bonheur du maître est inauthentique, factice, et que le vrai bonheur se prend dans les petites choses, les choses simples... Et le faible va même jusqu'à glorifier sa souffrance, affichant une certaine arrogance : la souffrance profonde rend noble, laisse à penser que l'on a traversé des terres réservées aux élus.
Bref, par les mouvements des forces, des instincts, Nietzsche entreprend une "géologie" de l'ordre social. Il inspecte les strates et met à jour leur économie énergétique. Nietzsche se place résolument par-delà bien et mal.
Par-delà Bien et Mal (1886) est un livre riche et assez clair. Il expose certains des grands principes Nietzschéens sans poser beaucoup d'ambiguïtés. Je vais me concentrer ici sur trois chapitres, ceux qui me semblent les plus importants quand à ce que j'aimes à considérer comme le matérialisme de Nietzsche.
Section 1 : Des préjugés des philosophes
Nietzsche n'est pas un philosophe, c'est plutôt un interprète. Il interprète les mouvements de l'homme, ses inclinaisons, pensées, pour débusquer les forces à l'oeuvres, les mouvements véritables qui guident ses actions. C'est ce que Ricoeur appellerait un Herméneute. Nietzsche, va s'interesser en premier lieu à l'activité philosophique, avec comme ennemi premier : Kant.
Qu'est-ce donc que cette volonté des philosophes de rechercher la vérité ? De rechercher un ordre, une chose en soi ? Un inconditionné ? Et d'ailleurs, pourquoi une chose en soi ? Pourquoi l'apparence aurait-elle moins de valeur, pourquoi le sensible serait haïssable ? Cet héritage platonicien d'une recherche d'un absolu, d'un anhypothètique en dehors du monde est en vérité une crainte, une crainte de la vie. Le philosophe est timide et vulnérable, et cherche alors à se rendre seigneur et maître de l'existence.
Le philosophe est un tyran. Un tyran qui transforme le monde à son image, à ses propos. L'activité philosophique est mûe par une pulsion tyrannique. Au final, l'Idée triomphe sur les sens. Or la philosophie, et la science elle-même, la physique, sont des arrangements. L'homme ne pourrait peut-être pas vivre sans ces arragements, sans écraser le monde, la vie. Le savant projette des signes et chosifie les formules. Ce besoin de vérité est faiblesse. Ce besoin de chosification est leurre. Le savant mobilise ses forces au service de sa survie.
Bref, sous l'action, sous l'intention se cache des forces, des inclinaisons qu'il faut aller débusquer, non sans une certaine cruauté. Car il faut être cruel pour aller creuser là où ça fait mal, là où les hommes placent leur foi, leurs idoles. Et pourtant, c'est la philosophie de l'avenir.
Section 2 : L'esprit libre
- Qu'est-ce donc que ces philosophes de l'avenir ? Assurément pas des dogmatiques, mais des hommes du vrai, c'est-à-dire, des hommes qui embrassent les gestes, propos et actions des hommes pour en retirer leur motifs cachés, leurs intentions secrètes.
L'objection, l'écart, la gaie méfiance, le sarcasme sont signes de santé : tout inconditionné relève de la pathologie.
Nietzsche, Par-delà Bien et Mal, Aphorisme 154
Ce sont des hommes du rire, du gai savoir, des rustres mêmes, qui ne vont surtout pas se laver les mains avant de parcourir les textes sacrés.
Le christianisme est en effet une cible de choix pour les doigts de Nietzsche. Il trouve suspect les préceptes religieux. Il faut se méfier de ces "dons de soi", de ces bon sentiments qui veulent le bonheur de l'autre, de ces sacrifices pour le prochain. Il faut convoquer au tribunal ces actions "chrétiennes" et les faire parler pour qu'elles révèlent leur méchanceté, leur tyrannie, leur esclavagisme.
Finalement, il me semble que la pensée de Nietzsche est bel et bien un matérialisme : Les actions, les valeurs de Bien et de Mal, sont en dernier recours régies par des mouvements profonds, des enchêvetrements de désirs, de passions. Ce sont des forces qui veulent leur expansion ou la maîtrise des autres qui sont à l'origine des formations morales de Christianisme. Le §36 est assez clair là dessus, et suffit à lui seul à valider le Nietzsche de Deleuze : pulsions, désirs et passions ne sont que des ramifications de l'élan profond qu'est la Volonté de Puissance.
- Originairement est la Volonté de Puissance, élan, force première. Cette force va par la suite se ramifier, se fragmenter, emprunter diverses formes, divers chemins. D'ailleurs, en véritable précurseur de Freud, Nietzsche déclare :
Le degré et la nature de la sexualité d'un être humain s'étendent jusq'au sommet ultime de son esprit.
NIETZSCHE, Par-delà Bien et Mal, Aphorisme 75
Bref, les formations culturelles, religieuses, la pensée et actions sont finalement des effets des ensembles économiques que sont les forces à l'oeuvre.
Qu'est-ce qu'être libre alors ? Qu'est-ce qu'être fort ? Si l'emprise sur le monde vient subvertir la volonté de puissance, alors il faut se rendre indépendant, libre. Indépendant des autres, des jugements moraux, des préceptes unananimes. ll faut se détacher, se rendre irresponsable, se débarasser de ce qui pèse. Il faut se laisser renverser, ne pas tenter de se protéger, de protéger son bien, ses valeurs. Le philosophe ne doit point être "ami de la sagesse", mais bien au contraire, un point d'interrogation dangereux. Mais c'est une rude tâche, car l'Église s'est acharnée à répandre son venin, à rendre haïssable cet homme.
Section 9 : Qu'est-ce qui est noble ?
Par ce "matérialisme énergétique", Nietzsche entreprend une histoire de la civilisation, et par l'opposition de deux figures : le maître et l'esclave. Deux figures qui parfois se juxtaposent, ou se retrouvent même toutes deux dans un même homme.
Le maître est un fort, un barbare. Un barbare qui tend à l'expansion, à la domination. Il se jette sur le pacifique, le faible, l'homme qui s'occupe du bétail, du commerce. Sa volonté de domination s'abbat sur l'homme qui se prête volontier à l'esclavagisme.
Le privilège des forts, c'est de pouvoir créer les valeurs, la morale. Ce qui est nuisible pour le fort est nuisible en soi. La violence, l'oisiveté, sont alors réprimés, condamnés. Le maître parfois, aide le faible, prenant par ailleurs un plaisir certain dans la démonstration de sa puissance. Le maître se trouve volontier des ennemis, qui lui serviront à éconduire son hostilité (finalements, ses ennemis sont bien utiles). Par la religion, et surtout, par les dogmes religieux, les maîtres viennent assujettir le peuple, le troupeau. La morale condamne l'oisiveté, le laisser-aller et la légèreté. Elle chante le don de soi, le sacrifice, au final, la souffrance.
Le faible, quant à lui, se vautre dans une morale de l'utilitarisme (ce qui est bien est ce qui est utile et agréable). Le faible craint le danger, la violence, l'instabilité. On loue le jêune, l'abstinence, la domination de soi : bref on condamne fermement la vie, l'affect. On clâme les méfaits de la passion pour les vertues de la raison (on fait d'ailleurs grand cas de la raison).
L'image de l'homme "bon" véhiculée est un homme simple, voire naïf, en tout cas qui ne cherche pas à ruser l'autre. Pour se réconforter, le faible va croire que le bonheur du maître est inauthentique, factice, et que le vrai bonheur se prend dans les petites choses, les choses simples... Et le faible va même jusqu'à glorifier sa souffrance, affichant une certaine arrogance : la souffrance profonde rend noble, laisse à penser que l'on a traversé des terres réservées aux élus.
Bref, par les mouvements des forces, des instincts, Nietzsche entreprend une "géologie" de l'ordre social. Il inspecte les strates et met à jour leur économie énergétique. Nietzsche se place résolument par-delà bien et mal.
Bergame- Persona
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Date d'inscription : 03/09/2007
Re: Nietzsche, Par-delà Bien et Mal
Oui ou bien c'est encore plus précisément quelqu'un qui a des prétentions scientifiques sur la base de sa science d'apprentissage et de métier qui est la philologie. On a envie de dire "interprète" alors et ce n'est pas faux mais il faut savoir que la distinction des sciences naturelles, dures ou exactes, et des sciences humaines, molles ou interprétatives est aujourd'hui relativement caduque dans les milieux des science studies qui démontrent par ailleurs à quel point les sciences se mélangent aux sociétés, aux économies et aux politiques (en somme c'est un peu l'anti-Bourdieu par l'intrication des champs dans des réseaux d'acteurs et d'objets) : tout est interprétation et on voit mal en quoi la ou les philosophies y échapperaient.Bergame a écrit:Nietzsche n'est pas un philosophe, c'est plutôt un interprète.
Dans son obsession de la méthode Nietzsche fait acte scientifique même s'il semble anarchique à travers son style fragmentaire en paragaphes et aphorismes, et au final il donne à lire les résultats d'une méthode structurale en Histoire des sensibilités ou si l'on préfère En Matière de moeurs. Structuralement il élabore un espace polarisé sans le dire ou bien en l'évoquant presque sur le mode de l'anecdote (comme si cela ne polarisait pas l'ensemble de son intelligence des choses alors que si) c'est ainsi que dans Par-delà bien et mal nous avons droit au fameux paragraphe 260 articulant les pôles maître/esclave, noble/vil, sans que jamais ces termes soient supperposables puisqu'on lit dans Ainsi parlait Zarathoustra que la révolte est la noblesse de l'esclave (esclave<->noble).
Avec des items comme fort/faible, libre/serf, gentil/méchant, bon/mauvais, etc. Nietzsche élabore en fait un graphique à bien plus que trois dimensions (ici nous avons X : maître/esclave, Y : noble/vil, Z : fort/faible, A : libre/serf, B : gentil/méchant, C : bon/mauvais, D : etc.) c'est-à-dire que Nietzsche élabore une structure en polyèdre à travers tous ses ouvrages, et au final il accouche bien d'un esprit de système quoiqu'il s'en défende comme le chat craint l'eau sans pouvoir éviter de la subir parfois.
A ce point c'est très difficile de dire qu'il n'est pas un philosophe du coup, puisque tous les philosophes ne font pas autre chose qu'appliquer une systématisation méthodique (a minima logique) dans leurs propos, même si leurs propos sont parfois contestables et contestés en termes de cohérence (principe de non-contradiction et évidence d'appariement d'un item l'autre) ou bien en termes de prégnance (validité, viabilité, vérité ou réalité de leurs teneurs).
Cette affirmation est follement téméraire, d'une part il faut préciser que le rire en question n'est pas n'importe quel rire mais "le rire d'or" dionysiaque qui n'est pas un rire ironique par exemple (socratique), etc. En fait il semble que "le rire d'or" soit un rire de décharge totale devant la cruauté, l'incongruité et l'irréductibilité des choses.Bergame a écrit:Ce sont des hommes du rire, du gai savoir, des rustres mêmes, qui ne vont surtout pas se laver les mains avant de parcourir les textes sacrés.
Ensuite il faudrait vraiment s'entendre sur la signification de ce "gai savoir" qui à ce qu'il me semble est une véritable façon de ne pas se prendre au sérieux tout en faisant preuve de soin passionné dans la démarche (sans quoi l'intelligence nietzschéenne ne donnerait pas à lire structuralement un tel polyèdre graphique à caractère scientifique d'interprétation) certes à mettre en relation avec le rire dans un sens d'autodérision (décharge totale devant nos propres cruauté, incongruité et irréductibilité).
Enfin dire que l'esprit libre est un "rustre qui ne se lave pas les mains devant les textes sacrés" est tout simplement faux puisque Nietzsche parle régulièrement des dommages causés par l'irrespect et les bassesses dans la prise en compte d'un texte tel que la Bible dont l'intérêt socioculturel était au moins d'apprendre la pudeur et la délicatesse aux vulgaires (dixit).
Certainement elle n'est pas un idéalisme mais dire qu'elle est un matérialisme est trop téméraire car le structuralisme de fond est à tout prendre un immatérialisme, éventuellement énergétique mais uniquement dans la mesure où les différents pôles en tension font circuler des valeurs en "électromagnétisme"? Mais ça reste métaphorique Nietzsche le premier en était conscient dès son texte intitulé Vérité et mensonge au sens extramoral dès 1873 :Bergame a écrit:Finalement, il me semble que la pensée de Nietzsche est bel et bien un matérialisme
On voit là très bien la constance du nietzschéisme dans le temps depuis ses premiers essais jusqu'à sa maturité dans Par-delà bien et mal dont un des problèmes essentiels à mon avis oublié dans ce topic c'est la provenance morale de l'instinct de vérité : on veut le vrai par peur d'être trompé et de se tromper selon Nietzsche et c'est en comprenant progressivement cela qu'on est sur la voie de la liberté d'esprit avant tout dans le nietzschéisme, c'est-à-dire en voie d'affaiblissement social dans la mesure où le nombre ou la masse tient d'arrache-pied à la vérité ou au moins "ses quatre vérités".Qu’est-ce qu’un mot ? La représentation sonore d’une excitation nerveuse. Mais conclure d’une excitation nerveuse à une cause extérieure à nous, c’est déjà le résultat d’une application fausse et injustifiée du principe de raison. Comment aurions-nous le droit, si la vérité avait été seule déterminante dans la genèse du langage, et le point de vue de la certitude dans les désignations, comment aurions-nous donc le droit de dire : la pierre est dure – comme si « dure » nous était encore connu autrement et pas seulement comme une excitation toute subjective ! Nous classons les choses selon les genres, nous désignons l’arbre comme masculin, la plante comme féminine : quelles transpositions arbitraires ! Combien nous nous sommes éloignés à tire-d’aile du canon de la certitude ! Nous parlons d’un « serpent » : la désignation n’atteint rien que le mouvement de torsion et pourrait donc convenir aussi au ver. Quelles délimitations arbitraires ! Quelles préférences partiales tantôt de telle propriété d’une chose, tantôt de telle autre ! Comparées entre elles, les différentes langues montrent qu’on ne parvient jamais par les mots à la vérité, ni à une expression adéquate : sans cela, il n’y aurait pas de si nombreuses langues. La « chose en soi » (ce serait justement la pure vérité sans conséquences), même pour celui qui façonne la langue, est complètement insaisissable et ne vaut pas les efforts qu’elle exigerait. Il désigne seulement les relations des choses aux hommes et s’aide pour leur expression des métaphores les plus hardies. Transposer d’abord une excitation nerveuse en une image ! Première métaphore. L’image à nouveau transformée en un son articulé ! Deuxième métaphore. Et chaque fois saut complet d’une sphère dans une sphère tout autre et nouvelle. On peut s’imaginer un homme qui soit totalement sourd et qui n’ait jamais eu une sensation sonore ni musicale : de même qu’il s’étonne des figures acoustiques de Chiadni dans le sable, trouve leur cause dans le tremblement des cordes et jurera ensuite là-dessus qu’il doit maintenant savoir ce que les hommes appellent le « son », ainsi en est-il pour nous tous du langage. Nous croyons savoir quelque chose des choses elles-mêmes quand nous parlons d’arbres, de couleurs, de neige et de fleurs, et nous ne possédons cependant rien que des métaphores des choses, qui ne correspondent pas du tout aux entités originelles. Comme le son en tant que figure de sable, l’X énigmatique de la chose en soi est prise, une fois comme excitation nerveuse, ensuite comme image, enfin comme son articulé. Ce n’est en tout cas pas logiquement que procède la naissance du langage et tout le matériel à l’intérieur duquel et avec lequel l’homme de la vérité, le savant, le philosophe, travaille et construit par la suite, s’il ne provient pas de Coucou-les-nuages, ne provient pas non plus en tout cas de l’essence des choses.
Pensons encore en particulier à la formation des concepts. Tout mot devient immédiatement concept par le fait qu’il ne doit pas servir justement pour l’expérience originale, unique, absolument individualisée, à laquelle il doit sa naissance, c’est-à-dire comme souvenir, mais qu’il doit servir en même temps pour des expériences innombrables, plus ou moins analogues, c’est-à-dire, à strictement parler, jamais identiques et ne doit donc convenir qu’à des cas différents. Tout concept naît de l’identification du non-identique. Aussi certainement qu’une feuille n’est jamais tout à fait identique à une autre, aussi certainement le concept feuille a été formé grâce à l’abandon délibéré de ces différences individuelles, grâce à un oubli des caractéristiques, et il éveille alors la représentation, comme s’il y avait dans la nature, en dehors des feuilles, quelque chose qui serait « la feuille », une sorte de forme originelle selon laquelle toutes les feuilles seraient tissées, dessinées, cernées, colorées, crêpées, peintes, mais par des mains malhabiles au point qu’aucun exemplaire n’aurait été réussi correctement et sûrement comme la copie fidèle de la forme originelle.
Nous appelons un homme « honnête » pourquoi a-t-il agi aujourd’hui si honnêtement ? demandons-nous Nous avons coutume de répondre à cause de son honnêteté. L’honnêteté ! Cela signifie à nouveau la feuille est la cause des feuilles ? Nous ne savons absolument rien quant à une qualité essentielle qui s’appellerait « l’honnêteté », mais nous connaissons bien des actions nombreuses, individualisées, et par conséquent différentes, que nous posons comme identiques grâce à l’abandon du différent et désignons maintenant comme des actions honnêtes : en dernier lieu nous formulons à partir d’elles une « qualitas occulta » avec le nom : « l’honnêteté ».
L’omission de l’individuel et du réel nous donne le concept comme elle nous donne aussi la forme, là où au contraire la nature ne connaît ni formes ni concepts, donc, pas non plus de genres, mais seulement un X, pour nous inaccessible et indéfinissable. Car notre antithèse de l’individu et du genre est aussi anthropomorphique et ne provient pas de l’essence des choses, même si nous ne nous hasardons pas non plus à dire qu’elle ne lui correspond pas : ce qui serait une affirmation dogmatique et, an tant que telle, aussi juste que sa contraire.
Qu’est-ce donc que la vérité ? Une multitude mouvante de métaphores, de métonymies, d’anthropomorphismes, bref, une somme de relations humaines qui ont été poétiquement et rhétoriquement faussées, transposées, ornées, et qui, après un long usage, semblent à un peuple fermes, canoniales et contraignantes : les vérités sont les illusions dont on a oublié qu’elles le sont, des métaphores qui ont été usées et qui ont perdu leur force sensible, des pièces de monnaie qui ont perdu leur empreinte et qui entrent dès lors en considération, non plus comme pièces de monnaie, mais comme métal.
Nous ne savons toujours pas encore d’où vient l’instinct de vérité
Cette démarche paradoxale (contre la doxa) fait bien de Nietzsche un philosophe dans la stricte veine platonicienne encore que sa remise en cause de "la vérité" au nom d'une vérité supérieure pourtant (la vérité comme instinct moral) le fait antiplatonicien (on n'échappe pas à une version des choses que l'on estime fiable Nietzsche pas plus qu'un autre apparemment, c'est le perspectivisme).
On voit bien que la juxtaposition d'équivalence de ces deux questions est finalement mauvaise puisque la liberté d'esprit est une faiblesse sociale, quoiqu'elle soit une force spirituelle.Bergame a écrit:Qu'est-ce qu'être libre alors ? Qu'est-ce qu'être fort ?
Dans son structuralisme spécifique le nietzschéisme est un spectre de ce qu'on appelle en science aujourd'hui un réalisme structurel, à savoir qu'il faut bien toujours relier l'objet dont on parle au réseau dans lequel il est pris et sans lequel il perd toute signification et même substance (en-soi), car il n'y a pas de signification absolue dont on pourrait produire la preuve bien que nous vivions habituellement comme si des significations absolues existaient et que c'est probablement en ce sens que l'illusion est vitale chez Nietzsche (procéduralement chacun doit inévitablement voir midi à sa porte, c'est le perspectivisme).
Invité- Invité
Re: Nietzsche, Par-delà Bien et Mal
Faiblesse sociale et affaiblissante pour le groupe.Szyl a écrit:On voit bien que la juxtaposition d'équivalence de ces deux questions est finalement mauvaise puisque la liberté d'esprit est une faiblesse sociale, quoiqu'elle soit une force spirituelle.Bergame a écrit:Qu'est-ce qu'être libre alors ? Qu'est-ce qu'être fort ?
J' aime bien cette réponse à qu'est ce qu' être libre : Avoir personne qui ne dépende de soi. C'est l' inversion du maitre-esclave.
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TIMSHEL
kercoz- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 4784
Date d'inscription : 01/07/2014
Re: Nietzsche, Par-delà Bien et Mal
Oui mais ce n'est pas aussi unilatéral puisque ça dépend des perspectives, par exemple un groupe de marginaux pourra provisoirement reconnaître la liberté d'esprit comme une force spirituelle et la valoriser comme telle en l'intégrant mais bientôt il faudrait procéder à des alignements pour tenir ensemble, ou bien encore un groupe fort peut avoir entre ses coutumes des modes de reconnaissance de la liberté d'esprit à travers certaines fonctions ou certains statuts tels que le medecine-man, le fou, le prophète, l'intellectuel, etc. à condition que l'esprit libre comprenne devoir jouer ce jeu-là et pratique néanmoins une forme de conformisme du coup. On peut parfaitement concevoir qu'un groupe fort soit prêt à intégrer l'altérité radicale dans la mesure où il en perçoit l'intérêt, par exemple l'universalisme français qui peut en toute arrogance se vanter d'être généreux avec le Quart-Monde (l'exemple est un peu foireux parce que le Quart-Monde n'est pas en soi "libre d'esprit" il faudrait que des ressortissants le soient, mais l'immigration choisie aux USA ou au Canada rentre parfaitement dans ce cadre, ce qu'on appela le brain drain et encore qu'il procède dans certains termes spécifiques de valeurs restreignant les marges de liberté d'esprit, enfin quoiqu'il en soit c'est reconnu) mais ce qui est sûr c'est qu'un groupe fort et intégrateur peut en frimer et que selon le "structuralisme nietzschéen" sans cette possibilité de frime (à commencer par l'amour-propre dans ce qu'il a de plus retors Ainsi parlait Zarathoustra m'en soit témoin) il n'y aurait probablement pas de velléité intégratrice.kercoz a écrit:Faiblesse sociale et affaiblissante pour le groupe.
Ca fait écho au topic initial qui continue par dire après ma citation des deux questions que tu as reprises:kercoz a écrit:J' aime bien cette réponse à qu'est ce qu' être libre : Avoir personne qui ne dépende de soi. C'est l' inversion du maitre-esclave.
Il y a de l'idée mais c'est beaucoup trop dire quand même jusqu'à la distorsion et la caricature quand ça dit qu'il faut se rendre irresponsable car ce n'est pas vrai, ce n'est pas cela. Concrètement Nietzsche est déterministe comme est fataliste le Jacques de Denis Diderot dans Jacques le Fataliste et son maître : c'est un fatalisme joyeusement léger car déduisant son irresponsabilité de la fatalité du devenir c'est certain, car c'est "l'innocence du devenir" qui rend soi-même innocent jusque dans la plus terrible cruauté psychopathique (voire surtout psychopathique en ce qu'elle s'explique par un déterminisme maladif) dépourvue de tout remords. D'ailleurs il y a beaucoup de films contemporains qui présentent des figures psychopathiques à gueules d'ange, emblématiquement Dexter mais le fameux Hannibal Lecter est tout aussi fascinant dans sa pure et simple beauté de bête de proie raffinée : Dexter ou Lecter sont tout simplement fascinants et à leur propos, pour ceux qui ont le temps, je conseille la chaîne YouTube dénommée le PsyLab animée par des psychiatres dans leurs loisirs. Dans l'ensemble cela ne rend pas incompréhensible l'envie de qualifier le nietzschéisme de "matérialisme énergétique" puisque la philosophie des Lumières encensée par Nietzsche est extrêmement matérialiste chez Denis Diderot et son fatalisme joyeusement léger déduisant donc son irresponsabilité de la fatalité du devenir, "l'innocence du devenir" donc.Bergame a écrit:Si l'emprise sur le monde vient subvertir la volonté de puissance, alors il faut se rendre indépendant, libre. Indépendant des autres, des jugements moraux, des préceptes unananimes. ll faut se détacher, se rendre irresponsable, se débarasser de ce qui pèse. Il faut se laisser renverser, ne pas tenter de se protéger, de protéger son bien, ses valeurs. Le philosophe ne doit point être "ami de la sagesse", mais bien au contraire, un point d'interrogation dangereux. Mais c'est une rude tâche, car l'Église s'est acharnée à répandre son venin, à rendre haïssable cet homme.
Seulement voilà il y a un écart entre "se sentir métaphysiquement irresponsable" (Nietzsche en est là) et "se déresponsabiliser de tout dans la vie" (Nietzsche n'en est pas là) car ce deuxième point reviendrait tout simplement à devenir un dernier homme qui se vautre dans une idée du bonheur et un bonheur qu'il prétendrait avoir enfin inventés après les siècles passés comme s'il en était l'aboutissement (a minima un peu comme Vanleers récemment sur le topic Aristocrate ! - Nietzsche, philosophie politique prétend pouvoir opposer à la grande politique nietzschéenne ce qu'il a lui-même appelé "belle politique", et a maxima comme par exemple les hippies ou les punks probablement).
Il y a des tas d'exemples chez Nietzsche où précisément il s'agit de prendre son courage à deux mains et se doter d'un but supérieur à commencer par tendre vers le surhumain dans le prologue d'Ainsi parlait Zarathoustra largement illustré par le chapitre De l'Homme supérieur dans le quatrième livre :
Tout cela demande une extrême gaillardise or le mot gailhard désigne d'ailleurs en occitan quelqu'un de sain, vigoureux, en bonne santé, ce qui réfère à la grande santé nietzschéenne en plus de son intérêt pour les poètes provençaux et la langue française. Mais bref c'est "une grande, très grand responsabilité" malgré l'irresponsabilité métaphysique et en fait ce serait même à cause de l'irresponsabilité métaphysique qu'il est permis de s'adonner "enfin" à de telles prises de responsabilités à ce qu'il me semble de l'idée nietzschéenne, là aussi il y a structure irresponsabilité métaphysique/grande responsabilité vers le surhumain, qui reprend à son compte sans sentiment de tristesse dramatique le mot de Fiodor Dostoïevski dans la bouche de Kirilov (Les Démons) :1.Lorsque je vins pour la première fois parmi les hommes, je fis la folie du solitaire, la grande folie : je me mis sur la place publique.
Et comme je parlais à tous, je ne parlais à personne. Mais le soir des danseurs de corde et des cadavres étaient mes compagnons ; et j’étais moi-même presque un cadavre.
Mais, avec le nouveau matin, une nouvelle vérité vint vers moi : alors j’appris à dire : « Que m’importe la place publique et la populace, le bruit de la populace et les longues oreilles de la populace ! »
Hommes supérieurs, apprenez de moi ceci : sur la place publique personne ne croit à l’homme supérieur. Et si vous voulez parler sur la place publique, à votre guise ! Mais la populace cligne de l’œil : « Nous sommes tous égaux. »
« Hommes supérieurs, — ainsi cligne de l’œil la populace, — il n’y pas d’hommes supérieurs, nous sommes tous égaux, un homme vaut un homme, devant Dieu — nous sommes tous égaux ! »
Devant Dieu ! — Mais maintenant ce Dieu est mort. Devant la populace, cependant, nous ne voulons pas être égaux. Hommes supérieurs, éloignez-vous de la place publique !2.Devant Dieu ! — Mais maintenant ce Dieu est mort ! Hommes supérieurs, ce Dieu a été votre plus grand danger.
Vous n’êtes ressuscité que depuis qu’il gît dans la tombe. Ce n’est que maintenant que revient le grand midi, maintenant l’homme supérieur devient — maître !
Avez-vous compris cette parole, ô mes frères ? Vous êtes effrayés : votre cœur est-il pris de vertige ? L’abîme s’ouvre-t-il ici pour vous ? Le chien de l’enfer aboie-t-il contre vous ?
Eh bien ! Allons ! Hommes supérieurs ! Maintenant seulement la montagne de l’avenir humain va enfanter. Dieu est mort : maintenant nous voulons — que le Surhumain vive.3Les plus soucieux demandent aujourd’hui : Comment l’homme se conserve-t-il ? » Mais Zarathoustra demande, ce qu’il est le seul et le premier à demander : « Comment l’homme sera-t-il surmonté ? »
Le Surhumain me tient au cœur, c’est lui qui est pour moi la chose unique, — et non point l’homme : non pas le prochain, non pas le plus pauvre, non pas le plus affligé, non pas le meilleur. —
Ô mes frères, ce que je puis aimer en l’homme, c’est qu’il est une transition et un déclin. Et, en vous aussi, il y a beaucoup de choses qui me font aimer et espérer.
Vous avez méprisé, ô hommes supérieurs, c’est ce qui me fait espérer. Car les grands méprisants sont aussi les grands vénérateurs.
Vous avez désespéré, c’est ce qu’il y a lieu d’honorer en vous. Car vous n’avez pas appris comment vous pourriez vous rendre, vous n’avez pas appris les petites prudences.
Aujourd’hui les petites gens sont devenus les maîtres, ils prêchent tous la résignation, et la modestie, et la prudence, et l’application, et les égards et le long ainsi-de-suite des petites vertus.
Ce qui ressemble à la femme et au valet, ce qui est de leur race, et surtout le micmac populacier : cela veut maintenant devenir maître de toutes les destinées humaines — ô dégoût ! dégoût ! dégoût !
Cela demande et redemande, et n’est pas fatigué de demander : « Comment l’homme se conserve-t-il le mieux, le plus longtemps, le plus agréablement ? » C’est ainsi — qu’ils sont les maîtres d’aujourd’hui.
Ces maîtres d’aujourd’hui, surmontez-les-moi, ô mes frères, — ces petites gens : c’est eux qui sont le plus grand danger du Surhumain !
Surmontez-moi, hommes supérieurs, les petites vertus, les petites prudences, les égards pour les grains de sable, le fourmillement des fourmis, le misérable contentement de soi, le « bonheur du plus grand nombre » — !
Et désespérez plutôt que de vous rendre. Et, en vérité, je vous aime, parce que vous ne savez pas vivre aujourd’hui, ô hommes supérieurs ! Car c’est ainsi que vous vivez — le mieux !4.Avez-vous du courage, ô mes frères ? Étes-vous résolus ? Non pas du courage devant des témoins, mais du courage de solitaires, le courage des aigles dont aucun dieu n’est plus spectateur ?
Les âmes froides, les mulets, les aveugles, les hommes ivres n’ont pas ce que j’appelle du cœur. Celui-là a du cœur qui connaît la peur, mais qui contraint la peur ; celui qui voit l’abîme, mais avec fierté.
Celui qui voit l’abîme, mais avec des yeux d’aigle, — celui qui saisit l’abîme avec des serres d’aigle : celui-là a du courage.— —
Ce mot disait globalement quelque chose comme "il n'y a plus de garant à la morale, tout est foutu" au point que Kirilov veuille le prouver en se suicidant pour rien ce qui selon lui ouvrirait la voie à tous les possibles effroyablement, et il y a en effet quelque chose d'effroyable dans son geste comme dans la psychopathie dont j'ai parlé (Dexter, Lecter...). Mais Friedrich Nietzsche a pris ça totalement à rebrousse-poil sans en faire un malheur et au contraire en en faisant la plus grande chance des hommes qui peuvent y survivre et le surmonter eux-mêmes, où structuralement il y a tristesse dramatique/joie courageuse.Si Dieu n'existe pas, tout est permis.
Pour ma part je crois qu'il y a une véritable question philosophique dans ce point que l'irresponsabilité métaphysique serait tristement dramatique et qu'il faudrait alors tout faire pour nous rendre métaphysiquement responsables d'une manière ou d'une autre (par exemple avec "la vie de Dieu") et qu'au contraire déduire une joie courageuse de l'irresponsabilité métaphysique serait effroyablement dangereux. En effet c'est quand même Nietzsche qui devina l'avènement des barbaries nationalistes antisémites du XXème siècle en s'opposant doublement aux nationalismes et à l'antisémitisme, du coup on ne peut pas imputer à charge au nietzschéisme un tel effroi mais au contraire il se présente effectivement comme une proposition libératrice d'esprit. On peut se demander en quoi cette libération d'esprit effraie tant à l'heure où les masses se pressent voir dans la pop-culture Dexter et Hannibal Lecter pour le plaisir : pas sûr que le nietzschéisme soit plus terrible que ces masses et leur pop-culture orchestrées planétairement par quelques entertainers d'envergure hollywoodienne.
Invité- Invité
Re: Nietzsche, Par-delà Bien et Mal
Szyl a écrit:Oui mais ce n'est pas aussi unilatéral puisque ça dépend des perspectives, par exemple un groupe de marginaux pourra provisoirement reconnaître la liberté d'esprit comme une force spirituelle et la valoriser comme telle en l'intégrant mais bientôt il faudrait procéder à des alignements pour tenir ensemble, ou bien encore un groupe fort peut avoir entre ses coutumes des modes de reconnaissance de la liberté d'esprit à travers certaines fonctions ou certains statuts tels que le medecine-man, le fou, le prophète, l'intellectuel, etc. à condition que l'esprit libre comprenne devoir jouer ce jeu-là et pratique néanmoins une forme de conformisme du coup. .kercoz a écrit:Faiblesse sociale et affaiblissante pour le groupe.
Ma vision, mon point de vue s' établit toujours de façon sociologique et même éthologique. Les points de vue de F. N. acceptent déja l' étatisation comme un état "normal" et de référence pour penser les comportements. Pour moi ce n'est pas fiable. Nous somme formatés par des millénaires en terme de comportements. Le groupe optimum c'est 50/80 individus. Par le fait que les interactions s'établissent sur la reconnaissance ( donc la connaissance historique) des acteurs pour la "mise en scène de la vie quotidienne" ( E. Goffman) Avissen et Platon ont la même démarche: il faut sacrifier aux dieux et aux coutumes du fait qu'elles sont bonnes, non du fait de leur véracité.
Dans un groupe restreint, qui déja, pratique une spécialisation optimisée et contrainte par la limite numéraire ( il n' y a pas de boulanger, mais peut être un four commun, la marginalité est marginale bien que bien plus acceptée que dans notre modernité. Comme dans tout système complexe non linéaire, cette marginalité est réutilisée en "production", en renfort des liens du groupe, comme est réutilisé le temps gagné par le gain de productivité en production de socialisations ( art, chants, rituels ...)
"""""""""""""le mot de Fiodor Dostoïevski dans la bouche de Kirilov (Les Démons) :
Si Dieu n'existe pas, tout est permis.
Ce mot disait globalement quelque chose comme "il n'y a plus de garant à la morale, tout est foutu" au point que Kirilov veuille le prouver en se suicidant pour rien ce qui selon lui ouvrirait la voie à tous les possibles effroyablement, et il y a en effet quelque chose d'effroyable dans son geste comme dans la psychopathie dont j'ai parlé (Dexter, Lecter...). Mais Friedrich Nietzsche a pris ça totalement à rebrousse-poil sans en faire un malheur et au contraire en en faisant la plus grande chance des hommes qui peuvent y survivre et le surmonter eux-mêmes, où structuralement il y a tristesse dramatique/joie courageuse. """"""""""""""""""""""""""""""
J' ai lu déja, ce point de vue ( celui de dostoïeski) récemment , mais placé comme l' interprétation de F.N. C'est semble t il aussi l' opinion de gens comme A. Barrau.
Pour structuralement il ( ou tu) se trompe. Le structuralisme est un concept admettant la structure naturelle comme seule stable et résiliente. Toute variante ou restructuration du groupe ( comme la centralisation, l' étatisation, ou globalisation) ne peut qu' échouer à terme ( moyen ou long). Dieu considéré comme un inexistant mais induisant plus d'effets- évènements, existants ..., qu' aucun existant...la perte de croyance en une divinité fait déliter tout une structure en isolant les individus.
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Re: Nietzsche, Par-delà Bien et Mal
D'où tiens-tu cela ? Permets-moi de te dire que tu trompes puisque c'est moi qui est choisi des exemples étatiques car à la portée de tous et que chez Nietzsche on trouve très clairement un article anti-étatiste notamment dans Ainsi parlait Zarathoustra (Nouvelle Idole).kercoz a écrit:Les points de vue de F. N. acceptent déja l' étatisation comme un état "normal" et de référence pour penser les comportements.
En es-tu sûr ? Sous l'angle que tu dis adopter (sociologique et éthologique) peut-être, et encore j'ai des doutes puisqu'il y a plusieurs structuralismes ce qui permit de critiquer "le structuralisme" dès les années 70-80 dans la mesure où il appliquerait uniquement des modèles de simulation (selon structuralisme en question). En tout cas chez Nietzsche il ne me semble pas que la structure manque de naturelle mais elle n'échappe pas non plus au modèle de simulation (j'ai parlé d'un graphique polyédrique à plus de trois dimensions dans l'évocation d'un réalisme structurel) et au final ça ne dérangerait pas Nietzsche je crois puisque c'est précisément l'interprétation de valeur en émulation compétitive (pour ainsi dire "olympique") avec d'autres interprétations de valeurs dans le même "jeu" qui est motrice ("la volonté de puissance" est motrice du réalisme structurel et en fait circuler les intensités selon polarités polyédriques). Il me semble que Nietzsche bien qu'admettant pouvoir avoir tort ne doute pas de son système au moment où il l'applique analytiquement, et qu'il juge établies les différentes polarités (noble/vil, maître/esclave, libre/serf, fort/faible, gentil/méchant, bon/mauvais, etc.) quoiqu'elles soient dans un "jeu" type rubicube (on peut largement imaginer un vil maître libre faible méchant bon etc., un noble esclave libre fort méchant mauvais etc., selon positions perspectives des interprétations de valeurs en présence car ça n'est jamais absolu selon position et ce qui apparaîtra tel à l'une ne le sera pas pour une autre puisque ni l'une ni l'autre n'ont en soi de qualité que structuralement à l'intérieur du polyèdre modèle de simulation réaliste structurel des interprétations de valeurs, ou "volontés de puissance"). Mais il faut bien dire que Nietzsche s'inscrit bien plus dans une typologie et une psychologie ("éthologiques" dans la mesure où la question des moeurs est pivotale du système) que dans une sociologie ou une éthologie (plutôt "politique" j'ai l'impression chez toi kercoz).kercoz a écrit:Le structuralisme est un concept admettant la structure naturelle comme seule stable et résiliente.
Du coup je dirais que Par-delà bien et mal est précisément un ouvrage manifeste quant au système nietzschéen et que je ne crois pas que Nietzsche aurait nié cela puisqu'il devait bien admettre avoir un système pour nier "la foi dans son propre système" ("J'ai trop peu foi dans les systèmes, pour croire ...") cela dit ça montait déjà nettement dans les premiers ouvrages (qui proposent encore une lecture relativement hédoniste de l'humain alors que ça finit sur un accent nettement "potentiel", mais dans tous les cas Nietzsche se veut à caractère scientifique à cause de sa méthode/son système philosophique).
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