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L'opposition Camus/Sartre vu par Onfray

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Message par Bergame Mer 15 Aoû 2012 - 19:53

Oui, pfff, l'opposition Camus / Sartre, jusqu'à quand on va nous la faire ? C'est vraiment un lieu très très commun, quasiment un passage obligé depuis 20 ans.
Moi je vois pas trop de différences entre Onfray et Ferry, aujourd'hui. Je suis même pas sûr qu'Onfray soit pas mûr pour écrire sa "Pensée 68".

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Message par poussbois Mer 15 Aoû 2012 - 20:15

Ca c'est le problème des forums internet : on passe notre temps à réinventer le fil à couper le beurre. Malgré mon âge avancé, je n'ai pas eu la chance d'avoir accès ni pendant ma formation intiale, ni dans le cours de mes découvertes d'adultes, de sources qui m'auraient permis de savoir pourquoi Sartre me gêne et pourquoi Camus m'enthousiasme.

C'est la première fois que je tombe sur quelqu'un qui dépasse les allusions fines, compréhensibles uniquement par les érudits, ou ceux qui ont eu la chance de faire des études en sciences humaines qui leur ont permis un accès à tout cela.

Tu n'as qu'à mettre mon plaisir dans le même panier que les enthousiasmes adolescents qui découvrent le monde :D

Et oui, certainement Ferry et Onfray ont une part de similarité. Ils ne sont pas du même bord politique, tout les oppose, mais ils s'adressent à des gens comme moi : des incompétents mal formés mal encadrés mal renseignés. Et tous les 2 sont clairs : ils permettent de choisir son bord et de comprendre les enjeux des idées qu'ils développent.

Ca c'est pour l'autodénigrement. Pour la suite, il ne faudrait pas me la faire non plus : C'est bien Sartre qui a gagné et Camus qui s'est fait lynché. Nous vivons encore sur ce schéma et Camus, de mémoire, ne fait toujours pas partie du programme du bac. Pour un philosophe de classe terminale, ça me fait sourire... Alors, une petite séance de communion libertaire radiophonique, tu ne m’empêchera pas d’y trouver un grand plaisir et d’en faire la promotion.

Enfin, si, tu pourrais, mais tu ne le feras pas, hein ? Wink

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Message par Courtial Mer 15 Aoû 2012 - 21:15

Que les Ferry, Onfray et consorts n'aient rien d'autre sous la dent que cette supposée opposition Camus/Sartre, n'est-ce pas cela qui devrait sembler navrant ? Pathétique ?
Ceci est parfaitement dispersant et grotesque. On évoque une polémique qui fut d'une tout autre époque et on la surinterprête de façon délirante.
Je considère Onfray comme un malfaiteur dans l'usage qu'il a fait de cette affaire. Il y a des limites, il y a des chose qu'on n'est pas en droit de faire, je suis désolé.
Je vais toutefois résumer ma vision des choses pour les plus jeunes d'entre nous, et ceci pour les détourner de cette histoire-fiction complètement grotesque :
Nous parlons ici d'un débat complètement interne à la gauche. Camus n'est pas un libéral, il a appartenu dans les années 30 au Parti Communiste, à l'époque il a approuvé - ou émis quelques doutes très réservés - les Procès de Moscou, enfin bref! c'est pas Alain Duhamel, il faut quand même se calmer ! C'est un garçon qui a pris des positions précises, qui n'a par ailleurs jamais cherché à s'en cacher, qui ne s'est jamais dégonflé. C'étaient, sur le plan politique, des positions de gauche, au sens où elles visaient le socialisme - dont il avait une conception singulière, en effet, qui apparaît au reste dans sa philosophie. On peut aimer ou pas, certainement, mais La Révolte, Sisyphe, personne n'a jamais cru, je crois, que cela s'adressait au Comité des Forges. Ni aux Schneider. Aux De Wendel.
Sartre commence par mentionner deux choses, dans sa réponse :
- le regret que le totalitarisme ait envahi aussi la littérature
Il insiste là sur l'élément que j'ai mentionné plus haut : il dit à Camus : ouais, on a un désaccord, mais aussi un accord qui fait que 80 % des gens ne nous aiment ni l'un ni l'autre, de toute façon. Lisez vraiment l'article, c'est rigolo, Sartre commence par dire : mais de toute façon, 80% des gens nous détestent l'un comme l'autre - et en plus, ça c'est le brio de Sartre, en plus, au Parti Communiste, ils vous aiment beaucoup plus que moi, vous n'avez pas d'articles insultants dans l'Humanité vous accusant d'être une chien vendu au Capital, alors que moi, si. moi encore qui suis une hyène impérialiste épouvantable, alors que vous, non, etc.
- mais surtout, cette déliaison du littéraire et du politique fait le caractère autoritaire et même totalitaire que prend l'amitié. Au vrai, dans son texte Sartre commence par là : il dit à Camus : pourquoi est-ce qu'on ne resterait pas ami sans être d'accord sur tout ? Est-ce qu'il faut aussi que l'amitié soit totalitaire ?

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Message par Bergame Mer 15 Aoû 2012 - 22:10

Exactement. Non, je comprends, poussbois, bien entendu, et ma réaction était un peu à l'emporte-pièce, mes excuses. Mais je suis comme Courtial -sans avoir sa science sur ces questions- j'ai le sentiment d'une annexion, d'une utilisation de Camus exaspérante. Qui a aussi le sens de dénigrer Sartre de manière tout aussi exaspérante. Je ne suis pas un thuriféraire de Sartre, pour ce que j'en comprends, je l'ai déjà dit. Mais le réduire à "Sartre cautionna le communisme jusqu'au bout tandis que Camus resta humaniste et se rangea rapidement au camp de la liberté", c'est détestable. C'est du Aron, d'ailleurs, à l'origine, c'est dans l'Opium des Intellectuels : Ce qui distingue Camus de Sartre, c'est qu'"en dernier ressort", Camus choisirait l'Ouest et Sartre l'Est. Dans le cadre de l'Opium, ça a du sens, parce que le propos d'Aron est, précisément, restrictif : En dernier ressort. Mais aujourd'hui, sorti de ce cadre, et la Guerre Froide terminée, réduire l'oeuvre, l'homme, l'engagement, la vie, aussi bien de Camus que de Sartre, à ça, je suis désolé, c'est de la connerie.
Et je précise : Pour ma part, je ne pense pas qu'Onfray soit le plus à blâmer, là-dedans, parce que je le soupçonne d'avoir un vrai amour pour Camus. Je veux dire : Je pense que de sa part, il ne s'agit pas que de rhétorique. Mais il apporte sa voix à un choeur de choucas. Et ça fait quand même deux fois.
Trois. Je compte Kant, aussi.

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Message par poussbois Mer 15 Aoû 2012 - 23:21

Mouais, je vous lis, je resterai vigilant, mais je ne suis qu'à moitié convaincu.

Je connais mal l'oeuvre de Sartre, plus par ses romans et quelques articles ou bio. Rien de bien sérieux et aucun bagage universitaire mais tout ce que j'ai lu m'a déplu. C'est érudit, c'est l'aristocratie de la pensée (au sens nietzschéen, n'est ce pas, un compliment donc !) mais je n'y trouve pas mon compte voir je suis très suspicieux.

Je connais un peu mieux Camus que je lis "sérieusement" comme il l'avait demandé. Et je ne pense pas que cette opposition soit si dépassée ou si puérile que cela. Qu'elle soit hors du champ de la philosophie, vous pouvez le penser, mais je trouve personnellement qu'une éthique de responsabilité est à appliquer. Les idées ne sont pas anodines (c'est pour ça que Courtial a raison de se fâcher s'il trouve que je vais trop loin).

Sartre a beau jeu de tendre la main à Camus après que ce dernier se soit fait étriller dans les Temps Modernes ou par des types dont on ne se souvient du nom que parce qu’ils avaient le génie de la satire comme Brochier (sartrien déclaré). Les philosophes n’ont pas beaucoup d’autres choses à vendre que leur réputation. Ruiner celle-ci, c’est tuer au sens strict une pensée. Sans compte que Camus les a bien aidé par des entretiens assez calamiteux et des phrases maladroites.
Que la pensée de Camus soit totalitaire, c’est bien entendu une plaisanterie de mauvais gout. Par contre, qu’il se déchaine contre toute l’intelligentsia parisienne, c’est certain. J’ai relu et continue à lire l’Homme révolté qui comporte des critiques très dures contre les existentialistes, les surréalistes, les communistes. Dure mais pas malhonnête comme ce qui a pu être écrit sur lui… Comment Sartre pouvait imaginer qu’ils puissent s’accorder ? Ne pas se détester, oui, mais c’est la sphère du privé. Comme l’a dit Camus « si la vérité était de droite, je serais de droite ». C’est à double sens, bien sûr, mais l’un des sens on dira en mode mineur, est à mon avis que dans son combat il aurait était plus proche d’une droite humaniste que d’une gauche révolutionnaire (houuuuu, ça c'est pas de la bonne argumentation, je reconnais ! Tant pis, je laisse tout de même, sur le principe c'est pas trop loin de ce que je veux dire...).

Je suis peut-être comme Onfray, trop politique et pas assez intéressé par la qualité des textes et de la réflexion si je n'y vois pas une portée politique immédiate. Peut-être. Dans le même temps, je ne peux m’empêcher de classer Camus dans le camp des vaincus, ceux dont les thèses ont été étouffées, oubliées, ou pire, perverties. D’où mon intérêt de réactiver ces discussions qui vous paraissent si anciennes.

Et oui, Bergame, je confirme : les conférences d’Onfray sont chargées d’émotion. Comme je l’ai déjà dit : je me méfie de lui quand il dénigre, je le pense trop militant pour être totalement digne de confiance ; par contre, je l’écoute avec grand plaisir dans ses exercices d’admiration. Et ce qu’il fait avec Camus en est un.

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Message par euthyphron Jeu 16 Aoû 2012 - 9:46

Par hasard, j'ai entendu le début de l'émission d'hier. Pas assez pour juger, d'accord, mais assez pour essayer de faire comprendre ce qui m'exaspère chez Onfray.
D'abord, je trouve dommage que quelqu'un qui dispose d'une telle tribune, sans précédent pour un philosophe, ne trouve rien de mieux à traiter que la question de savoir s'il faut préférer Sartre ou Camus. Mais soit, cela relève de sa liberté et ce n'est pas le sujet qui compte, mais la façon dont on le traite. Passons, donc.
Mais en guise d'enquête historique, quel manque de rigueur! ma mémoire me joue-t-elle des tours, ou bien ai-je bien entendu ce qui suit? Camus étant contre la peine de mort, n'a pas pu être pour l'intervention française en Algérie. C'est ainsi, c'est a priori! J'aurais aimé un petit texte daté de 1954 ou 1955, mais non. La preuve que Camus était contre la guerre d'Algérie, c'est qu'un certain Brochier, dont je constate l'élévation stupéfiante de la notoriété depuis hier soir, a dit le contraire, alors que c'est un sartrien!
Quant à Sartre, eh bien il a droit au même raisonnement, mais comme il faut le brûler c'est en inversé! Sartre était pour la peine de mort, si si. La preuve, on cite un texte capital. A ce stade, moi qui n'ai jamais lu La Critique de la Raison dialectique je me réjouis d'avance d'en entendre certainement une analyse approfondie faite par un spécialiste, grossière erreur de ma part! Le texte capital est une interview pour Actuel en 1972, où Sartre légitime la violence révolutionnaire. Question qui n'est pas sans intérêt, j'en conviens, mais malgré le peu d'estime que j'ai pour l'orateur du soir, je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit confondue avec celle de la peine de mort, et que l'on réduise Sartre à ce qu'un journaliste a pu lui faire dire pour un journal soixante-huitard branchouille.
J'avoue que je n'ai pas persévéré, j'ai compris que j'étais maudit, chaque fois que je tombe sur Onfray, lui ou ses écrits, je tombe sur le moment où il y a zéro questionnement. Il faudrait que l'un de ses admirateurs puisse relayer les moments de grâce qui m'ont échappé où il fait un peu de philosophie. Car le sujet permettait un questionnement. Je trouve en particulier que la question de l'enracinement est capitale. L'humanisme doit-il être universaliste au risque de se couper de ses attaches charnelles? Ou bien doit-il se fonder sur l'individu concret, avec ses racines, sa terre d'enfance, son histoire?
Maintenant, le plus exaspérant, c'est la pose que ne cesse de prendre le bonhomme Onfray, du rebelle courageux victime de persécutions de la part de la philosophie officielle. Je voudrais bien savoir ce que c'est la philosophie officielle. J'ai certes une idée de ce que peut être un inspecteur borné, par exemple, quoique la vérité m'obligerait à dire que cela ne reflète pas du tout mon expérience de la susdite caste. Mais la philosophie officielle, qu'est-ce? Qu'est-ce qu'on oblige à enseigner et à dire? Je connais bien un ponte étroit et borné, dont toute la prétendue pensée se limite à jouer le rôle d'inquisiteur et à dire ce qu'il faut penser des uns ou des autres sur la base de procès idéologiques quand ce ne sont pas des ragots, et qui tire un grand profit personnel de sa situation. Il s'appelle Michel Onfray. Avec la poutre qu'il a dans l'oeil, ce serait bien qu'il cesse de s'indigner contre la paille égarée dans l'oeil d'autrui.
A ce propos, si Camus n'est pas au programme des classes terminales, ce n'est pas en vertu d'un quelconque ostracisme. La plupart des lycéens français a entendu parler de Camus, en cours de français justement, et tout professeur de philosophie peut en parler aussi s'il le souhaite. Quant au critère numéro un pour être au programme, c'est l'importance dans l'histoire de la philosophie, et non l'intérêt pédagogique supposé ou l'accessibilité : Husserl en est, pas Voltaire. Le mythe de Sisyphe et L'homme révolté, on a jugé que cela ne faisait pas une oeuvre majeure. Cela peut se discuter, mais enfin il n'y a pas de scandale.

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Message par poussbois Jeu 16 Aoû 2012 - 14:32

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M'en F..., j'écouterai tout de même Onfray ce soir. lol!


Non, sérieusement, c'est dur, vous êtes trop nombreux et vos arguments sont plutôt bons même si je reste dubitatif. D'après moi, l'anecdote n'en est pas vraiment une, la biographie n'est pas quelque chose dont on peut faire l'économie et tous les écrits comptent. Mais je ne me lancerai pas dans une guerre qui me semble perdue d'avance. Wink

Par contre, pour les remarques sur l'importance de l'oeuvre de Camus, je rappellerai que la taille n'a jamais rien fait à l'affaire, dans beaucoup de domaines. Personnellement, à ces deux livres, j'aurais rajouté le travail de compilation qui a été fait dernièrement de l'ensemble de ses textes contre la peine de mort (Camus contre la peine de mort de Eve Morisi chez Gallimard) ainsi que ces essais sur l'algérie et puis ses chroniques regroupées dans Actuelles I II et III.
De mémoire, certains philosophes antiques ont un nombre de pages connues bien inférieures et font encore aujourd'hui l'objet de commentaires. Mais comme tu l'as dit, c'est un très mauvais argument, et une simple base de discussion.
Enfin, et pour finir sur Camus, en prendre la défense face à la très mauvaise connaissance et aux contre sens est bien d'actualité. Je suis tombé dans mes recherches sur un article du Monde Diplo qui m'a largement attristé devant la faible qualité de lecture encore aujourd'hui qu'on accorde à cet auteur voir ici. La quasi totalité des arguments sont à revoir.

Pour quelqu'un qui devait arrêter le débat, j'en fait trop... cette fois-ci j'arrête, promis !

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Message par Courtial Jeu 16 Aoû 2012 - 19:21

Mais avec qui va-t-on discuter, si tu t'exclues aussitôt du débat :lut:
Pour ramener un peu ma .... science (Bergame! si tu nous écoutes...), je crois qu'il faut rappeler qu'il y avait dans les années 45-50 une ambiance de Guerre froide (Bergame, encore lui, y fait référence) qu'on ne peut ignorer dans cette affaire. Ceci veut dire que l'idée qu'il fallait absolument, et qu'il n'y avait pas d'autre manière de faire que se ranger dans un camp ou l'autre (Ouest ou Est), cette idée avait tellement colonisé tous les esprits qu'il devenait quasi surhumain de penser autrement.
Pour ce qui regarde Sartre, il l' a fort bien perçu et critique ce biais dès 1947 (au moins, à ma connaissance), l'idée donc, nous sommes bien d'accord, qu'il n'y a que deux manières de penser : soit se ranger derrière l'Union Soviétique et le "socialisme réel" etc. ou alors vers l'Ouest, l'Occident, le capitalisme avec domination US, etc. Ce qui échapperait à ce dilemme, c'est-à-dire une pensée "troisième voie" : ces termes sont utilisés explicitement vers 1950, mais ce fut la thématique essentielle du gaullisme, dès 1944 = la France seule , indépendante, traçant son propre chemin, entre les deux blocs ; c'est la teneur essentielle du fameux Discours de Vincennes (octobre 46 ? de mémoire aussi, à vérifier) (à l'international, la conférence de Bandung, dite des "non-alignés" en sera plus tard un pendant économique, disons). Résultat pour de Gaulle : déculottée politique et 10 ans d'exil politique.
Mais je ne veux pas abuser de votre patience : je veux simplement dire que dans la polémique Sartre semble évident et que Camus parle de quelque chose qui, à l'époque, n'est pas du tout crédible.
Sartre ne s'est d'ailleurs pas contenté - et je rappelle cet élément parce que je ne suis pas sûr du tout qu'Onfray lui donne la publicité qu'il mérite - de dénoncer vaguement et sans responsabilité. Il a tenté, en 1947, de fonder un parti, le RDR (rassemblement démocratique et révolutionnaire ? de mémoire, hein...) qui s'affichait anti-totalitaire, mais aussi refusant l'alternative : ou bien Staline, ou Eisenhower (ou c'était peut-être Truman ?)
Cette initiative a duré quelques mois, ça a évidemment planté (Sartre chef de parti, vous voyez ça d'ici ?!). Il avait fondé ce mouvement avec un certain David Rousset, j'en profite pour recommander son excellent [i]L'Univers concentrationnaire, qui avait eu l'immense joie de pouvoir se livrer à une étude comparée des camps nazis et soviétiques (où il fut interné tour à tourt). Il n'est pas vrai que Sartre n'a rien dit (Camus lui-même a écrit une palinodie sur le point : ouais, j'avais dit que vous n'en aviez pas parlé, c'était faux. Camus aussi est gris, Poussbois finira bien par se le mettre en tête...Ce n'est pas seulement les bons et les méchants, ce n'est pas Dark Vador, ou pas uniquement : c'est plus compliqué. Il n'est pas vrai non plus qu'il s'en serait contenté de la vague protestation morale et purement littéraire, de l'auto-érotisme, etc. puisqu'il a voulu forger un parti - qui a échoué, d'accord... - pour s'opposer effectivement à la bipartition, à la division du monde en deux blocs qui rendait impossible toute alternative socialiste crédible et solide. Camus cherchait la même alternative mais il croyait, lui, à une troisième voie quand Sartre y avait renoncé. Camus pensait encore à parvenir au socialisme en renvoyant aussi bien le capitalisme (honni par principe et il n'y a jamais eu chez Camus de déclaration contraire) et le socialisme - mais pour ce dernier, le principe en lui-même n'étant jamais remis en cause. Ce que j'ai appelé plus haut ne pas se cacher ni se dégonfler.

Je suis certain que Poussbois aura pour moi la même indulgence qu'il a pour lui-même ? S'il peut déclarer nulle une philosophie dont il n'a pas pris connaissance (cas de Sartre, si j'ai bien lu), mais juste lu quelques interviews, je serais peut-être autorisé à en faire de même pour Onfray, ou bien ?
Sur les questions que nous avons évoquées précisément, j'ai été assez choqué comme Euthyphron sur le caractère quand même bien dégueulasse (ici, c'est moi, non Euthyphron, hein) de la charge anti-Sartre sur le plan politique ! Il a soutenu Castro et justifié la violence politique, le terrorisme, etc, DONC c'est un partisan de la peine de mort ? Que signifie ce foutage de gueule. Il a soutenu Castro DONC tout ce qu'a fait Castro ?
Ca porte un nom, ça, ça s'appelle l'amalgame, qui est un procédé proprement stalinien : on l'a vu aux Procès de Moscou, à celui de Radek, à ceux de Prague - voir London, l'Aveu) : vous vous êtes fait soigner par un médecin américain. L'Amérique est impérialiste. Vous vous faîtes donc soigner par des Impérialistes Ceux-ci, en tant qu'Impérialistes, peuvent-ils touver un intérêt à vous soigner que si... etc. Donc Sartre soutient Castro et c'est pour cela que votre fille est muette (1)

Dernière chose : selon Onfray, Camus serait critiqué et méconnu parce qu'il y a une opposition entre le pécor, le pied noir Camus et le grand bourgeois Sartre, entre l'Université (populaire ?) et l'Ecole Normale supérieure, Paris et la province, les salons germanopratins et le monde de la vie, etc. Il plaque ceci sur sa propre histoire, je veux dire la fiction qu'il présente dans les média comme un histoire, de lui, pôvre paysan normand rastignacien dans la pensée, etc. Mais n'est pas Bourdieu qui veut : pouvoir écrire pendant 20 ans : comment j'ai conchié l'institution qui m'a fait roi, ce n'est pas à la portée de tout le monde.
Avec un prestige moindre, Onfray fait valoir son agreg' comme une conquête sur l'indignité des autres.
Bien sûr, comme toute image, celle-ci a sa pornographie. Soral, par exemple, est un Onfray pornographique.

(1) Une chose ressemblante dans son livre sur Freud (je l'ai feuilleté, pas vraiment lu, mais nous restons toujours sur le régime du : moins tu connais quelque chose (s'agissant d'un livre : moins tu l'as lu) plus tu peux en parler , non ? Pourquoi Jung a-t-il été jeté par Freud ? Parce que quand même on était entre Juifs, dans cette affaire. Et qu'est-ce que c'est que ce goy qui vient foutre la M... ? Ce qui lui a valu de la part de gens sans argument (Roudinesko, Miller, etc.) des accusations d'antisémitisme, que je crois pour ma part complètement fausses : il n'y a pas le moindre antisémitisme chez Onfray, mais il est victime ici de ses propres approximations et des amalgames.

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Message par poussbois Jeu 16 Aoû 2012 - 23:07

Soral ? Julien Soral ??

Ha non, c'est pas ça...

Bon, à la demande insistante de Courtial, je reprends le fil de la discussion en essayant de me tempérer (j'ai donc largement remanié mon texte) :

Tu noteras tout de même que contrairement à ce que tu dis, j'ai repris mes messages, je suis assez coule avec Sartre. Je me suis contenté de dire qu'il avait falsifié une partie de son engagement et qu'il ne s'était pas toujours préoccupé des conséquences de ses actions politiques. Pour ceux qui veulent le détail et qui aiment le côté obscur de l'histoire de la philo avec un petit côté Paris-match érudit, voir Onfray. Il fait ça beaucoup mieux que moi (nous).
De fait, Sartre est un auteur qui dans ces conditions me gêne (et c'est là tout ce que j'ai dit de sérieux sur lui); ça ne veut pas dire que je dénigre sa pensée ou sa philosophie, cela veut dire que j'ai une approche prudente de cet auteur. Enfin, une approche prudente quand je m'y pencherai parce que pour l'instant, ça reste assez abscons et j'ai un peu de mal à me concentrer sur son oeuvre.


Onfray a d'ailleurs remis ça aujourd'hui avec sa présentation de Simone de Beauvoir qui méritait sans doute mieux. Mais ce n'est pas grave : mieux, elle a eu. Je conseille donc la bio de D. Sallenave "Castor de guerre" ainsi que l'entretien qu'elle (Sallenave !) lui a consacré dans Vie et Destins (entretiens dirigés par Monique Canto-Sperber). Tout ça pour dire que j'ai une vie après Onfray... Wink

Ceci dit, je ne cherche que moyennement à convaincre. Je connais des philosophes ou des auteurs que je déteste et il faudrait me torturer pour me les faire lire. Onfray est convaincu et je le crois honnête. Il utilise des armes non conventionnelles et je comprends que ça hérisse.
Mais vos messages portent quoi que vous en pensiez. Je ne suis pas totalement buté. Ca ne m'éloigne pas de Onfray et ça ne me gâche même pas le plaisir que j'ai à le lire ou à l'écouter (avec toutes les réserves que j'ai déjà émises), mais je cherche à comprendre pourquoi j'y trouve mon compte alors qu'il est honnis par une bonne partie de la profession et que, j'insiste, je suis assez d'accord avec une bonne partie de vos critiques.

Il y a un effet de confraternité évidente, je me sens de son camp et son enthousiasme militant me convient assez, même si ce n’est pas forcément mon tempérament.
Il y a une reconnaissance de maître à élève : j’ai découvert la philo grâce à lui, j’ai dévoré Lucrèce, et Diogène Laërce grâce à lui. J’ai eu le vocabulaire et les clés d’entrée à une philosophie plus complexe grâce à lui. Et je retrouve un peu dans chaque intervention le plaisir initial. Qui s’estompe, c’est vrai, mais qui reste présent.
Et puis surtout, contrairement à beaucoup, je trouve très intéressant sa méthode qui consiste à prendre l’œuvre complète et à s’intéresser autant aux livres officiels qu’aux anecdotes pour faire sa contre-histoire de la philosophie.

Bon, maintenant, il faut reconnaître que comme toute personne qui parle beaucoup, il dit fatalement beaucoup de conneries (on a le droit de dire quelques gros mots sur ce forum ?). C’est un des défauts : plus les discours sont longs, plus le risque de dérapage est présent. Mais poru moi, ce n’est pas grave. Son université populaire est par essence populaire, et tous les gens du commun comme moi qui suivent ce philosophe atypique apprennent plus que je ne l’aurais imaginé au départ.



Donc, pour Onfray, je vous écoute. PAR CONTRE, pour me convaincre que Camus est "gris", il faudra plus que ce petit revirement. Qu'il ait fait des erreurs de jugement sur des hommes ça arrive, sur des dates c'est encore plus facile, qu'il soit en bagare avec Sartre sur des sujets bien plus triviaux que le sort de l'Algérie c'est fort possible, mais qu'il se soit planté sur des situations politiques ou des positionnement philosophiques... là, il va falloir développer un petit peu plus pour me convaincre. :)
Et pour en finir sur Sartre et Camus, car en l'état, je m'arroge le droit de clore le débat jusqu'au prochain post, je ne suis même pas sûr qu'ils se détestaient particulièrement. La pique de Sartre à Camus suite à son prix Nobel m'a toujours fait rire : "c'est bien fait". C''est brillant et ambigüe à souhait. Non, pas sûr qu'ils aient été ennemis. Leur entourage par contre...

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Message par Invité Sam 18 Aoû 2012 - 11:10

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Message par Bergame Sam 18 Aoû 2012 - 12:32

Non mais, à la base, il y a sans doute un problème, c'est que "les horreurs du communisme", les "100 millions de morts", les "massacres" en URSS (quels massacres ??? Katyn ?), pour moi, c'est déjà des conneries. J'ai beaucoup de mal à comprendre, personnellement, qu'on en soit encore là. C'est un discours idéologique, qui était certes légitime en 1950, au moment où la menace soviétique était une réalité, mais qui, aujourd'hui, n'a que le sens de continuer à faire la promotion d'une autre idéologie, le libéralisme. L'URSS était une dictature, de grande envergure, c'est entendu. Et c'était une puissance étrangère occupante dans les pays d'Europe de l'Est, qui s'en sont finalement débarrassée, très bien. En 1950, effectivement, il fallait dénoncer cette dictature. Mais aujourd'hui, ce qui menace la liberté et la démocratie, ce n'est pas le communisme, hein. Il faudrait peut-être aussi avoir le courage de le reconnaître. Parce qu'autrement, il me semble qu'on est mal placé pour reprocher à Sartre son aveuglement idéologique.

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Message par poussbois Sam 18 Aoû 2012 - 13:11

Aie, je crains de devoir me mettre à dos un 4ème participant. Wink

Peut-on séparer idéologie et action politique ? Je ne vois pas bien le rapport : Ces deux-là étaient trop brillants pour ne pas s'engager politiquement sur des bases idéologiques. Camus n'est pas un pragmatique, ni Sartre. Ils ont même eu des positions communes mais à des dates différentes d'après Courtial. C'est peut-être une approche de la dialectique historique qui a fait penser à Sartre qu'une phase de négativité était envisageable si c'était pour aboutir à une phase de positivité générale. Il faudrait demander confirmation aux spécialistes. Mais l'un comme l'autre se sont engagés politiquement sur des bases philosophiques claires, pas par opportunisme, et ils sont loin des utilitaristes anglo-saxon. Camus a une approche morale et humaniste somme toute assez classique. Pour Sartre, je ne sais pas.

Sartre, libéral et plus de droite que Camus... houlà, je sens le vent du boulet courtialien. Le souci avec Courtial, c'est que pour le faire réagir c'est compliqué. Soit faire un post brillant, mais c'est du boulot, fatiguant et pas donné à tout le monde. Soit faire un post maladroit qu'il va essayer de redresser. Mais si c'est trop nul ou trop outrancier, on a toutes les chances de ne recevoir qu'une longue suite d'acrimonies acerbes parfois assez humiliantes... voire pire : une indifférence mutique et excédée. lol!

Et pour finir :
Un homme, ça s'empêche, mais pas de tout. C'est le problème d'utiliser des phrases sorties du contexte. Je ne vois pas le rapport entre contrôler son potentiel meurtrier et recevoir un prix Nobel.

Camus, dans Le premier homme a écrit:
[Levesque, directeur d'école, et Cormery, père du narrateur, enrolés dans les tirailleurs marocains viennent de trouver deux gardes la gorge tranchée et le sexe dans le bouche. ]
À l'aube, quand ils étaient remontés au camp, Cormery avait dit que les autres n'étaient pas des hommes. Levesque, qui réfléchissait, avait répondu que, pour eux, c'était ainsi que devaient agir les hommes, qu'on était chez eux, et qu'ils usaient de tous les moyens. Cormery avait pris son air buté.« Peut-être. Mais ils ont tort. Un homme ne fait pas ça. » Levesque avait dit que pour eux, dans certaines circonstances, un homme doit tout se permettre et [tout détruire]. Mais Cormery avait crié comme pris de folie furieuse : « Non, un homme ça s'empêche. Voilà ce qu'est un homme, ou sinon... » Et puis il s'était calmé. « Moi, avait-il dit d'une voix sourde, je suis pauvre, je sors de l'orphelinat, on me met cet habit, on me traîne à la guerre, mais je m'empêche. - Il y a des Français qui ne s'empêchent pas, avait [dit] Levesque. - Alors, eux non plus, ce ne sont pas des hommes. »
Et soudain, il cria : « Sale race ! Quelle race ! Tous, tous... » Et il était entré sous sa tente, pâle comme un linge.

La philosophie de Camus était lumineuse, plus dyonisiaque qu'apolinienne. Il n'est pas question de s'empêcher de vivre, de s'exprimer, d'exposer ses idées voire même de rentrer dans des conflits directs. Ce n'est pas un posture ascétique poussée à l'excés, ou une forme de continence chrétienne, mais une position morale devant l'inadmissible et le nihilisme.
Refuser le prix Nobel, ça revient autant à "épater le bourgeois" qu'à lancer un réel message politique. Et quel message ? Les honneurs et la reconnaissance pour un enfant pauvre sortie de l'école laïque ne compterait pour rien ? L'exemplarité de son parcours ne devraient pas être reconnu ? La qualité de sa littérature en serait changée ?
En tout cas, quoi qu'on pense des deux positions opposées, entre accepter ou refuser ce prix prestigieux, ce n'est pas sur le thème "un homme ça s'empêche" qu'on pourrait l'aborder.


Bergame, tu as raison de le rappeler et je suis tout à fait d'accord. Mais c'est bien ce que fait Camus (cf pour exemple même le texte ci-dessus) : renvoyer dos à dos les deux formes de violences anti-humanistes, refuser tout autoritarisme qu'il soit de gauche ou de droite.
Nous vivons dans une époque violente, où le message politique est violent, où les médias sont violents, où nos attitudes et nos relations sont violentes. C'est d'autant moins inutile de le rappeler que cette violoence cherche à nouveau à trouver une forme de légitimité : pour se défendre, pour ne plus avoir peur, pour "aider" les peuples opprimer, etc...
Ce n'est plus un problème de droite ou de gauche, et c'est de cela qu'il faudrait pouvoir s'empêcher.

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Message par Invité Sam 18 Aoû 2012 - 14:45

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Message par Courtial Sam 18 Aoû 2012 - 15:17

Sur l'affaire du prix Nobel, je donnerais personnellement, pour le coup, le point à Camus (puisque nous en sommes à compter les points des duettistes)
Avoir le Nobel est une chose, s'ajouter le ridicule le refuser et ainsi se montrer le parfait faux derche en est une autre. Camus a accepté humblement ce prix et fait d'ailleurs un excellent discours de réception. On pourrait y trouvrer au reste une première preuve de son anti-sarkozysme, puisqu'il y cite la Princesse de Clèves...
Quant à Sartre, qui le refuse, il semble qu'il mérite ce jugement aussi vachard que pertinent : "Ce n'est pas tout de refuser le Nobel, encore aurait-il fallu ne pas le mériter. Sartre refuse le Nobel, mais son oeuvre l'accepte".
Sartre, il l'a raconté admirablement dans Les Mots voulait être "Le grand écrivain" dans la tradition du 19ème siècle : il voulait être Chateaubriand, Hugo, Flaubert (auquel il a consacré une étude de 3000 pages, beaucoup moins à Castro ou la préface à Fanon. Aron, une fois de plus, ne s'y trompait pas et trouvait tout à fait incongru qu'on le comparât (pour l'opposer) )à Sartre. Avec l'idée : nous ne jouons pas dans la même catégorie, je serais par exemple incapable et il ne me viendrait même pas à l'idée d'écrire une étude sur Giacometti ou une pièce de théâtre, par exemple.
Bref, son refus du Nobel relève de la mauvaise foi caractérisée.


Camus a eu le mérite de ne pas se voiler la face sur les horreurs du communisme, alors que Sartre faisait comme si de rien n'était, pour sauver cette idéologie (jusqu'en 1956). Après, il s'est choisi un autre cheval de bataille, le monde ouvrier. C'est l'essentiel de ce qu'on peut reprocher à Sartre : continuer à être communiste après avoir pris connaissance des massacres commis en ex-URSS. Une question fondamentale est dès lors posée implicitement, une question de bac de philo. Peut-on séparer idéologie et action politique
[i]

Mauvaise foi qui fut le régime de toutes ces années 50-60, disons.
Mais dire que Sartre aurait choisi de minimiser ou d'ignorer les "crimes du stalinisme", qu'il les aurait "couvert", etc. est un contre-sens caractérisé ; c'est au contraire la dénonciation du stalinisme qui a servi de lit idéologique à toutes les abominations maoistes, par exemple. Au moins dans un certain milieu, les intellectuels à la Camus, Sartre et consorts. Leur recherche de plusieurs formules successives de leur "opium", comme disait le même Aron.

Mais pour ce qui regarde "continuer à être communiste" (après ou avant 56, càd Budapest, où Sartre "rompt officiellement" avec le Parti Communiste), , cette expression "être communiste", elle est un peu ambigu. On m'accordera peut-être cette concession : j'appelle un "communiste" quelqu'un qui est inscrit au Parti Communiste.
Je sais que ceci ne plaît pas et que lorsque je l'écris, on s'empresse de l'oublier ou on me répond comme si je n'avais rien dit (1), mais Camus a appartenu au Parti Communiste, Sartre jamais. Sartre (cf ma remarque précédente sur le Nobel) a, une fois de plus, joué les mijaurées, les pucelles effarouchées avec son "compagnonage de route".(2)
Camus a été viré du Parti (en 38 ou 39, je crois) sans que cela ait le moindre rapport avec l'URSS, les camps, etc. (dont, naturellement, Camus ignorait tout). Viré, pas démissionné, pour ses différences de vue avec la politique du PC en Algérie (puisqu'il était encore là-bas, quand il militait pour le PC : eh oui, Camus militait pour le Parti Communiste, il donnait avec eux des cours d'alphabétisation pour les Arabes, il fabriquait des journaux, il montait des pièces de théâtre pour les montrer dans les quartiers populaires, etc. Bref, un Communiste, quoi. Etre communiste ne veut pas seulement dire assassiner, exterminer.
Il s'est séparé du PC, mais il n'a jamais adhéré à un autre Parti, après. De quel droit veut-on l'embaucher à l'UMP ?

Je vais mieux expliquer ma position, et surtout le ton (un certain énervement, qui n'a pas échappé à Poussbois, il paraît...) : je suis scandalisé par l'usage qui est fait de Camus par une certaine droite, je ne sais pas ce qu'on pense Onfray (absolument et abyssalement muet sur la question), mais je ne suis pas sûr qu'il s'en démarque explicitement.
Il y a une chose qui est parfaitement humaine : changer d'idée. Par exemple, être de gauche et de passer à droite. Etre chrétien et se faire bouddhiste, etc. Ceux qui ont fait le chemin gauche-droite, c'est leur affaire. Mais qu'ils n'embauchent pas Camus, Camus, ce n'est pas ça.
Que serait devenu Rimbaud s'il avait réussi ses trafics d'armes en Abyssinie, etc. Peut-être un vieux rentier dégueulasse, etc. Que serait devenu Camus, s'il n'était pas mort à 45 ans dans un accident de voiture ? Peut-être un Jean-François Revel, par exemple : les bons gueuletons et la cirrhose, la fréquentation des belles maisons l'auraient peut-être conduit à bosser à l'Express, par exemple. Il n'en a pas eu le temps, ne présageons pas.
Mais maintenant, on vous explique qu'on en a marre de cette France bolchévisée, d'Hollandovitch, qu'on va se tirer à Monaco, et, à l'appui, on vous cite Camus! De Tipasa à Gstaadt, faut le faire !
Bref, que des vieux stals (Revel, Kriegel, il y en a mille, et c'est toujours ceux qui étaient les pires, à l'époque, les plus impitoyables) se soient reconvertis dans la mise en musique de la salade libérale, c'est leur affaire. Qu'ils en aient tiré - sur le plan aussi bien libéral que marxiste, interessé seulement par l'objectivité de l'argent comptant - quelques profits, on le veut tout autant. Mais qu'ils aient la décence de ne pas embaucher Camus dans cette entreprise. Tout ce qui vise à légitimer ce passage (Camus libéral, Camus de droite, ce n'est que de la morale, etc.) me paraît nuisible et ne pourra passer ici sans avoir à me passer dessus.

(1) Pourquoi ça ne plaît pas ? Parce ce n'est pas conforme au schéma idéologique : Camus Coco, Sartre, non, ça ne va pas avec le discours préconstitué, qui se fout aussi bien de Camus, de Sartre, du tiers, du quart, du dix-septième, parce que ce n'est que de l'idéologie.
(2) Dans son esprit, il ne voulait pas du tout faire les coquettes, mais dire ceci : "je ne suis pas communiste, il y a un certain nombre de choses que vous ne me ferez jamais accepter, mais je vais travailler avec vous contre les types d'en face".

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Message par Bergame Sam 18 Aoû 2012 - 15:39

Je suis Bergame et j'approuve le message qui précède. :)

Bergame, tu as raison de le rappeler et je suis tout à fait d'accord. Mais c'est bien ce que fait Camus (cf pour exemple même le texte ci-dessus) : renvoyer dos à dos les deux formes de violences anti-humanistes
Même l'"humanisme" est à mes yeux suspect. Que de guerres et de massacres, que de privations de liberté au nom de cet "humanisme". Tout cela n'est qu'idéologie. Dès lors qu'on critique une doctrine au nom d'une autre doctrine, rien d'autre que de la rhétorique. Dès lors qu'on procède à des amalgames, qu'on assimile des doctrine qui n'ont rien à voir les unes avec les autres, comme le fait de placer communisme et nazisme dans le sac, rien d'autre que de la rhétorique. Il n'y a là qu'une stratégie de la "droite", constituant une réponse symétrique à la stratégie de la "gauche" qui, dans les années 50-70 associait le gaullisme au nazisme. Tout cela est tout simplement nul.

Commencer à discuter sérieusement, Speedy Gonzalez, consisterait à essayer de justifier pourquoi tu prétends mettre communisme et nazisme sur le même plan. Et où, à part dans les élucubrations d'un autre apostat, Stéphane Courtois, tu as vu le chiffre de "100 millions de morts". Parce qu'au fond, n'est-ce pas, c'est bien ça le véritable sujet.

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Message par poussbois Sam 18 Aoû 2012 - 17:13

Courtial a écrit: je suis scandalisé par l'usage qui est fait de Camus par une certaine droite, je ne sais pas ce qu'on pense Onfray (absolument et abyssalement muet sur la question), mais je ne suis pas sûr qu'il s'en démarque explicitement.

Parallèlement, je suis également scandalisé de la façon dont est traité Camus par une certaine gauche (cf l'article du monde diplo de 2000 que j'ai cité plus haut) qui en fait un penseur colonial refoulé.

Onfray a très rapidement parlé des mauvaises interprétations des ouvrages de Camus qui l'ont fait rejeter par ceux qui auraient pu être des compagnons de route (une partie de la gauche révolutionnaire) et récupérer par ses ennemis (la droite nationaliste). Il présente Camus sous les traits d'un socialiste libertaire, promoteur d'un fédéralisme international ce qui laisse peu de place aux options de droite. Et je ne crois pas qu’Onfray qui se targue d’être fidèle à ses origines sociales puisse envisager à ralliement à droite de Camus, ou que lui-même tombe dans le panneau des gens que tu as cités.

Camus Communiste, oui, ça je le savais. Tout le monde essaye un jour ou l’autre, moi, c’est la carte des Verts que j’ai eu pendant 2 ans. Je n’ai pas eu l’honneur de me faire virer, mais il est vrai que les partis demandent plus des bras disciplinés pour voter/tracter/coller plutôt qu’un pensée libre. D’après ce que j’ai entendu d’Onfray, c’était l’époque où il était très proche de Jean Grenier. Leurs rapports se sont distendus après cette aventure communiste. Soit que Camus se soit senti abusé (il avait 24 ans en 37 quand il a été viré et 22 quand il a adhéré), ou que ce soit simplement un sentiment d’échec politique qui ait séparé les deux hommes. Il dédicace néanmoins l’homme révolté à Jean Grenier et il a toujours aidé après-guerre son vieux professeur, sans que leur amitié reste très solide.


Bergame, si l’humanisme poussé dans ses pires excès peut mener à l’arche de Zoë, celui de Camus me semble totalement immunisé contre ces pièges parce qu’il est incarné et empathique. Pas empathique dans le sens « je ressens le malheur du monde », non. Empathique dans le sens où il se met à la place de. C’est clairement le sens de sa phrase qui a été tant décriée. « En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mère ». transformée par des journalistes de gôche en « je préfère ma mère à la justice ».

Pour lui, il ne peut pas y avoir de justice si des mères, des enfants, des parents, des amis, et surtout des innocents sont tués. Le principe de l’homme révolté c’est bien de faire la peau à l’idée qu’il n’y aurait pas d’innocents et que si nous avons le droit avec nous (la lutte contre la colonisation), nous pourrions justifier tous les types d’ actions violentes.
L’humanisme de Camus ne revoie pas à la protection du faible, ou à une forme d’entre-aide paternaliste internationale. Son humanisme vise à créer une communauté. C’est un des sens de son « je me révolte donc nous sommes ». C’est bien plus vaste encore, mais il faudrait développer sur de nombreuses lignes. Je suis totalement immergé dedans depuis plusieurs mois ce qui nuit sans doute à mon sens critique, mais actuellement, je ne vois pas de défauts.

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Message par Geo Rum Phil Sam 18 Aoû 2012 - 17:19

Bergame a dit:
Même l'"humanisme" est à mes yeux suspect. Que de guerres et de massacres, que de privations de liberté au nom de cet "humanisme". Tout cela n'est qu'idéologie.

Moi, je trouve encore plus suspect le fait de parler d'humanisme sans rien dire d'animalisme...même si cet "humanisme" au péjoratif est suspect d'animalisme. Wink

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Message par euthyphron Sam 18 Aoû 2012 - 17:47

A vrai dire, n'ayant pas une vocation de belle-mère, je suis incapable de dire qui de Camus (il est si beau!) ou de Sartre (apparenté aux Schweitzer, tout de même!) ferait le meilleur gendre. En fait, grâce à Onfray, j'ai compris que la question ne peut guère se régler que par une enquête sur les préférences sexuelles de la supposée future. Ceci dépasse mes compétences.
Mais si l'on s'en tient aux questions philosophiques, au fond qu'est-ce qui les sépare? Chez Sartre, il y a un profond dégout de la moraline (si je ne m'abuse, l'expression est de lui). Toutes les prescriptions dégoulinantes de sentiments, toutes les généralités bien-pensantes, tous les jugements gonflés de ressentiments, il les a en horreur. Il n'est pas immoraliste pour autant, on sait qu'il a projeté d'écrire une morale, et d'ailleurs son oeuvre suffit pour s'en faire une idée assez précise. Tout le monde sait qu'il s'agit d'une morale de la liberté. C'est pourquoi le salaud, chez lui (lui qui a donné à ce concept ses lettres de noblesse philosophiques) n'est pas celui qui "fait le mal", mais celui qui se croit du bon côté par essence.
Camus n'a pas du tout la même attitude. Le texte cité par Poussbois révèle une certaine importance de "l'empêchement". Un homme, digne de ce nom, c'est celui qui dit non, qui a des valeurs avec lesquelles il ne transige pas. Une éthique de la droiture, en quelque sorte.
Si on veut bien admettre que l'un comme l'autre avaient un profond souci éthique, il n'est pas inintéressant de marquer ce fossé. Sur ce point, en apparence, il est en effet exact qu'entre Sartre et Camus il faut choisir, mais aussi que ce n'est pas si évident.
J'ai d'ailleurs l'impression que cette opposition éthique est le reflet de la façon dont chacun prend acte de la mort de Dieu et de l'absurdité de l'existence. Une bonne nouvelle chez Sartre, un rocher à soulever pour Camus. Le plus athée des deux, il me semble que c'est incontestablement Sartre.

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Message par Bergame Sam 18 Aoû 2012 - 18:33

euthyphron a écrit: [Sartre] n'est pas immoraliste pour autant, on sait qu'il a projeté d'écrire une morale, et d'ailleurs son oeuvre suffit pour s'en faire une idée assez précise. Tout le monde sait qu'il s'agit d'une morale de la liberté. C'est pourquoi le salaud, chez lui (lui qui a donné à ce concept ses lettres de noblesse philosophiques) n'est pas celui qui "fait le mal", mais celui qui se croit du bon côté par essence.
Camus n'a pas du tout la même attitude. Le texte cité par Poussbois révèle une certaine importance de "l'empêchement". Un homme, digne de ce nom, c'est celui qui dit non, qui a des valeurs avec lesquelles il ne transige pas. Une éthique de la droiture, en quelque sorte.
Alors ça c'est intéressant, parce que d'un seul coup d'un seul, tu viens d'énoncer (et à mon sens, avec quelque raison) que la morale de Sartre est une éthique de la responsabilité, tandis que la morale de Camus est une éthique de la conviction. Ce qui, pour ce que j'en ai compris, est exactement l'inverse de ce que prétend Onfray -ou me trompé-je ?


poussbois a écrit:Pour lui, il ne peut pas y avoir de justice si des mères, des enfants, des parents, des amis, et surtout des innocents sont tués. Le principe de l’homme révolté c’est bien de faire la peau à l’idée qu’il n’y aurait pas d’innocents et que si nous avons le droit avec nous (la lutte contre la colonisation), nous pourrions justifier tous les types d’ actions violentes.
Oui, mais pfff... Tout ça est pour moi embrouillé à l'excès : Qu'est-ce que la guerre a à voir avec la justice ? Rien, c'est certain. Une guerre, ça fait des morts, et parfois des morts civils, des "innocents" comme tu dis. Mais "innocent" de quoi ? Je ne comprends pas. La guerre, ce n'est pas un châtiment.
Non, je crois plutôt que le fond du discours, c'est que la guerre, ça fait des morts et que, par conséquent, ce n'est aucunement justifiable, jamais. Il n'y a pas de guerre juste. Bon, c'est une position. Personnellement, je pense que la lutte pour l'indépendance et la liberté peut être justifiée.

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Message par Courtial Sam 18 Aoû 2012 - 20:13

Camus Communiste, oui, ça je le savais. Tout le monde essaye un jour ou l’autre, moi, c’est la carte des Verts que j’ai eu pendant 2 ans. Je n’ai pas eu l’honneur de me faire virer, mais il est vrai que les partis demandent plus des bras disciplinés pour voter/tracter/coller plutôt qu’un pensée libre. D’après ce que j’ai entendu d’Onfray, c’était l’époque où il était très proche de Jean Grenier. Leurs rapports se sont distendus après cette aventure communiste. Soit que Camus se soit senti abusé (il avait 24 ans en 37 quand il a été viré et 22 quand il a adhéré), ou que ce soit simplement un sentiment d’échec politique qui ait séparé les deux hommes. Il dédicace néanmoins l’homme révolté à Jean Grenier et il a toujours aidé après-guerre son vieux professeur, sans que leur amitié reste très solide.
Alors moi j'vais t'dire, je trouve ça super que tu saches et que tu te souviennes comme ça.
Mais comme j'ai eu l'honneur et l'avantage de le mentionner ci-dessus, toutes ces démonstrations ont fini d'avoir quelque pouvoir sur mon esprit quand j'ai compris que - comme on en voit ici un fort bel exemple - cet hommage ne vise qu'à évacuer la question, noyer le poisson, arrêter toute discussion sérieuse. Oui, Camus a été communiste. Puis après plus, à cause des camps. Donc il devait être un type qui soutenait les camps, un criminel ou un de leurs amis, de leurs soutiens, etc. avant, non ? Je dis alors non : communiste pouvait signifier, dans le contexte où il était et a signifié en effet : donner des cours de français aux Arabes (élément très important de promotion sociale), monter des pièces de théâtre dans des quartiers, etc. Ce n'est pas très rentable et il n'y avait pas trop de "libéraux" pour se proposer, en ce temps-là. Il m'est arrivé de fréquenter ce genre de lieux : j'ai vu pas mal de communistes à leur tête, je dois avouer, et je n'y ai jamais rencontré Madelin. Le hasard, sans doute. Ils m'ont laissé en vie puisque je puis en témoigner.
Je serais beaucoup plus convaincu si, au lieu de me jeter ce genre de leurre, on en venait à l'explicitation plus positive de ce que les marchés, l'argent, vont trouver de nécessaire dans la diffusion de la connaissance, ainsi que dans l'épanouissement intellectuel et humain de la plus grande partie de notre genre. Il n'y a sur ce point aucune différence entre Sartre et Camus.
Mais là on me répond : mais oui, je sais qu'il a été communiste; ceci veut dire : un criminel, un gardien de camp ou un mec qui veut aider les kapos et les génocideurs.
Et même si l'on n'est pas d'accord, on ne se croit pas obligé de démêler cela.
Un Communiste, c'est un type qui prend son pied rien qu'à l'idée de génocider la moitié du genre humain, seulement parce qu'il est communiste, le gars...

Et pour l'affaire de la Mère de Camus :
Camus évoque donc "ma mère". Cette expression, en toute rigueur, nous renvoie à deux éléments : une proposition universelle (tout homme, quel qu'il soit, a une mère ; ce n'est pas comme s'il disait "ma montre", par exemple) et le propos a donc le point de vue général qu'il voulait lui donner. Mais on ne peut écarter qu'il songe à sa propre mère, à Maman Camus, lorsqu'il dit "ma mère". Et c'est quoi, Maman Camus ? Une fille qui a passé l'essentiel de sa vie à faire des ménages, autrement dit ramasser la merde des riches d'Alger. Donc elle va prendre son bus pour aller se faire exploiter et une bombe va lui pulvériser la gueule. On va donc dire : mais de quel droit, qu'est-ce qu'elle vous a fait ? Ah, mais elle est en faute et elle n'est pas innocente, parce qu'elle est une Blanche, une occupatrice, etc. Et cela fait partie de la justice que... etc. Alors là, Camus dit en effet : si vous appelez cela la justice, je préfère ma mère. Ce qui n'a absolument pas le sens d'une affirmation individualiste (qui serait impossible si elle n'était, en fait absurde : quiconque réfléchit plus de 7 secondes à l'alternative en perçoit l'absurdité et l'impossibilité qu'elle se présente en effet comme une alternative), du genre fiat mater pereat mundus (que ma mère soit, le monde dût-il en périr), je veux sauver ma mère, quoi qu'il en soit du monde. Si la justice ne peut plus être pour vous que ce genre de parodie dérisoire, ma mère - pas seulement elle mais personne - ne peut y être sacrifié.



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Message par Invité Sam 18 Aoû 2012 - 21:42

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Message par poussbois Sam 18 Aoû 2012 - 22:16

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Onfray - L'opposition Camus/Sartre vu par Onfray Empty Re: L'opposition Camus/Sartre vu par Onfray

Message par poussbois Sam 18 Aoû 2012 - 22:51

Euthyphron a écrit:J'ai d'ailleurs l'impression que cette opposition éthique est le reflet de la façon dont chacun prend acte de la mort de Dieu et de l'absurdité de l'existence. Une bonne nouvelle chez Sartre, un rocher à soulever pour Camus. Le plus athée des deux, il me semble que c'est incontestablement Sartre.

Assez bien vu. Même si dans le mythe de Sisyphe, il me semble Camus dans son préambule se défend de toute approche métaphysique "pour le moment" (!!). Et je n’ai jamais vu le moment où il proposait une métaphysique par la suite.

Entre ces deux approches morales, Sartre et Camus, est-ce vraiment obligatoire de choisir ? A la fin de l'homme révolté, Camus en appelle à une philosophie de la mesure. Il y a des seuils indépassables comme mettre des bombes dans des autobus, ou mettre en place un pouvoir autoritaire, mais après, il y a une certaine latitude d'action.

Quant à la moraline, j'étais persuadé que c'était de Nietzsche. Mais c'est du détail...

On est bien loin d’Onfray et des disputes politico-historiques, mais c'est plus intéressant. :)

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19/08

Je ressaye une dernière fois de participer dans un contexte que je trouve un peu trop tendu à mon goût.

Courtial, STP, arrête les procès d'intention. Pas une phrase dans mes interventions ne comporte la moindre connotation anti-communiste. Si j'ai mentionné que je connaissais son passé communiste, c'est pour dire que ça ne change pas un iota à ma position. Quant à son éviction/démission du parti, il me semblait que cela avait rapport avec la position du PCF sur l'indépendance de l'Algérie et pas sur les camps. Mais je connais mal ses positions avant-guerre. Il ne faudrait pas toujours tout ramener au problème du goulag.
Et ce n'est pas faire de l'anticommunisme que de dire cela. Personne ne renie et surtout pas moi, les apports du PC à gauche, mais on peut tout de même dire que le fonctionnement de ce parti était sur un mode autoritaire (voir effectivement le livre de London puisque tu en as parlé je crois, ainsi que le film l'aveu). Et dans ce cadre, la fin du film avec cette citation qui m'a toujours fait vibré quand j'étais ado "Lénine, réveille-toi, ils sont devenus fous" est un leurre. La politique autoritaire ayant été mise en place par ce dernier. Il est logique dans ces conditions qu'un libertaire comme Camus ne s'y sente pas à l'aise. Ceci dit, le compagnonnage aurait dû être possible, il l'a d'ailleurs probablement été sur un certain nombre de problématique, mais il était difficile dès qu'il était question de liberté.

Noyer le poisson avec la dédicace à J. Grenier ? Je ne sais pas. Les histoires d'amitié sont complexes et Camus avait des problèmes avec les images paternelles qu'il a croisées. Je pense que c'est faire preuve de fidélité. Pour le reste, il y a des chances qu'on rentre plus dans la psychologie et là je suis hors compétence.

Pour tes remarques sur le problème de la justice, je suis totalement d'accord, c'est bien plus complet que ce que j'avais écrit.


Bergame, cher Bergame, tes haussements d'épaules sont souvent le signe d'une incompréhension mutuelle, et je ne m'en formalise pas trop même s'il y en a de plus douloureux que d'autres. Par contre, je voudrais préciser pour voir si nous parlons bien de la même chose.
Pour Camus, effectivement, un homme ça dit non. Il y a un seuil à partir duquel, il n'est plus possible d'accepter l'injustice et qui entraine une révolte. Or, ce sont les modalités de la révolte que décrit Camus et ses dérives possibles. Pour faire simple, bien sûr qu'il y a des morts pendant les guerres, et bien sûr qu'il est nécessaire de se défendre contre un ennemi. Par contre, ce qui n'est pas possible, c'est de rentrer dans une violence aveugle et de type nihiliste. Mettre des bombes dans autobus, torturer, etc... et il n'y a rien qui puisse le justifier : l'indépendance, la vengeance, la stratégie de la terreur, rien qui puisse nous protéger des dégâts politiques, sociaux et même intimes que cela engendre.
Faire cela, céder à sa propre violence aveugle, c'est céder à son pire ennemi, son ennemi intime. Je te renvoie donc au reportage éponyme de Rotman qui vient parfaitement compléter le livre de Camus. Car l'homme révolté fait l'impasse sur deux points à mon sens : S'il y a un seuil de révolte, comment s'assurer que notre niveau de réaction sera acceptable a posteriori, soit d'un point de vue historique, soit plus intimement d'un point de vue personnel (c'est toute la problématique de l'expérience de Milgram). A ce sujet, on peut considérer que Camus et Sartre ont eu la même analyse des camps, mais avec un décalage pour Sartre; c'est ce décalage qu'on retient alors qu'au final les positions sont convergentes.
Autre impasse, comment des révoltés peuvent devenir de parfaits salauds en fonction des situations. La révolte n'est pas un diplôme, il faut l'entretenir et rester vigilant. Dans le cas contraire, on peut être un résistant du Vercors en 1942 et le pire tortionnaire en 1955. C'est un des exemples du film de Rotman qui, lui, décrit le mécanisme qui fait qu'on peut devenir le salaud qu'on a toujours combattu. Rentrer dans ce type de spirale est de plus totalement mortifère et psychologiquement insupportable, quelles que soient les récompenses et les soutiens officiels. Oui, un homme ça s'empêche, ou sinon ce n'est plus un homme mais un salaud. Camus l'exprime, Rotman rappelle à quel point il est pratiquement impossible d'être immunisé contre ce risque.

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Message par Bergame Dim 19 Aoû 2012 - 16:31

Tous les partis politiques sont autoritaires -comme tu l'as d'ailleurs suggéré toi-même : Quand on adhère à un parti, on intègre une organisation structurée et hiérarchisée, avec une discipline. Un parti, ce n'est pas un rassemblement de libre-penseurs, qu'il soit de gauche ou de droite. Apparemment, les Verts sont d'ailleurs l'organisation la moins structurée -mais c'est peut-être aussi la moins efficace.

Ce n'est pas un haussement d'épaule, c'est que ce genre de position tranchée me convient de moins en moins. Je me retrouve de moins en moins dans cet "humanisme" qui érige la paix et la non-violence en valeurs suprêmes. Ceci, je crois, depuis que j'ai compris -ou cru comprendre- combien cette doctrine était liée au libéralisme. La paix, et la garantie de la paix, c'est l'idéal de celui qui possède. Car la paix, bien entendu, favorise le statu quo. Celui à qui manque l'essentiel ne veut pas forcément la paix, et éventuellement, lui est prêt à se battre.
Maintenant, je comprends ce dont tu parles plutôt comme une distinction civils / militaires.

Pour faire simple, bien sûr qu'il y a des morts pendant les guerres, et bien sûr qu'il est nécessaire de se défendre contre un ennemi. Par contre, ce qui n'est pas possible, c'est de rentrer dans une violence aveugle et de type nihiliste. Mettre des bombes dans autobus, torturer, etc... et il n'y a rien qui puisse le justifier : l'indépendance, la vengeance, la stratégie de la terreur, rien qui puisse nous protéger des dégâts politiques, sociaux et même intimes que cela engendre.
Faire cela, céder à sa propre violence aveugle, c'est céder à son pire ennemi, son ennemi intime.

Je comprends en effet que lorsque tu parles de "violence aveugle", de poser des bombes dans les autobus, etc. tu parles d'une violence qui ne distingue pas, ou pas bien entre l'ennemi et les civils "innocents". Surtout quand ces civils sont du même "peuple" que les combattants, comme dans le cas de l'Algérie. C'est comme ça qu'il faut entendre Camus, non ? "Êtes-vous prêts à tuer votre propre mère dans un attentat ?"

Mais pour moi, c'est un peu lyrique. Une guerre comme la guerre d'Algérie n'est pas une guerre conventionnelle qui oppose deux armées, composées de professionnels ayant fait en quelque sorte le choix conscient et volontaire de risquer leur vie. Dans ce type de guerre, effectivement, les civils sont "innocents" et dûments protégés par la Convention de Genêve. Mais la guerre d'Algérie ne ressemble pas à ce modèle. Elle fut l'un des premiers exemples -donc neuf, à l'époque, et un peu horrifiant sans doute- de ce que sont les guerres d'aujourd'hui : Ce sont des guerres de partisans, des guerres de rues, insurrectionnelles. Dans une guerre de ce type, il y a deux dimensions qui se chevauchent : Une dimension guerre contre l'occupant, qui dispose bien souvent en effet d'une armée en bonne et dûe forme ; et une dimension guerre civile, contre les collaborateurs de l'occupant (j'entends : perçus comme tels), et qui vise à éloigner la population de l'ennemi, à l'isoler. Et puis il y aussi une guerre psychologique, les insurgés devant montrer leur détermination à aller jusqu'au bout, et l'occupant les désignant comme terroristes, et bourreaux de leur propre peuple.
Tout cela, ça n'est que de la stratégie militaire. Alors qu'est-ce que vient faire la morale là-dedans ? Oui, des révoltés peuvent devenir de parfaits salauds, bien entendu. Mais "salaud", en temps de guerre, qu'est-ce que ça veut dire, exactement ? La guerre, quoiqu'en disaient les américains il y a pas longtemps, il me semble que c'est jamais très propre.
Cependant, à titre personnel, on n'est pas obligé de la faire.

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Message par baptiste Lun 20 Aoû 2012 - 12:22

Bergame a écrit:
Ce n'est pas un haussement d'épaule, c'est que ce genre de position tranchée me convient de moins en moins. Je me retrouve de moins en moins dans cet "humanisme" qui érige la paix et la non-violence en valeurs suprêmes. Ceci, je crois, depuis que j'ai compris -ou cru comprendre- combien cette doctrine était liée au libéralisme. La paix, et la garantie de la paix, c'est l'idéal de celui qui possède. Car la paix, bien entendu, favorise le statu quo. Celui à qui manque l'essentiel ne veut pas forcément la paix, et éventuellement, lui est prêt à se battre.


En voila une position originale, j'en était resté à la guerre du Vietnam défaite américaine mais victoire du complexe militaro-industriel, à la guerre des six jours victoire du complexe militaro-industriel israélien, à la guerre du golf pour le pétrole au discours d'adieu d'Eisenhower du 17 janvier 1961:


"Cette conjonction d'une immense institution militaire et d'une grande industrie de l'armement est nouvelle dans l'expérience américaine. Son influence totale, économique, politique, spirituelle même, est ressentie dans chaque ville, dans chaque Parlement d'Etat, dans chaque bureau du Gouvernement fédéral. Nous reconnaissons le besoin impératif de ce développement. Mais nous ne devons pas manquer de comprendre ses graves implications. Notre labeur, nos ressources, nos gagne-pain… tous sont impliqués ; ainsi en va-t-il de la structure même de notre société.

Dans les assemblées du gouvernement, nous devons donc nous garder de toute influence injustifiée, qu'elle ait ou non été sollicitée, exercée par le complexe militaro-industriel. Le risque potentiel d'une désastreuse ascension d'un pouvoir illégitime existe et persistera. Nous ne devons jamais laisser le poids de cette combinaison mettre en danger nos libertés et nos processus démocratiques. Nous ne devrions jamais rien prendre pour argent comptant. Seule une communauté de citoyens prompts à la réaction et bien informés pourra imposer un véritable entrelacement de l'énorme machinerie industrielle et militaire de la défense avec nos méthodes et nos buts pacifiques, de telle sorte que sécurité et liberté puissent prospérer ensemble."



Ainsi donc d'après toi j'avais tout faux, peut-être devrais tu argumenter un petit peu, si tu as compris aide nous à comprendre, ne nous laisse pas dans l'ignorance


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