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Monothéisme / polythéisme, dogmatisme / tolérance

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Message par Bergame Sam 12 Mai 2012 - 12:37

Je relisais notre discussion sur la gouvernance et la démocratie, et je réfléchissais à la question de la désobéissance civile.

Supposons donc un pouvoir reconnu comme légitime par le plus grand nombre. Peut-il être légitime de s'y opposer ? Répondre "oui" à cette question me semble impliquer
- d'une part, de faire référence à un autre principe de légitimité que celui sur lequel se fonde la légitimation (reconnue) de ce pouvoir,
- et d'autre part, de croire en la supériorité de ce principe de légitimité alternatif.
En somme, cela implique de croire en la supériorité effective de ses propres croyances sur celles d'autrui. Mais une supériorité de type sémantique, intrinsèque, en quelque sorte : Il existe des valeurs, des doctrines, intrinsèquement, qualitativement meilleures que d'autres, indépendamment du nombre des individus qui y croient.

Finalement, il me semble avec le recul que toute notre discussion tournait autour de cette question : Existe-t-il des valeurs, des doctrines objectivement supérieures à d'autres, et dont on puisse démontrer qu'elles le sont selon une argumentation qui pourrait convaincre aussi bien un Chinois ou un Africain, comme disait à peu près Weber ? Ou est-ce un biais cognitif généralisé que de partir du principe que le dieu auquel je crois est le seul vrai dieu, et que les croyances d'autrui, si elles sont différentes des miennes, ne sont qu'illusions ou bétises ?

Ce qui entraine une seconde question : La croyance en la supériorité objective de ses propres croyances sur celles d'autrui est-elle conséquente d'une socialisation au sein d'une culture marquée par le monothéisme ? Dans une culture marquée par le polythéisme, admet-on plus aisément que l'autre puisse croire en autre chose que ce en quoi l'on croit soi-même ?

Et troisième question, donc : Sommes-nous encore cognitivement capables de comprendre les Grecs ?

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Message par Tenzin Dorje Sam 12 Mai 2012 - 12:43

Tu auras plusieurs réponses à ces questions.

L'accepteras-tu, ou chercheras-tu à en favoriser une seule ? :)

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Message par euthyphron Sam 12 Mai 2012 - 14:22

Bergame a écrit:Supposons donc un pouvoir reconnu comme légitime par le plus grand nombre. Peut-il être légitime de s'y opposer ? Répondre "oui" à cette question me semble impliquer
- d'une part, de faire référence à un autre principe de légitimité que celui sur lequel se fonde la légitimation (reconnue) de ce pouvoir,
- et d'autre part, de croire en la supériorité de ce principe de légitimité alternatif.
En somme, cela implique de croire en la supériorité effective de ses propres croyances sur celles d'autrui. Mais une supériorité de type sémantique, intrinsèque, en quelque sorte : Il existe des valeurs, des doctrines, intrinsèquement, qualitativement meilleures que d'autres, indépendamment du nombre des individus qui y croient.
Nous avons déjà été pris en flagrant délit de désaccord sur cette question. Je crois que ta reformulation pourra nous aider à y voir clair. Car elle exprime à peu de choses près exactement le contraire de ce que je pense.
Prétendre qu'il est légitime de s'opposer à une autorité revient à nier que cette autorité soit absolue. Peu importe sur quoi elle se fonde d'ailleurs. Or, il n'y a pas d'autorité absolue. Donc, je prétends qu'il peut être légitime de dire non, quel que soit le pouvoir en place.
Faut-il pour cela un autre principe de légitimité, comme tu le demandes? Non, absolument pas. Contester un pouvoir n'implique pas de le considérer comme illégitime. Il fut un temps, souvenons-nous, où certains d'entre nous contestâmes fermement un certain Nicolas Sarkozy, sans jamais pour cela avoir remis en cause la légitimité de son élection.
Contester une décision, est-ce croire en la supériorité de ses croyances sur celles d'autrui? Ni plus ni moins que chaque fois que l'on pense avoir raison. Cela n'implique aucun orgueil coupable, ni aucune fermeture d'esprit à l'argumentation adverse. Je pense même que plus l'on sera sincèrement convaincu d'avoir raison plus l'on sera disposé à considérer avec attention la parole de l'autre.
Je trouve d'ailleurs que la formulation ne va pas. Il ne s'agit pas de supériorité, il s'agit de savoir qui a raison. C'est sur ce point, comment déterminer qui a raison, que la réflexion se heurte aux difficultés de l'analyse. Mais avoir raison n'est jamais automatique, donc n'est pas la conséquence d'une sorte de supériorité a priori. Il ne s'agit pas non plus d'avoir raison contre autrui, mais contre un pouvoir. Autrui est au contraire requis, au moins virtuellement, comme arbitre de la discussion. C'est d'autant plus vrai que le problème de la désobéissance n'est vraiment intéressant que dans le cas où elle est collective.

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Message par baptiste Dim 13 Mai 2012 - 0:32

Bergame a écrit:
- et d'autre part, de croire en la supériorité de ce principe de légitimité alternatif.

Et dire que tu m’as accusé d’être confus ! C’est quoi un principe de « légitimité alternatif».

Le pouvoir est légitime lorsqu’il reçoit le consentement du peuple. Le consentement ne signifie pas l’approbation, si la minorité accepte la légitimité de la majorité à gouverner il y a consentement de la minorité. Il est légitime de s’opposer voir contester une décision mais il est illégitime de désobéir. Tu écris « Il existe des valeurs, des doctrines, intrinsèquement, qualitativement meilleures que d'autres, indépendamment du nombre des individus qui y croient. » « Meilleur » n’est ce pas un peu subjectif ?

Je ne crois pas que nous discutions du meilleur régime, simplement des fondements de la démocratie et d’un consentement sincère, je peux objectivement dire que le régime de Pyong-Yang ne peut apporter la preuve d’un quelconque consentement populaire, et qu’il na rien de démocratique même s’il s’appelle « République démocratique populaire » mais il est plus difficile de dire objectivement qu’il est pire ou meilleur qu’une démocratie de type occidental. Tout jugement ne peut se faire qu’en rapport à un certain nombre de valeurs démocratiques en l’occurrence les miennes (accessoirement que je prétends être universelles), il se trouve que par je ne sais quel hasard une grande majorité pense de même et le manifeste bruyamment.

Ne sommes nous pas simplement des animaux sociaux et comme tous les animaux sociaux nous avons besoin de règles du vivre ensemble. « L’homme est un animal politique » disait Aristote, le vivre ensemble c'est aussi la prise de conscience de l'autre. L’autre qui fonde ma responsabilité mais aussi qui m’oblige et me menace, peut-on dire qu’il existe objectivement une supériorité ou infériorité des civilisations entre-elles par rapport à cette relation? Avec Lévinas peut-on dire que l’autre fonde l’éthique et la politique ? « Par conséquent, la question importante du sens de l'être n'est pas: pourquoi y a-t-il quelque chose et non rien - question leibnizienne tant commentée par Heidegger - mais: est-ce que je ne tue pas en étant? »

Quand à ta seconde question, Dieu ou Dieux peu importe, les deux sont des métaphores dans le domaine du sentiment qui répondent à des nécessités intérieures des réponses non rationnelles aux angoisses existentielles, des métaphores émergeant de la puissance créatrice du langage donc de l’être donc du « moi » du « je » de manière identique, rien à voir avec l’autre.

Les Grecs m’obligent mais aussi me menacent ? Empathie mais pas symptahie.



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Message par Bergame Dim 13 Mai 2012 - 13:16

euthyphron a écrit:Faut-il pour cela un autre principe de légitimité, comme tu le demandes? Non, absolument pas. Contester un pouvoir n'implique pas de le considérer comme illégitime. Il fut un temps, souvenons-nous, où certains d'entre nous contestâmes fermement un certain Nicolas Sarkozy, sans jamais pour cela avoir remis en cause la légitimité de son élection.
Oui, mais en replaçant le problème au niveau du dirigeant, tu masques les difficultés. Je comprends ce que tu veux dire ici, mais cela repose sur un schéma logique comme suit :
- Dans un régime démocratique, un dirigeant est légitime non pas par lui-même, "directement", mais en vertu d'une procédure/institution démocratique.
- Dans un régime démocratique, une institution démocratique est légitime en vertu de valeurs démocratiques. Il est en effet supposé que les institutions démocratiques constituent des approximations de valeurs démocratiques.
C'est rapidement exposée la théorie de la démocratie "libérale", ou "institutionnelle", ou "réelle", qui est fondée sur un principe indirect de légitimité. Selon cette théorie, les dirigeants des régimes démocratiques ne sont pas légitimes en eux-mêmes, et par conséquent, ils sont en effet contestables, y compris lorsqu'ils ont été élus. Ce qui est légitime, c'est la procédure de désignation des dirigeants, une procédure institutionnalisée et garantie par une constitution, elle aussi légitime. Or, si la constitution est légitime, c'est parce qu'elle est élaborée en vertu de valeurs légitimes. Es-tu déjà d'accord avec cela ?
Parce qu'ensuite, je place quant à moi la discussion au niveau des valeurs, c'est-à-dire au plus haut niveau de ce schéma en cascade.

Alors une fois replacée la question à ce niveau, je reprends ton énoncé. Je ne "demande pas" un autre principe de légitimité pour contester le pouvoir, je pense, et je suggère, que la contestation de la légitimité d'un pouvoir se fait toujours au nom d'un autre principe de légitimité, implicitement ou explicitement. Autrement dit : La contestation d'une valeur se fait toujours au nom d'une autre valeur. Il me semble que jusqu'ici, nous ne sommes pas tant en désaccord, que nous pourrions en tous cas nous entendre mutuellement. Me trompé-je ?
Là où notre discours diverge, et ce d'une manière générale, je crois, c'est lorsque tu affirmes que le problème est de savoir qui a raison. Qu'en somme, il existe des valeurs rationnelles. Je crois que notre grand désaccord porte sur la nature de la raison, si j'ose dire. Et je pense que si nous désirions continuer plus avant à discuter, de manière fructueuse en tous cas, c'est ce sujet qu'il nous faudrait aborder : Qu'est-ce que la raison ?

Auparavant, j'ajouterai ceci : Parce que je ne crois pas en la réalité de la raison sémantique, je crois à l'incommensurabilité des valeurs. A partir du moment où une discussion en arrive au point où se confrontent des valeurs, il me semble qu'il est impossible de déterminer lequel a raison. Que les parties en présence pensent chacune de leur côté avoir raison, cela est clair, bien entendu, car croire en X et partir du principe qu'on a raison de croire en X, cela semble, cognitivement, une seule et même chose. Mais que l'on puisse déterminer, au moyen du raisonnement logique, que l'une des parties a effectivement raison sur l'autre, voila qui me semble naïf. Sous réserve, bien entendu, que nous définissions la raison.

Et second point : La croyance en la réalité de la raison sémantique me semble un héritage d'une culture marquée par le monothéisme -c'est du moins la question que je posais. C'est-à-dire l'idée que le conflit des valeurs n'est qu'une conséquence de l'ignorance des hommes quant à la réalité d'une hiérarchie des valeurs, universellement valide. Et que la raison est précisément cette lumière qui écarte les ténèbres de l'ignorance, éclaire ce qui est obscur, et dévoile ce qui est caché.
Le polythéisme envisage les choses de manière très différente : Le panthéon est fonctionnellement différencié, et chaque dieu arbitre une sphère d'activité sociale conçue comme radicalement hétérogène aux autres. Venus s'occupe de l'amour, Mars de la guerre, etc. Venus a-t-elle raison, intrinsèquement raison, contre Mars ? Ou inversement ? Il ne me semble pas. Mars et Venus sont engagés dans une lutte, tantôt se combattant, tantôt se rapprochant. Mais pour les Grecs, il ne me semble pas que l'amour ait été plus raisonnable, ou plus rationnel, que la guerre. Voila en tous cas ce que j'entendais par ce sujet.

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Message par euthyphron Dim 13 Mai 2012 - 15:50

Bergame a écrit: Je ne "demande pas" un autre principe de légitimité pour contester le pouvoir, je pense, et je suggère, que la contestation de la légitimité d'un pouvoir se fait toujours au nom d'un autre principe de légitimité, implicitement ou explicitement. Autrement dit : La contestation d'une valeur se fait toujours au nom d'une autre valeur. Il me semble que jusqu'ici, nous ne sommes pas tant en désaccord, que nous pourrions en tous cas nous entendre mutuellement. Me trompé-je ?
Tu parles de la contestation de la légitimité, ce n'est plus la même question. Moi je m'en suis tenu à la question de la contestation d'un pouvoir dont on reconnaît la légitimité.
Or, il n'est pas vrai qu'elle se fasse au nom d'autres valeurs, bien au contraire c'est plutôt l'exception. En règle générale, la contestation s'appuie sur les valeurs, si tu tiens vraiment à ce mot, que le pouvoir légitime a charge de défendre. En d'autres termes, le pouvoir est accusé de mal faire son boulot.
Bergame a écrit:
Là où notre discours diverge, et ce d'une manière générale, je crois, c'est lorsque tu affirmes que le problème est de savoir qui a raison. Qu'en somme, il existe des valeurs rationnelles. Je crois que notre grand désaccord porte sur la nature de la raison, si j'ose dire.
L'incompréhension fondamentale se situe sans doute à ce niveau, oui. Je n'affirme pas du tout qu'il existe des valeurs rationnelles. Je prétends en revanche que la raison a un rôle à jouer dans les questions éthiques.
Bergame a écrit:
Auparavant, j'ajouterai ceci : Parce que je ne crois pas en la réalité de la raison sémantique, je crois à l'incommensurabilité des valeurs. A partir du moment où une discussion en arrive au point où se confrontent des valeurs, il me semble qu'il est impossible de déterminer lequel a raison.
Il arrive que des questions soient indécidables, je te le concède. C'est d'ailleurs pour cela qu'il faut un pouvoir légitime, et que cette légitimité est elle-même fondée sur du contingent, une tradition, pour reprendre les termes de notre discussion précédente. Le rôle du pouvoir est de décider dans les situations où la question est indécidable. Je ne lui reconnais aucun autre droit.
Encore faut-il en avoir discuté pour décréter qu'une question est insoluble. Or, en discuter, encore une fois, ce n'est qu'exceptionnellement opposer des valeurs à d'autres. La plupart du temps, c'est discuter à l'horizon de ce qui est reconnu comme valeur dans la société à laquelle on appartient. Par exemple, contester la réforme des retraites fait intervenir la valeur "justice sociale", reconnue par les différentes parties en présence comme essentielle à la démocratie.
En ce qui concerne ce que tu dis du polythéisme, cela risquerait de nous faire dériver vers la théologie. Ce que tu dis est intéressant, mais me semble abusivement faire bon marché de la distinction traditionnelle entre le spirituel et le temporel.

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Message par Bergame Dim 13 Mai 2012 - 16:06

Encore faut-il en avoir discuté pour décréter qu'une question est insoluble. Or, en discuter, encore une fois, ce n'est qu'exceptionnellement opposer des valeurs à d'autres. La plupart du temps, c'est discuter à l'horizon de ce qui est reconnu comme valeur dans la société à laquelle on appartient. Par exemple, contester la réforme des retraites fait intervenir la valeur "justice sociale", reconnue par les différentes parties en présence comme essentielle à la démocratie.
Attends, que veux-tu dire, là ? Que lorsqu'on conteste la réforme des retraites, on le fait au nom de la valeur "justice sociale" ? Admettons. Mais lorsqu'on est pour la réforme des retraites, on l'est également au nom de la "justice sociale". Tu en es conscient ? Alors ? Tu penses qu'il est possible de démontrer, sur un problème comme celui-là, que l'une des deux positions est plus juste socialement qu'une autre ?


Accessoirement, la distinction "traditionnelle" entre spirituel et temporel est elle aussi hérité d'une culture marquée par le monothéisme, chrétien qui plus est. Elle n'existe pas dans les autres cultures -musulmane par exemple, mais aussi grecque tu en conviendras peut-être. Ce qui renforce donc mon idée : S'il nous est impossible de penser en-dehors de cette tradition culturelle judéo-chrétienne, peut-être alors sommes-nous aujourd'hui cognitivement incapables de comprendre les Grecs.
Mais je pense quant à moi que la tradition est tout aussi susceptible d'être critiquée qu'autre chose -et au vrai, je pense que la critique s'exerce d'abord et avant tout sur la tradition (sinon quoi ?). Il me semble tout de même que tenter de retrouver la culture grecque sous le limon de la civilisation chrétienne, c'est quand même une grande part de la geste philosophique dans l'"Allemagne" du XIXe s. Bon.

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Message par euthyphron Dim 13 Mai 2012 - 17:21

Bergame a écrit:
Encore faut-il en avoir discuté pour décréter qu'une question est insoluble. Or, en discuter, encore une fois, ce n'est qu'exceptionnellement opposer des valeurs à d'autres. La plupart du temps, c'est discuter à l'horizon de ce qui est reconnu comme valeur dans la société à laquelle on appartient. Par exemple, contester la réforme des retraites fait intervenir la valeur "justice sociale", reconnue par les différentes parties en présence comme essentielle à la démocratie.
Attends, que veux-tu dire, là ? Que lorsqu'on conteste la réforme des retraites, on le fait au nom de la valeur "justice sociale" ? Admettons. Mais lorsqu'on est pour la réforme des retraites, on l'est également au nom de la "justice sociale". Tu en es conscient ? Alors ? Tu penses qu'il est possible de démontrer, sur un problème comme celui-là, que l'une des deux positions est plus juste socialement qu'une autre ?
Eh bien oui, j'en suis conscient, puisque c'est ce que je viens de dire! Cela fait donc une base de discussion. Concrètement, les adversaires de la réforme ont toute légitimité pour mettre en avant les risques d'injustice sociale que cette réforme comporte, en particulier à l'égard de tous ceux qui n'ont cotisé qu'un nombre très insuffisant d'années (femmes et chômeurs).
Ils ont aussi le droit, voire le devoir, de mettre en évidence les effets prévisibles négatifs de la réforme, en particulier de paupérisation du futur troisième âge.
Le gouvernement, dans une démocratie qui fonctionne, a le devoir de répondre sur ces points et sur d'autres que j'ai ici négligés.
Ensuite, pour ce qui est rationnellement indécidable, c'est au pouvoir légitime de trancher.
En clair, et je m'excuse pour la banalité du propos, ce qui caractérise une société qui fonctionne bien c'est sa capacité à organiser des négociations constructives.

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Message par Bergame Dim 13 Mai 2012 - 17:54

Mais ce n'est pas du tout banal, euthyphron. Ne fais pas stp comme si le concept de "démocratie délibérative" n'était pas problématique.
Continuons donc sur ton exemple :
Concrètement, les adversaires de la réforme ont toute légitimité pour mettre en avant les risques d'injustice sociale que cette réforme comporte, en particulier à l'égard de tous ceux qui n'ont cotisé qu'un nombre très insuffisant d'années (femmes et chômeurs).
Si des individus ont cotisé un nombre insuffisant d'années, n'est-il pas légitime qu'ils touchent une retraite calculée au prorata de ce qu'ils ont contribué, même si le montant de cette retraite apparaît faible en valeur absolue ? En somme, qu'ils touchent une retraite insuffisante pour vivre ? N'est-ce pas cela, la justice sociale ?

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Message par euthyphron Dim 13 Mai 2012 - 18:54

Si tel était le cas, pourquoi le pouvoir en place ne l'a-t-il pas assumé? Pourquoi a-t-il voulu faire croire que l'objectif était de sauver un modèle social protecteur?
Comme dit Pascal, la raison est ployable en tous sens. On peut donc construire un discours cohérent pour tout justifier. Mais encore faut-il être capable de l'assumer. On peut vanter les mérites d'un libéralisme impitoyable. Il suffit de poser l'axiome "Tant pis pour les perdants!" On peut espérer se faire élire sur un programme de ce type, je ne me fais pas d'illusion sur le suffrage universel. Mais cela revient à créer un modèle de société du "chacun pour soi". Dont la conséquence est qu'il est permis de se battre par tous les moyens contre ceux qui en profitent. Une telle axiomatique revient donc à détruire dans son fondement même l'idée de justice.

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Message par Bergame Dim 13 Mai 2012 - 19:29

Mais non, euthyphron. "Tant pis pour les perdants" ne revient pas à créer un modèle du "chacun pour soi", cela revient éventuellement à créer un modèle dans lequel quelques-uns, les gagnants, dominent toujours plus le nombre des perdants.

En gros, ce dont nous parlons, c'est des deux principes selon lesquels on peut définir la justice sociale : "A chacun selon son travail/mérite", et "à chacun selon ses besoins". Lorsque tu dis qu'il est légitime de s'opposer à la réforme des retraites parce qu'elle peut être injuste envers ceux qui n'ont pas suffisamment cotisés, en ce sens qu'ils pourraient percevoir une retraite insuffisante pour vivre, tu fais implicitement référence au principe : "A chacun selon ses besoins". Mais selon le principe : "A chacun selon son travail", celui qui ne travaille pas, et donc qui ne cotise pas, ne doit pas avoir droit à une retraite.
Supposons un individu qui n'a jamais travaillé de sa vie, il est parfaitement légitime, selon ce principe, que cet individu ne touche aucune retraite -charge à lui de se débrouiller pour survivre, c'est-à-dire, immanquablement, de se mettre à travailler. Et selon ce principe toujours, il est en revanche parfaitement illégitime que cet individu s'engage dans un combat contre les gagnants : Il est perdant, sans doute, mais c'est de sa seule responsabilité. Il n'avait qu'à commencer à travailler plus tôt.

Alors dans les faits, les gouvernements inscrivent leur action quelque part sur le continuum entre ces deux principes. Mais il s'agit bien tout de même de deux principes différents de légitimité. Tu peux recouvrir leur différence d'un même vocable, "justice sociale", et affirmer que tout gouvernement démocratique se doit de respecter cette valeur. Mais tu n'as alors fait que déplacer le problème : Car tout dépend de la manière dont on définit cette "justice sociale". Selon le choix de la définition, on peut légitimer des politiques tout à fait différentes, et même, à un certain niveau, antagonistes. Au nom de la justice sociale, on peut réclamer un salaire minimum pour tous ou bien au contraire prôner une sorte de darwinisme social.

Qu'est-ce qui est juste, euthyphron ? N'est-il pas juste que le plus fort soumette le plus faible ? N'est-il pas juste que le plus intelligent commande au plus idiot ? N'est-il pas juste que le plus instruit décide pour la masse ? N'est-il pas juste que le plus entreprenant soit mieux rémunéré que le plus fainéant ? N'est-il pas juste que l'élève studieux ait de meilleures notes que le cancre ? N'est-il pas juste que celui qui prend des risques soit mieux récompensé que celui qui manque de courage ? Etc. etc. Ai-je détruit le fondement même de la justice ?

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Message par euthyphron Dim 13 Mai 2012 - 22:23

Pardonne-moi, mais tu répètes toujours le même paradigme, pour le rejeter. Tu fais comme si réfléchir sur ce qui est juste présupposait d'avoir d'abord démontré a priori l'essence de la justice pour ensuite l'appliquer, et tu réfutes le fantôme que tu as créé en disant que tout est relatif.
Je ne m'appuie pas sur le principe "à chacun selon ses besoins". Je m'appuie sur le principe de non-contradiction, dont je prétends que la portée dépasse le simple point de vue de la science.
C'est pourquoi je reconnais bien volontiers qu'on peut tenter de défendre à peu près n'importe quoi en disant que c'est juste. Il suffit de partir de principes qui n'en sont pas. Telle n'est pas ma démarche.
Mais je demande à qui prétend gouverner en vue de la justice s'il est capable d'assumer. Si le projet de société est de récompenser non pas le mérite, mais la réussite, et de punir l'échec, alors d'abord il faut le dire, ensuite accepter d'en payer le prix. Le prix, c'est la légitimation de la violence pour ceux qui ont perdu, ou refusé de jouer. Donc, la fin de la légitimité du pouvoir, car un prince qu'on peut légitimement suspendre à un croc de boucher n'est pas un prince légitime.

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Message par Bergame Lun 14 Mai 2012 - 22:26

Je ne vois toujours pas pourquoi un projet de société fondé sur la récompense du mérite, ou même de la réussite, devrait ou pourrait légitimer la violence de ceux qui échouent. Je pense que tu opères là un saut de pensée, qui n'a rien de logique.
C'est comme si tu disais que le dernier du 100m aux JO était en droit de piquer sa médaille d'or au gagnant.

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Message par euthyphron Mar 15 Mai 2012 - 16:44

euthyphron a écrit:Si, ce qui n'est pas le cas, le pouvoir avait tout à coup prétendu que la nouvelle maxime de légitimité était "tant pis pour les perdants", je lui aurais répondu "Tant pis pour ta gueule, connard! :face: " en lui balançant une bombe (c'est une image, je ne l'aurais pas fait vraiment, mais je dirais bravo à celui qui le ferait à ma place, en hommage à la pensée de saint Thomas d'Aquin expliquant qu'il peut exister des cas où le tyrannicide devient légitime.)
Mais au nom de quoi ? Dans un jeu à somme nulle, il y a ceux qui gagnent et ceux qui perdent, c'est ainsi. Et toute situation de finitude des ressources est modélisable sous forme d'un jeu à somme nulle. Dans cette situation, celui qui gagne, gagne parce qu'il est le plus fort, le plus intelligent, le plus on ne sait pas quoi, mais en tous cas, il gagne. Bon. En quoi est-ce tyrannique ? Il n'y a aucune tyrannie là-dedans. Si le perdant voulait gagner, il n'avait qu'à s'entrainer un peu plus dur ou le vouloir un peu plus fort. Qui l'en a empêché, à part lui-même ? C'est de sa faute, il est le seul responsable de sa condition. Alors au nom de quoi devrait-il s'en prendre à ceux qui ont simplement mieux joué que lui ?

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Message par baptiste Mer 16 Mai 2012 - 10:46

euthyphron a écrit:
Mais au nom de quoi ? Dans un jeu à somme nulle, il y a ceux qui gagnent et ceux qui perdent, c'est ainsi. Et toute situation de finitude des ressources est modélisable sous forme d'un jeu à somme nulle. Dans cette situation, celui qui gagne, gagne parce qu'il est le plus fort, le plus intelligent, le plus on ne sait pas quoi, mais en tous cas, il gagne. Bon. En quoi est-ce tyrannique ? Il n'y a aucune tyrannie là-dedans. Si le perdant voulait gagner, il n'avait qu'à s'entrainer un peu plus dur ou le vouloir un peu plus fort. Qui l'en a empêché, à part lui-même ? C'est de sa faute, il est le seul responsable de sa condition. Alors au nom de quoi devrait-il s'en prendre à ceux qui ont simplement mieux joué que lui ?

C'est ce que tu préconise de dire aux Grecs?
J'ai lu vos échanges, l'expression " justice sociale" a-telle un sens autre que subjectif? La notion de justice n’a de sens que par rapport à la volonté des hommes. On ne peut accoler la notion de justice, qui n'a de sens qu'à travers l'intention de l'homme, à la société, entité dépourvue de volonté, dans les sociétés animales n'existe ni bien ni mal. L'idée de justice sociale commande une fin collective à la société ce qui implique des mécanismes pour gérer les fins différentes de ses membres, ces mécanismes doivent être perçus comme légitimes pour être acceptés, c'est le rôle de l'état démocratique d'y parvenir.
Il y a autant de "justice sociale" à repousser l'âge de la retraite lorsque l'on prends en compte les générations futures qu'à l'avancer lorsque l'on prends en compte la pénibilité de certaines tâches, c'est la fin qui dicte ce qui est juste ou ne l'est pas, c'est pourquoi la notion de "justice sociale" est une simple notion partisane qui permet de justifier tout et son contraire.

Mais pour en revenir à la question originale, le premier promoteur d'une certaine "justice sociale" ne fut-il pas Saint Paul "il n'y a plus désormais ni homme ni femme, ni maître ni esclave, ni Juif ni Gentil, mais vous êtes tous un dans le Christ Jésus" plutôt que les philosophes antiques qui eux pratiquaient sans complexe l'inégalité

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Message par euthyphron Mer 16 Mai 2012 - 11:06

Le message qui m'est attribué n'est pas de moi. En revanche, la citation qu'il contient est bien de moi mais fait partie d'une intervention qui a disparu.
Difficile donc de s'y retrouver!

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