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Du pluralisme en économie

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Message par Bergame Lun 15 Fév 2010 - 13:19

A l'occasion de la naissance de l'Association Française d'Economie Politique, son président, André Dorléan a fait publier une sorte de manifeste dont l'intérêt est sans doute de donner quelques indications, à ceux qui en sont éloignés, quant à la situation académique de la science économique aujourd'hui.


[...] Il nous apparaît en particulier utile de préciser que cette association ne fédère pas des " alter-économistes " contre un camp théorique ou une ligne politique… mais une grande variété d'économistes professionnels, universitaires, pour le pluralisme de la pensée et l'ouverture intellectuelle, pour que les sciences économiques offrent un espace de débat contradictoire. L'AFEP se donne pour objet de peser sur les évolutions institutionnelles que connaît l'économie, à la fois dans l'enseignement et dans la recherche, pour les infléchir dans le sens du pluralisme. Elle n'est en rien opposée à l'AFSE (Association française de sciences économiques), elle se donne un autre objectif. Elle résulte de la prise de conscience, au cours des dernières années, d'une fermeture progressive de la réflexion économique autour de propositions et de méthodes devenues dogmes ; ce que certains étudiants n'avaient pas hésité à qualifier d'autisme.

Nous pensons que l'hégémonie absolue acquise aujourd'hui, dans nos institutions de recherche et d'enseignement, par le paradigme néo-classique, est un obstacle à la réflexion collective et qu'elle est même un obstacle majeur. La crise contemporaine nous en offre l'illustration exemplaire. L'aveuglement des économistes, leur incapacité, non pas seulement à prévoir la crise, mais même à simplement la considérer comme plausible, est, à nos yeux, la conséquence directe de cette situation hégémonique. Un échec d'une telle ampleur montre à l'envi que notre communauté ne se porte pas bien. Il est d'autant plus perturbant que l'économie passait jusqu'à la crise pour être la seule discipline au sein des sciences sociales à pouvoir prétendre au statut de science véritable. A l'évidence, nous ne ferons pas l'économie d'une réflexion sur le statut de notre discipline.

Le modèle de la science exacte, voire de science expérimentale, si souvent mis en avant par les économistes pour qualifier leur discipline, est grandement insuffisant. Il ne rend compte que d'une partie du travail des économistes et peut-être pas de la partie la plus stratégique du point de vue de la société. En effet, l'économie n'est pas évaluée principalement au travers de son aptitude à rendre intelligible la réalité telle qu'elle est, à la manière des sciences de la nature, mais dans sa prétention à dire ce qui doit être et à fournir les outils de sa construction. Ce sont ses capacités performatives qui sont les plus sensibles socialement. La financiarisation de l'économie mondiale aura été de ce point de vue une expérience exemplaire en ce qu'elle s'est fortement appuyée sur la théorie de l'efficience des marchés financiers, à la fois pour ce qui est de sa légitimation comme de ses techniques. Il s'ensuit une situation très particulière pour l'économie parce qu'elle se trouve constamment au plus près des intérêts sociaux, politiques ou économiques, et qu'en conséquence, elle se trouve soumise constamment à une pression forte de la part de ces intérêts. Il n'y a pas lieu de les rejeter a priori. Mais il convient d'établir des règles particulières pour éviter une pure instrumentalisation.

De ce point de vue la très grande proximité, pour ne pas dire la compromission, d'une part importante des économistes, en particulier aux Etats-Unis, avec les institutions financières et les acteurs des marchés qu'ils auscultent pose la question de la distance critique du chercheur avec son terrain. Les arrangements avec les intérêts en jeu sont à même de produire un effet de système lorsque l'accès aux budgets de recherche est adossé à des financements hybrides public/privé. Difficile d'éviter l'aveuglement dans ces conditions. L'économie se trouve dans une situation critique face aux intérêts qui cherchent à l'instrumentaliser. C'est donc aussi sous cet angle qu'il faut comprendre l'exigence du pluralisme. Celle-ci va au-delà de l'idéal de tolérance propre à toutes les activités intellectuelles. Le pluralisme est une manière pour la communauté des économistes de réfléchir à son rôle social et d'éviter la manipulation. Ce pluralisme, l'AFEP se propose de le décliner selon trois axes :
- Pluralisme des approches conceptuelles au sens où doit être acceptée l'idée que le débat sur ce que sont les concepts de base de l'économie n'est pas clos. A côté du courant néo-classique, existent d'autres traditions de pensée également fécondes, également légitimes, notamment l'institutionnalisme, le keynésianisme, le marxisme, l'évolutionnisme, etc. Cette diversité doit être considérée comme une richesse constitutive de l'économie.
- Pluralisme des points de vue, par quoi nous voulons signifier que l'économie ne se résume pas à la théorie au sens étroit. Il est d'autres manières de faire avancer les connaissances : l'histoire des faits et de la pensée économiques, la réflexion sur la méthodologie, la philosophie économique, la sociologie économique doivent être considérées comme des points de vue légitimes et importants.
- Pluralisme, enfin, des disciplines, car l'économie appartient aux sciences sociales et doit renforcer ses liens avec celles-ci. La situation actuelle qui tend vers une hégémonie extrême de l'économie à leur égard plutôt qu'une collaboration équilibrée est malsaine. La fermeture de l'économie trouve là une de ses racines les plus significatives. Les sciences sociales forment une entité structurée qui doit grandir de manière équilibrée dans ses diverses composantes pour insérer l'économie dans le réel, pour comprendre les faits économiques en tant que faits sociaux.

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Message par Vargas Lun 15 Fév 2010 - 20:00

A suivre :)

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