Un goût morbide, les schopenhaueriens ?
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Un goût morbide, les schopenhaueriens ?
Dans ce paragraphe, il est question de Schopenhauer comme "avocat du diable", et entre guillemet est simulé un propos schopenhaurien en forme de synthèse. Car Arthur Schopenhauer estimait que la pitié fondait toute la moralité des mœurs, tandis qu'on pourrait le citer sur les malheurs de la grande individualité aux prises avec ce qu'on nommait alors la société, c'est-à-dire la compagnie des hommes.Nietzsche, le Voyageur et son ombre - HTH2, §62, a écrit:Avocat du diable. — « On ne devient sage que par le malheur, on ne devient bon que par le malheur des autres » — c’est ainsi que parle cette philosophie singulière qui fait découler toute morale de la compassion et toute intellectualité de l’isolement des hommes : par là elle intercède inconsciemment pour toutes les dégradations terrestres. Car la pitié a besoin de la souffrance et l’isolement du mépris des autres.
Or, d'un point de vue logique, les conséquences ici présentées se tiennent, selon quoi "la pitié a besoin de la souffrance et l’isolement du mépris des autres", ce qui signifierait que le schopenhauerisme se soutiendrait effectivement d'une souffrance à entretenir, et du souhait d'être méprisé. Qu'est-ce à dire ?
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Re: Un goût morbide, les schopenhaueriens ?
C'est une vieille accusation de dolorisme. Je n'y prête pas (ou plus) attention ainsi qu'il appert chez Pascal ce que j'appelle le phénomène de l'embarquement, « nous sommes embarqués ». Il ne s'agit plus de dire si nous sommes pour ou contre la douleur, c'est simplement un fait d'expérience dont on se sert. Soit que c'est une question aussi incongrue que de dire « Si les chrétiens sont tenants de la gratuité de l'action, comment se fait-il qu'ils quêtent le paradis pour toucher tout au centuple ? » Une question, assurément, qui se pose, mais qui m'en touche une sans faire bouger l'autre. D'abord, métapsychologisons : comment sommes-nous arrivés à poser cela ? C'est bien en raison de l'ambiguïté de Dieu ainsi qu'elle apparaît chez Caïn et Abel, par exemple. Entendre : que Dieu, c'est l'Inconscient et le Conscient tout à la fois, c'est à savoir Volonté de puissance et Amour, auxquelles il faut accorder à égalité autant d'importance, pour comme de juste le Royaume des Cieux descendent sur nous. Ce qui est véritablement salvifique... Un pur sacrifice qui accroît la Conscience. Autrement dit : je me fous des paradoxes, à en faire, j'entends, les valorise enfin. Voilà.
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Re: Un goût morbide, les schopenhaueriens ?
Je ne comprends pas ta réponse : c'était, dans le texte initial, non un paradoxe (rapport à quoi, d'ailleurs ?) mais une conséquence logique, qui se pourrait certes espiègle, taquine et malicieuse, de la part de l'auteur. Et pourtant, au final, ça donne bien ça, quand il ne reste plus que le témoignage de la lettre schopenhauerienne pour en juger.
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Re: Un goût morbide, les schopenhaueriens ?
Que les chrétiens soient paradoxaux, entendu hypocrites.
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Re: Un goût morbide, les schopenhaueriens ?
Mais ils étaient hors de propos —
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Re: Un goût morbide, les schopenhaueriens ?
C'était ta question pourtant, comment supporter le paradoxe à cette aune.
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Re: Un goût morbide, les schopenhaueriens ?
Il y avait une contradiction logique intention-conséquence, je crois, surtout. Mais le propos nietzschéen n'est généralement pas idiot. Tu convoques la métapsychologie : ne dit-on pas que l'on se cherche alentour les raisons de se valider à part soi ? C'est d'autosatisfaction à tort, retors et à raison, tout un. En quoi ta thèse jungienne d'une conjonction des opposés conscient-inconscient/amour-volonté de puissance (je ne les associerais évidemment pas aussi vite que tu le fais) est pourtant manifeste en cette autosatisfaction schopenhauerienne une, décrite dans le paragraphe. Et cohérente, avec ceci qu'Arthur Schopenhauer mena son existence de façon bien plus hédoniste que le pessimisme qu'il philosopha.
De manière générale, je pense que l'humain est infiniment moins dans des mécanismes de projections ou autres qu'on ne le prétend métapsychologiquement. Je prétends, avant tout, qu'on cherche à (s')arranger (d')un milieu et ses gens - mais c'est peut-être déjà trop fondé en volonté de puissance nietzschéenne, pour les non-nietzschéens ... en tout cas ça reste relativement de sagesse populaire : questions d'affinités et de rejets, de sympathies et d'antipathies naturelles - sans parler de la biologie évolutionnaire. Et les schopenhaueriens de se chercher des souffrances et des mépris pourtant : non par dolorisme, mais par ... hédonisme !
De manière générale, je pense que l'humain est infiniment moins dans des mécanismes de projections ou autres qu'on ne le prétend métapsychologiquement. Je prétends, avant tout, qu'on cherche à (s')arranger (d')un milieu et ses gens - mais c'est peut-être déjà trop fondé en volonté de puissance nietzschéenne, pour les non-nietzschéens ... en tout cas ça reste relativement de sagesse populaire : questions d'affinités et de rejets, de sympathies et d'antipathies naturelles - sans parler de la biologie évolutionnaire. Et les schopenhaueriens de se chercher des souffrances et des mépris pourtant : non par dolorisme, mais par ... hédonisme !
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Re: Un goût morbide, les schopenhaueriens ?
Teilhard de Chardin dit que la Conscience est d'abord douloureuse, et qu'avoir de la douleur dans la conscience c'est une bonne chose, nous faisant hommes totaux. En quoi Nietzsche le rejoint peu ou prou avec la valorisation de la connaissance de la douleur pour en faire de jolis. Après tu as raison, c'est des mécanismes, non pas de projection, mais d'élaboration conceptuelle du mythe, qui sont détenus (disais-je récemment) par les natures de prêtre de la tripartion dumézilienne des « Undeuxeuropéens » (Lacan). Là le sujet-supposé-savoir entre en jeu avec ses phallisteries, ses sceptres et ses odyssées orales.
Quand je vois le mal que je me donne à cérébraliser par des paradoxes, je n'imagine pas l'horreur des tribaux-nos-ancêtres dont les quelques druidiques s'esquintaient avec de grands mouvements à expliquer comment ceci ou cela marchait (s'ils se le demandaient seulement, car les choses sont beaucoup plus facilement compréhensibles quand on a pas l'idée approximative d'une Faute). L'hédonisme de Schopenhauer n'est pas un démenti, sinon le démenti de la politique, donc du parti de l'action et des faiseurs de bouc-émissaires.
Quand je vois le mal que je me donne à cérébraliser par des paradoxes, je n'imagine pas l'horreur des tribaux-nos-ancêtres dont les quelques druidiques s'esquintaient avec de grands mouvements à expliquer comment ceci ou cela marchait (s'ils se le demandaient seulement, car les choses sont beaucoup plus facilement compréhensibles quand on a pas l'idée approximative d'une Faute). L'hédonisme de Schopenhauer n'est pas un démenti, sinon le démenti de la politique, donc du parti de l'action et des faiseurs de bouc-émissaires.
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Re: Un goût morbide, les schopenhaueriens ?
C'est trop compliqué.
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Re: Un goût morbide, les schopenhaueriens ?
Schopenhauer est arrivé à la maturation de l'idée d'une Faute. Je veux dire par là que le péché originel l'obsédait tellement qu'il le voyait partout, moyennant quoi il en a déduit sa fameuse Volonté méconnue du sujet dont il faut prendre conscience. Or, prendre conscience de cette Volonté, c'est prendre conscience de la communion et de la mâyâ, donc de la vraie violence du politique.
Le politique, selon René Girard, c'est la confection de bouc-émissaires pour faire Etat stable. La politique, c'est aussi l'action, l'agir, très directement. C'est un scepticisme moral, celui de Schopenhauer, si gros que, parfois, il aboutit au cynisme. Par conséquent, faut savoir quoi en faire. Si j'ai parlé de tribus et de leur heureuse vie spirituelle, c'est qu'il n'y a pas de dysfonctionnalité du clan par rapport au bouc-émissaire, puisqu'ils en ont un. Chez nous ça a changé. Voilà notre misère et voilà l'objet de notre discussion, de la philosophie même dans son entièreté : malaise symptomatique dans la civilisation. Symptôme qui vient du réel, selon Lacan, comme la psychanalyse.
Le politique, selon René Girard, c'est la confection de bouc-émissaires pour faire Etat stable. La politique, c'est aussi l'action, l'agir, très directement. C'est un scepticisme moral, celui de Schopenhauer, si gros que, parfois, il aboutit au cynisme. Par conséquent, faut savoir quoi en faire. Si j'ai parlé de tribus et de leur heureuse vie spirituelle, c'est qu'il n'y a pas de dysfonctionnalité du clan par rapport au bouc-émissaire, puisqu'ils en ont un. Chez nous ça a changé. Voilà notre misère et voilà l'objet de notre discussion, de la philosophie même dans son entièreté : malaise symptomatique dans la civilisation. Symptôme qui vient du réel, selon Lacan, comme la psychanalyse.
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Re: Un goût morbide, les schopenhaueriens ?
Voilà qui fait système de façon cohérente à ma connaissance.
Que cela ne fasse pas bien société globalement, c'est une chose, mais cela fait innombrablement réseau entre les multitudes (Antonio Negri) affinitaires micro-sociales, et c'est de multiculturalisme - voire pour ainsi dire de transculturalisme - inhérent au libéralisme morel. C'est son vœu et son pain que de telles dissensions (voir aussi Alain de Benoist, Contre le libéralisme). Mais ça n'a rien à voir avec le schopenhauerisme autrement qu'une mise en perspective selon laquelle notre vie publique est de Volonté originellement pécheresse - pessimiste dans la démarche, mâtinée de girardisme. Finalement, on te croirait un théoricien étasunien neocon de l'ennemi nécessaire, Agathos, encore que je conçoive bien machiavéliennement le pouvoir de distraction d'un tel ennemi.
Une époque, en fin de compte, très propice à la souffrance et au mépris en question, où les pseudo-solitaires surabondent romantiquement (au hasard : Emmanuel Macron).
Où l'on comprend bien qu'il devint pessimiste, sur la base d'une corporation (dirait Ph. Sollers) christianisée.Agathos a écrit:Schopenhauer est arrivé à la maturation de l'idée d'une Faute. Je veux dire par là que le péché originel l'obsédait tellement qu'il le voyait partout, moyennant quoi il en a déduit sa fameuse Volonté méconnue du sujet dont il faut prendre conscience. Or, prendre conscience de cette Volonté, c'est prendre conscience de la communion et de la mâyâ, donc de la vraie violence du politique.
Au contraire ! à notre époque, je ne lui trouve que cela : des boucs-émissaires. L'islamo-gauchiste pour l'extrême-droitier, le fasciste pour l'extrême-gauchiste, le populisme pour le centriste, le macronisme pour le révolté, le progressiste béat pour l'intellectuel, le réac pour le mainstreamer, l’État des riches taxateurs pour le Gilet jaune, le sauvage émeutier citoyen lambda pour le médiacrate, etc. ad nauseam.Agathos a écrit:Le politique, selon René Girard, c'est la confection de bouc-émissaires pour faire Etat stable. La politique, c'est aussi l'action, l'agir, très directement. C'est un scepticisme moral, celui de Schopenhauer, si gros que, parfois, il aboutit au cynisme. Par conséquent, faut savoir quoi en faire. Si j'ai parlé de tribus et de leur heureuse vie spirituelle, c'est qu'il n'y a pas de dysfonctionnalité du clan par rapport au bouc-émissaire, puisqu'ils en ont un. Chez nous ça a changé. Voilà notre misère et voilà l'objet de notre discussion, de la philosophie même dans son entièreté : malaise symptomatique dans la civilisation. Symptôme qui vient du réel, selon Lacan, comme la psychanalyse.
Que cela ne fasse pas bien société globalement, c'est une chose, mais cela fait innombrablement réseau entre les multitudes (Antonio Negri) affinitaires micro-sociales, et c'est de multiculturalisme - voire pour ainsi dire de transculturalisme - inhérent au libéralisme morel. C'est son vœu et son pain que de telles dissensions (voir aussi Alain de Benoist, Contre le libéralisme). Mais ça n'a rien à voir avec le schopenhauerisme autrement qu'une mise en perspective selon laquelle notre vie publique est de Volonté originellement pécheresse - pessimiste dans la démarche, mâtinée de girardisme. Finalement, on te croirait un théoricien étasunien neocon de l'ennemi nécessaire, Agathos, encore que je conçoive bien machiavéliennement le pouvoir de distraction d'un tel ennemi.
Une époque, en fin de compte, très propice à la souffrance et au mépris en question, où les pseudo-solitaires surabondent romantiquement (au hasard : Emmanuel Macron).
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Re: Un goût morbide, les schopenhaueriens ?
Lacan a écrit:– Les psychologues, les psychothérapeutes, les psychiatres, tous les travailleurs de la santé mentale — c’est à la base, et à la dure, qu’ils se coltinent toute la misère du monde. Lui l’analyste, pendant ce temps ?
– Il est certain que se coltiner la misère, comme vous dites, c’est entrer dans le discours qui la conditionne, ne serait-ce qu’au titre d’y protester. Rien que dire ceci, me donne position — que certains situeront de réprouver la politique. Ce que, quant à moi, je tiens pour quiconque. Au reste les psycho — quels qu’ils soient, qui s’emploient à votre supposé coltinage, n’ont pas à protester, mais à collaborer. Qu’ils le sachent ou pas, c’est ce qu’ils font. C’est bien commode, me fais-je rétorsion. Trop facile, bien commode cette idée de discours, pour réduire le jugement à ce qui le détermine. Ce qui me frappe, c’est qu’en fait on ne trouve pas mieux à m’opposer, on dit : intellectualisme. Ce qui ne fait pas le poids, s’il s’agit de savoir qui a raison. Ce d’autant moins qu’à rapporter cette misère au discours du capitaliste, je dénonce celui-ci. J’indique seulement que je ne peux le faire sérieusement, parce qu’à le dénoncer je le renforce, — de le normer, soit de le perfectionner.
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Re: Un goût morbide, les schopenhaueriens ?
Évidemment, mais Schopenhauer ?
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Re: Un goût morbide, les schopenhaueriens ?
Peur de la politique, de l'agir, donc hédonisme assimilé je-m'en-foutisme craintiste.
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Re: Un goût morbide, les schopenhaueriens ?
Cela expliquerait finalement la philosophie pessimiste non-exercée, dont il aurait eu peur aussi.
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