Grosse donnée
+7
neopilina
euthyphron
quid
baptiste
Courtial
kercoz
lanK
11 participants
Page 3 sur 3
Page 3 sur 3 • 1, 2, 3
Re: Grosse donnée
Ailleurs, je me demandais donc si le Marché, lui aussi, n'était pas entré dans une nouvelle ère.
Parce que, effectivement, jusque dans les années 2000, l'analyse qui prévalait -et qui prévaut toujours aujourd'hui, je pense- c'est que le Marché déteste l'instabilité. Les acteurs économiques sont des entités très rationnelles, nous disait-on, qui fondent leurs grandes orientations stratégiques d'après les prévisions qu'elles établissent à 3,10, 20, 50 ans. Du reste, le boom des logiciels de gestion et, en particulier, d'aide à la décision, dans les années 90-2000, ne repose que là-dessus : Aider les entreprises à faire des prévisions les plus fines possibles quant à l'évolution d'environnements hyper-complexes.
Or, dans la logique de cette analyse, le Marché, en particulier, déteste l'instabilité politique. Comme on le sait, c'est la bête noire du Marché, ca, la politique. Parce que la politique a pour finalité d'imposer, par la contrainte, des règles valables pour tous -y compris, donc, les acteurs économiques. A la limite, que le politique intervienne dans l'économie si ce n'est que pour fixer les règles du jeu économique, ce n'est pas trop grave. Les problèmes adviennent quand :
- Le politique arbitre entre l'économie et la société, pour faire simple (et par exemple se met en tête de redistribuer une partie de la plus-value aux "stakeholders" de l'Entreprise, et puis quoi encore ?)
- Le politique modifie les règles du jeu économique.
Et c'est là que résident les deux problèmes que le Marché entretient avec la démocratie. En effet :
1. Parce qu'elle consiste en un régime où les citoyens élisent leurs dirigeants, il y a toujours le risque que les dirigeants élus veulent "rendre" ce qu'ils doivent à leurs électeurs, et prennent des décisions qui consistent en pratique à leur redistribuer une part de la valeur ajoutée
2. Parce qu'elle laisse toujours ouverte la possibilité de changements de majorité, avec l'arrivée de nouveaux dirigeants au pouvoir, susceptibles de modifier ce qu'ont fait les précédents et de changer les règles du jeu.
Voila pourquoi le Marché a œuvré pour lisser tout ce que la démocratie peut avoir d'imprévisible : En faisant la promotion de dirigeants dits "responsables", en atténuant autant que possible la polarisation droite/gauche, en soustrayant les institutions chargées de la (dé-)réglementation des marchés à l'influence des électeurs (ce sont toutes les "autorités indépendantes" qui ont été chargées de libéraliser chaque secteur économique l'un après l'autre, depuis 20 ans), et même en co-créant, patiemment, une entité politique supra-nationale, ayant la primauté législative et juridique sur les Etats nationaux, mais dont les centres de décision sont totalement soustraits aux regards des citoyens-électeurs. Et tout cela en la dénommant "démocratie", et en faisant la promotion des "valeurs démocratiques" à travers le monde ! Un rêve de philosophe-roi, l'une des plus belles approximations du Conseil Nocturne de l'histoire, il faut quand même le souligner.
Donc. Tout cela pour dire que l'analyse générale était que le Marché détestait l'instabilité, et qu'il œuvrait sur tous les fronts afin de maitriser l'incertitude et rendre le complexe prévisible.
Mais, d'abord, comme chacun sait, l'économie a tendance à se financiariser. Et au sein de la communauté financière, on a tendance à envisager l'incertitude un peu différemment. Elle est en effet synonyme de pertes possibles, mais aussi de gains possibles. Et plus l'incertitude est élevée, plus les pertes sont potentiellement importantes, mais les gains aussi. En somme, on a longtemps considéré que le Marché craignait la volatilité. Mais la prise de risque étant devenue la norme, la volatilité est aujourd'hui davantage vue comme une opportunité que comme une menace.
Ensuite, le Marché n'en a pas pour autant abandonné le principe de réduire l'incertitude, bien sûr que non. En fait, tout ce qui précède dans ce topic consacré à la Big Data doit nous inciter à considérer que, désormais, il envisage simplement l'incertitude à un autre niveau. Il ne s'agit plus de politique, il ne s'agit plus de changements de majorité au sein de tel ou tel gouvernement, il ne s'agit plus du comportement de l'Etat instituant de nouvelles règles du jeu ou révisant les règles précédemment édictées, il s'agit de rendre prévisible le comportement de l'individu. De vous et moi. C'est cette incertitude-là, aujourd'hui, que le Marché s'efforce de réduire.
Dès lors, on peut tout à fait imaginer qu'au niveau macro, si l'on peut dire, le Marché accepte et intègre parfaitement l'"instabilité". Qui devient alors génératrice d'opportunités, aussi longtemps du moins qu'au niveau micro, on peut prédire comment cet individu-ci va se comporter au sein du chaos. L'incertitude engendrée par l'instabilité du comportement des masses n'a que peu d'importance si l'on maitrise l'incertitude liée au comportement de l'individu.
C'est là où on en est. Cette semaine, j'apprenais que l'un des projets stratégiques sur lequel travaille Orange consiste à prédire l'humeur de ses clients. Vous vous rendez compte ? L'humeur !
C'est pour ca, que, bon, l'opposition rationalité/irrationalité, ca n'a plus aucun sens. Même les affects, même les émotions sont prédictibles, aujourd'hui.
Et alors, là-dedans, dites-moi un peu, amis libéraux : Où donc prend place votre Liberté ? Aujourd'hui, la menace qui pèse sur la liberté individuelle, elle émane du Marché. Et il s'agit d'une menace réelle et concrète, pas la menace d'un Léviathan fantasmé.
Bon. Nous allons très durement payer 40 années d'aveuglement idéologique.
Parce que, effectivement, jusque dans les années 2000, l'analyse qui prévalait -et qui prévaut toujours aujourd'hui, je pense- c'est que le Marché déteste l'instabilité. Les acteurs économiques sont des entités très rationnelles, nous disait-on, qui fondent leurs grandes orientations stratégiques d'après les prévisions qu'elles établissent à 3,10, 20, 50 ans. Du reste, le boom des logiciels de gestion et, en particulier, d'aide à la décision, dans les années 90-2000, ne repose que là-dessus : Aider les entreprises à faire des prévisions les plus fines possibles quant à l'évolution d'environnements hyper-complexes.
Or, dans la logique de cette analyse, le Marché, en particulier, déteste l'instabilité politique. Comme on le sait, c'est la bête noire du Marché, ca, la politique. Parce que la politique a pour finalité d'imposer, par la contrainte, des règles valables pour tous -y compris, donc, les acteurs économiques. A la limite, que le politique intervienne dans l'économie si ce n'est que pour fixer les règles du jeu économique, ce n'est pas trop grave. Les problèmes adviennent quand :
- Le politique arbitre entre l'économie et la société, pour faire simple (et par exemple se met en tête de redistribuer une partie de la plus-value aux "stakeholders" de l'Entreprise, et puis quoi encore ?)
- Le politique modifie les règles du jeu économique.
Et c'est là que résident les deux problèmes que le Marché entretient avec la démocratie. En effet :
1. Parce qu'elle consiste en un régime où les citoyens élisent leurs dirigeants, il y a toujours le risque que les dirigeants élus veulent "rendre" ce qu'ils doivent à leurs électeurs, et prennent des décisions qui consistent en pratique à leur redistribuer une part de la valeur ajoutée
2. Parce qu'elle laisse toujours ouverte la possibilité de changements de majorité, avec l'arrivée de nouveaux dirigeants au pouvoir, susceptibles de modifier ce qu'ont fait les précédents et de changer les règles du jeu.
Voila pourquoi le Marché a œuvré pour lisser tout ce que la démocratie peut avoir d'imprévisible : En faisant la promotion de dirigeants dits "responsables", en atténuant autant que possible la polarisation droite/gauche, en soustrayant les institutions chargées de la (dé-)réglementation des marchés à l'influence des électeurs (ce sont toutes les "autorités indépendantes" qui ont été chargées de libéraliser chaque secteur économique l'un après l'autre, depuis 20 ans), et même en co-créant, patiemment, une entité politique supra-nationale, ayant la primauté législative et juridique sur les Etats nationaux, mais dont les centres de décision sont totalement soustraits aux regards des citoyens-électeurs. Et tout cela en la dénommant "démocratie", et en faisant la promotion des "valeurs démocratiques" à travers le monde ! Un rêve de philosophe-roi, l'une des plus belles approximations du Conseil Nocturne de l'histoire, il faut quand même le souligner.
Donc. Tout cela pour dire que l'analyse générale était que le Marché détestait l'instabilité, et qu'il œuvrait sur tous les fronts afin de maitriser l'incertitude et rendre le complexe prévisible.
Mais, d'abord, comme chacun sait, l'économie a tendance à se financiariser. Et au sein de la communauté financière, on a tendance à envisager l'incertitude un peu différemment. Elle est en effet synonyme de pertes possibles, mais aussi de gains possibles. Et plus l'incertitude est élevée, plus les pertes sont potentiellement importantes, mais les gains aussi. En somme, on a longtemps considéré que le Marché craignait la volatilité. Mais la prise de risque étant devenue la norme, la volatilité est aujourd'hui davantage vue comme une opportunité que comme une menace.
Ensuite, le Marché n'en a pas pour autant abandonné le principe de réduire l'incertitude, bien sûr que non. En fait, tout ce qui précède dans ce topic consacré à la Big Data doit nous inciter à considérer que, désormais, il envisage simplement l'incertitude à un autre niveau. Il ne s'agit plus de politique, il ne s'agit plus de changements de majorité au sein de tel ou tel gouvernement, il ne s'agit plus du comportement de l'Etat instituant de nouvelles règles du jeu ou révisant les règles précédemment édictées, il s'agit de rendre prévisible le comportement de l'individu. De vous et moi. C'est cette incertitude-là, aujourd'hui, que le Marché s'efforce de réduire.
Dès lors, on peut tout à fait imaginer qu'au niveau macro, si l'on peut dire, le Marché accepte et intègre parfaitement l'"instabilité". Qui devient alors génératrice d'opportunités, aussi longtemps du moins qu'au niveau micro, on peut prédire comment cet individu-ci va se comporter au sein du chaos. L'incertitude engendrée par l'instabilité du comportement des masses n'a que peu d'importance si l'on maitrise l'incertitude liée au comportement de l'individu.
C'est là où on en est. Cette semaine, j'apprenais que l'un des projets stratégiques sur lequel travaille Orange consiste à prédire l'humeur de ses clients. Vous vous rendez compte ? L'humeur !
C'est pour ca, que, bon, l'opposition rationalité/irrationalité, ca n'a plus aucun sens. Même les affects, même les émotions sont prédictibles, aujourd'hui.
Et alors, là-dedans, dites-moi un peu, amis libéraux : Où donc prend place votre Liberté ? Aujourd'hui, la menace qui pèse sur la liberté individuelle, elle émane du Marché. Et il s'agit d'une menace réelle et concrète, pas la menace d'un Léviathan fantasmé.
Bon. Nous allons très durement payer 40 années d'aveuglement idéologique.
Bergame- Persona
- Nombre de messages : 5358
Date d'inscription : 03/09/2007
Re: Grosse donnée
Rien à redire au message de Bergame. Mais si effectivement le libéralisme aimait beaucoup la stabilité politique, force est de constater que ses " appétits " sont désormais une cause majeure de troubles politiques, et ça ne devrait pas s'arranger.
_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 8364
Date d'inscription : 31/10/2009
Re: Grosse donnée
Et quel Etat prend des mesures concrètes pour assurer la protection des données personnelles de ses concitoyens ? La Russie bien sûr.
Depuis le 1er septembre 2015, les données personnelles des ressortissants russes doivent être stockées sur des serveurs localisés en Russie.
Extraits d'interview d'un expert :
Linked'In, le grand réseau social à vocation professionnelle, racheté récemment par Microsoft, a refusé d'obtempérer. Résultat : Linked'In vient d'être banni de Russie : http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2017/01/09/32001-20170109ARTFIG00216-linkedin-est-definitivement-banni-de-russie.php
Mais c'est toujours pareil : Pour adopter ce genre de politique, et surtout pour l'assumer, il faut des dirigeants courageux et soucieux des intérêts de leurs concitoyens.
Au fait, en parlant de la NSA, vous avez vu le film "Snowden" d'O. Stone ? Ca vaut le détour.
Depuis le 1er septembre 2015, les données personnelles des ressortissants russes doivent être stockées sur des serveurs localisés en Russie.
Extraits d'interview d'un expert :
Que prévoit la nouvelle législation russe ? Reprendre le contrôle sur les données numériques de ses ressortissants ?
C’est la fin du stockage des données personnelles dans les nuages sans frontières. Toute entreprise détenant des données personnelles de citoyens russes devra les stocker sur des serveurs se trouvant physiquement sur le territoire russe. Elles devront également respecter la législation russe applicable dans le domaine du recueil, de la protection et de l’utilisation des données personnelles. Cette législation est particulièrement exigeante ; par exemple les entreprises doivent obtenir l’accord explicite et écrit, de préférence sur papier, pour tout usage ou transfert des données à des tiers ; elles doivent également établir des procédures techniques et organisationnelles internes strictes pour s’assurer du respect des règles, etc.
[...]
Pensez vous que cette législation pourrait inspirer d’autres pays d’Europe ?
Je ne peux me prononcer sur les autres pays que je connais peu ; mais ma conviction est que la législation mise en place par la Russie manifeste une tendance de fond beaucoup plus large : celle de la re-segmentation du web sur des bases nationales. Après le scandale de la NSA, on ne peut pas s’attendre à ce que des Etats soucieux de leur souveraineté comme la Russie, la Chine et beaucoup d’autres laissent les réseaux et les données sous le contrôle des sociétés et des agences gouvernementales américaines. Pour complexe et coûteuse qu’elle puisse être pour certains acteurs, cette législation russe s’avérera finalement utile si elle force les acteurs du web internationaux à revoir en conséquence la conception de leur bases de données et leur politique de gestion des données personnelles.
Linked'In, le grand réseau social à vocation professionnelle, racheté récemment par Microsoft, a refusé d'obtempérer. Résultat : Linked'In vient d'être banni de Russie : http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2017/01/09/32001-20170109ARTFIG00216-linkedin-est-definitivement-banni-de-russie.php
Mais c'est toujours pareil : Pour adopter ce genre de politique, et surtout pour l'assumer, il faut des dirigeants courageux et soucieux des intérêts de leurs concitoyens.
Au fait, en parlant de la NSA, vous avez vu le film "Snowden" d'O. Stone ? Ca vaut le détour.
_________________
...que vont charmant masques et bergamasques...
Bergame- Persona
- Nombre de messages : 5358
Date d'inscription : 03/09/2007
Re: Grosse donnée
On y est, Neuralink va commencer ses tests sur des humains : https://www.cnews.fr/monde/2023-05-26/neuralink-pour-la-premiere-fois-la-societe-delon-musk-va-tester-ses-implants
_________________
...que vont charmant masques et bergamasques...
Bergame- Persona
- Nombre de messages : 5358
Date d'inscription : 03/09/2007
Page 3 sur 3 • 1, 2, 3
Page 3 sur 3
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum