Richard Rorty
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Re: Richard Rorty
[quote="joseph curwan"
ce qu'il faut comprendre, c'est que si rorty affirme que la solidarité est préférable à la cruauté, c'est parce qu'il estime que les conséquences pratiques de la solidarité sont préférables pour la société démocratique à celles de la cruauté,........... mais on peut aussi douter de l'efficacité de ces idéaux régulateurs, que ce soient ceux des prêtres, des philosophes ou des scientifiques : dans quelle mesure ces gens ont réussit à limiter la cruauté dans l'histoire du vingtième siècle, par exemple ?[/quote]
Il me semble que poser solidarité versus cruauté ( qui n'est pas l' opposé de solidarité), pose problème ...Pourquoi y aurai t il un "bien " ou un "mal" ...Les deux me semblent faire bon ménage .
En effet affirmer qu'on arrive a limiter la cruauté va poser des tas de problèmes en terme de valeurs , de sémantique et d' idéologie .
J'ai du mal avec les termes concernant les concepts, mais il me semble qu'on est dans un exemple type de réductionnisme : La solidarité c'est mieux que la cruauté ? .... avec ça il va faire un max d'adeptes , mais il va falloir les choper parce que généralement ils sont déja "en main" .
En montant le niveau , c'est évident qu'il vaut mieux ( de façon délibérée, non altruiste ) faire des heureux dans son environnement . Ca permet de croiser des sourires plutot que des opinels . Les altruistes en font autant pour les mêmes raisons , mais ils ne le savent pas.
ce qu'il faut comprendre, c'est que si rorty affirme que la solidarité est préférable à la cruauté, c'est parce qu'il estime que les conséquences pratiques de la solidarité sont préférables pour la société démocratique à celles de la cruauté,........... mais on peut aussi douter de l'efficacité de ces idéaux régulateurs, que ce soient ceux des prêtres, des philosophes ou des scientifiques : dans quelle mesure ces gens ont réussit à limiter la cruauté dans l'histoire du vingtième siècle, par exemple ?[/quote]
Il me semble que poser solidarité versus cruauté ( qui n'est pas l' opposé de solidarité), pose problème ...Pourquoi y aurai t il un "bien " ou un "mal" ...Les deux me semblent faire bon ménage .
En effet affirmer qu'on arrive a limiter la cruauté va poser des tas de problèmes en terme de valeurs , de sémantique et d' idéologie .
J'ai du mal avec les termes concernant les concepts, mais il me semble qu'on est dans un exemple type de réductionnisme : La solidarité c'est mieux que la cruauté ? .... avec ça il va faire un max d'adeptes , mais il va falloir les choper parce que généralement ils sont déja "en main" .
En montant le niveau , c'est évident qu'il vaut mieux ( de façon délibérée, non altruiste ) faire des heureux dans son environnement . Ca permet de croiser des sourires plutot que des opinels . Les altruistes en font autant pour les mêmes raisons , mais ils ne le savent pas.
kercoz- Digressi(f/ve)
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Re: Richard Rorty
Quel rapport avec le texte?
Si joseph curwan s'est tapé la traduction, et moi la relecture, c'est pour avoir un support, pas pour ressasser les mêmes choses.
La question de savoir si Rorty doit être classé parmi les machiniens ou bien les bidulistes ne pourra guère prendre de l'intérêt que si on s'occupe un peu de ce qu'il dit, non?
Maintenant, peut-être que le texte est mal choisi (je ne trouve pas) et que c'est la suite qu'il fallait traduire, je n'en sais rien.
Je trouve que l'idée qu'une saine politique doit s'appuyer sur une culture littéraire et pas scientifique est à la fois à contre-courant et vraie, cela me suffit pour demander qu'on ne jette pas Rorty à la poubelle sans autre forme de procès.
Si joseph curwan s'est tapé la traduction, et moi la relecture, c'est pour avoir un support, pas pour ressasser les mêmes choses.
La question de savoir si Rorty doit être classé parmi les machiniens ou bien les bidulistes ne pourra guère prendre de l'intérêt que si on s'occupe un peu de ce qu'il dit, non?
Maintenant, peut-être que le texte est mal choisi (je ne trouve pas) et que c'est la suite qu'il fallait traduire, je n'en sais rien.
Je trouve que l'idée qu'une saine politique doit s'appuyer sur une culture littéraire et pas scientifique est à la fois à contre-courant et vraie, cela me suffit pour demander qu'on ne jette pas Rorty à la poubelle sans autre forme de procès.
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amicus plato sed magis amica veritas
euthyphron- Digressi(f/ve)
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Re: Richard Rorty
>>>En effet affirmer qu'on arrive a limiter la cruauté va poser des tas de problèmes en terme de valeurs , de sémantique et d' idéologie >>>
c'est certain, kercoz. rorty pense qu'une des façons de résoudre ces problèmes est de séparer la vie privée et la vie publique et de garder ses convictions et espoirs de rédemption pour la vie privée. c'est une forme d'ethnocentrisme à vrai dire.
c'est certain, kercoz. rorty pense qu'une des façons de résoudre ces problèmes est de séparer la vie privée et la vie publique et de garder ses convictions et espoirs de rédemption pour la vie privée. c'est une forme d'ethnocentrisme à vrai dire.
Re: Richard Rorty
euthyphron, j'aurais du temps libre samedi après midi et je vais traduire la suite du texte. mais il n'y a rien de fracassant. il s'agit juste des conséquences logiques des conceptions exprimées dans le premier texte.
Re: Richard Rorty
Je ne le jette pas à la poubelle .. le texte exposé est intéressant et je suis conscient qu'on ne peut travailler un concept sans faire de réductionnisme , puisque notre cerveau est infoutu de travailler sans les outils simplifiés de "la Raison".
Même si l' on ne pense pas ( comme moi) que le bien n'est qu'un moindre mal , et que le mal existe entant qu'objet , il me semble qu'il serait plus pertinent d'intriquer ces 2 concepts pour débuter une réflexion plutot que de les séparer.
@ Joseph .
Encore une réduction en opposition donc . Vie publique et vie privée ....je ne voudrais pas prendre une position trop critique sans connaitre ses thèses. ....C'est une démarche me semble t il tres anglo-sax , de chercher a résoudre des problèmes en les découpant plutot qu'en les intégrant .Je crois que les Romains pratiquaient aussi ainsi en réservant à la sphère privée les questions spirituelles ...ça peut tenir la route si l' on considère que l' empathie doit être réservé à ses proches ( son prochain) , sa famille , groupe , patria ...ce qui autoriserait une cruauté ( je dirais plutot agressivité) envers les autres groupes .
Même si l' on ne pense pas ( comme moi) que le bien n'est qu'un moindre mal , et que le mal existe entant qu'objet , il me semble qu'il serait plus pertinent d'intriquer ces 2 concepts pour débuter une réflexion plutot que de les séparer.
@ Joseph .
Encore une réduction en opposition donc . Vie publique et vie privée ....je ne voudrais pas prendre une position trop critique sans connaitre ses thèses. ....C'est une démarche me semble t il tres anglo-sax , de chercher a résoudre des problèmes en les découpant plutot qu'en les intégrant .Je crois que les Romains pratiquaient aussi ainsi en réservant à la sphère privée les questions spirituelles ...ça peut tenir la route si l' on considère que l' empathie doit être réservé à ses proches ( son prochain) , sa famille , groupe , patria ...ce qui autoriserait une cruauté ( je dirais plutot agressivité) envers les autres groupes .
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TIMSHEL
kercoz- Digressi(f/ve)
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Re: Richard Rorty
tiens kercoz, toi qui t'intéresses à la socio-biologie et à l'agressologie, connais tu les livres de laborit (par exemple, éloge de la fuite) ? qu'en penses-tu ?
Re: Richard Rorty
joseph curwan a écrit:tiens kercoz, toi qui t'intéresses à la socio-biologie et à l'agressologie, connais tu les livres de laborit (par exemple, éloge de la fuite) ? qu'en penses-tu ?
Un type remarquable , intuitif, mais je ne l'ai pas trop lu .
Je dirai que s'étant appuyé sur la cybernétique et le structuralisme (?), il échoue avec eux en restant cantonné a faire du "qualitatif" de la littérature ou de la philosophie ....ce n'est pas du tout ironique . Les dernières vaguelettes du structuralisme et de la cybernétique on échoué a quelques temps des découvertes de la Th. du Chaos , qui elle aurait pu redonner un socle mathématiques au concept de rétroactions correctives.
J' ai vu le titre"agressologie" ,..je ne savais pas qu'il avait sévi la dessus , faut que je lise ça . Mes ref sont surtout K.Lorenz ( L' agression) et E. Goffman ( "Les rites interactifs " ou "la mise en scène de la vie quotidienne" ).
Je base toute la démarche sur l' agression intra-spécifique et sur sa nécessaire inhibition pour socialiser une espèce . Pour moi le "bien" n'existe pas en tant qu'objet . Il n'est qu'un moindre mal ...ou plutot de l' agressivité réutilisée , négociée .
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TIMSHEL
kercoz- Digressi(f/ve)
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Re: Richard Rorty
Défi relevé, joseph curwan. J'ai quelques corrections à proposer à la version d'euthyphron, que je trouve déjà (presque, donc) juste et dont j'approuve les corrections (sur votre propre version).
Je dois m'interrompre à la moitié de ma lecture (une lecture simultanée de la version anglaise et de sa traduction française). Je reprendrai après le dîner.
Je dois m'interrompre à la moitié de ma lecture (une lecture simultanée de la version anglaise et de sa traduction française). Je reprendrai après le dîner.
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Rêveur- Digressi(f/ve)
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Re: Richard Rorty
à Joseph Curwan
Se placer dans la sphère de l'obligation de fonder la morale. Ainsi voir une importance dans l 'impossibilité de fondements. Accorder donc de l'importance aux thèses qui fondent la morale c' est se fabriquer un ennemi sur mesure .
L' attitude militante imputées aux métaphysique est endosée par son critique ( Rorty critique de la métaphysique ).
Ainsi Rorty s' autorise à attribuer une place (celle du vaincu ) à la métaphysique ( la place du fantasme subjectif ).
Sa position est aussi directive et autoritaire que celles qu'il prétend contester.
Le problème est qu' il se refuse de le voir .
Rorty est bien intentionné et comme nous qui le sommes aussi ( nous ne sommes pas cruels ).
Il est évident qu' un homme cruel ne partagerait pas l' optimisme solidariste de Rorty.
Maintenant que fait- on des hommes cruels ?
Si nous sommes privés d' explications donc de compréhension ( philosophiques ou autres ) sur la question. Que fait -on ?
On les élimine ou on les enferme sans autre forme de procès … était -ce le but de la manoeuvre ?
Ou avec forme de procès… mais fondée sur quoi ?
Sur les bonnes intentions de Rorty.
On a une théorie de l'auto-fondation du droit ( celui des procès) sur les bons sentiments, théorie toute aussi constituée sans se le dire que celle des métaphysiques légalistes contestées.
Se placer dans la sphère de l'obligation de fonder la morale. Ainsi voir une importance dans l 'impossibilité de fondements. Accorder donc de l'importance aux thèses qui fondent la morale c' est se fabriquer un ennemi sur mesure .
L' attitude militante imputées aux métaphysique est endosée par son critique ( Rorty critique de la métaphysique ).
Ainsi Rorty s' autorise à attribuer une place (celle du vaincu ) à la métaphysique ( la place du fantasme subjectif ).
Sa position est aussi directive et autoritaire que celles qu'il prétend contester.
Le problème est qu' il se refuse de le voir .
Certes et je l' avais compris ainsi.J Curwan a écrit:ce qu'il faut comprendre, c'est que si rorty affirme que la solidarité est préférable à la cruauté, c'est parce qu'il estime que lesconséquences pratiques de la solidarité sont préférables pour la société démocratique à celles de la cruauté, et pas en se référant à une valeur ou entité ou capacité supra-humaine (transcendante) avec laquelle l'homme serait en contact ou qu'il posséderait en lui.
Rorty est bien intentionné et comme nous qui le sommes aussi ( nous ne sommes pas cruels ).
Il est évident qu' un homme cruel ne partagerait pas l' optimisme solidariste de Rorty.
Maintenant que fait- on des hommes cruels ?
Si nous sommes privés d' explications donc de compréhension ( philosophiques ou autres ) sur la question. Que fait -on ?
On les élimine ou on les enferme sans autre forme de procès … était -ce le but de la manoeuvre ?
Ou avec forme de procès… mais fondée sur quoi ?
Sur les bonnes intentions de Rorty.
On a une théorie de l'auto-fondation du droit ( celui des procès) sur les bons sentiments, théorie toute aussi constituée sans se le dire que celle des métaphysiques légalistes contestées.
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Re: Richard Rorty
Voici les corrections...les "amendements", pour vous reprendre, que je propose (en vert, parce que je suis rêveur ) :euhyphron a écrit:D'autres ont-ils des suggestions à faire, non pour refaire une nouvelle traduction, mais pour garantir la fiabilité de celle-ci?
rorty, trad.euthyphron a écrit:Texte très intéressant!
J'ai regardé la traduction, qui a le grand mérite à mon sens d'être proche du texte, et proposé en rouge quelques amendements. Les points d'interrogation signifient que pour moi quelque chose ne va pas, mais que je ne sais pas par quoi remplacer.
Le troisième point d'interrogation porte sur Gospel, qui si je ne m'abuse (je n'ai pas les moyens de vérifier) signifie "évangile", et qu'il faudrait donc traduire ainsi.
Es-tu d'accord avec les amendements que je propose?
« [20] Jusqu’à présent je n’ai rien dit à propos de la relation de la culture littéraire avec la politique. Je terminerai en abordant ce sujet. En effet la querelle entre ceux qui voient l’avènement d’une culture littéraire comme une bonne chose et ceux qui la voient comme une mauvaise chose est principalement une querelle à propos de quelle sorte de haute culture réussira le mieux à créer et faire durer le climat de tolérance qui s’épanouit de préférence dans les sociétés démocratiques.
Ceux qui affirment qu’une culture centrée sur la science est meilleure pour ce but mettent l’amour de la vérité en opposition à la haine, la passion, le préjugé, la superstition et toutes les forces de la déraison contre lesquelles Socrate et Platon affirmaient que la philosophie pourrait nous sauver. Mais ceux qui sont de l’autre côté sont sceptiques quant à l'opposition platonicienne entre raison et déraison. Ils ne voient pas le besoin de relier la différence entre une conversation tolérante et une mauvaise volonté d’écouter l’autre, et à la distinction entre une partie plus élevéesde nous-même qui permet d’atteindre la rédemption (?) en touchant à une réalité transcendante (?) et une autre partie qui est pure animalité.
Le point fort de ceux qui pensent qu’un juste respect pour la vérité objective, et par conséquent pour la science, est important pour faire durer un climat de tolérance et de bonne volonté, est que l’argumentation est essentielle pour la science et la démocratie. Quand on choisit Que l'on choisisse entre [21] des théories scientifiques différentes et quand on choisit ou entre des textes de législation différents, nous voulons que les gens basent leur décision sur des arguments – arguments qui partent de prémisses que l’on peut rendre plausibles pour quiconque s’intéresse au sujet.
Les prêtres donnent rarement de tels arguments, ni les intellectuels littéraires. Il est donc tentant de penser que voir la préférence de la littérature sur la science est comme un rejet de l’argumentation en faveur de prédictions oraculaires – une régression vers quelque chose d’inconfortable comme le stade pré-philosophique, religieux, de la vie intellectuelle occidentale. Vu de cette façon, l’avènement d’une culture littéraire ressemble à la trahison des clercs.
Mais ceux d’entre nous qui se reconnaissent dans l’émergence de la culture littéraire peuvent contrer cette critique en disant que, alors que quoique (ou si) l’argumentation est soit essentielle pour les projets de coopération sociale, la rédemption est une affaire individuelle et privée. De la même façon que l’émergence de la tolérance religieuse a reposé sur la distinction entre les besoins de la société et les besoins de l’individu, et en disant que la religion n’était pas nécessaire pour les premiers, de même la culture littéraire nous demande de disjoindre la délibération politique des projets de rédemption. Cela signifie être d’accord s'entendre sur le fait que les espoirs privés pour l’authenticité et l’autonomie devraient être laissés à la maison quand les citoyens d’une société démocratique se réunissent pour débattre à propos de ce qui doit être fait.
Comprendre cela amène à dire : la seule façon qu’a la science d’être valable pour la politique la seule vue sous laquelle la science est pertinente pour la politique est de voir que les scientifiques apportent un bon exemple de coopération sociale, d’une culture d’expert experte dans laquelle l’argumentation progresse s'épanouit. Ils apportent ainsi un modèle pour la délibération politique – un modèle d’honnêteté, de tolérance et de confiance. Cette habileté est une affaire de procédures plutôt que de résultats et c’est pourquoi des charpentiers ou des conducteurs d’engins des équipes d'ingénieurs (non ?) apportent peuvent apporter un aussi bon modèle qu’un département en astrophysique. La différence entre un accord raisonnable sur la façon de résoudre un problème durant la construction [22] d’une maison ou d’un pont, et un accord raisonnable sur ce que les physiciens appellent « une théorie du tout » est, dans ce contexte, non pertinente. Car quoi que nous apprenne cette théorie, elle ne nous guidera pas dans notre conduite politique ou notre rédemption individuelle.
Cette remarque peut paraître arrogante et dogmatique, car puisqu' il arrive certainement est certainement vrai que les résultats d’enquêtes empiriques aient ont eu, dans le passé, un impact sur notre propre image. Galilée et Darwin ont réfuté certaines diverses fantaisies en montrant la pertinence d’un apport matérialiste. Ils ont par conséquent rendu plus facile le passage d’une haute culture religieuse à une culture sécularisée, simplement philosophique. Mon argument en faveur d’une culture littéraire repose donc sur le constat que se débarrasser des fantaisies, des agents causales ? d'un agencement de causalité qui ne dépendentpas de la conduite des particules élémentaires, a épuisé l’utilité des sciences naturelles pour des buts rédempteurs et politiques.
Je ne fais pas ce constat comme un résultat de raisonnement philosophique ou une intuition, mais juste comme une prédiction à propos du futur. Une prédiction similaire a amené les philosophes du dix-huitième siècle à penser que la religion chrétienne avait fait à peu près tout ce qu’elle pouvait pour la condition morale de l’humanité, et qu’il était temps de laisser la religion derrière nous et de donner sa place à la métaphysique, qu'elle soit idéaliste ou matérialiste. Quand les intellectuels littéraires affirment que la science naturelle n’a rien à nous offrir excepté un exemple édifiant de conversation tolérante, ils font quelque chose d’analogue à ce que les « philosophes » faisaient quand ils disaient que même les meilleurs prêtres n’ont rien à offrir en dehors d’exemples édifiants de charité et de décence. Réduire la science d’une source possible de vérité rédemptrice à un modèle de coopération rationnelle est l’analogue contemporain de la réduction des Évangiles d’un moyen d’atteindre la joie éternelle à une collection de conseils moraux mis en musique (le jeu de mots en moins, Évangile signifiant Bonne nouvelle...).[23] C’est cette sorte de réduction que Kant et Jefferson recommandaient, et que les protestants libéraux des deux derniers siècles ont progressivement accomplie.
Pour dire les choses autrement : aussi bien la religion chrétienne que la métaphysique matérialiste se sont transformées en artefacts qui s’auto-consument. Le besoin d’une orthodoxie religieuse a été sapé par l’insistance de St Paul sur la primauté de l’amour, et par la prise de conscience que la religion de l’amour ne pouvait pas demander à chacun de réciter le même credo. Le besoin d’une métaphysique a été sapé par la capacité de la science moderne à voir l’esprit humain comme un système nerveux exceptionnellement complexe et ainsi de à se (nous, à voir l'humain...) voir en termes pragmatiques plutôt que métaphysiques. La science nous a montré comment voir l’enquête empirique et comme l’usage de cet appareil extra-physiologique pour gagner une plus grande maîtrise de l’environnement, plutôt que comme un moyen de remplacer l’apparence par la réalité. Comme De même que le dix-huitième siècle est devenu capable de voir le Christianisme non comme une révélation d’en haut mais comme une continuation de la réflexion socratique, le vingtième siècle est devenu capable de voir la science naturelle non comme révélant la nature intrinsèque de la réalité, mais comme une suite de prolongeant la * résolution de problèmes pratiques à laquelle sont habitués les castors et les charpentiers - ? tels que ceux rencontrés par les castors et les charpentiers.
Abandonner l’idée qu’il y a une nature intrinsèque de la réalité à découvrir par les prêtres, ou les philosophes, ou les scientifiques revient à séparer le besoin de rédemption de la recherche d’un agrément universel. C’est à dire abandonner la recherche d’une définition précise de la nature humaine et d’ un précepte pour mener La Bonne Vie de l’Homme en découlant. Une fois ces recherches abandonnées, augmenter les limites de l’imagination humaine prend le rôle que jouait l’obédience l'obéissance ? à une volonté divine dans une culture religieuse, et le rôle que la découverte de ce qui est réellement réel jouait dans une culture philosophique. Mais cette substitution [24] n’est pas une raison pour abandonner la recherche d’une forme utopique de vie politique : la Bonne Société Globale. »
Désolé, je crois que je suis trop perfectionniste, et me suis trop pris au jeu de la recherche d'une traduction parfaite (j'aime les énigmes)... J'ai peut-être un peu trop corrigé votre texte traduction, qui était déjà, à quelques détails près, parfaitement convenable.
Mon point d'interrogation à côté de la première apparition du mot "rédemption" exprime le fait que j'ai un peu de mal à comprendre son utilisation par Rorty... Il s'agit peut-être d'un concept rortiste...rortyen...
...
Dernière édition par Rêveur le Sam 13 Déc 2014 - 0:43, édité 1 fois (Raison : perfectionnisme)
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Re: Richard Rorty
Je pense que nous y sommes, à quelques chipotages près. Je laisserais "rédemption", et ferait suivre de "en entrant en contact avec une réalité non humaine" (oublié dans les versions précédentes) pour être au plus près du texte. Une douzaine de lignes avant la fin, je préfère "se" pour "itself" à "nous" ou "l'humain".
Je crois que chacun dispose maintenant d'un texte à peu près fiable, même ceux qui ne parlent pas un traitre mot d'anglais.
Je crois que chacun dispose maintenant d'un texte à peu près fiable, même ceux qui ne parlent pas un traitre mot d'anglais.
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Re: Richard Rorty
1) Merci .euthyphron a écrit:1) Je pense que nous y sommes, à quelques chipotages près. 2) Je laisserais "rédemption", 3) et ferait suivre de "en entrant en contact avec une réalité non humaine" (oublié dans les versions précédentes) pour être au plus près du texte. 4) Une douzaine de lignes avant la fin, je préfère "se" pour "itself" à "nous" ou "l'humain".
Je crois que chacun dispose maintenant d'un texte à peu près fiable, même ceux qui ne parlent pas un traitre mot d'anglais.
2) « Rédemption », je comptais le laisser. Je m'interrogeais simplement sur sa signification dans le texte. Si d'ailleurs c'est bien un concept propre à Rorty (il affirme pourtant n'être pas philosophe, je crois...), il est juste de laisser le mot, en le traduisant littéralement.
3) Je n'ai moi pas oublié cette partie, mais j'hésitais pour « non humaine », qui ne ma paraissait pas très naturel... J'ai quand même mis « transcendantal » en italique, puisque je savais que je prenais une liberté avec le texte...
4)« se » renverrait plutôt à « science moderne », sinon à l'homme, mais cette deuxième possibilité n'est pas logique grammaticalement, en français... C'est vrai que j'ai du mal à comprendre ce itself...
Edit, après relecture : est-ce que itself ne renverrait pas à l'esprit humain ? Si c'est le cas, il faut, ce me semble, traduire par « lui-même ». Maintenant, je ne comprends pas cette insistance (le self et le même)...
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Re: Richard Rorty
Sans garantie, je comprends "itself" comme renvoyant à la science moderne, justement, qui s'envisage en termes de résultats pratiques et non de découvertes spéculatives.
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Re: Richard Rorty
Hum... Je vous fais confiance... Cette analyse a le mérite d'expliquer pourquoi c'est "itself" et pas "it".
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Re: Richard Rorty
http://www.lyber-eclat.net/lyber/cometti/7rorty.htmlRorty a écrit:«Si la tâche m'était assignée, écrit Rorty, non pas de réfuter ou de répondre à un nazi, mais de le convertir (un nazi légèrement plus sain que Hitler ne le fut), je pourrais lui montrer combien les choses peuvent être agréables dans une société libre, combien elles sont horribles dans les camps nazis, comment son führer peut être redécrit comme un ignorant paranoïaque, plus que comme un prophète inspiré [...] Il se peut que cette tactique marche ou ne marche pas, mais en tout cas elle ne s'apparente pas à un exercice intellectuel comme la Letztbegründung (Justification ultime )dont parle Apel [...]
La tentative de montrer au nazi philosophiquement captieux qu'il se prend au piège de ses propres contradictions logiques ou pragmatiques ne peut que le pousser à reconstruire les présuppositions de l'accusation de contradiction (le genre de redescriptions que Heidegger a mis à la disposition des nazis)8.»
il est plus que probable qu'elle ne marchera pas... celle de Apel non plus.Il se peut que cette tactique marche ou ne marche pas,
autre texte de Rorty
Rorty a écrit:«le meilleur argument que nous avons, nous partisans de la solidarité, contre les partisans réalistes de l'objectivité, c'est l'argument nietzschéen qui dit que la consolidation métaphysico-épistémologique des habitudes tentée par la tradition occidentale ne marche tout simplement plus, qu'elle ne fait pas son travail. Elle est devenue un artifice tout aussi transparent que le fait de postuler des divinités qui se trouvent, par le plus heureux des hasards, nous avoir choisis pour former leur peuple. L'idée pragmatiste que nous donnons à notre sens de la communauté un fondement «simplement» éthique – ou plus exactement, que nous pensons que notre sens de la communauté n'a d'autre fondement que l'espoir partagé et la confiance engendrée par un tel partage – est ainsi avancée pour des raisons pratiques. Elle n'est pas formulée comme le corollaire d'une thèse métaphysique13.»
on peu hélas penser qu'un nazi pourrait souscrire .ou plus exactement, que nous pensons que notre sens de la communauté n'a d'autre fondement que l'espoir partagé et la confiance engendrée par un tel partage
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Re: Richard Rorty
La reductio ad hitlerum est un peu grosse, là, non?
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euthyphron- Digressi(f/ve)
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Re: Richard Rorty
à euthyphron
d 'accord peut- être
mais c'est pas moi qui en ai parlé ... c'est Rorty lui même.
Je pense que tel que c'est dit cela pourrait être endossé par un nazi.
Il est bien évident que Rorty n' a pas la même idée du sens de la communauté . C' est bien là le problème . Il a de bons sentiments Rorty ....il n'est pas cruel, il est généreux, tolérant, libéral, tout à fait moral.
Mais il se refuse à expliquer pourquoi il a des bons sentiments.
S' il n'y a pas d' explication, je dis qu'on est un peu faible pour juger de la cruauté des nazis.
Ils vont nous opposer leurs désir, leur système de valeurs et leur bon sentiments à eux vis à vis de leur communauté à eux, sans vergogne et sans qu'on ait rien à leur opposer ... sauf la guerre.
Ce qui nous entraîne nous ( je dis bien nous ) dans la logique de guerre, celle qui est la leur.
d 'accord peut- être
mais c'est pas moi qui en ai parlé ... c'est Rorty lui même.
Je pense que tel que c'est dit cela pourrait être endossé par un nazi.
nous pensons que notre sens de la communauté n'a d'autre fondement que l'espoir partagé et la confiance engendrée par un tel partage
Il est bien évident que Rorty n' a pas la même idée du sens de la communauté . C' est bien là le problème . Il a de bons sentiments Rorty ....il n'est pas cruel, il est généreux, tolérant, libéral, tout à fait moral.
Mais il se refuse à expliquer pourquoi il a des bons sentiments.
S' il n'y a pas d' explication, je dis qu'on est un peu faible pour juger de la cruauté des nazis.
Ils vont nous opposer leurs désir, leur système de valeurs et leur bon sentiments à eux vis à vis de leur communauté à eux, sans vergogne et sans qu'on ait rien à leur opposer ... sauf la guerre.
Ce qui nous entraîne nous ( je dis bien nous ) dans la logique de guerre, celle qui est la leur.
hks- Digressi(f/ve)
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Re: Richard Rorty
Mais tu as bien cité plus haut un texte où Rorty montre tout ce qu'on peut faire, fors la guerre, contre le nazisme. Et tu as trouvé que ça ne marcherait pas.
Plutôt qu'une réfutation, c'est une question que j'adresserais volontiers au fantôme de Rorty : qu'est-ce qui fonde l'espoir partagé? Il semble d'après l'extrait que tu as cité que c'est l'éthique qui le fonde, par opposition à toute métaphysique. Le minimum de bonne volonté requis pour vivre ensemble est ce à partir de quoi peut s'édifier une communauté où il fait bon vivre. En revanche, si une communauté veut se fonder sur une idée précise de ce quoi doit être une communauté, et de ce que doit être l'homme, comme ce fut le cas avec les nazis , on court à la catastrophe. C'est dommage que Rorty n'ait pas eu l'oreille de Platon.
Plutôt qu'une réfutation, c'est une question que j'adresserais volontiers au fantôme de Rorty : qu'est-ce qui fonde l'espoir partagé? Il semble d'après l'extrait que tu as cité que c'est l'éthique qui le fonde, par opposition à toute métaphysique. Le minimum de bonne volonté requis pour vivre ensemble est ce à partir de quoi peut s'édifier une communauté où il fait bon vivre. En revanche, si une communauté veut se fonder sur une idée précise de ce quoi doit être une communauté, et de ce que doit être l'homme, comme ce fut le cas avec les nazis , on court à la catastrophe. C'est dommage que Rorty n'ait pas eu l'oreille de Platon.
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Re: Richard Rorty
[suite et fin ]
[24] J’ai dit maintenant tout ce que je pouvais pour contrer la suggestion que l’émergence d’une culture littéraire est une rechute dans l’irrationalisme, et qu’un juste respect pour la capacité de la science d’atteindre une vérité objective est essentiel au moral d’une société démocratique. Mais il y a une suggestion apparentée, plus vague et difficile à pointer, mais peut-être pas moins convaincante. C’est que la culture littéraire est décadente –qu’elle manque de la santé d’esprit et de la vigueur commune aux chrétiens prosélytes, aux adorateurs de la science positivistes, et aux révolutionnaires marxistes. Une haute culture centrée sur la littérature, qui veut que les choses soient non pas bonnes, mais nouvelles, sera, on le dit souvent, une culture d’esthètes languissants et autocentrés.
La meilleure réponse à cette idée est « L’âme de l’homme sous le socialisme » par Oscar Wilde. Le message cet essai est parallèle à ceux de « Sur la liberté » de Mill et de la « Théorie de la justice » de Rawls. C’est que la seul raison d’abandonner les prêtre et les rois, de mettre en place des gouvernements démocratiques, de prendre à chacun selon ses capacité et de donner à chacun selon ses besoins, et par conséquent de créer la Bonne Société Globale, c’est de rendre possible pour les gens de mener le style de vie qu’ils préfèrent, aussi longtemps que cela ne diminue pas les opportunités des autres humains de faire la même chose. Comme Wilde l’affirme « Le socialisme en lui-même sera de valeur simplement parce qu’il mènera à l’individualisme ». Une partie de l’opinion de Wilde est qu’il ne peut pas y avoir d’objection aux esthètes autocentrés –c’est à dire des gens dont la passion est d’explorer les limites présentes de l’imagination humaine- aussi longtemps qu’ils ne prennent pas plus que leur juste part du produit social.
[25] Cette revendication, cependant, paraît décadente à beaucoup de gens. Nous n’avons pas été mis sur terre, diront-ils, pour nous divertir, mais pour faire des choses bonnes. Ils pensent que le socialisme ne nous prendrait pas tant à cœur s’il était juste un chemin vers l’individualisme, ou si le but de la révolution prolétarienne était seulement de rendre possible pour chacun de devenir un intellectuel bourgeois. Cette idée que l’existence humaine a d’autres buts que le plaisir est ce qui entretient la bataille entre Mill et Kant dans les cours de philosophie morale, de la même façon que l’idée que la science naturelle doit avoir un autre but que la résolution de problèmes pratiques entretient la bataille entre Kuhn et ses adversaires vivants dans les cours de philosophie des sciences. Mill et Kuhn –et plus généralement les utilitariens et les pragmatistes- sont encore suspectés d’abandonner la partie, de diminuer la dignité humaine, de réduire nos plus nobles aspirations à une stimulation autocentrés de nos groupes de neurones favoris.
L’antagonisme entre ceux qui pensent, avec Schiller et Wilde, que les êtres humains sont meilleurs quand ils jouent, et ceux qui pensent qu’ils sont meilleurs quand ils luttent, semblent pour moi le socle des conflits qui ont marqués l’émergence d’une culture littéraire. Une fois encore, je voudrais que ces conflits soient vus comme reproduisant ceux qui ont marqué la transition de la religion à la philosophie. Dans cette précédente transition, les gens qui pensaient qu’une vie humaine qui ne s’efforçait pas d’obéir parfaitement à la volonté divine était une rechute dans l’animalité se confrontaient à ceux qui pensaient qu’un tel idéal de soumission étaient indigne d’être qui peuvent penser par eux-mêmes. Dans la présente transition, les gens qui pensent que nous devons nous accrocher à des idéaux Kantiens comme « la loi morale » et « les choses en soi » se confrontent à des gens qui pensent que ces idées sont les symptômes d’une autonomie insuffisante, d’une tentative trompeuse de trouver de la dignité dans l’acceptation de servitude et de la liberté dans la reconnaissance de contraintes.
[26] Le seul moyen de résoudre cette sorte de querelle, me semble t il, est de dire que le style de gens à qui une société utopique donnera ressources et loisirs pour faire leur occupation individualiste inclura des Kantiens forcenés aussi bien que des esthètes autocentrés, des gens qui ne peuvent pas vivre sans religion autant que des gens qui la déteste, des métaphysiciens de la nature autant que des pragmatistes de la nature. Car dans cette utopie, comme Rawls l’a dit, il n’y aura pas besoin de se mettre d’accord sur le sens de l’existence humaine, la bonne vie pour l’homme, ou sur d’autres problèmes de généralité similaire.
Si les gens qui ne sont pas d’accord à propos de ces sujets peuvent être d’accord pour coopérer dans le fonctionnement des pratiques et des institutions qui ont, selon les mots de Wilde « substitué la coopération à la compétition », ce sera suffisant. La controverse Kant / Mill, comme la dispute entre les métaphysiciens et les pragmatistes, semblera aussi peu digne de se quereller que le problème entre les croyants et les athées. Car nous les humains n’avons pas besoins d’être d’accord à propos de la Nature ou la Fin de l’homme pour pouvoir faciliter la capacité de notre voisin à agir selon ses propres convictions sur ces sujets, aussi longtemps que ses actions n’interfèrent pas avec notre liberté d’agir selon nos propres convictions.
En bref, comme nous avons appris, dans les siècles récents, que la différence d’opinion entre le croyant et l’athée ne devait pas être discutée tant que les deux peuvent coopérer sur des projets communs, nous pourrions apprendre à mettre de côté toutes les différences entre toutes les recherches variées de rédemption quand nous coopérons pour construire l’utopie de Wilde. Dans cette utopie, la culture littéraire ne sera pas la seule, ou même la forme dominante de haute culture.
C’est parce qu’il n’y aura pas de forme dominante. La haute culture ne sera plus pensée comme l’endroit où le but de la société dans son ensemble est débattu et décidé, et où c’est une affaire sociale de savoir quelle sorte d’intellectuel dirige l’orchestre. [27] On ne s’intéressera plus au fossé qui s’ouvre entre culture populaire, la culture des gens qui n’ont jamais senti le besoin de rédemption, et la haute culture des intellectuels –des gens qui ont toujours voulu être quelque chose de différent que ce qu’ils sont présentement. Dans l’utopie, le besoin philosophique et religieux d’être relié au non-humain, et le besoin des intellectuels littéraires d’explorer les limites présentes de l’imagination humaine seront vus comme une affaire de goûts. Ils seront vus par les non-intellectuels de la même façon tolérante et relaxée et incompréhensive que nous regardons présentement l’obsession de notre voisin pour l’observation d’oiseaux, ou le macramé, ou une collection d’enjoliveurs, ou la découverte des secrets de la Grande Pyramide.
Pour se mouvoir dans l’utopie, cependant, les intellectuels littéraires devront mettre un bémol à leur rhétorique. Certains passages de Wilde ne devront pas être répétés, comme quand il dit « les poètes, les philosophes, les hommes de sciences, les hommes de culture –en un mot, les hommes réels, les hommes qui se sont réalisés, et en qui toute l’humanité se réalise partiellement » L’idée que certains hommes sont plus réellement des hommes que d’autres contredit la meilleur sagesse de Wilde, comme lorsqu’il dit « Il n’y a pas un modèle pour l’homme. Il y a autant de perfections qu’il y a d’hommes imparfaits. » Les mêmes mots auraient pu être écrits par Nietzsche, mais pour les prendre sérieusement nous devons oublier le mépris de Zarathoustra pour le « dernier homme », l’homme qui ne ressent pas de besoin de rédemption. Dans l’utopie, la culture littéraire aura appris à ne pas se donner des airs. Elle ne sentira plus la tentation de faire des distinctions individuelles et quasi-métaphysique entre des hommes réels et d’autres hommes moins réels.
Pour résumer, je suggère que nous voyions la culture littéraire comme étant elle-même un artéfact qui s’auto-consume, et peut être le dernier de son espèce. Car dans l’utopie les intellectuels auront abandonné l’idée qu’il y a une norme sur laquelle les produits de l’imagination humaine peuvent être [28] mesurés autre que leur utilité sociale, comme cette utilité est jugée par une communauté globale libre et tolérante. Ils auront arrêté de penser que l’imagination humaine va quelque part, qu’il y a un but idéal vers lequel toutes les créations culturelles se dirigent. Ils auront abandonné l’identification de la rédemption avec l’atteinte de la perfection. Ils auront pleinement compris la maxime suivant laquelle c’est le voyage qui compte.
[24] J’ai dit maintenant tout ce que je pouvais pour contrer la suggestion que l’émergence d’une culture littéraire est une rechute dans l’irrationalisme, et qu’un juste respect pour la capacité de la science d’atteindre une vérité objective est essentiel au moral d’une société démocratique. Mais il y a une suggestion apparentée, plus vague et difficile à pointer, mais peut-être pas moins convaincante. C’est que la culture littéraire est décadente –qu’elle manque de la santé d’esprit et de la vigueur commune aux chrétiens prosélytes, aux adorateurs de la science positivistes, et aux révolutionnaires marxistes. Une haute culture centrée sur la littérature, qui veut que les choses soient non pas bonnes, mais nouvelles, sera, on le dit souvent, une culture d’esthètes languissants et autocentrés.
La meilleure réponse à cette idée est « L’âme de l’homme sous le socialisme » par Oscar Wilde. Le message cet essai est parallèle à ceux de « Sur la liberté » de Mill et de la « Théorie de la justice » de Rawls. C’est que la seul raison d’abandonner les prêtre et les rois, de mettre en place des gouvernements démocratiques, de prendre à chacun selon ses capacité et de donner à chacun selon ses besoins, et par conséquent de créer la Bonne Société Globale, c’est de rendre possible pour les gens de mener le style de vie qu’ils préfèrent, aussi longtemps que cela ne diminue pas les opportunités des autres humains de faire la même chose. Comme Wilde l’affirme « Le socialisme en lui-même sera de valeur simplement parce qu’il mènera à l’individualisme ». Une partie de l’opinion de Wilde est qu’il ne peut pas y avoir d’objection aux esthètes autocentrés –c’est à dire des gens dont la passion est d’explorer les limites présentes de l’imagination humaine- aussi longtemps qu’ils ne prennent pas plus que leur juste part du produit social.
[25] Cette revendication, cependant, paraît décadente à beaucoup de gens. Nous n’avons pas été mis sur terre, diront-ils, pour nous divertir, mais pour faire des choses bonnes. Ils pensent que le socialisme ne nous prendrait pas tant à cœur s’il était juste un chemin vers l’individualisme, ou si le but de la révolution prolétarienne était seulement de rendre possible pour chacun de devenir un intellectuel bourgeois. Cette idée que l’existence humaine a d’autres buts que le plaisir est ce qui entretient la bataille entre Mill et Kant dans les cours de philosophie morale, de la même façon que l’idée que la science naturelle doit avoir un autre but que la résolution de problèmes pratiques entretient la bataille entre Kuhn et ses adversaires vivants dans les cours de philosophie des sciences. Mill et Kuhn –et plus généralement les utilitariens et les pragmatistes- sont encore suspectés d’abandonner la partie, de diminuer la dignité humaine, de réduire nos plus nobles aspirations à une stimulation autocentrés de nos groupes de neurones favoris.
L’antagonisme entre ceux qui pensent, avec Schiller et Wilde, que les êtres humains sont meilleurs quand ils jouent, et ceux qui pensent qu’ils sont meilleurs quand ils luttent, semblent pour moi le socle des conflits qui ont marqués l’émergence d’une culture littéraire. Une fois encore, je voudrais que ces conflits soient vus comme reproduisant ceux qui ont marqué la transition de la religion à la philosophie. Dans cette précédente transition, les gens qui pensaient qu’une vie humaine qui ne s’efforçait pas d’obéir parfaitement à la volonté divine était une rechute dans l’animalité se confrontaient à ceux qui pensaient qu’un tel idéal de soumission étaient indigne d’être qui peuvent penser par eux-mêmes. Dans la présente transition, les gens qui pensent que nous devons nous accrocher à des idéaux Kantiens comme « la loi morale » et « les choses en soi » se confrontent à des gens qui pensent que ces idées sont les symptômes d’une autonomie insuffisante, d’une tentative trompeuse de trouver de la dignité dans l’acceptation de servitude et de la liberté dans la reconnaissance de contraintes.
[26] Le seul moyen de résoudre cette sorte de querelle, me semble t il, est de dire que le style de gens à qui une société utopique donnera ressources et loisirs pour faire leur occupation individualiste inclura des Kantiens forcenés aussi bien que des esthètes autocentrés, des gens qui ne peuvent pas vivre sans religion autant que des gens qui la déteste, des métaphysiciens de la nature autant que des pragmatistes de la nature. Car dans cette utopie, comme Rawls l’a dit, il n’y aura pas besoin de se mettre d’accord sur le sens de l’existence humaine, la bonne vie pour l’homme, ou sur d’autres problèmes de généralité similaire.
Si les gens qui ne sont pas d’accord à propos de ces sujets peuvent être d’accord pour coopérer dans le fonctionnement des pratiques et des institutions qui ont, selon les mots de Wilde « substitué la coopération à la compétition », ce sera suffisant. La controverse Kant / Mill, comme la dispute entre les métaphysiciens et les pragmatistes, semblera aussi peu digne de se quereller que le problème entre les croyants et les athées. Car nous les humains n’avons pas besoins d’être d’accord à propos de la Nature ou la Fin de l’homme pour pouvoir faciliter la capacité de notre voisin à agir selon ses propres convictions sur ces sujets, aussi longtemps que ses actions n’interfèrent pas avec notre liberté d’agir selon nos propres convictions.
En bref, comme nous avons appris, dans les siècles récents, que la différence d’opinion entre le croyant et l’athée ne devait pas être discutée tant que les deux peuvent coopérer sur des projets communs, nous pourrions apprendre à mettre de côté toutes les différences entre toutes les recherches variées de rédemption quand nous coopérons pour construire l’utopie de Wilde. Dans cette utopie, la culture littéraire ne sera pas la seule, ou même la forme dominante de haute culture.
C’est parce qu’il n’y aura pas de forme dominante. La haute culture ne sera plus pensée comme l’endroit où le but de la société dans son ensemble est débattu et décidé, et où c’est une affaire sociale de savoir quelle sorte d’intellectuel dirige l’orchestre. [27] On ne s’intéressera plus au fossé qui s’ouvre entre culture populaire, la culture des gens qui n’ont jamais senti le besoin de rédemption, et la haute culture des intellectuels –des gens qui ont toujours voulu être quelque chose de différent que ce qu’ils sont présentement. Dans l’utopie, le besoin philosophique et religieux d’être relié au non-humain, et le besoin des intellectuels littéraires d’explorer les limites présentes de l’imagination humaine seront vus comme une affaire de goûts. Ils seront vus par les non-intellectuels de la même façon tolérante et relaxée et incompréhensive que nous regardons présentement l’obsession de notre voisin pour l’observation d’oiseaux, ou le macramé, ou une collection d’enjoliveurs, ou la découverte des secrets de la Grande Pyramide.
Pour se mouvoir dans l’utopie, cependant, les intellectuels littéraires devront mettre un bémol à leur rhétorique. Certains passages de Wilde ne devront pas être répétés, comme quand il dit « les poètes, les philosophes, les hommes de sciences, les hommes de culture –en un mot, les hommes réels, les hommes qui se sont réalisés, et en qui toute l’humanité se réalise partiellement » L’idée que certains hommes sont plus réellement des hommes que d’autres contredit la meilleur sagesse de Wilde, comme lorsqu’il dit « Il n’y a pas un modèle pour l’homme. Il y a autant de perfections qu’il y a d’hommes imparfaits. » Les mêmes mots auraient pu être écrits par Nietzsche, mais pour les prendre sérieusement nous devons oublier le mépris de Zarathoustra pour le « dernier homme », l’homme qui ne ressent pas de besoin de rédemption. Dans l’utopie, la culture littéraire aura appris à ne pas se donner des airs. Elle ne sentira plus la tentation de faire des distinctions individuelles et quasi-métaphysique entre des hommes réels et d’autres hommes moins réels.
Pour résumer, je suggère que nous voyions la culture littéraire comme étant elle-même un artéfact qui s’auto-consume, et peut être le dernier de son espèce. Car dans l’utopie les intellectuels auront abandonné l’idée qu’il y a une norme sur laquelle les produits de l’imagination humaine peuvent être [28] mesurés autre que leur utilité sociale, comme cette utilité est jugée par une communauté globale libre et tolérante. Ils auront arrêté de penser que l’imagination humaine va quelque part, qu’il y a un but idéal vers lequel toutes les créations culturelles se dirigent. Ils auront abandonné l’identification de la rédemption avec l’atteinte de la perfection. Ils auront pleinement compris la maxime suivant laquelle c’est le voyage qui compte.
Re: Richard Rorty
Alors... Voilà les quelques modifications que je propose :
joseph curwan, trad. du texte de rorty a écrit:[suite et fin ]
[24] J’ai dit maintenant tout ce que je pouvais pour contrer la suggestion que l’émergence d’une culture littéraire est une rechute dans l’irrationalisme, et qu’un juste respect pour la capacité de la science d’atteindre une vérité objective est essentiel au moral à la morale d’une société démocratique. Mais il y a une suggestion apparentée, plus vague et difficile à pointer, mais peut-être pas moins convaincante persuasive. C’est que la culture littéraire est décadente – qu’elle manque de la santé d’esprit et de la vigueur communes aux chrétiens prosélytes, aux adorateurs de la science positivistes, et aux révolutionnaires marxistes. Une haute culture centrée sur la littérature, qui veut que les choses soient non pas bonnes, mais nouvelles, sera, on le dit souvent, une culture d’esthètes languissants et autocentrés.
La meilleure réponse à cette idée est « L’âme de l’homme sous le socialisme » par Oscar Wilde. Le message cet essai est parallèle à ceux de « Sur la liberté » de Mill et de la « Théorie de la justice » de Rawls. C’est que la seul raison d’abandonner de se débarrasser ldes prêtre et ldes rois, de mettre en place des gouvernements démocratiques, de prendre à de chacun selon ses capacités et de donner à chacun selon ses besoins, et par conséquent de créer la Bonne Société Globale, c’est de rendre possible pour les gens de mener le les styles de vie qu’ils préfèrent, aussi longtemps que cela ne diminue pas les opportunités des autres humains de faire la même chose. Comme Wilde l’affirme « Le socialisme en lui-même sera de valeur simplement parce qu’il mènera à l’individualisme ». Une partie de l’opinion la position de Wilde (de ce que Wilde remarque, pense ?) est qu’il ne peut pas y avoir d’objection aux esthètes autocentrés – c’est-à-dire des gens dont la passion est d’explorer les limites présentes de l’imagination humaine - aussi longtemps qu’ils ne prennent pas plus que leur juste part du produit social.
[25] Cette revendication, cependant, paraît décadente à beaucoup de gens. Nous n’avons pas été mis sur terre, diront-ils, pour nous divertir, mais pour faire des choses bonnes justes. Ils pensent que le socialisme ne nous prendrait pas tant à cœur s’il était juste un chemin vers l’individualisme, ou si le but de la révolution prolétarienne était seulement de rendre possible pour chacun de devenir un intellectuel bourgeois. Cette idée que l’existence humaine a d’autres buts sens que le plaisir est ce qui entretient rend la bataille entre Mill et Kant actuelle dans les cours (?) de philosophie morale, de la même façon que l’idée que la science naturelle doit avoir un autre but sens que la résolution de problèmes pratiques entretient rend la bataille entre Kuhn et ses adversaires vivantse (actuelle ? toujours d'actualité ?) dans les cours (?) de philosophie des sciences. Mill et Kuhn – et plus généralement les utilitariens utilitaristes et les pragmatistes - sont encore suspectés d’abandonner la partie (?), de diminuer la dignité humaine, de réduire nos plus nobles aspirations à une stimulation autocentrée de nos groupes de neurones favoris.
L’antagonisme entre ceux qui pensent, avec Schiller et Wilde, que les êtres humains sont meilleurs quand ils jouent, et ceux qui pensent qu’ils sont meilleurs quand ils luttent, semblent pour moi le socle des conflits qui ont marqués l’émergence d’une culture littéraire. Une fois encore, je voudrais que ces conflits soient vus comme reproduisant ceux qui ont marqué la transition de la religion à la philosophie. Dans cette précédente transition, les gens qui pensaient qu’une vie humaine qui ne s’efforçait pas d’obéir parfaitement à la volonté divine était une rechute dans l’animalité se confrontaient à ceux qui pensaient qu’un tel idéal de soumission étaient indigne d’êtres qui peuvent penser par eux-mêmes. Dans la présente transition, les gens qui pensent que nous devons nous accrocher à des idéaux Kantiens comme « la loi morale » et « les choses en soi » se confrontent à des gens qui pensent que ces idées sont les symptômes d’une autonomie insuffisante, d’une tentative trompeuse de trouver de la dignité dans l’acceptation de la servitude et de la liberté dans la reconnaissance de contraintes.
[26] Le seul moyen de résoudre cette sorte de querelle, me semble-t-il, est de dire que le style de gens à qui une société utopique donnera ressources et loisirs pour faire réaliser leur occupation individualiste inclura des Kantiens forcenés aussi bien que des esthètes autocentrés, des gens qui ne peuvent pas vivre sans religion autant que des gens qui la détestent, des métaphysiciens de la nature autant que des pragmatistes de la nature. Car dans cette utopie, comme Rawls l’a dit, il n’y aura pas besoin de se mettre d’accord sur le sens de l’existence humaine, la bonne vie pour l’homme, ou sur d’autres problèmes de généralité similaire.
Si les gens qui ne sont pas d’accord à propos de ces sujets peuvent être d’accord pour coopérer dans le fonctionnement des pratiques et des institutions qui ont, selon les mots de Wilde « substitué la coopération à la compétition », ce sera suffisant. La controverse Kant / Mill, comme la dispute entre les métaphysiciens et les pragmatistes, semblera aussi peu digne de se quereller de querelles que le problème la dispute entre les croyants et les athées. Car nous les humains n’avons pas besoin d’être d’accord à propos de la Nature ou la Fin de l’homme pour pouvoir faciliter la capacité de notre voisin à agir selon ses propres convictions sur ces sujets, aussi longtemps que ses ces actions n’interfèrent pas avec notre liberté d’agir selon nos propres convictions.
En bref, exactement comme nous avons appris, dans les siècles récents, que la différence d’opinion entre le croyant et l’athée ne devait pas être discutée tant que les deux peuvent coopérer sur des projets communs prendre la pas sur la possibilité pour les deux de coopérer sur des projets communs, nous pourrions apprendre à mettre de côté toutes les différences entre toutes les recherches variées de rédemption quand nous coopérons pour construire l’utopie de Wilde. Dans cette utopie, la culture littéraire ne sera pas la seule, ou même la forme dominante de haute culture.
C’est parce qu’il n’y aura pas de une forme dominante. La haute culture ne sera plus pensée comme l’endroit le cadre où le but de la société dans son ensemble est débattu et décidé, et où c’est une affaire sociale de savoir quelle sorte d’intellectuel dirige l’orchestre. [27] On ne s’intéressera pas plus au fossé qui s’ouvre entre culture populaire, la culture des gens qui n’ont jamais senti le besoin de rédemption, et la haute culture des intellectuels – des gens qui ont toujours voulu être quelque chose de plus ou de différent que ce qu’ils sont présentement. Dans l’utopie, le besoin philosophique et religieux d’être relié au de s'élever vers le non-humain (surhumain, supra-humain ?), et le besoin des intellectuels littéraires d’explorer les limites présentes de l’imagination humaine seront vus comme une affaire de goûts. Ils seront vus par les non-intellectuels de la même façon relaxée, tolérante et incompréhensive perplexe que nous regardons présentement l’obsession de notre voisin pour l’observation d’oiseaux, ou le macramé, ou une collection d’enjoliveurs, ou la découverte des secrets de la Grande Pyramide.
Pour se mouvoir dans l’utopie, cependant, les intellectuels littéraires devront mettre un bémol (...) à leur rhétorique. Certains passages de Wilde ne devront pas être répétés, comme quand il dit (...) « les poètes, les philosophes, les hommes de sciences, les hommes de culture – en un mot, les hommes réels, les hommes qui se sont réalisés, et en qui toute l’humanité se réalise partiellement » L’idée que certains hommes sont plus réellement des hommes que d’autres contredit est en contradiction avec la meilleure sagesse de Wilde lui-même, comme lorsqu'il dit « Il n’y a pas un modèle pour l’homme. Il y a autant de perfections qu’il y a d’hommes imparfaits. » Les mêmes mots auraient pu être écrits par Nietzsche, mais pour les prendre sérieusement nous devons oublier le mépris de Zarathoustra pour le « dernier homme », l’homme qui ne ressent pas de besoin de rédemption. Dans l’utopie, la culture littéraire aura appris à ne pas se donner des airs. Elle ne sentira plus la tentation de faire des distinctions individuelles et quasi-métaphysique entre des hommes réels et d’autres hommes moins réels.
Pour résumer, je suggère que nous voyions la culture littéraire comme étant elle-même un artefact qui s’auto-consume, et peut-être le dernier de son espèce. Car dans l’utopie les intellectuels auront abandonné l’idée qu’il y a une norme sur laquelle les produits de l’imagination humaine peuvent être [28] mesurés autre que leur utilité sociale, comme cette utilité est jugée par une communauté globale libre et tolérante. Ils auront arrêté de penser que l’imagination humaine va quelque part, qu’il y a un but idéal vers lequel toutes les créations culturelles se dirigent. Ils auront abandonné l’identification de la rédemption avec l’atteinte de la perfection. Ils auront pleinement compris la maxime suivant laquelle c’est le voyage qui compte.
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Re: Richard Rorty
Merci à tous les deux.
Rorty me plaît bien, j'avoue.
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Re: Richard Rorty
Hum... Je partage certaines idées, mais je crains que son utopie ne soit une société relativiste et sans valeur à l'image du Meilleur des mondes...
En revanche, je suis parfaitement en accord avec :
Pour la traduction, je viens de me dire que "récusent" serait préférable à "détestent" (qui a valeur presque conflictuelle, ce qui n'est pas en accord avec son idée), au milieu du premier paragraphe de la vingt-sixième page.
En revanche, je suis parfaitement en accord avec :
C'est une position que j'ai depuis un certain temps. Mes Rêveries ne tendent pas vers quelque but unique. Sinon...elles s'étoufferaient finalement, et limiteraient... Hum...Rorty a écrit:Ils auront arrêté de penser que l’imagination humaine va quelque part, qu’il y a un but idéal vers lequel toutes les créations culturelles se dirigent.
Pour la traduction, je viens de me dire que "récusent" serait préférable à "détestent" (qui a valeur presque conflictuelle, ce qui n'est pas en accord avec son idée), au milieu du premier paragraphe de la vingt-sixième page.
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Re: Richard Rorty
un grand merci à rêveur ! je cautionne toutes les modifications !
le fait que le rortysme mène, dans le meilleur des cas, au meilleur des mondes est une possibilité à prendre en compte...
j'ai aussi vu que certains bouddhistes se reconnaissaient dans cette philosophie...
tout cela à développer, mais pas ce soir, je suis trop fatigué !
merci encore !
le fait que le rortysme mène, dans le meilleur des cas, au meilleur des mondes est une possibilité à prendre en compte...
j'ai aussi vu que certains bouddhistes se reconnaissaient dans cette philosophie...
tout cela à développer, mais pas ce soir, je suis trop fatigué !
merci encore !
Re: Richard Rorty
Je vous en prie. C'est pour moi un...jeu. Je suis amateur d'énigmes. (et le répète un peu trop souvent) Il reste quelques corrections mineures à apporter (j'ai souligné deux mots qui selon moi ne conviennent pas sans que je puisse les remplacer...)
Par contre, c'est plutôt dans le pire des cas que le rortysme mène au meilleur des mondes... Ah, j'oubliais une petite remarque : en vérité, je n'aime pas tant (elle n'est pas épatante) non plus l'Utopie de Thomas More, qui n'est pas mon idéal, quoique je me revendique utopiste (mais il m'arrive de préférer uchroniste, un autre mot que j'ai inventé). Je veux dire, elle n'est pas mal, mais je suis en désaccord avec plusieurs des valeurs qu'elle défend...
Par contre, c'est plutôt dans le pire des cas que le rortysme mène au meilleur des mondes... Ah, j'oubliais une petite remarque : en vérité, je n'aime pas tant (elle n'est pas épatante) non plus l'Utopie de Thomas More, qui n'est pas mon idéal, quoique je me revendique utopiste (mais il m'arrive de préférer uchroniste, un autre mot que j'ai inventé). Je veux dire, elle n'est pas mal, mais je suis en désaccord avec plusieurs des valeurs qu'elle défend...
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Re: Richard Rorty
J'ai re-cité tout ton message.euphythron a écrit:Mais tu as bien cité plus haut un texte où Rorty montre tout ce qu'on peut faire, fors la guerre, contre le nazisme. Et tu as trouvé que ça ne marcherait pas. Plutôt qu'une réfutation, c'est une question que j'adresserais volontiers au fantôme de Rorty : qu'est-ce qui fonde l'espoir partagé? Il semble d'après l'extrait que tu as cité que c'est l'éthique qui le fonde, par opposition à toute métaphysique. Le minimum de bonne volonté requis pour vivre ensemble est ce à partir de quoi peut s'édifier une communauté où il fait bon vivre. En revanche, si une communauté veut se fonder sur une idée précise de ce quoi doit être une communauté, et de ce que doit être l'homme, comme ce fut le cas avec les nazis , on court à la catastrophe. C'est dommage que Rorty n'ait pas eu l'oreille de Platon.
Rorty a toutes les bonnes intentions possibles du monde possible.
Je pense ( au fond de moi ) qu'on doit croire à la morale ( en soi ). Qu' en fait on y croit et qu'on ne peux pas faire comme si on n' y croyait pas.
Je pense que cette croyance à un fondement donc qu'on peut sinon expliquer du moins chercher à expliquer. ( Rorty se ferme par relativisme à cette recherche )
Et que même d'un point de vue pragmatique il serait très utile d' avoir une explication.
Quand je dis qu'on croit à la morale ...et bien oui !! très largement un consensus se fait autour de la réprobation de certains actes ( de la cruauté par exemple ).
hks- Digressi(f/ve)
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Re: Richard Rorty
hks a écrit:
Je pense ( au fond de moi ) qu'on doit croire à la morale ( en soi ). Qu' en fait on y croit et qu'on ne peux pas faire comme si on n' y croyait pas.
Je pense que cette croyance à un fondement donc qu'on peut sinon expliquer du moins chercher à expliquer. ( Rorty se ferme par relativisme à cette recherche )
Et que même d'un point de vue pragmatique il serait très utile d' avoir une explication.
Ben y' a Dieu , non , pour la morale ?
D'ou diantre pourrait bien sortir une morale laïque ?
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TIMSHEL
kercoz- Digressi(f/ve)
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