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Origine

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Message par Grégor Ven 7 Oct 2022 - 15:50

Le problème de l’origine est un peu celui de la poule et de l’œuf.
En effet, qui est la cause de l’autre ?
L’un et l’autre sont à la fois cause et conséquence de l’autre.
Dieu seul est causa sui.
Tout ce qui est, en tant que phénomène et selon la leçon kantienne, est soumis aux catégories de l’entendement et parmi celles-ci, celle de la causalité.
Autrement dit, tout est déterminé à être par quelque chose d’autre (ou un complexe de choses).
Rien dans la Nature n’est cause de soi, tout est déterminé par d’autres choses, elles-mêmes déterminées par d’autres et ainsi à l’infini.
Cette régression des causes à l’infini n’a pas de terme et donc nulle origine.

Pourtant nous expérimentons quotidiennement, par exemple dans le langage, une autre logique que celle de cet enchaînement infini de causes et de conséquences.
En effet, lorsque nous parlons, nous actualisons un langage qui nous précède et dans lequel nous sommes jetés.
Le langage n’est qu’en tant que nous l’actualisons et le rendons effectif, en tant que nous nous projetons en lui, mais nous ne sommes nous-mêmes qu’en tant que nous sommes des êtres de parole, nés dans un langage, qui nous précède et nous forme - Le langage selon Steven Pinker est un instinct, un programme génétique, nous pouvons voir par là combien le langage nous constitue, il est notre constitution la plus propre.

Il en va de même de la Loi, qui nous forme et que nous actualisons par nos actes moraux (ou qui nous poursuit comme les Érinyes, lorsque nous transgressons la Loi).
Avec cette façon de penser, cette logique, l’universel, la Loi, le langage, l’absolu (ce qui n’est pas encore déterminé, fini, donc ce qui est in-fini) n’est plus un idéal inaccessible, une origine impensable, mais quelque chose d’effectif, qui nous forme et que nous formons nous-mêmes, une substance qui est à la fois origine et fin.

L’origine nous constitue et nous la constituons, comme la culture nous forme et comme nous formons la culture, en nous formant nous-mêmes et en formant les générations futures.
Le savoir, en effet, n’est pas quelque chose que l’on posséderait et qui resterait en dehors de nous, comme un savoir purement extérieur, mais il nous forme, constitue notre identité, notre être.
Le long apprentissage d’un instrument s’incarne immédiatement dans sa pratique, de la même manière l’éducation s’actualise de diverses manières, dans notre pratique quotidienne.
Ce point de vue individuel peut être élevé au niveau d’un peuple dans lequel l’individu s’accomplit.
D’une certaine manière, les peuples ne sont que la somme des actes des citoyens, mais d’un autre point de vue, ces citoyens sont le produit de l’âme d’un peuple, de sa culture, de ses coutumes, de ses lois, de ses institutions, etc.
Mais à leur tour, les citoyens forment les jeunes générations, sans que l’on puisse remonter à une origine de cette culture ou de ce peuple.
Un tel homme, à l’état de nature, ne serait pas véritablement un homme et l’origine de l’homme, sa naissance en tant qu’homme, pose le même problème logique que celui de la naissance de l’univers, car pour qu’il naisse un homme, il faut une culture humaine, de même que pour que naisse de la matière, de la matière doit la précéder.
Certes, la théorie de l’évolution peut nous expliquer comment, par exemple, l’esprit de l’homme s’est formé et éclairer ainsi bien des aspects de ce que l’on nomme un homme.
Pourtant cette logique, que nous essayons de développer, échappe d’une certaine manière aux simples enchaînement causaux.
Parce que la science anthropologique ne recherche que de tels enchaînements, elle s’aveugle peut-être à cette autre forme de logique. Je dis bien peut-être, car si cette logique autre est alléchante, je ne prétends pas pour autant qu'il faille nier celle du bon sens, que Hegel attribuait à Kant, son meilleur représentant selon lui.
Dans une telle autre forme de logique, le commencement n’est pas un simple début qui se perdrait par la suite, mais il garde la mémoire du temps et continue de s’actualiser, tout en ayant la possibilité de progresser vers un but, qui ne cesse de s’éclaircir.
La culture ainsi peut progresser génération après génération et l’on ne cesse de réactualiser les mêmes problèmes, problèmes de l’Absolu, qui s’incarnent à travers de grands penseurs, selon l’esprit d’une époque.
L’universel s’incarne ainsi dans certains individus selon la culture particulière à laquelle ils appartiennent.
La régression causale infinie peut être pensée autrement, comme un problème de l’origine, qui n’est plus, selon la vision kantienne, l’indice de ma subjectivité et des catégories qui transforment la chose en soi en phénomènes, mais un problème de logique.
Cause et conséquence sont à la fois différentes et identiques.
Cette identité des différences pose un problème quant à l’enchaînement causal que nous avons mentionné. Car nous pensions alors à des choses qui se suivraient dans le temps, passant de l’une à l’autre, du bourgeon à la fleur.
Mais quand une chose commence-t-elle et quand finit-elle ?
Il fallait bien que dans le bourgeon la fleur soit déjà là, car ce n’est pas au hasard que cette rose, par exemple, a poussé.
Et si nous prenons un être spirituel, l’homme, qui est essentiellement mémoire (aussi bien consciente, qu’incarnée dans ses habitudes : procédurale), l’homme est aussi l’enfant qu’il fut.
Nous voyons que les deux termes de l’évolution, de l’enfant à l’homme, sont loin d’être séparés l’un de l’autre, mais communiquent grandement.
Les choses, dans leur devenir, et plus particulièrement celles spirituelles, sont un mélange de continu et de discontinu.
À une autre échelle, celle des peuples, des générations, il en est de même.
Une époque porte en elle son avenir et son passé, c’est-à-dire qu’elle porte en elle l’éternité.
Certains événements disparaissent et nous n’en gardons pas la mémoire, mais pourtant ce qu’ils sont devenus perdure sous une forme ou une autre, spirituelle ou non.
On peut légitimement espérer, malgré certainement et malheureusement bien des exceptions, que les hommes ont tendance à conserver le meilleur. Du moins tel est mon avis, si j’en juge par la qualité des œuvres anciennes.

Hegel nous parle de cette autre logique, organique, dans sa Phénoménologie, Certitude et vérité de la raison : « Mais tel que l’être organique a été déterminé il y a un instant, il est le but réel lui-même ; car, en tant qu’il se conserve lui-même dans la relation à autre chose, il est précisément cet être naturel dans lequel la nature se réfléchit dans le concept et où les moments, posés l’un hors de l’autre en la nécessité, que constitue une cause et un effet, un élément actif et un élément passif, sont rassemblés en une unité, de telle sorte que, ici, quelque chose ne survient pas seulement comme un résultat de la nécessité ; mais, parce qu’il est retourné en soi-même, ce qui vient en dernier ou le résultat est aussi bien ce qui vient en premier, commençant le mouvement et étant soi-même le but qu’il réalise. L’être organique ne produit pas quelque chose, mais ne fait que se conserver lui-même, ou encore : ce qui est produit est aussi bien déjà présent qu’il est produit. »

Qu’est-ce que ce concept qui surgit ainsi ?
Cela signifie que les choses, la cause et sa conséquence, n’ont plus de sens en étant isolées l’une de l’autre mais dans leur rapport, leur logos, leur concept. La relation spatiale et temporelle qui les articule.
Sauf que dans la vie ou l’organisme, le rapport spatial est prépondérant. Hegel qui ne croyait pas à la théorie de l’évolution, considérait que le vivant ne faisait qu’aller du même au même. Tout dans la nature coexiste. Seule l’histoire, c’est-à-dire l’homme, peut se développer et évoluer. Bien sûr pour nous, après Darwin, la nature aussi évolue. Mais la niche, dans laquelle l’homme a évolué, est justement celle qui permet à l’homme de s’adapter plus vite que les autres organismes, à son environnement. Sa vitesse d’adaptation fait des autres organismes des sortes de choses inertes, des essence pétrifiées, qu’il peut utiliser à sa guise, une fois qu’il a compris comment elles se comportaient, en anticipant leurs réactions.
La cause et l’effet ne sont donc plus séparés mais liés dans le concept. Chez l’organisme, nous dirons par exemple que ses organes sont reliés au tout (le concept) et entre eux par rapport à ce tout. Un va et vient s’opère entre le tout et ses parties, s’informant mutuellement afin que l’organisme se maintienne. Même si aujourd'hui je reviendrais sur ce terme "afin", qui n'est sans doute qu'une illusion de finalité, due à une très longue évolution des gènes (dont les seuls représentants qu'il nous reste, étaient justement ceux qui avaient ce caractère qui produit si bien chez l'homme, cette illusion de finalité). Cette remarque vaut pour la suite de ce texte, même si curieusement, ces lois de l'évolution ont peut-être produit chez l'homme, un organisme capable de penser et d'agir selon une finalité.
Les choses inanimées sont essentiellement passives, elles subissent totalement les lois de leur environnement. Les organismes, eux, sont à la fois l’élément actif (au moins chez l'homme, peut-être...) et l’élément passif, qui se trouvent ainsi unis. Le concept est le principe de cette union qui fait qu’un organisme vivant est à la fois le produit (la conséquence) et la cause de ce qui l’a produit.
Seul le vivant persévère dans son être, parce qu’il est le but réel de lui-même. Dans son rapport aux autres choses, il les assimile, et si sa matière change, sa forme persiste.

Le concept est donc l’origine et la fin de l’organisme. Cette origine est la sub-stance qui contient et articule les différents éléments et les différents moments de l’organisme.
Mais comme nous l’avons dit, ces moments ne font que se répéter : ils ne progressent pas ou très lentement, au gré des variations aléatoires du code génétique.

C’est avec l’histoire que le concept devient vraiment effectif. La substance devient sujet.
L’origine pour Hegel de l’histoire est un conflit entre l’homme et la Loi.
Elle commence par une sorte de parenthèse enchantée, en Grèce, où l’homme et la Loi sont en harmonie parfaite. La Loi produit l’homme et l’homme la reproduit, sans en chercher l’origine, sacrée pour lui, et l’habitant donc totalement.
Mais la Loi devient pour l’homme grec quelque chose de problématique.
Quelle que soit la raison de ce changement (l’infini que porte l’homme en lui, l’écriture des lois, la démocratie, la volonté de rendre raison de tout, etc.), il précipite l’homme dans l’histoire, celle d’un déclin.
Avec la Révolution française, une nouvelle ère apparaît, où les citoyens deviennent conscients de la Loi qu’ils actualisent. Cette nouvelle Loi qui les forme leur donne le sens de leur responsabilité et de leur liberté. Car la liberté bien comprise n’est pas le pouvoir de faire n’importe quoi et n’est pas la contingence d’un caprice de la volonté mais un devoir, une responsabilité.
L’État cristallise cette liberté effective.
Dans l’État, l’universel ou le genre humain devient singulier, un homme, à travers l’esprit particulier d’un peuple, sa culture : le syllogisme parfait.
Ainsi, le conflit historique de l’homme et de la Loi est-il résolu par ce syllogisme où les deux extrêmes sont réconciliés.
Nous retrouvons la même logique où l’universel, la Loi, se particularise à travers une culture, un peuple, qui forme des citoyens, les cultive et les éduque, afin qu’ils réactualisent, en pleine conscience, à travers leurs œuvres et leurs bonnes actions (un peuple particulier), cet universel.
Ainsi l’origine de ce conflit historique n’est pas un simple début, aboli par la suite, mais il se prolonge et se résout dans la fin, qu’il portait en lui-même dès le commencement.
Nous pouvons toujours chercher le véritable début de l’univers, de l’homme, du vivant et sans doute que la science apportera des réponses toujours plus éclairantes à cet enchaînement causal d’événements, pourtant une autre logique, surprenante, nous engage, philosophiquement, à penser autrement le lien entre ces différentes étapes et le sens qu’il contient en germe en tant que concept.
Nous voyons non plus une histoire linéaire mais circulaire, où le début continue d’être présent dans sa suite et où la conséquence et la cause se donnent forme mutuellement.
Dans une telle perspective, l'homme aurait une mission, celle de réunir ce tout, en germe dès le départ et de l'organiser afin qu'il favorise la vie, qui serait en quelque sorte le moyen pour des êtres spirituels d'exister et de parachever cette oeuvre de l'univers, dont il serait, en quelque sorte le climax.
C'est très beau, mais plus prosaïquement, en quittant le tour finaliste qu'a pris mon texte (encore un peu jeûne et immature), reste cette question de l'origine et de l'articulation du tout. Origine qui n'est pas un simple début, puisque des lois en organisent la suite. Ce lien est donc, sauf si je ne m'abuse, tout sauf arbitraire. Comment ces lois qui articulent le tout l'articulent-elles ? Nous commençons à en savoir long sur cela, grâce aux sciences, dont nous ne nous émerveillerons jamais assez. Mais quand au pourquoi, est-il totalement fou et insensé ? Un pur hasard, une pure fin de non recevoir ? Faut-il refuser toute interrogation à ce sujet ?
Enfin, au final, les questions de l'univers, on pourrait dire, vulgairement, qu'on s'en moque un peu, si elles ne sont pas dans notre intérêt. Et notre intérêt dans tout cela ? Nous qui sommes partie d'un tout, que nous comprenons de mieux en mieux et qui avons des buts, des causes finales à défendre, ne sommes-nous pas en mesure de défendre quelque chose de beau et de spirituel ?
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Message par benfifi Ven 7 Oct 2022 - 17:56

Oui, participer à l'éclosion de la beauté du monde, j'adhère. 🙂
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Message par Grégor Sam 8 Oct 2022 - 7:41

Merci Benfifi pour votre commentaire.
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