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« Il faut une méditation à contre-courant pour regagner ce qu'une mémoire tient pour nous, de toute antiquité, en réserve.»

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Message par mumen Lun 22 Fév 2016 - 16:01

« Il faut une méditation à contre-courant pour regagner ce qu'une mémoire tient pour nous, de toute antiquité, en réserve.»

La question : De quoi parle Heidegger ?

Accessoirement, je me pose aussi la question du contexte de cette citation précise dont j'ignore la source. Je connais une évocation plus longue par Heidegger du même objet qui fonctionne comme ici par indices, mais accumulés. Je ne la cite pas pour ne pas encombrer, car cette courte citation me semble suffire à délimiter ma question.

Je veux être clair : ce n'est pas Martin Heidegger qui m'intéresse dans cette question. Je suis conscient des diverses accusations portées à son encontre, mais ce n'est pas déterminant : celui qui me montre une merveille n'est pas nécessairement une merveille lui même, et ainsi, le débat de l'éthique ou de la lucidité n'a pas sa place dans le cas de mon questionnement, puisque je m'attache à un résultat et non au chemin qui y a conduit son auteur.

Heidegger est dans ce cas le "doigt" qui pointe vers une incroyable "lune" que je pense reconnaître. En disant cela je confesse mon préjugé, extérieur à la philosophie, sur la question que je pose, préjugé dont l'affirmation me motive, mais que je ne veux pas exposer, d'abord parce qu'il est mon enjeu strictement personnel et que je n'ai personne à convaincre dans ce cadre, et ensuite parce que je ne veux pas influencer ou distordre la question que je pose.

Si quelqu'un ici s'avère en mesure de me faire ne serait-ce qu’entrapercevoir cet objet heideggérien, alors je pourrais confronter cette vision à la mienne, alors le service que je demande me sera rendu.

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Message par kercoz Lun 22 Fév 2016 - 16:51

mumen a écrit:« Il faut une méditation à contre-courant pour regagner ce qu'une mémoire tient pour nous, de toute antiquité, en réserve.»

La question : De quoi parle Heidegger ?


Bonjour.
Quand on tape cette phrase sur GG, on tombe sur des tas de liens sulfureux dont le moindre serait A.de Benoist. Des sites qui préconisent une suprématie européenne, Occidentale en ref à un retour au Paganisme.
Je ne connais pas le Monsieur, mais il n'est pas certain que ce soit là sa recherche.
Je n' interviens que du fait que je pourrais faire mienne cette phrase. Je n' ai aucune idée d' une conjonction possible avec Martin. ...mais c'est un fait que je défends contre vents et marrées contre mépris et ricanements une thématique qui aboutit au même constat.
Relis mes oeuvres complètes, mais pour en faire un digest rapide, je défends la prééminence des "rites" anciens ( qui ne sont pas des rituels, mais des procédures brèves uniquement chargés d' inhiber l' agressivité entre individus de même espèce. Ceci dans le but de socialiser la bête. Ces rites gèrent tous nos actes d' interaction. Pour toutes les espèces sociales, ils sont équilibrés par la "raison". Dans notre cas la "raison" prends le dessus depuis peu , ce qui occasionne des dégats sociétaux.
Personnellement c'est le point de vue structurel que recherche.
La "Mémoire" en réserve , serait a mon avis, non une mémoire écrite ou apprise, mais serait inscrite dans les gestes et comportements qui ont permis aux groupes qui les ont utilisée, de survivre.

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Message par euthyphron Lun 22 Fév 2016 - 17:10

Puisque tu nous invites, j'oublie (non sans joie) tout ce que j'ai pu lire ou entendre concernant Heidegger et il ne me reste donc qu'à lire la phrase telle qu'elle est.
"Il faut une méditation à contre-courant pour regagner ce qu'une mémoire tient pour nous, de toute antiquité, en réserve".
Cela signifie, en pure logique, qu'une méditation allant dans le sens du courant, ou disons dans le sens de l'histoire, une méditation moderne en quelque sorte, provoquera un oubli. Ou plus exactement confortera un oubli déjà là, puisqu'il y aurait à regagner la mémoire perdue.
Cela dit aussi que ce qui est oublié se trouve dans les pensées les plus antiques, les plus originelles. La rationalité qui va dans le sens du courant, la rationalité moderne, a oublié ce qui était au coeur même de l'élan de pensée originel. Jusque ici je peux suivre, avec des réserves qu'il n'est pas temps de mentionner.
D'autre part, je crois savoir que cet oubli est appelé "oubli de l'être". Mais je ne suis pas persuadé que ça veuille dire vraiment quelque chose, c'est pourquoi je laisse d'autres l'expliquer s'ils le souhaitent.

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Message par Courtial Lun 22 Fév 2016 - 19:35

euthyphron a écrit:Cela signifie, en pure logique, qu'une méditation allant dans le sens du courant, ou disons dans le sens de l'histoire, une méditation moderne en quelque sorte, provoquera un oubli. Ou plus exactement confortera un oubli déjà là, puisqu'il y aurait à regagner la mémoire perdue.

Certainement. Mais en précisant que la "méditation" qui prédomine "dans le sens du courant" n'est justement pas une méditation (cf Science et méditation, in Essais et Conférences), c'est le règne de la pensée calculante. Les calculs peuvent être vrais ou faux (selon leurs modes propres de validation).

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Message par mumen Mar 23 Fév 2016 - 14:37

kercoz a écrit:
Quand on tape cette phrase sur GG, on tombe sur des tas de liens sulfureux dont le moindre serait A.de Benoist. Des sites qui préconisent une suprématie européenne, Occidentale en ref à un retour au Paganisme.
Je ne connais pas le Monsieur, mais il n'est pas certain que ce soit là sa recherche.
J'ai constaté la même chose. Je suis "tombé" comme on tombe avec l'Internet sur des choses hors contexte. La réponse ne semble pas me concerner, puisqu'elle se situe dans l'histoire proche.

kercoz a écrit:
Je n'interviens que du fait que je pourrais faire mienne cette phrase. Je n' ai aucune idée d' une conjonction possible avec Martin. ...mais c'est un fait que je défends contre vents et marrées contre mépris et ricanements une thématique qui aboutit au même constat.
Passionnant.

kercoz a écrit:
...je défends la prééminence des "rites" anciens ( qui ne sont pas des rituels, mais des procédures brèves uniquement chargés d'inhiber l'agressivité entre individus de même espèce. Ceci dans le but de socialiser la bête. Ces rites gèrent tous nos actes d' interaction. Pour toutes les espèces sociales, ils sont équilibrés par la "raison". Dans notre cas la "raison" prends le dessus depuis peu , ce qui occasionne des dégats sociétaux.
J'ai l'impression (je n'ai pas lu tes œuvres), qu'en étant d'apparence satisfaisante à mes yeux, ta thèse est partielle. Que les "rites" (pouvant se muer en rituels, j'imagine) soient une étape clé de la socialisation, j'en suis convaincu. C'est le credo confucéen. Mais je ne pense pas que l'on puisse s'en contenter pour faire système, comme tu semble le soutenir, car il y a un avant et un après le rite et, pour faire système, il faut bien être en mesure de tout englober.

La raison est un après. Je partage ton point de vue qui mentionne sa domination actuelle et les dégâts qu'elle induit. Ceci, justement, entre autre par dépréciation et déni du rite par la standardisation/mécanisation du monde moderne.

Cette explication par la prééminence du rationnel est d'ailleurs selon moi la plus profonde que l'on puisse exprimer quand on cherche à thématiser les causes de l'auto destruction continue du monde actuel.

kercoz a écrit:
La "Mémoire" en réserve , serait a mon avis, non une mémoire écrite ou apprise, mais serait inscrite dans les gestes et comportements qui ont permis aux groupes qui les ont utilisée, de survivre.

Et si cette mémoire n'était pas en l'homme ?

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Message par mumen Mar 23 Fév 2016 - 16:31

Merci euthyphron d'aller dans un sens de réflexion cohérent. Même si l'analytique n'est pas ma tasse de thé, elle ne peut que renforcer ma réflexion.

euthyphron a écrit:
Cela signifie, en pure logique, qu'une méditation allant dans le sens du courant, ou disons dans le sens de l'histoire, une méditation moderne en quelque sorte, provoquera un oubli. Ou plus exactement confortera un oubli déjà là, puisqu'il y aurait à regagner la mémoire perdue.
"confortera un oubli déjà là", oui

euthyphron a écrit:
Cela dit aussi que ce qui est oublié se trouve dans les pensées les plus antiques, les plus originelles. La rationalité qui va dans le sens du courant, la rationalité moderne, a oublié ce qui était au coeur même de l'élan de pensée originel.

Tu ajoutes du matériel à la réflexion. Tu prends "rationalité" comme synonyme du "courant" contemporain à rebours duquel il faille méditer, je n'y vois pas d'objection. Puis tu prends "toute antiquité" comme synonyme "d'origine" ce qui implicitement nous amène à supposer que la "mémoire" en question est pré philosophique, ce qui est cohérent avec le fait que Heidegger considérait Héraclite comme son maître.

Dit autrement, la philosophie serait un courant de pensée détaché d'un élan de pensée originel que Heidegger nous invite à reconsidérer.

Courtial a écrit:
Certainement. Mais en précisant que la "méditation" qui prédomine "dans le sens du courant" n'est justement pas une méditation (cf Science et méditation, in Essais et Conférences), c'est le règne de la pensée calculante. Les calculs peuvent être vrais ou faux (selon leurs modes propres de validation).
Distinction cruciale qui évite des égarements, merci Courtial.

euthyphron a écrit:
D'autre part, je crois savoir que cet oubli est appelé "oubli de l'être". Mais je ne suis pas persuadé que ça veuille dire vraiment quelque chose, c'est pourquoi je laisse d'autres l'expliquer s'ils le souhaitent.

Voici encore un ajout de matériel, mais qui ne me semble pas essentiel pour la question. Heidegger ne parle que de CE qu'une mémoire tient en réserve, qui n'est pas l'être, mais autre chose. Quoi ? Je pense à une pratique, une forme du penser. Dans cette hypothèse, la pratique ou la forme du penser perdue serait ce qui permettrait de se remettre à penser l'être.

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Message par euthyphron Mar 23 Fév 2016 - 17:19

Tout ce que tu dis me va, et je ne vois rien à objecter. Je reconnais n'avoir pas tout à fait tenu la ligne que je me suis fixé, de ne rien ajouter.
Et donc il y aurait une certaine forme du penser qui serait perdue de vue, sous l'influence de la rationalité technique je suppose.
Je suis prêt à le croire, sous réserve de modération (peut-être pas complètement perdue mais un peu négligée, sans doute, oui). Mais évidemment la question ne peut qu'être posée : de quoi s'agit-il? Qu'est-ce que cette pratique ou forme du penser qui a été oubliée?
J'ai mon hypothèse de réponse à cette question : mon hypothèse est que ce qui a été oublié est la dialectique, telle que Platon l'a pratiquée dans ses dialogues. Mais je doute que ce soit la réponse de Heidegger.

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Message par mumen Mar 23 Fév 2016 - 20:17

euthyphron a écrit:J'ai mon hypothèse de réponse à cette question : mon hypothèse est que ce qui a été oublié est la dialectique, telle que Platon l'a pratiquée dans ses dialogues. Mais je doute que ce soit la réponse de Heidegger.

Intéressant et foisonnant.

Je suppose que l'on peut considérer que la dialectique est contemporaine de la philosophie. La philosophie est née durant la période que l'on nomme antique, on peut dire en plein milieu. Ainsi la dialectique platonicienne telle que tu le suggères, est un candidat viable en tant que la réponse de l'énigme, puisqu'elle est antique et qu'elle a vécu des mutations qui pourraient suggérer diverses pertes et oublis.

J'avais postulé préalablement, avec Héraclite (dont je ne vois pas de rapport direct à la dialectique), que Heidegger se référait ici à la période d'avant la philosophie. Ceci contrarie soit ton hypothèse soit mon postulat.

Ce qui me décide à contredire ton hypothèse, c'est que Heidegger fait référence à quelque chose d'oublié, or, si la dialectique contemporaine a sans doute débordé l'antique (je ne sais pas exactement si c'est le cas, mais ton hypothèse conduit à le penser), il nous reste toujours les sources platoniciennes, qui, comme on le sait bien, sont toujours largement consultables, commentées et même en quelque sorte révérées, ce qui n'est pas la condition d'un oubli ou d'une perte et qui laisse fort peu de place à une telle énigme.

Il nous faut tenir compte d'un élément que je n'ai pas encore mis en avant : un aspect de cette question heideggérienne, c'est que c'est une énigme. Si Heidegger ne dévoile pas sa réponse c'est qu'il a une bonne raison. Je ne vois pas pourquoi, dans le cadre de ton hypothèse, donc, il se serait tu devant la tâche de réveiller un Platon pas du tout assoupi. S'il se tait, s'il fait tant de mystère, lui l'auteur de plus de cent livres à la légendaire complexité, l'auteur aux ailes déjà brûlées à qui il ne reste peut être pas grand chose à perdre, c'est qu'il y a une sacrément bonne raison. Il se tait, mais il ne peut pas rester sans rien faire, c'est pourquoi il dit : "Il faut".


Autre chose.

J'ai dit foisonnant plus haut, parce que la question de la dialectique m'apparaît ainsi d'une importance non négligeable pour l'énigme en question, non pas simplement parce que la dialectique est un outil de travail possible pour la résoudre, mais la dialectique en tant objet d'étude lors de ce travail de recherche.

La dialectique est une méthode sensée améliorer la compréhension/explicitation/élucidation de problématiques données. Si elle n'est pas, sous sa forme antique, la chose oubliée, alors elle est complice de cet oubli, ce qui est troublant, mais pas incompréhensible. Du moins, je crois, Heidegger voudrait bien nous le montrer.

Si l'on en revient au postulat que la philosophie est un courant de pensée détaché d'un élan de pensée originel et que la philosophie est l'émergence du rationnel, alors la dialectique est un outil pour elle, un outil de rationalisation. C'est un outil de distinction, c'est à dire de délimitation des espaces de pensée.

Comment un si bel outil de discernement a t-il pu permettre de laisser périr une forme du penser que Heidegger semble considérer comme précieuse (Il faut) ?

Je ne crois pas que la dialectique soit en cause de l'oubli, mais que c'est bien plutôt son mésusage qui pourrait l'avoir permis. C'est j'imagine parce que la dialectique a été considérée, contrairement à sa "posologie", comme un outil permettant de séparer "le bon grain de l'ivraie", puis plus tard, déformée (je pense à la trilogie hégélienne thèse-antithèse-synthèse, qui est un déterminant spécifique très fort de la pensée courante) pour ne traiter à la manière analytique que le bon grain qu'elle avait permis d'isoler à ses prometteurs débuts platoniciens.

Heidegger est il en train de dire sans rien dire que la "mauvaise herbe" est vitale au philosophe tout comme l'est la bonne ? N'est il pas en train de faire un acte de maïeutique supérieur et peut être désespéré ? N'est il pas condamné à se taire, parce qu'en philosophe entièrement intégré/inféodé au système, il a dans une certaine mesure "désherbé" toute sa vie les esprits de ses élèves et qu'il a noyé son dégoût de l'horrible destruction dans un style incompréhensible ?

Ce deux précédents paragraphes, vous l'aurez compris, sont un peu un passage en roue libre attirant la pensée vers certains rivages, ce qui n'est pas très analytique, qui ne relève plus de l'explication, mais de la compréhension. La sentence en question révèle aussi une part psychologique qui ne peut pas être négligée, mais à ce genre de problématique, une réponse analytique est impossible, c'est ici qu'entre le type de réponse du détective qu'il faut bien être dans ce genre de situation.

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Message par Courtial Mer 24 Fév 2016 - 14:12

euthyphron a écrit:Qu'est-ce que cette pratique ou forme du penser qui a été oubliée?
J'ai mon hypothèse de réponse à cette question : mon hypothèse est que ce qui a été oublié est la dialectique, telle que Platon l'a pratiquée dans ses dialogues. Mais je doute que ce soit la réponse de Heidegger.

Mais qu'il est taquin !
Le souci, c'est que la dialectique, elle permet de virer les poètes de la Cité, ou que dans Phèdre, on ne les distingue pas très bien des sophistes. (Ceci à la louche, en massif. Je me souviens d'un passage de Beaufret où il dit que c'est moins simple que ça en a l'air, et Beaufret ou pas Beaufret, Socrate écoute les prêtresses, dans le Ménon ou dans le Banquet, par ex.).
Mais bon, il faut plutôt aller du côté du dire poétique, (de la Dichtung).
Le problème (enfin, c'en est un pour Heidegger), c'est que nous ne pouvons plus lire le poème Der Rhein de Hölderlin, ou que nous ne pouvons plus le lire que comme les états d'âme purement subjectifs d'un type qui délire dans son coin. Alors que le Rhin, ce n'est pas, en réalité, ce que raconte ce gugusse pas sérieux, ce dingue, non le Rhin c'est un fleuve fournisseur d'énergie hydraulique. Ce que l'on peut dire de vrai sur lui, ce sont des données sur son débit, sa longueur, son parcours géographique, ses sources, sa navigabilité, les villes qu'il déssert, etc.

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Message par euthyphron Mer 24 Fév 2016 - 14:38

Je me doutais bien d'une chose de ce genre.
Mais j'en demande davantage. Ce qui a été oublié, est-ce de l'ordre de la philosophie, ou pas?
S'agit-il pour Heidegger d'entonner un péan philosophique à la gloire de la poésie? Mais si seule la poésie pense, ne faudrait-il pas chanter sa gloire en mode poétique plutôt qu'en mode philosophique?
Ou bien s'agit-il de retrouver l'art de philosopher là où il en subsiste des traces? Or, ce ne peut être dans la philosophie puisqu'elle a tout oublié. Donc, ces traces se trouveraient dans la poésie, ainsi que dans la philosophie fragmentaire, effacée, celle des présocratiques. Il me semble que c'est plutôt de ce côté qu'il faut aller.
Néanmoins certains détails me gênent encore.
1) comment Heidegger peut-il se souvenir de ce qui a été oublié?
2) en quoi le mode de pensée présocratique et la poésie se rejoignent-ils?
3) la pensée claire, ou en recherche de clarification, est-elle nécessairement une pensée calculatrice?
4) qu'est-ce qui justifie de dire que Platon, Thomas d'Aquin, Descartes, Spinoza, Hegel ont "oublié l'être"? est-ce parce qu'ils font confiance à la raison? Est-ce là le péché originel de la pensée occidentale?
5) la pensée de Heidegger apparaît parfois comme un renouveau de spiritualité, débarrassée de tout contact avec les institutions religieuses, d'où son charme. Qu'en est-il? Et peut-on discerner dans les traditions religieuses la marque du grand oubli? Ou bien au contraire le discours religieux fait-il partie de ce que l'on a oublié?
En ce qui concerne le rejet de la poésie chez Platon, il me semble qu'il est essentiellement politique. C'est à partir du moment où le programme d'éducation du citoyen s'appuie sur la poésie que la poésie devient mensongère (parce qu'elle devient objet de croyance et de fausse piété). Mais quand Platon veut dire quelque chose qui lui paraît vrai, il a recours aux mythes, voire aux citations de poètes.

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Message par neopilina Mer 24 Fév 2016 - 17:24

( Je mets une parenthèse pour signifier que je ne m'immisce pas dans le débat, que j'apporte juste une remarque sur la dialectique. Dés l'origine, c'est écrit explicitement chez Platon et Aristote, pour ne citer qu'eux, c'est Zénon, d'Élée donc, qui est " l'inventeur ", le découvreur, de la dialectique. D'où sort-elle enfin explicitement telle, elle-même ? Du poème de Parménide. Avec celui-ci, l'ontologie, les problèmes de l'être/Être, de l'étant/Étant, de l'Un, bondissent sur la scène philosophique, et la dialectique avec. Absolument tout ce qui nous reste de Zénon ( Certains spécialistes rejettent l'argument dit " du grain de millet ", autre débat. ) en dernier lieu concerne le problème de l'étant/Étant ( En plus du génie qui s'y manifeste, à propos des fragments B1, B2, B3, ceux qui sont en mesure de le gouter parlent de chefs d'oeuvre de la prose attique : Zénon a fait le voyage d'Athènes. Parménide ? Pas sûr. A titre personnel : je ne crois pas. ), et parfois pas des moindres ( Le temps, l'espace, le mouvement, etc. dans les arguments cinématiques. ). L'ontologique est au coeur de tout processus nerveux, psychique, mental, logique, etc. Les Grecs ne réussiront pas à mettre la main sur cette distinction épistémologique fondamentale entre l'étant ressortant des disciplines du sens, des sciences, et l'Étant produit par un Sujet producteur de Sens, ressortant des disciplines s'occupant du Sens, éthologie et sciences humaines. Quoique : l'Aristote final réalise pour lui seul, et sans postérité, ce tournant, on le voit dans plusieurs textes, par exemple l'introduction du traité " Sur les parties des animaux ", il est bien historiquement le premier scientifique. Il y a toute une littérature parfaitement édifiante à ce sujet. Il est indéniable qu'Aristote à la fin de sa vie tourne le dos à la philosophie, à la métaphysique. Son oeuvre éponyme est totalement délaissée, laissée en plan, comme on sait, c'est une compilation posthume. De fait, la dite distinction se fera au XVII° siècle avec l'essor de la science enfin telle. Ceci dit sans omettre l'apport de Jean Duns Scot, un jalon majeur dans l'histoire de l'ontologie, il y en a peu : il a compris que la première chose qui est donnée à penser c'est l'Étant, qu'on accède à, qu'on pense, tout, premièrement, via, à partir de, celui-ci. Un exemple, très connu, je restitue de tête, mais c'est absolument fidèle au sens, il a écrit : " Du point de vue de l'ontologie, Dieu est un étant comme les autres ", etc. Et là je digresse déjà, et renvoie qui veut au fil " Ontologie " !)

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Message par mumen Jeu 25 Fév 2016 - 14:24

Courtial a écrit:
euthyphron a écrit:Qu'est-ce que cette pratique ou forme du penser qui a été oubliée?
J'ai mon hypothèse de réponse à cette question : mon hypothèse est que ce qui a été oublié est la dialectique, telle que Platon l'a pratiquée dans ses dialogues. Mais je doute que ce soit la réponse de Heidegger.

Mais qu'il est taquin !
C'est quoi cette saillie ?
Courtial a écrit:
Le souci, c'est que la dialectique, elle permet de virer les poètes de la Cité, ou que dans Phèdre, on ne les distingue pas très bien des sophistes. (Ceci à la louche, en massif. Je me souviens d'un passage de Beaufret où il dit que c'est moins simple que ça en a l'air, et Beaufret ou pas Beaufret, Socrate écoute les prêtresses, dans le Ménon ou dans le Banquet, par ex.).
Donc Socrate écoute d'autres voix. Et on se souvient aussi que Platon avait un enseignement ésotérique oral, il dispense d'autres voix qui ne sont plus audibles aujourd'hui. Attention, cela pointe vers l'objet recherché, mais ne le définit pas, pas plus que le mode d'expression poétique ne le fait.

Courtial a écrit:
Mais bon, il faut plutôt aller du côté du dire poétique, (de la Dichtung).
Le problème (enfin, c'en est un pour Heidegger), c'est que nous ne pouvons plus lire le poème Der Rhein de Hölderlin, ou que nous ne pouvons plus le lire que comme les états d'âme purement subjectifs d'un type qui délire dans son coin. Alors que le Rhin, ce n'est pas, en réalité, ce que raconte ce gugusse pas sérieux, ce dingue, non le Rhin c'est un fleuve fournisseur d'énergie hydraulique. Ce que l'on peut dire de vrai sur lui, ce sont des données sur son débit, sa longueur, son parcours géographique, ses sources, sa navigabilité,  les villes qu'il déssert, etc.
Oui, tout à fait en accord avec ça, tu touches au problème. Mais l'expression poétique accompagne l'oublié, elle n'est pas l'oublié : c'est ce qu'elle véhicule. Sinon Nietzsche ne pourrait pas être considéré comme un philosophe.

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Message par kercoz Jeu 25 Fév 2016 - 14:41

mumen a écrit:.... Mais l'expression poétique accompagne l'oublié, elle n'est pas l'oublié : c'est ce qu'elle véhicule. Sinon Nietzsche ne pourrait pas être considéré comme un philosophe.

Il est assez facile de soutenir la thèse que la poésie est une mystification ou une mythification d' une procédure mnémotechnique précédant l' écriture.

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Message par mumen Jeu 25 Fév 2016 - 15:20

J'insère ici un texte à l'usage de la discussion en cours. Je ne pense pas qu'il fasse polémique. Dans le cas contraire les positions en seront éclairées.
Nous touchons ici à un caractère essentiel de la philosophie, et qui explique pourquoi certains philosophes ne comprennent rien à certains autres. Dans la mesure ou la philosophie s'adresse à l'existence possible, c'est à dire à la liberté, il faut user d'un langage indirect, qu'un autre penseur comprend ou ne comprend pas. Ce sont des langages qu'on ne peut pas rendre objectivement homogènes ou comparer entre eux. Aux yeux de certains philosophes, c'est là une manière de se dérober à tout critère et de se réfugier dans un subjectivisme pur. Mais, à mon avis, c'est qu'ils se refusent simplement à voir la condition humaine telle qu'elle est et non pas telle que Jaspers, ou la philosophie, l'aurait inventée. Lorsque l'être humain, en tant que possible liberté, cherche à éclairer l'existence, il ne dispose évidemment pas d'un langage direct, universellement valable, qui ne pourrait être qu'objectif. Aussi recourt-il à un langage indirect, dont la portée se mesure à son efficacité ; ce langage ne peut être ni technique ni objectif ; il éveille la liberté en se faisant comprendre d'elle.

Le langage scientifique n'est universellement contraignant que lié à un point de vue, à une méthode, à un stade de la connaissance atteint au moment où il est utilisé. Ce qu'il énonce est donc contraignant pour l'esprit normal, mais de manière relative, alors que le langage qui éclaire l'existence n'est jamais universellement valable et contraignant puisqu'il s'adresse à la liberté d'autrui - mais il se réfère à l'absolu.

Si donc, on veut comprendre un certain philosophe, il est absurde de commencer par le refuser. Pour le comprendre, il faut d'abord consentir à penser avec lui, en lui "prêtant" sa propre liberté. Si cette liberté s'y refuse, on ne le comprendra jamais. Nous trouvons ainsi chez Jaspers deux pôles opposés, celui de la validité contraignante, mais relative, et l'autre, où s'éclaire l'absolu. La relativité se trouve du côté de la validité universelle, l'absolu du côté de l'éclairement, qui ne contraint jamais personne.
Extrait de L'étonnement philosophique par Jeanne Hersch.

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Message par Courtial Jeu 25 Fév 2016 - 15:40

euthyphron a écrit:En ce qui concerne le rejet de la poésie chez Platon, il me semble qu'il est essentiellement politique.

Je le concède volontiers. Mais il faut ajouter immédiatement que Platon est essentiellement politique, ce qui est "politique" n'étant pas une vague annexe dans un coin, une note en bas de page, chez Platon. Que quelque chose soit "politique" du point de vue de Platon ne marginalise pas - et encore moins relativise ou déligitime - même observation touchant à Aristote.
Si on se livre à une simple enquête quantitative, on observe que si on met bout à bout la République, Les Lois, le Politique, cela représente la majorité (en nombre de pages) de l'oeuvre de Platon, même sans aller chercher des dialogues parlant apparemment d'autre chose mais où il n'est question que de politique. Gorgias, Protagoras, etc. a exsude de partout, cette préoccupation.
A cette aune, les dialogues ou les passages consacrés à "la Théorie des Idées", comme on dit, font plutôt figure de points de détail - dans la République, on le voit d'ailleurs comme subordonné au projet politique, c'est rabaissé au rang d'une considération pédagogique.
Mais la pédagogie est essentiellement assignée à son objet politique.
Au demeurant, quand Platon a fondé l'Académie, il n'avait pas pour but essentiel de former des métaphysiciens se branlant jour et nuit avec les Idées, comme certains se le sont imaginé plus tard,  il voulait fournir les cadres indispensables à ses projets politiques. Il a d'ailleurs, c'est connu, entraîné son meilleur élève, son chouchou (Dion) dans une aventure purement politique, expérience qui, comme on sait aussi, a très mal tourné.

C'est d'ailleurs un objet de méditation, pour le coup, le fait que la plupart des philosophes qui ont voulu se mêler sérieusement (autrement que de manière purement spéculative) de la politique réelle se sont montrés ridicules, quand ils n'ont pas été indignes. Il y a des exemples à foison celui qui nous occupe ici étant particulièrement édifiant, mais nullement un cas isolé.

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Message par euthyphron Jeu 25 Fév 2016 - 18:37

Je suis d'accord. Il se trouve que disons la partie constructive de la pensée politique de Platon (une grosse partie de la République et les Lois) est ce que je rejette totalement sans même une petite oraison funèbre dans la pensée de Platon.
C'est mal d'en faire abstraction si on prétend faire de l'histoire de la philosophie, mais si on veut plus simplement réfléchir pour soi-même en s'aidant des grands auteurs, Platon en l'occurrence, eh bien comme dirait Jeanne Hersch en substance (merci mumen) intéressons-nous à ce que dit leur liberté et qui puisse réveiller la nôtre.
Et donc, c'est vrai, je ne retiens de Platon que ce qui m'arrange, mais ce n'est pas forcément une mauvaise manière de le lire, et qui n'empêche pas de respecter les textes tels qu'ils sont.
Or, une fois ce laxisme exégétique autorisé, je peux faire remarquer que la parole du poète est inspirée. Et si le poète ne comprend pas ce qu'il crée, il est cependant ainsi dans l'état de tous ceux qui reçoivent une vérité par faveur divine, et rien de meilleur ne peut arriver à un homme selon Platon. Comme souvent, Platon joue avec l'ambivalence de la poésie. Et donc ce Platon est peut-être heideggérien, qui sait? Mais pour que moi je le sache il faudrait que quelqu'un m'éclaire sur le grand Oubli, car je ne sais toujours pas si c'est du lard ou du cochon.
mumen a écrit:
Courtial a écrit:
Mais qu'il est taquin !
C'est quoi cette saillie ?
Courtial est un renard, qui ne manque jamais de repérer le troisième degré. Il y avait en effet un petit côté taquin dans mon message, une sorte de clin d'oeil, un truc pour débusquer les renards, en quelque sorte lol . Avec un bon petit fond de sérieux aussi nonobstant.

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Message par mumen Jeu 25 Fév 2016 - 19:24

euthyphron a écrit:Je me doutais bien d'une chose de ce genre.

Il faut bien réaliser que la chose oubliée l'a été pour quelque raison et qu'elle le reste aussi pour quelque raison. Le petit côté dépréciateur, le début d'énervement qui semblent accompagner ici ta réflexion, sont particulièrement importants.

Une agressivité sous jacente (qui n'est pas nécessairement tienne ici) est ce qui accompagne souvent la fermeture sur ce type de discussion, c'est probablement la raison du silence de Heidegger ou de son incapacité à le communiquer. Une fermeture par dépréciation d'un interlocuteur est un symptôme qui est devenu le normal au sein de toutes les organisations rationnelles (sciences,  gouvernements) - la physique quantique en réchappe quelque peu, parce que le réel lui saute au visage depuis un siècle - qui dominent la pensée contemporaine, arc-boutées sur la méthode cartésienne et en déni patent de tout le reste.

Je crois que seul celui qui peut se percevoir intimement en accord avec ce type d'assertion que je fais ici peut commencer à réfléchir à l'oubli dont on parle. A titre d'exemple le positiviste ne le peut absolument pas, car il existe à partir d'un déni qu'il s'efforce à tout prix de rendre aussi respectable que l'est la science.

La fermeture est partout, elle est disciplinaire ; en médecine, en psychologie, en darwinisme, etc. Le dialogue entre Éléates et Ioniens qui fonde la philosophie ne semble plus avoir cours, sauf pour quelques philosophes parmi les plus incompréhensibles qui tentent de réveiller quelque chose de simple en passant par les mauvais chemins, non parce ces gens seraient stupides, mais parce que tout autre chemin est systémiquement entravé par les chiens de gardes bénévoles que sont chaque personne formées par le système.

On approche de l'idée ? Ce qui n'est absolument pas dit ici : "Réveiller une philosophie ionienne en éteignant l'éléatique, renverser l'issue d'un combat". Ce qui est dit : "Il faut un Retour avant cette scission créative", sous entendu, "en pleine possession de la philosophie", et j'ajoute "dans l'espoir de le contrôler un jour, avant qu'il ne nous détruise". Trop de pathos ? Très bonne question.



Euthyphron, j'apprécie ton "Mais j'en demande davantage". Je vais essayer de répondre à chacun de tes point d'interrogation, avec mes limites et en essayant d'être rigoureux.

Ce qui a été oublié, est-ce de l'ordre de la philosophie, ou pas ?
Je crois, oui. Elle ne peut pas s'en détacher sans se désagréger (cf Hersch "deux pôles opposés"), ce que par contre font les sciences avec justesse, en se détachant d'elle au moment où elles adoptent l'épithète d'objectives. Cela nous ramène au dialogue premier symbolisé par Héraclite et Parménide où Héraclite serait le héraut d'une vision devenue "superflue".

S'agit-il pour Heidegger d'entonner un péan philosophique à la gloire de la poésie? Mais si seule la poésie pense, ne faudrait-il pas chanter sa gloire en mode poétique plutôt qu'en mode philosophique ?
Comme je le réponds à Courtial, je ne crois pas une seconde que ce soit l'idée. La poésie est un média. Primitif ou premier et sans doute dédié à certains objets de la pensée, comme l'indique Hersch "ce langage ne peut être ni technique ni objectif". Ce qui est oublié, c'est n'est pas la classe d'objets associée au discours poétique, c'est qu'elle soit pertinente et vitale pour la philosophie, et autre chose encore à venir.

comment Heidegger peut-il se souvenir de ce qui a été oublié ?
Tu joues avec les mots. Il a lu Héraclite et il a cherché la "lune que montre le doigt" sans présumer d'une réponse toute faite que lui imposait l'enseignement (reçu et donné), en homme libre en somme.

en quoi le mode de pensée présocratique et la poésie se rejoignent-ils ?
Ils ne se rejoignent pas, ils ne sont pas encore dissociés, ils le seront vraiment avec la philosophie qui propose un discours rigoureux qui doit nécessairement évacuer la poésie.

la pensée claire, ou en recherche de clarification, est-elle nécessairement une pensée calculatrice ?
Je crois, oui. Je prends pensée calculatrice comme synonyme de pensée rationnelle. Rationaliser c'est discerner, simplifier et donc clarifier.

qu'est-ce qui justifie de dire que Platon, Thomas d'Aquin, Descartes, Spinoza, Hegel ont "oublié l'être" ?
Qui dit cela ? Pas Heidegger, je crois. Nous avons une idée de la datation de ce qui a été oublié, pas de la date ou cela a été oublié. Platon dispense un enseignement ésotérique à ses élèves, il vit la philosophie (cf l'excellent Hadot) en même temps qu'il la co-crée. D'Aquin fonde une église nouvelle sur un rapprochement d'avec la philosophie, mais il ne jette évidemment pas la foi. Descartes croit en Dieu alors que le cartésianisme est quasiment un athéisme. Je crois que le problème dont parle Heidegger est déjà en germe chez Platon et qu'il s'enracine avec Aristote, mais qu'il ne se produit réellement qu'à partir, non de Descartes, mais du cartésianisme. C'est un processus long dont Heidegger fait le constat ramassé.

est-ce parce qu'ils font confiance à la raison ?
Faire confiance à la raison est un chose. Nier ce qui n'est pas la raison en est une tout autre. L'oubli déraisonnable est apparemment compatible avec l'usage de la raison par les rationalistes contemporains. C'est un nihilisme qui est un corolaire de l'hyper-développement du rationalisme. Le mot clé n'est pas "raison", c'est "hyper", accolé à "exclusivisme".

Est-ce là le péché originel de la pensée occidentale?
Bien sûr que non, puisque le péché originel est un dogme d'une religion et que l'on ne parle pas depuis une religion, comme tu le sous entend par encore un jeu avec les mots. C'est plutôt l'hybris de la pensée occidentale, la déraison de la raison humaine (et non de la raison tout court) comme je le dis au dessus. Ce n'est pas un péché, c'est une faute, une erreur sur laquelle nous n'avons en tant que civilisation aucun recul, que j'image par un arbre qui, ne voyant pas ses racines, déclare qu'elles n'existent pas, et qui fonde toute sa pensée et ses décisions sur cette aberration, quite à se couper d'elles un jour "pour se sentir libéré".

la pensée de Heidegger apparaît parfois comme un renouveau de spiritualité, débarrassée de tout contact avec les institutions religieuses, d'où son charme. Qu'en est-il?
C'est une très importante proposition. Je crois qu'elle s'applique bien au second Heidegger, qu'il s'agit d'un Heidegger que l'on ne rencontre quasi jamais dans les textes savants, qui ne font et refont que le commentaire de ses concepts classiques (être là, être pour la mort, angoisse, etc), alors que chez le second Heidegger il y a volontairement un accès différent au vocabulaire, qui reflète une  coloration qu'on pourrait être tenté de qualifier de "new-age" comme on dit maintenant (harmonie, retour, quadricité, etc.) et qui sont je crois très certainement en relation directe avec l'énigme qui est posée. Si Heidegger fait l'usage de ce type de vocabulaire, c'est par nécessité. Précisons qu'au début Heidegger invente des sens à lui sur des mots qu'il s'approprie, et que dans la seconde partie de son oeuvre, il effectue un virage complet en précisant qu'il faut revenir à l'étymologie première, car c'est là, lors de la création du langage puis de l'écriture, que les humains étaient au plus près de l'être et que c'est là qu'ils ont pu capter le plus finement le sens "véritable" de l'être. Cette posture est diamétralement opposée au positivisme qui se méfie par définition du sens des mots.

Et peut-on discerner dans les traditions religieuses la marque du grand oubli? Ou bien au contraire le discours religieux fait-il partie de ce que l'on a oublié?
Les traditions religieuses sont initialement indépendantes de la philosophie parce qu'elles lui sont antérieures. Ma réponse devrait donc être non aux deux questions. Mais, il faut affiner cette réponse. On sait que la religion chrétienne est influencée par la philosophie (Platon, Thomas d'Aquin). Peut être a-t-elle reçu aussi sa part d'oubli. Quand on lit certains textes de l'érudit Benoît XVI, on vraiment l'impression d'une acceptation complète de la philosophie, oubli inclus. Mais je le vois plus comme une "corruption" de la pensée biblique par la philosophique, un aveu d'échec, une obligation de s'acclimater aux circonstances. Dans tous les cas le discours religieux semble aujourd'hui tendre à être détruit, mais sur un temps très long. C'est un aspect consécutif à l'oubli, qui se veut systématique.


Quand on parle d'antiquité, il faut savoir de quoi l'on parle. L'antiquité dite classique débute à l’Iliade, 800 ans avant notre ère. Mais le commencement de l'antiquité est donné par l'invention de l'écriture. Elle commence trois millénaires avant notre ère à l'épicentre du monde qu'est la civilisation sumérienne. Cette civilisation influence l'Egypte et l'Inde qui touche la Chine, la religion judaïque qui est mère des monothéismes et inspirée des textes zoroastriens à Babylone. Une évolution culturelle simultanée faite d'interdépendance se crée dans un vaste bassin où naîtra un jour la civilisation grecque et la philosophie européenne. Dans les faits, de ce bassin sont nés bien des courants mondiaux de pensée.

Voilà ce qui est vraiment posé avec la pensée antique.

Peut être que la pensée heideggérienne nous enjoint de retourner à ce qui est commun à tous ces courants de pensée pour y découvrir vraiment ce qu'est l'émerveillement, l'harmonie ?

Peut-être pense-t-il que ce Retour nous permettra de constater la violente hybris qui caractérise notre civilisation, et de décider d'en redescendre en connaissant le chemin ?

Je crois vraiment à ça. Et là, j'ai dit ce que j'avais à dire de mon objet, cette lune, dans les limites que je m'étais fixées et j'obtiens le peu que j'espérai, avec respect, ce qui est remarquable, croyez le.

C'est cette recherche que je poursuis depuis longtemps qui m'a fait aboutir, entre autres, à cet étrange Martin Heidegger qui confirme si brillamment la vitalité et la fermeté de mon ancrage dans cette démarche, dont les ressources sont très anciennes et mondiales, bien plus que la philosophie qui est d'origine locale et qui est sacrément jeune dans son second et furieux âge, le moderne.

Ma recherche est ce qui m'a fait aboutir à quelque chose d'extrêmement important que je considère rien de moins qu'essentiel à l'humanité, mais d'incommunicable du fait de la nature systémique et verrouillée de la pensée contemporaine structurée. Ce verrou n'a plus une taille qui ferait qu'un seul homme pourrait le faire sauter, il est intégré à chaque individu depuis la plus petite école et se trouve renforcé d'acier chez toute personne qui travaille à développer/utiliser rationnellement son intelligence, par les études supérieures, toutes les études supérieures.

Je pense sincèrement que Heidegger a essayé, et a échoué dans cette oeuvre essentielle à l'humanité. Il a échoué à communiquer une foi différente, échoué à comprendre et à dégager de sa gangue ce qui est le véritable secret qu'il pressentait, et je crois que j'échouerai sans doute aussi, mais j'essayerai jusqu'au bout.

Le constat amer que j'ai de l'intelligence contemporaine se résume à ceci, qui est quasiment une accusation d'incompétence : je ne crois pas que la philosophie puisse s'accommoder un jour du rasoir d'Occam.

Je vais poster ensuite un texte détaillé du credo heideggérien qui ravira sans doute quelques ioniens, mais qui restera sans autre conséquence.

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Message par mumen Jeu 25 Fév 2016 - 19:38

Martin Heidegger - conférence dite en français en 1964 La fin de la philosophie et la tâche de la pensée

Une telle pensée demeure nécessairement bien en deçà de la grandeur des philosophes. Elle est bien moindre que la philosophie. Moindre aussi parce qu’à cette pensée, encore plus résolument que jusqu’ici à la philosophie, aussi bien l’action immédiate, que l’action médiate sur le domaine public qui porte l’empreinte de la science technicisée de notre époque industrielle, ne peut qu’être refusée.

Mais avant tout cette pensée, fut elle seulement possible, demeure bien peu, car sa tâche n’a que le caractère d’une préparation et nullement d’une fondation. Il lui suffit de provoquer l’éveil d’une disponibilité de l’homme pour un possible dont le contour demeure obscur et l’avènement incertain. Ce qui demeure pour la pensée gardée en réserve, savoir s’y engager, voilà ce que la pensée doit d’abord apprendre. En tel apprentissage elle prépare sa propre transformation.

Il est ici pensé à la possibilité que la civilisation mondiale telle qu’elle ne fait maintenant que commencer, surmonte un jour la configuration dont elle porte la marque technique, scientifique et industrielle comme l’unique mesure d’un séjour de l’homme dans le monde. Qu’elle la surmonte non pas bien sur à partir d’elle même et par ses propre forces, mais à partir de la disponibilité des hommes pour une destination pour laquelle en tout temps un appel, qu’il soit ou non entendu, ne cesse de venir jusqu'à nous hommes, au cœur d’un partage non encore arrêté.

Non moins incertain demeure ceci : la civilisation mondiale sera t’elle d’ici peu soudainement détruite ou bien va t’elle se consolider pour une longue durée sans aucun repos dans ce qui demeure, mais bien plutôt vouée à s’organiser en un changement continuel ou le nouveau fait place à toujours plus nouveau.

La pensée qui n’est que préparation ne veut, ni ne peut prédire aucun avenir. Elle tente seulement, face au présent, de faire entendre en un prélude quelque chose qui du fond des ages, juste au début de la philosophie a déjà été dit pour celle ci sans qu’elle l’ait proprement pensé.



Et ensuite la transcription d'une vidéo dans laquelle Heidegger fait référence à cette conférence.

Identifiant youtube  = P57WVtHhxMM

L’un des grands périls que court notre pensée aujourd’hui, c’est que celle-ci, en tant que pensée philosophique, n’a plus de rapport original véritable avec la tradition.

Nul ne sait quel sera le destin de la pensée. En 1964, dans une conférence que je n'ai pas prononcée moi-même mais dont le texte a été lu en traduction française, j'ai parlé de « la fin de la philosophie et de la tâche de la pensée ». J'y ai fait une distinction entre philosophie c'est-à-dire la métaphysique, et la pensée telle que je l'entends. Cette pensée est, fondamentalement, quant à la chose même, beaucoup plus simple que la philosophie, mais, en conséquence, beaucoup plus difficile à accomplir, et elle exige un nouveau soin apporté au langage, et non une invention de termes nouveaux, comme je l'avais pensé jadis; bien plutôt un retour à la teneur originale de la langue qui nous est propre mais qui est en proie à un dépérissement continuel.

Un penseur à venir, qui sera peut-être placé devant la tâche d'assumer effectivement cette pensée que j'essaie seulement de préparer, devra s'accommoder d'un mot qu'écrivit un jour Heinrich von Kleist et qui dit ... : « je m'efface devant quelqu'un qui n'est pas encore là, et m'incline un millénaire à l'avance devant son esprit. »

La fin de la philosophie est atteinte lorsque cette dernière s’est dissoute dans les sciences. La pensée, quant à elle, continue plus avant.

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Message par Courtial Jeu 25 Fév 2016 - 20:08

Euthyphron a écrit:Et donc, c'est vrai, je ne retiens de Platon que ce qui m'arrange, mais ce n'est pas forcément une mauvaise manière de le lire, et qui n'empêche pas de respecter les textes tels qu'ils sont.

Je le veux, et il se trouve, par le plus grand des hasards, que je suis dans les mêmes dispositions.
Nous sommes donc d'accord, sauf que nous n'avons pas le même Panthéon.
Moi, les passages que tu exècres, je les kiffe à donf.
Parce que ça m'arrange.
Quand il dézingue les politicards dans les premiers livres de la République, quand Socrate montre, par exemple, que ce que ces politiques appellent un bon citoyen est une sorte de voleur, j'aime bien. Quand il explique derrière que quand on se sera débarrassé de ces sangsues, on instaurera la dictature communiste, j'applaudis à la quinte. Des esprits trop sectaires lui ont reproché de mettre trop d'eau dans son vin dans les Lois, où il fait quelques concessions (très limitées) à la propriété.
Mais mettre un peu de graisse libérale dans les rouages pour faire passer, même Lénine l'a fait, qu'on laisse Platon tranquille.

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Message par Courtial Jeu 25 Fév 2016 - 20:33

Mumen a écrit:Faire confiance à la raison est un chose. Nier ce qui n'est pas la raison en est une tout autre. L'oubli déraisonnable est apparemment compatible avec l'usage de la raison par les rationalistes contemporains. C'est un nihilisme qui est un corolaire de l'hyper-développement du rationalisme. Le mot clé n'est pas "raison", c'est "hyper", accolé à "exclusivisme".

Bonne remarque.
La question, ce n'est pas d'essayer de supplanter (encore moins d'éliminer) la pensée calculante. Celle-ci n'est pas une simple invention, c'est une donnée, une destination qui appartient à l'Histoire de l'être, (histoire qui n'inclut aucun caractère de nécessité aux yeux de Heidegger, mais nous verrons peut-être cela plus tard), ça ne se raye pas d'un simple trait de plume, fût-il tracé par Heidegger.
Il ne s'agit même pas de se fier aux technocrates, la grande Marche de la Foi est inutile, puisqu'ils s'appuient sur la droite raison.
Maintenant, ce qui préoccupe Heidegger, ce n'est pas que tous ces gens aient raison (autant dans l'idéalisme de leur logique que dans le matérialisme de leurs résultats effectifs, plus que probants : spectaculaires).  Ce qui le préoccupe c'est, comme tu le dis précisément, l'exclusivisme. C'est-à-dire qu'on ne puisse plus rien comprendre, plus rien entendre d'autre que ce discours-là. C'est quand ce discours bouffe tout le paysage que Heidegger trouve à redire.
Il aimerait bien qu'on puisse lui réserver (et à ses semblables), une petite place pour chanter une chanson un peu différente.

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Message par euthyphron Jeu 25 Fév 2016 - 20:48

Ah mais le début de la République j'achète aussi! Tout ce qui n'est pas constructif...
Pour en revenir à Heidegger, j'ai bien dans mon petit jargon à moi, qui pâtit certes de la comparaison avec celui du maître, quelque chose qui pourrait rappeler cette histoire d'oubli. Je pleure quant à moi la mise en opposition du logos et du mythos, et c'est en cela que je suis platonicien, on y revient.
Mais là où je tique un peu, c'est dans le refus de la clarté, réduite à une sorte de mesquinerie spéculative. J'aime au contraire ce qui est clair. Je ne regrette pas la suprématie du mythos sur le logos, loin de là. Je regrette l'oubli de leur complémentarité.
Donc, si tout le monde se rejoint pour dénoncer l'exclusivisme, je suis le mouvement.
Mais l'exclusivisme n'est pas rationnel.
Et celui qui a dit "tout ce qui est réel est rationnel, tout ce qui est rationnel est réel", celui-ci ne peut être soupçonné d'incapacité à inclure la pensée de l'autre. Je trouve qu'on fait trop d'honneur aux calculateurs quand on identifie la raison au calcul. C'est d'ailleurs ce que personne ne fait ici, du moins pas sur ce fil immaculé.

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Message par neopilina Sam 27 Fév 2016 - 4:09

mumen a écrit:Martin Heidegger - conférence dite en français en 1964 La fin de la philosophie et la tâche de la pensée
Un penseur à venir, qui sera peut-être placé devant la tâche d'assumer effectivement cette pensée que j'essaie seulement de préparer, devra s'accommoder d'un mot qu'écrivit un jour Heinrich von Kleist et qui dit ... : « je m'efface devant quelqu'un qui n'est pas encore là, et m'incline un millénaire à l'avance devant son esprit. »

J'y consens à l'instant. Un jour, peut être, viendra un type d'homme dont " l'oeil ", la conscience, la connaissance, recouvrira parfaitement le " troisième Oeil ", " l'oeil du Cyclope ", l'a priori, où Je et je seront en osmose. Dont mumen semble redouter la disparition. Ce qui m'amène directement à ceci :

euthyphron a écrit:Je ne regrette pas la suprématie du mythos sur le logos, loin de là. Je regrette l'oubli de leur complémentarité.

Tant que le " hiatus " décrit ci-dessus existera, il y aura largement et il faudra, de la place pour le mythos, l'art, la poésie, le lyrisme, etc., etc. Chez moi les deux s'entendent plutôt bien, il faut dire que j'y travaille depuis pas mal d'années, que je travaille à combler ce " hiatus " via deux démarches concomitantes et complémentaires, et donc mon discours entérine toujours par principe la conscience de celui-ci ( Toutes choses qu'illustrent mes deux signatures. ).

à mumen,

Donc : je ne partage pas ton inquiétude, qui est donc un but de la pensée, de la connaissance, un espoir, chez moi.

EDIT : ajout " ( Toutes choses qu'illustrent mes deux signatures. ) ".


Dernière édition par neopilina le Dim 28 Fév 2016 - 14:54, édité 1 fois

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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
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Message par kercoz Sam 27 Fév 2016 - 10:25

mumen a écrit:
Que les "rites" (pouvant se muer en rituels, j'imagine) soient une étape clé de la socialisation, j'en suis convaincu. C'est le credo confucéen. Mais je ne pense pas que l'on puisse s'en contenter pour faire système, comme tu semble le soutenir, car il y a un avant et un après le rite et, pour faire système, il faut bien être en mesure de tout englober.

La raison est un après. Je partage ton point de vue qui mentionne sa domination actuelle et les dégâts qu'elle induit. Ceci, justement, entre autre par dépréciation et déni du rite par la standardisation/mécanisation du monde moderne.

Cette explication par la prééminence du rationnel est d'ailleurs selon moi la plus profonde que l'on puisse exprimer quand on cherche à thématiser les causes de l'auto destruction continue du monde actuel.

kercoz a écrit:
La "Mémoire" en réserve , serait a mon avis, non une mémoire écrite ou apprise, mais serait inscrite dans les gestes et comportements qui ont permis aux groupes qui les ont utilisée, de survivre.

Et si cette mémoire n'était pas en l'homme ?

Cette "mémoire" consiste en des comportements et des interactions. Mais elle ne peut exister sans "donneur d' ordres" c'est à dire l' individu comme support matériel.
Il faut bien différencier "Rites" et "rituels". Je donne à " rite" le sens élargi donné par E. Goffman, K. Lorenz et Bourdieu : un processus inconscient chargé uniquement d' inhiber l' agressivité intra-spécifique pour permettre la socialisation.
Rituel est un processus conscient, culturel.
Les deux processus ont pourtant le même but: une certaine rigidité comportementale capable de conserver un comportement " gagnant" utilisé antérieurement. Le rite s'appuie sur l'instinct et est bien plus fort que le rituel qui se base sur la "raison" et s'use quand on ne s'en sert pas trop.
Le rituel cache aussi du rite. Là, je vais me contredire par un exemple montrant que le rite ne sert pas uniquement à inhiber l' agressivité, mais aussi à la stimuler: pour ceux qui fréquente le monument au mort, ou, plus nombreux, ceux qui regardent des match de foot ou de rugby internationaux, on constate parfois, lors de l' hymne, un frisson qui en résulte. Ce frisson serait une réutilisation de la réaction physiologique au froid pour redresser les poils. Anciennement destiné à un micro-climat en réduisant la convection, ce processus va servir à augmenter le volume apparent afin de se valoriser et effrayer l' adversaire ( le 4x4 paléo).
Ce qui est intéressant et peu conscient , c'est la fréquence et la rigidité de ces rites. On passe en code en croisant quelqu'un sur un trottoir : On baisse les yeux à 5 m pour éviter une interaction agressive.
La "raison" survient plus tardivement. Tu parles d' un "apres" le rite.C'est là, .."LE" grand problème.
Le rite est le seul obstacle à la raison. Chez les autres espèces sociales, rites et raison s'équilibrent en tant qu'organes de controle de leurs comportements.
(Je vais re-balancer mon credo favori et prie donc les lecteurs éventuels qui le connaissent et que ça fatigue de zapper, d'aller vaquer ailleurs plutot que de tacler des tibias déja bien abimés.)  :
Chacun de nos faits et gestes intéressent plusieurs "maitres" et doit donc servir les intérets de chacun de ceux ci. Ce n'est pas une tache facile du fait que leurs intérets divergent, et sont souvent antagonistes.  :
- L' individu
- le groupe immédiat.
-Le groupe historique ( civilisation)
- l' espèce.
Cette liste est valable pour toute espece sociale, sauf la civilisation spécifique à l'espece humaine.
Si l' on se contente d' une vision globale éthologique, nous sommes les seules à etre sorti de notre boucle trophique et serions les seuls à faire usage de raison.
La "Raison" a une facheuse tendance à privilégier les intérets de l' individu qui raisonne au détriment des autres bénéficiaires de nos faits et gestes.
Si l' on veut conserver la stabilité d' un modèle antérieure, il faudrait des forces équivalentes pour l' équilibrer et rétablir les intérets de chacun. On constate bien que les "rituels" ne sont que de pâles copies des rites en tant que rigidité comportementale.
Je peux encore développer mais le reste découle de la même logique.

Mon point de vue sur l' origine des perversités actuelles  est qu'elles ne découle pas d' un choix idéologique ou d" un mauvais usage. Pour moi, l' origine de tous nos maux est uniquement structurel.
L' individu isolé n'existe pas en tant qu'humain, la "brique" initiale , minimale, est l' individu + son groupe. La taille du groupe étant limitée par les capacités d' interaction du fait que ceux ci reposent sur l' affect. Tout repose sur l' agressivité inhibée . Le "Bien" n'étant qu' un moindre mal. C'est un problème d'entropie et de néguentropie considérés en tant qu'énergie.
Il en résulte que la seule structure vertueuse, qui est d'ailleurs utilisée par tous les systèmes vivants, est une structure morcelée, auto-organisée ( Prigogine)
Là on tombe sur la th. du Chaos. Et l' utilisation de science dure pour la molle est facilement rejetée. Pourtant croire qu' il est possible d' hypertrophié et de centralisé un système complexe est complètement utopique. Pour faire court , il est nécessaire d'avoir des rétroactions courtes pour conserver une stabilité du système ....Ce qui s' oppose au gain de productivité.

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Message par mumen Jeu 3 Mar 2016 - 18:17

Eutyphron je suis maintenant persuadé que tu avais raison, que l'objet que pointe Heidegger est une dialectique. Tu avais dit la dialectique, ce qui peut laisser entendre qu'il n'existe qu'une dialectique, en bon ignorant, je serais content d'être éclairé sur ce point.

Ta réponse affine l'énigme, mais ne la résous pas. Heidegger nomme cet énigmatique objet "la pensée" et indique qu'il faut y retourner puisque la philosophie est achevée. Je crois que la désignation sibylline de l'objet sous l'expression "la pensée" est affinée par la forme "une dialectique", mais cela ne résous pas l'énigme, car c'est continuer à parler du contenant dont le contenu est le mystère. Un autre mot est bien plus explicite et non équivoque, je ne le dirai pas encore parce que sa trivialité le rend inaccessible sans d'autres précautions que je ne suis pas certain de parvenir à expliciter tant il y a de prérequis à considérer. Nous verrons.


L'oubli de l'être heideggérien a été le temps de cette question un instrument de ma réflexion. Il ne le restera pas, car il n'a pour moi que la portée, ce qui n'est quand même pas rien, d'un appel à la curiosité. Qu'il y ait effectivement dans toute la philosophie un oubli, une perte, ou quelque chose de manquant, c'est une chose dont je suis entièrement certain, mais de là à user, pour désigner ce qui manque, d'un terme aussi connoté, sous la plume d'un penseur hypercomplexe, que celui de "l'être", il y a un gouffre que je ne franchirai pas. Vient renforcer mon refus d'appropriation de ce terme une raison technique qui le rend glissant pour moi. Je trouve qu'il ne "colle" pas avec ce que j'ai lu depuis, sur la dualité heideggérienne être/étant, qui fait que pour rester cohérent avec mes propres critères (oui, ceux dont je suppute que Heidegger les désigne, voire même les emploie), il ne faudrait pas parler d'un oubli de l'être, mais d'un oubli de l'étant. Bref. Je ne suis pas heideggérien et je ne le serai pas. Je n'ai pas l'intention de lire cent livres hyper complexes à la recherche d'un seul secret volontairement enfoui au plus profond, quand ce même secret est affiché en clair ailleurs.

J'ai ainsi trouvé ce que je cherchais dans cette question, ce que j'avais prévu. Personne ne peut me renseigner clairement sur ce que Heidegger désignait, personne ne sait. Je ne me contente pas de généraliser la réponse d'un forum à tout un courant de pensée. J'interroge, par l'intermédiaire d'un forum particulier, une institution et sa marge.


J'ai aussi trouvé plus que ce que je cherchais.


Ce qui est remarquable dans l'aveu d'impuissance heideggérien, cette impérieuse nécessité d'une réflexion à contre-courant, c'est qu'il ne dit absolument rien de son objet.

Le principe d'une énigme est que l'on peut égrener des indices au kilomètre sans jamais ne rien dire sur l'objet mystérieux. Ce qui advient quand on parvient à la solution c'est que l'on dissèque rétrospectivement les indices en question et que l'on réalise enfin que tous les indices étaient vrais, alors même qu'ils ont été d'une si pauvre utilité dans la découverte de la solution. Les indices ne servent qu'à témoigner que l'on a abouti à la réponse, qu'il restera à faire valider par l'auteur.

Ce qui m'est arrivé avec le texte La fin de la philosophie et la tâche de la pensée était frustrant : alors que j'étais déjà en possession d'une réponse à "mon propre quelque chose", tout ce que me disait Heidegger dans ce texte était juste pour cette réponse. Le hic c'était que tous les indices en question auraient fort bien pu coller avec tout autre chose que ma réponse. C'était complètement indécidable pour moi. Ma réponse me paraissait dans ce contexte de haute philosophie plutôt "audacieuse" pour ne pas dire délirante. Elle venait d'un piètre penseur de province en face de la grandeur des philosophes. C'est sûr que quand on est autodidacte dans ce monde-là, on porte pour toujours une honte en soi, de celles qui empêchent de pouvoir se penser intelligent ou ne serait-ce que pertinent.

Donc, à ce stade de la réflexion, ma réponse correspondait aux indices, mais rien ne m'indiquait clairement qu'elle était ce que désignait Heidegger. Il me manquait encore quelque chose pour établir un lien solide, ce quelque chose qui me montre aujourd'hui à quel point le maître avait soigneusement évité tout soupçon d'évocation de son objet, objet qui était aussi invisible qu'un nez au milieu d'une figure. Ce quelque chose qui me manquait, tous ceux qui ont été formés en philosophie le connaissent peu ou prou. Je le connaissais, je l'avais rencontré au début de ma recherche en philosophie, mais je ne savais pas que je le connaissais, je doutais trop de ma justesse. Cette clé, c'était l'opposition entre ioniens et éléates, et voici que je colore, c'était la pensée parménidienne conçue comme abolition de l'héraclitéenne.

Avec cette révélation, ma visite sur ce forum et le questionnement que j'y ai apporté m'ont finalement apporté indirectement bien plus que ce que je demandais, qui correspond plutôt à ce que je n'osais pas demander.

Pour y aboutir, j'ai parcouru des fils de discussion et j'ai vu passer ce terme, "éléate", qui ne m'était pas totalement inconnu et de fil en aiguille, j'ai ressorti mes classiques, j'ai fouiné sur le Net et j'ai compris d'un coup pas mal de choses qui désormais bouillonnent en moi. C'est comme si j'avais fait une réinitialisation puis une relecture à partir d'un certain fondement (remise en cause nerveusement épuisante, confrontation au danger de nullification de soi) qui ne trahissait jamais mes lectures et pensées antérieures, les confirmant plutôt.


C'est ainsi qu'une boucle s'est fortunément bouclée dans ma vie : c'est pour trouver cela que je suis entré en philosophie il y a 15 ans (j'avais 7 ans en 1968), et ceci marque la fin, une certaine fin en tout cas, de mon intérêt pour la philosophie. J'y ai trouvé le second brin du nœud gordien qui est au centre de ma quête. Je connaissais déjà un brin du nœud, étranger indubitablement le plus puissant des deux, qui m'a guidé tout le temps dans l'insupportable bordel de la philosophie.

Je sais désormais que ce premier brin du nœud gordien suffit à combler parfaitement l'énigme philosophique heideggérienne. Je le sais parce qu'elle pointe, cette énigme, vers le second brin du même nœud qui est une autre vision d'exactement la même chose. Ce qui rend aussi précieuse l'énigme heideggérienne c'est n'est pas qu'elle désigne un tabou au centre de la civilisation occidentale, ça, je le savais déjà. Ce qui est précieux, c'est qu'elle désigne et explicite ce tabou au commencement même de la civilisation occidentale. Ce n'est plus un indice, c'est une preuve, voilà la différence qui change tout pour moi.

J'ai toujours conservé en moi depuis l'enfance un regret de la violente efficacité d'Alexandre le Grand, c'est pour cette raison que j'emploie ici la métaphore du nœud gordien. Alexandre est symboliquement devenu maître d'Asie en abolissant un inextricable problème et en empêchant toute personne après lui de le penser : il tranche, il néantise. Parménide n'a pas procédé autrement, il a tranché et néantisé Héraclite, il l'a relégué aux rang de simple curiosité historique.


Il en faut des aveugles pour ne pas voir.


Digressiens, pour cette aide indirecte qui concrétise une étape de ma vie, aide pas très cordiale conformément à la réserve éléatique, mais néanmoins respectueuse conformément à l'ouverture ionienne, je vous remercie.

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Message par kercoz Jeu 3 Mar 2016 - 20:18

mumen a écrit:
Il en faut des aveugles pour ne pas voir.


Dardant on ne sait ou leurs globes ténébreux ...
...Que cherchent ils au ciel , tous ces aveugles !

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