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Est-il encore possible d'être subversif ?

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Message par Albâtard Sam 29 Mai 2010 - 19:24

A l'évidence, on entend souvent des individus, en France, se vanter de la "liberté d'expression en France".
On se dit, mais "oui, on a le droit de ne pas porter le voile", "on a accès aux livres, aux medias, etc".
Finalement, que ce soit dans les dîners en ville ou sur un plateau télé, il peut être de bon ton d'être "critique".
Celle dernière n'est, en fait, bien souvent, qu'un "conformisme de l'anti-conformisme", que ce soit de dire "Sarkozy = nazi, TF1 c'est des cons, les patrons, les politiciens, la junk-food rend gros, etc". Donc, finalement, la critique est "institutionnalisée".
Si bien que la "liberté d'expression" pourrait se réduire à "être autorisé de parler,mais pas de tout".
Ce processus d'institutionnalisation de la critique est présent à chaque instant, si bien que ce qui était perçu comme "critique"
ou "subversif" hier, ne l'est plus aujourd'hui. Je pense notamment aux théories de la "pensée 68", que ce soit les situationnistes, l'école de Francfort ou les marxistes qui disaient que "le pouvoir entre les mains de la classe dominante" - aujourd'hui on peut être applaudi en disant cela - sont, de nos jours, représentés comme des "théories du complot" ou des "théories ringardes".
Aujourd'hui, je me pose la question: est-il possible d'être vraiment subversif ? Il y a bien quelques sujets sensibles comme la
pédophilie, le négationnisme, le racisme, le conflit israëlo-Palestinien, mais on se fait la réflexion que, bien vite, de tels sujets seront intégrés dans le quotidien pour que l'on se contente d'en rire. Je veux dire par là, qu'à mes yeux, quelqu'un qui fait l'apologie, sur la place publique, de la pédophilie, sera subversif, il s'expose aussi bien au lynchage qu'à des peines judiciaires. Contrairement à l'universitaire "rebelle" qui se voit acclamer pour ses diatribes à l'endroit de multionationales. On voit tellement l'efficacité de l'absence de subversion, que je suis à cours de thèmes qui pourraient être subversifs à l'heure actuelle.

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Message par SShut7pi Mar 1 Juin 2010 - 20:23

C'est une question qui me taraude beaucoup aussi, en ce moment. Il me semble que pour y répondre, et l'on veut y répondre par une affirmation, il faut renverser le problème. Tu fais bien de poser, dès le début, le problème en termes franco-français, car c'est dans ce pays qu'il se pose le mieux (voilà ce qui reste de notre exception culturelle !). Par contre, je ne suis pas d'accord pour dire qu'en France, on se gargarise de la liberté d'expression, ou alors uniquement dans le discours; elle me semble plutôt limitée ici, et pas à cause de tyrans propriétaires de médias, mais à cause de notre micro-physique du pouvoir, de la discipline qu'on s'inflige.

Tout d'abord,il ne faut pas confondre "subversif" et "libertaire". Le monde, dans sa "globalité occidentale", a tellement tiré sur la corde libertaire (des hippies aux traders en passant par les serial killers et le "vandalisme" éthique), que de part en part le discours libertaire est intégré au discours dominant. Tout le monde occidental vibre sur le corde du libertaire, de l'enjoyment : la télé autorise le voyeurisme et l'exhibitionnisme, relayée par les médias sociaux. Les médias fournissent des modèles faciles à adopter : chacun peut se vivre comme une star, écrasant l'autre de sa suprématie, quand bien même ça serait à des niveaux microscopiques.

Même les représentants de l'extrême-gauche ou de toute autre alternative rentrent sans aucun
problème dans ce tableau Davidien : à quoi bon faire péter le World Trade Center si on ne passe pas à la télé après ? L'idée de mise en scène médiatique précède le terrorisme spectaculaire, enjoy !
Mettez un théoricien critique à la télé face à Serge Dassault, ça fera un superbe spectacle, une putain d'audience, mais ça ne changera rien : enjoy ta rébellion, enjoy ton fascisme latent. Les patrons veulent battre les prolétaires dans les usines, les prolétaires veulent couper les couilles des patrons, foutre en taule les traders, c'est l'orgie sadienne, pas la subversion, tout le monde est d'accord.

La subversion du 21ème siècle passe par l'acceptation et le respect de certaines autorités, et d'une certaine décence : comment être subverso-libertaire quand on peut baiser dans une pub pour un yaourt ? Y a plus rien à rogner par-là, c'est là, c'est réel, au coin de la rue.

Où est la répression morale et sexuelle aujourd'hui ? J'aimerais beaucoup qu'on me la montre, j'aimerais voir autre chose que des épouvantails...

Pour autant, l'enjeu est d'éviter l'amalgame. Accepter certaines formes d'autorité n'équivaut pas à justifier le système existant ou à faire l'apologie du capitalisme sauvage, voire des nationalismes (ça existe encore, ça, ailleurs que dans les médias et des groupuscules... sur Facebook?).

Il s'agit plutôt d'intégrer une forme de dialectique du jeune et du vieux, une historicité minimale, des déterminations, et surtout apprendre à supporter l'altérité. Si être libertaire, c'est être un masturbateur, un individualiste extrême (que ça prenne des apparences directement économiques ou "socialistes utopiques" importe peu, ça semble se rejoindre, si seulement chacun s'observait mieux et clivait moins), alors on perd l'idée d'un "savoir subversif". Que reste t'il alors ?

Et si être subversif, à l'heure où la technologie nous promet de baiser virtuellement qui on veut, de ne plus attendre au feu rouge, de communiquer par télépathie, de ne plus connaître d'angoisse, de vivre en harmonie, de respecter l'environnement, etc., c'était tout simplement revendiquer le droit à la frustration et à la souffrance, comprises comme moteurs essentiels de la créativité, comme caractéristiques de l'existence ? Et quid du droit à la pénibilité du travail de rédaction ou de création, pour réussir à partager ses expériences intérieures avec l'autre ?

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Message par hémicycliste quérulent Lun 7 Juin 2010 - 11:02

Les formes de la subversion n'ont pas beaucoup changé. Elles ont pris une tournure infantile dans les années soixante. Mais la subversion est une forme d'expression qu'on trouve déjà dans l'antiquité. Institutionnalisée ou pas, il y a toujours une place pour cela, sauf dans quelques régimes d'exception, comme l'ont été l'URSS et l'Allemagne nazie, par exemple.

Au moyen âge, le carnaval était une institution explicitement faite pour la subversion. On pouvait au moins symboliquement éructer dans l'anus papal, ou uriner dans les narines pontificales. De même, le fou du roi est une forme de contre-pouvoir à proximité immédiate du pouvoir.

La subversion donne l'impression de disparaître quand l'opinion publique est maîtresse. Mais elle n'est que cela, en même temps qu'elle n'est que conformisme. La subversion, c'est le conformisme post-moderne. Quand tout le monde ou presque est subversif, plus personne ne l'est vraiment, sauf à surenchérir sur des broutilles.
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Message par Vargas Lun 7 Juin 2010 - 11:28

Ca, c'est tout le problème : dès qu'on parle subversion, on pense en fonction de l'Etat.

Or, il n'y a pas que ça.
Subversion n'est pas nécessairement une anti-formalisme.
Et même quand il peut l'être dans la forme, ce n'en est pas forcément l'intention originale, mais un projet de recréation, de "déboucher".
(la subversion des formes en littérature. Cf l'Oulipo ou Robbe-Grillet).

Un sujet sur lequel le diagramme de Guattari et Deleuze de la machine de guerre social suivant les lignes de fuite, et qui court le risque d'être happé par la structure d'autorité est intéressant :

http://asterion.revues.org/document425.html

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Message par Albâtard Lun 7 Juin 2010 - 16:16

hémicycliste quérulent a écrit:


Au moyen âge, le carnaval était une institution explicitement faite pour la subversion. On pouvait au moins symboliquement éructer dans l'anus papal, ou uriner dans les narines pontificales. De même, le fou du roi est une forme de contre-pouvoir à proximité immédiate du pouvoir.

Justement, le carnaval d'antan représente de manière exemplaire la pseudo-subversion. Comme nous le montre Balandier dans son article Le pouvoir sur scène dans lequel il nous délivre la thèse suivante: le désordre sert à maintenir ou à renforcer l'ordre; en gros que le désordre est constitutif de l'ordre au sein d'une société. Il illustre ça avec beaucoup d'exemples: le carnaval au moyen-âge, qui est une inversion temporaire des rôles sociaux, la mort d'un roi qui conduit à mettre le pays sens dessus dessous de manière toujours temporaire, la chasse aux hérétiques, les évènements de mai 68, le terrorisme, etc. Au final, il n'y a jamais une remise en cause fondamentale de l'ordre établi, de la structure sociale, donc absence, d'un certain point de vue, d'une véritable subversion.

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Message par hémicycliste quérulent Mar 8 Juin 2010 - 19:16

Albâtard a écrit:Justement, le carnaval d'antan représente de manière exemplaire la pseudo-subversion. Comme nous le montre Balandier dans son article Le pouvoir sur scène dans lequel il nous délivre la thèse suivante: le désordre sert à maintenir ou à renforcer l'ordre; en gros que le désordre est constitutif de l'ordre au sein d'une société. Il illustre ça avec beaucoup d'exemples: le carnaval au moyen-âge, qui est une inversion temporaire des rôles sociaux, la mort d'un roi qui conduit à mettre le pays sens dessus dessous de manière toujours temporaire, la chasse aux hérétiques, les évènements de mai 68, le terrorisme, etc. Au final, il n'y a jamais une remise en cause fondamentale de l'ordre établi, de la structure sociale, donc absence, d'un certain point de vue, d'une véritable subversion.
Ah ! parce qu'il suffirait de réduire le politique et le social à un objet ethnologique maintenant ! Ah bon ? Très bien. Dans ce cas, si je me fourre le doigt dans le nez pour en extraire toutes les sécrétions, sans doute un ethnologue pourra-t-il dire que ce manque d'hygiène renforce l'hygiène.

Trêve de plaisanterie. La question est à la fois et d'abord politique, sociale et historique. Balandier n'est pas vraiment la référence idoine, de ce point de vue. Bakhtine, par contre, fait autorité, parmi d'autres. Pas de règle à transgresser, pas de transgression. Pas de pouvoir, pas de subversion. La subversion se proportionne toujours à la nature de l'autorité politique. Dans un régime qui intègre la liberté, la seule chose que nous ayons pour nous en rendre compte, c'est le contre-pouvoir. De ce point de vue, le contre-pouvoir renforce l'autorité politique, parce qu'il la légitime.

Enfin, achetez quelques livres d'histoire française, vous y apprendrez que les révoltes sont quasi permanentes en France, et qu'elles se produisent de partout. L'autorité politique a toujours dû composer avec ça. Je ne compte même pas l'histoire des États-généraux, des Parlements, etc.


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Message par Bergame Mar 8 Juin 2010 - 23:18

hémicycliste quérulent a écrit:Trêve de plaisanterie. La question est à la fois et d'abord politique, sociale et historique. Balandier n'est pas vraiment la référence idoine, de ce point de vue. Bakhtine, par contre, fait autorité, parmi d'autres. Pas de règle à transgresser, pas de transgression. Pas de pouvoir, pas de subversion. La subversion se proportionne toujours à la nature de l'autorité politique. Dans un régime qui intègre la liberté, la seule chose que nous ayons pour s'en rendre compte, c'est le contre-pouvoir. De ce point de vue, le contre-pouvoir renforce l'autorité politique, parce qu'il la légitime.
Aaah mais justement, de ce point de vue-là, j'ai découvert tout récemment qu'effectivement, Balandier avait une thèse tout à fait intéressante. Parce que, précisément, Balandier propose que la contestation du pouvoir n'est pas une fragilisation du pouvoir, mais un mécanisme institutionnel de légitimation. Ce n'est pas seulement que la contestation a besoin d'un pouvoir à contester, c'est que le pouvoir a besoin de sa contestation pour s'affirmer.
Non, c'est pas mal, Balandier, je trouve. J'avais un peu l'impression d'un verbiage assez superficiel, du type Edgar Morin dont il a déjà été question en ces colonnes -comme on dit- mais quand on le bosse sérieusement, on y trouve des trucs pas mal.

Sur le sujet, en revanche, j'aimerais d'abord demander pourquoi la subversion est ici élevée au rang de valeur absolue. Il me semblait pourtant que la subversion était surtout une méthode, non ? Alors une méthode pour quoi faire ? Peut-être est-ce surtout là, le problème, non ?

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Message par hémicycliste quérulent Mar 8 Juin 2010 - 23:27

Bergame a écrit:Balandier propose que la contestation du pouvoir n'est pas une fragilisation du pouvoir, mais un mécanisme institutionnel de légitimation. Ce n'est pas seulement que la contestation a besoin d'un pouvoir à contester, c'est que le pouvoir a besoin de sa contestation pour s'affirmer.
Ce que vous dites modifie sensiblement l'interprétation qu'en donnait Albâtard, pour le coup. Parce qu'avec la pseudo-subversion, on n'est plus très loin du complot (c'est fou comme le pseudo-tout est à la mode en ce moment !). Mais, dans ce cas, Balandier est à peu près inutile, puisqu'il ne fait que répéter ce qui s'est dit depuis des siècles.


Bergame a écrit:Alors une méthode pour quoi faire ? Peut-être est-ce surtout là, le problème, non ?
J'ai quand même l'impression d'une subversion tous azimuts, pour ma part, d'une subversion sans programme, comme si on voulait absolument jouer la transgression, peu importe ce qui est transgressé. Un indice réside dans la surenchère systématique. Laquelle n'a pour résultat final que la banalisation, qui encourage à son tour la surenchère. Une sorte de révolution permanente, mais sans objet.

Mais, c'est vrai, je suis peu charitable avec le monde moderne.


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Message par Albâtard Mer 9 Juin 2010 - 0:35

Disons que Bergame a mieux rendu compte de la thèse de Balandier. Disons que je l'ai caricaturé. Mais je te conseille de lire l'article qui est assez bien rôdé. Disons que son intérêt réside dans le fait qu'il intègre une multitude d'exemples - et surtout ceux provenant des "sociétés traditionnelles" - qu'il interprète à travers cette grille de lecture. On peut le mettre en parallèle avec l'article Le père noël supplicié de Lévi-Strauss, puisque c'est assez proche.

Ensuite, je me suis mal exprimé concernant la "subversion". Au début, je parlais surtout de la "critique" dans le sens de "critique sociale". Je ne parle pas d'un point de vue "spéculations théoriques", mais d'un point de vue réalité de la vie quotidienne; donc de nos jours, présentement. Par conséquent, si, dans la vie quotidienne, un tel tenait un discours véritablement "critique", alors son interlocuteur, théoriquement, serait mal à l'aise, décontenancé. C'est de ce point de vue que je parle de "subversion", dans le sens: conséquence d'un propos véritablement "critique". Voilà, mais, dans les faits, l'on constate qu'il y a de la "critique" certes, que suppose "la liberté d'expression", mais l'on doit rester dans les limites de la critique, en fait on nous indique à propos de quoi l'on doit être "critique", et l'on se complait en se disant qu'on laisse libre cours à notre "liberté d'expression".
Je pourrais indiquer mille exemples. Le premier qui me vient en tête, c'est l'image du président, Sarkozy. On peut se foutre de sa gueule, à tous les points de vue, aussi bien dans les conversations avec ses proches, dans les médias, les journaux, les guignols de l'info; etc. A travers ce foutage de gueule permanent à l'endroit de Sarkozy, on finit par se dire qu'on expérmente notre liberté d'expression - bien qu'on lui reproche, paradoxalement, du peu de liberté d'expression en France. Je parle des échanges que l'on peut avoir dans la vie quotidienne, propos qui se veulent "critiques" sans que finalement ça ne porte à conséquence, mais que l'on se comporte comme si ces propos étaient véritablemnet "critiques". C'est pour ça que je mentionnais "la pensée de mai 68", j'imagine, légitimement, qu'à l'époque, c'était plus "critique" - que ça l'était un minimum - que maintenant. Autre exemple contemporain: avoir un professeur qui, dans ses digressions, tient des propos "gauchistes" - diatribes à l'endroit de l'Etat, de la politique, etc - finalement, l'on se contente d'en rire. Puis on constate que les "critiques" que l'on peut émettre manquent de congruence, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'adéquation entre les "actes" - dans le sens, ce qu'on fait ou réalise - et les "paroles critiques", donc celles-ci ont encore moins de "validité" critique. C'est pour ça que je dis que le "conformiste" et "l'anticonformiste" ne sont pas différents, dans le sens où ils font, en dernière instance, sensiblement la même chose. Je ne sais pas si je suis suffisamment explicite.

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Message par hémicycliste quérulent Mer 9 Juin 2010 - 1:02

Albâtard a écrit:Puis on constate que les "critiques" que l'on peut émettre manquent de congruence, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'adéquation entre les "actes" - dans le sens, ce qu'on fait ou réalise - et les "paroles critiques", donc celles-ci ont encore moins de "validité" critique. C'est pour ça que je dis que le "conformiste" et "l'anticonformiste" ne sont pas différents, dans le sens où ils font, en dernière instance, sensiblement la même chose. Je ne sais pas si je suis suffisamment explicite.
C'est déjà beaucoup plus clair et cohérent. Vous signalez à raison, cette fois, un hiatus entre l'acte et la parole. Beaucoup prétendent avoir des principes, affirment ou critiquent des choses au nom de principes, mais n'agissent pas en conformité avec leurs prétendus principes. Dès lors se pose la question de savoir ce que devient la subversion, la transgression ou le contre-pouvoir. Lâcheté, hypocrisie, cynisme ?

Peut-être les énoncés subversifs sont-ils une décompensation face à l'innocuité et l'inefficacité de nos actes sociaux, publics (même quand nous sommes engagés ; le terme même d'engagement est emphatique, hyperbolique : il ne renvoie pas à quelque chose de clair). Alors il faut bien cracher le morceau, ce morceau qui, sinon, nous empoisonnerait. Nous vivons dans un monde multipolaire, qui s'étend dans toutes les directions à la fois, où tout se passe tout le temps en même temps. Sa complexité semble interdire la moindre possibilité d'y agir vraiment, d'en modifier si peu que ce soit un aspect ou un autre. Peut-être même y a-t-il un lien avec le goût de l'extrême aujourd'hui : la recherche des limites, dans le sport et dans les comportements sociaux. Comme si la subversion s'était invertie.
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Message par SShut7pi Mer 9 Juin 2010 - 23:10

Quote Bergame : " Parce que, précisément, Balandier propose que la contestation du
pouvoir n'est pas une fragilisation du pouvoir, mais un mécanisme institutionnel de légitimation. Ce n'est pas seulement que la contestation a besoin d'un pouvoir à contester, c'est que le pouvoir a
besoin de sa contestation pour s'affirmer.
"

Je ne connais pas Balandier, mais ça me semble essentiel. Imaginons un régime totalitaire et libertaire, invitant chacun à outrepasser toutes ses limites; un régime, qui, en filigrane, inviterait à ne penser qu'à sa gueule, non pas au sens dénoncé par les boy-scouts de la morale dans les médias, mais dans un sens complet, fondé sur une métaphysique. Imaginons des individus intelligents et éduqués, décidant, comme en connaissance de cause, de se fixer comme seule frontière la jouissance. Adéquatement éduqués, avec les diplômes qu'il faut et la connaissance des mœurs de l'entreprise, ils pourront sans problème entretenir l'illusion d'une disparition de la frustration : ce n'est pas si difficile, dans une grande entreprise, pourvu que l'on sache interpréter les besoins des responsables, de paraître bon, voire crucial, sans rien foutre.

Dès lors, s'ouvre une porte vertigineuse, diabolique.

Mais revenons aux capacités d'intégration du capitalisme. Marx a entamé sa critique des socialistes utopiques dans une controverse avec Proudhon, "Misère de la philosophie", réponse à "Philosophie de la misère". Il me semble que dans ce livre, on trouve en germes toute la critique du discours libertaire aujourd'hui. Il est devenu impossible d'être libertaire : l'ordre établi est libertaire.

Or, être subversif, c'est renverser les schèmes doxosophiques pour dilater la matière sociale et créer des espaces où celui qui le veut peut s'installer pour penser. D'espaces subversifs et libertaires, il n'y a plus. Certes, nombre d'entre nous souffrons encore de frustrations trouvant leur origine dans la sexualité, mais, potentiellement, institutionnellement, c'est le désir qui est trop précaire pour être socialisé : l'infrastructure est là, elle n'attend que ça, il n'y a pas d'obstacle.

Le discours dominant, le 'on", ne dit pas grand-chose, si ce n'est "jouis". Et l'on peut maintenant jouir de tout, de la critique de l'économie politique comme du statu quo. Pire qu'une fin de l'histoire, c'est une impasse de l'histoire. Toute manifestation dépassant le seuil de la décence selon l'honnête homme du 19ème entre dans ce cadre. Comment, ivre d'humanisme, peut-on suivre le discours d'un alter-mondialiste prônant la prison à perpétuité pour un trader ? Quel travers de l'histoire a pu conduire à une telle soif de pénal ?

L'essentiel humaniste n'est-il pas le style, la façon dont un sujet s'arrange avec le jeu de carte qui est le sien ? Les catégories supra-professionnelles que sont l'artiste, le philosophe, le sociologue, le consultant, etc., ont'elles un sens face au sublime du style ?

PS : aucun rapport

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Message par Courtial Mer 9 Juin 2010 - 23:26

Je peux proposer le cadre conceptuel suivant, à l'improvisade, hein, je n'y ai pas réfléchi plus que cela.
Je pars de l'idée de destruction (ou dé(con)struction).
A partir de là, je distingue d'abord la provocation et le scandale. La première vise à détruire une valeur (ou un système, etc.) pour le détruire. Je fais un bras d'honneur à Sarkozy, qu'est-ce que j'ai manifesté : la non valeur du respect, de la soumission, etc. Le scandale vise à le détruire pour le remplacer par un autre. Manet fait scandale avec le Déjeuner sur l'herbe, pavé dans la mare croupissante de l'académisme et du pompiérisme, mais surtout manifeste réaliste. La suppression résulte de la création, la négation de l'affirmation. Les surréalistes (Dali, etc.) aimaient bien scandaliser aussi.
La surbersion relève plus d'une sorte d'Aufhebung hégélienne : je prends le système, la valeur, la technique, etc. et je la détourne. Sutupi avait raison de citer par exemple les situationnistes. Debord adorait piquer des images, ou des citations, etc. en les détournant de leur destination première, pour leur faire dire autre chose, ou ne rien dire, etc. Les pratiques gauchistes d'entrisme, de complotage, etc. relèvent de la même logique : Je glisse un truc dedans (qui va véroler l'objet visé), je glisse en dessous (sub quelque chose pour faire verser, partir ailleurs ce que je subvertis.

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Message par SShut7pi Jeu 10 Juin 2010 - 0:30

Courtial a écrit:Sutupi avait raison de citer par exemple les situationnistes.

Jamais, où que ce soit, je n'ai cité les situationnistes, mais c'est très amusant de voir cette grille de lecture ;D

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Message par Albâtard Jeu 10 Juin 2010 - 0:34

Sutupi, tes propos sont assez obscurs - cherches-tu à imiter Debord ? - et l'emploi du jargon freudo-marxiste empêche de reste au plus près du concret. Je veux dire: les "faits". Parce que bon, "schémas doxosophiques", "matière sociale"...

Justement, pour reprendre l'exemple de celui qui ferait un bras d'honneur à Sarkozy: on voit régulièrement, dans les médias, des variantes dans lesquelles l'on nous rapporte les faits et gestes de ceux qui ont été insultants de différentes manières à l'égard du président. Les médias essayent vainement de nous rapporter ça comme si il s'agissait d'un évènement, or c'est un non-évènement; si bien que c'est repris, plus tard, dans les conversations ou ailleurs à titre de plaisanteries - comme la chaussure envoyé à Bush. De fait, se foutre de la gueule de Sarkozy fait figure de norme.

Pour ce qui est des "détournements" de Guy Debord (c'est moi qui ait mentionné les situ dans mon premier post) justement, de nos jours, ce procédé est devenu "banal", "dominant", il fait figure de norme, même pour un film "grand public". On sait, notamment pour les films américains, qu'un blockbuster, si il a un minimum de succès, aura pour corollaire un film où il sera parodié; si bien que, c'est tellement mécanique, qu'on ne distingue plus la parodie de l'original. Mais pour revenir à Debord, je le trouve pertinent et toujours d'actualité, dans le sens où, si le format filmique a changé, le rapport à l'image que peut avoir le spectateur n'a pas changé. Il dit bien quelque chose comme: "il est étonnant de voir que les gens sont sages devant un objet qui n'est qu'une succession d'images". C'est vrai, finalement, dans une salle de cinéma, on sait à peu près à quoi s'attendre, il y a extrêmement peu de chances d'être surpris; et pourtant on reste "passif". Entre les "cinéphiles", les "spectateurs conformes" qui s'exclament par des "chut ! " ou des "vos gueules ! " à l'égard d'une partie du public. Une autre partie du public n'est pas non plus "active", dans le sens où leur "non conformité" n'a aucune finalité "réfléchie"; je parle de ceux qui font du bruit ou de la lumière avec leur portable, ceux qui se parlent entre eux, ceux qui se roulent des pelles, ceux qui font du bruit avec leur pop-corn, etc.

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Message par Bergame Jeu 10 Juin 2010 - 20:39

Mais j'ai envie de dire : Désolé les gars, si y a plus rien à changer, c'est que tout est pour le mieux. Hé !
Je comprends le discours, hein, bien sûr, je pourrais avoir le même, mais si on y réfléchit deux secondes, c'est quand même étonnant : Zut, plus d'ennemi à combattre, plus de chaine à briser, plus de liberté à gagner, plus de grabataire à pousser dans les escaliers, ils font du vélo jusqu'à 70 balais, plus de pucelles à faire rougir, elles regardent des pornos à 13 ans, ah quel cruel destin que le mien ! Tout est recyclé, tout est marketé, tout est réutilisé, tout est kitsch ! disait Kundera.
Mais qu'est-ce que ça signifie ? Je ne vois que deux options : Soit vous ne voyez pas là où ça fait mal -parce que vous êtes vous-mêmes conditionné par cette société totalitaire qui emprisonne votre esprit et vous empêche de penser "en-dehors" ; soit vous vivez dans le paradis dont vos ancêtres ont rêvé durant plusieurs siècles. Che Guevara disait : C'est peine perdue que de combattre un régime qui assure un minimum de liberté d'expression à ses condcitoyens. Parole de vrai révolutionnaire.
Donc, ou nous vivons dans un système libre et pacifique, où, puisque les normes sont plurielles, il n'y a plus grand-chose auquel s'opposer ; soit, c'est précisément contre cela qu'il s'agirait encore de s'opposer.

Le meurtre, ça cest subversif. Le meurtre gratuit, comme ça, tac. Ou le meurtre au nom de Dieu, de Jehovah ou d'Allah. Ca c'est subversif.
Ou le suicide. Mais pas le suicide timide aux cachetons ou le petit suicide sournois vite fait par la fenêtre, non le suicide en grand, le suicide décomplexé, le suicide spectacle. Je me demande comment aucun artiste n'a encore pensé à se clouer lui-même sur la toile avant de se donner le coup de grâce -si, techniquement, c'est possible. "Nature morte", ça sonnerait bien, pourtant. Ou le gars qui se filme. Comment avec toutes les webcam qui circulent dans le monde et le nombre de désespérés que produisent les sociétés occidentales, comment personne n'a-t-il encore eu l'idée de se filmer le revolver sur la tempe ?
Ou la guerre, c'est subversif, ça, la guerre. Il faut se dépêcher, d'ailleurs, ça pourrait bientôt être une valeur en hausse, si j'en crois ce que je lis. Ca va devenir commun.
Ou alors complètement autre chose :

sutupi a écrit:Le discours dominant, le 'on", ne dit pas grand-chose, si ce n'est "jouis".
Donc être subversif, je suppose que ça pourrait consister à ne pas jouir.

Ah ouais, le coït interrompu, ça c'est subversif ! Y a qu'à voir comment elles le prennent ! Est-il encore possible d'être subversif ? Icon_smile


A part ça :
sutupi a écrit:Imaginons un régime totalitaire et libertaire, invitant chacun à outrepasser toutes ses limites; un régime, qui, en filigrane, inviterait à ne penser qu'à sa gueule, non pas au sens dénoncé par les boy-scouts de la morale dans les médias, mais dans un sens complet, fondé sur une métaphysique. Imaginons des individus intelligents et éduqués, décidant, comme en connaissance de cause, de se fixer comme seule frontière la jouissance. Adéquatement éduqués, avec les diplômes qu'il faut et la connaissance des mœurs de l'entreprise, ils pourront sans problème entretenir l'illusion d'une disparition de la frustration : ce n'est pas si difficile, dans une grande entreprise, pourvu que l'on sache interpréter les besoins des responsables, de paraître bon, voire crucial, sans rien foutre.
Je n'ai pas compris, sutupi. De quoi parles-tu, stp ?

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Message par Albâtard Jeu 10 Juin 2010 - 21:44

Bergame, tu prends le ton philofight ! Est-il encore possible d'être subversif ? Icon_study

Mets-tu en application l'ironie comme moyen critique, façon Boltanski?

Quant aux meurtres, ce qui est surprenant, ce n'est pas qu'il y en ait, mais bien plutôt qu'il n'y en ait pas plus.

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Message par Bergame Sam 12 Juin 2010 - 15:12

Non, je ne prends pas le ton philofight, j'essaie de faire oeuvre de subversion. Est-il encore possible d'être subversif ? Icon_smile
Mais pas gratuitement, ni même aux fins de démonstration, mais parce que j'aimerais appuyer ce qui m'apparaît comme la question essentielle : La subversion, pour quoi faire ?
En un mot, je ne crois pas que la subversion soit impossible, aujourd'hui. Au contraire, il est tout à fait possible d'être subversif. En revanche, ce qui est beaucoup moins clair, à mon avis, c'est de savoir si le résultat de la subversion serait "mieux", en quelque manière, que l'état actuel. Voila à mon sens quel est le problème.

Je continue sur la définition de Courtial : Que fait-on lorsqu'on "met dessous" ? On met à jour le fondement. On ne montre pas l'envers des choses, on ne dénonce pas, c'est plus subtil : On montre que le socle sur lequel reposent les choses pourrait être autre. Et du même coup, on montre qu'il y a un socle. Ce que fait la subversion, c'est de montrer que rien n'est naturel, mais que tout, au contraire, est construit.
"Subvertir", ça consiste donc, je crois, à montrer que l'ordre social n'est pas naturel mais qu'il est, précisément, social. Ce qui signifirait que le dernier mot de la subversion, c'est : "L'ordre social repose, au fond, sur la violence." Voila à mon avis ce que fait la subversion : Elle dévoile la réalité des contraintes et violences sociales.

Cela signifie que l'horizon de la subversion, c'est la liberté. Au fond, je crois que la subversion fonctionne comme la "critique psychologique" que j'avais proposée je ne sais plus où sur ce forum, c'est-à-dire qu'en mettant à nu la violence sociale, elle espère provoquer un "réveil du sommeil dogmatique".
Mon problème, il est donc toujours le même : Imaginons que quelqu'un veuille entreprendre aujourd'hui, de quelconque manière -et donc, y compris par la subversion- un combat pour la liberté. De quelle liberté pourrait-il s'agir ? Quelle liberté pourrait-il rester à conquérir ?
Ma crainte -et c'est ce qu'essaie d'exprimer le texte précédent qui est donc, à sa manière, subversif je crois- c'est que les contraintes qui restent et dont on pourrait vouloir se libérer soient, elles, véritablement, des contraintes naturelles. J'ai peur qu'il n'y ait plus rien à dévoiler, si ce n'est la nature elle-même. Enfin, c'est une réflexion.
Mais bref, ma question est bien celle-ci : La subversion, soit, mais pourquoi ? Ce qui me frappe, dans les interventions jusqu'ici, c'est qu'il n'y a pas de réponse à la question "pourquoi ?" La subversion semble envisagée comme désirable en soi, et c'est cela que j'aimerais questionner.

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Message par Vargas Dim 13 Juin 2010 - 7:45

@Albatard :
La parodie et le détournement, sont des genres bien distincts.
La parodie est un genre, voire une trope de littérature millénaire. Il s'attache entre autre au style en employant un processus de réécriture, sur un ton comique avec une intention critique. Autre chose en ressort, généralement.

Le détournement est entièrement lié aux moyens matériels, avec réutilisation d'un des canaux matériels identiques - souvent visuel - et relève de l'époque moderne. (1er exemple connu de film situationniste: La dialectique peut-elle casser des briques )

Les jeux de référence que tu évoques pour des films modernes sont eux soit de l'intertextualité, soit de la reproduction de schémas connus à but de divertissement, pas nécessairement avec l'intention de se moquer (en général, l'exemple copié serait finalement plutôt mis en valeur).

Les intentions ne sont pas non plus les mêmes dans les 3 cas. Pas de parenté directe mais des dérivations.

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Message par SShut7pi Mer 16 Juin 2010 - 22:06

@albâtard :

Ici, je m'inscris plus volontiers dans la continuité de Jean Baudrillard (entendu comme lecteur conséquent de Nietzsche et de Lacan) que dans celle des situationnistes, que je ne connais pas mais dont les continuateurs m'horripilent (pour des raisons épidermiques - je serais bien en peine d'argumenter). S'allonger dans les escaliers d'une fac, déguisés en noir, en gémissant et en diffusant de la musique populaire, ça n'inspire que des rêves fascistes d'extermination, pas des nouvelles interprétations d'une subjectivité barrée.

Concernant la sociologie selon-Baudrillard-selon-moi :

- L'enjeu n'est plus classiste ni même groupal : la seule chose qui puisse établir la dignité d'un homme, c'est sa singularité. La singularité s'exprime par le style, c'est-à-dire la manière dont un individu parvient à créer (tout court), en dépit des cartes qui sont les siennes avant l'établissement de sa pensée autonome (données innées et sociologiquement acquises). Il ne s'agit donc plus d'appartenir à un corps comme celui des artistes, des philosophes, des écrivains, des traders, des politiciens, pris comme groupe, mais de s'attacher à élaborer un style, détectable via des observations cliniques, élaborées ou spontanées et esthétiques. En gros, ça veut dire qu'un cuisinier, par sa manière d'appréhender la matière et de prendre en compte les débouchés potentiels pour ses productions, peut s'avérer plus proche d'un essayiste, par son style, que deux cuisiniers entre eux ou deux essayistes entre eux. La construction opérée par un fils de militant fasciste pour exprimer sa singularité dans la création de bandes-dessinées futuristes peut ressembler de très très près à la construction d'une jeune femme avocate en droit des affaires en rupture avec une famille socialiste.

"Toute détermination est une négation" = la seule chose qui vaut en ce monde, c'est de créer malgré toutes les contraintes subies.

- Les productions intellectuelles s'inscrivent dans une logique de consommation : se croire de gauche, c'est prendre du plaisir à s'imaginer révolutionnaire, humaniste, libérateur, messie ; soi-même, ou par projection sur un leader charismatique. Se croire de droite (libérale), c'est prendre du plaisir à se croire hyper individualiste, bestial, soi-disant surhumain, calculateur, etc., soi-même ou.. (voir plus haut). On ne produit guère plus que des expériences directement consommables, malheureusement ou pas ? Psstt.. j'en sais rien. Et je m'en fous.

- Le raisonnement progressiste rationnel est lui aussi intégré à l'économie des signes. Un laïc radical est toujours inconséquent à notre époque, comme toute personne impliquée dans une cause politique. A part quelques terroristes, et encore...

- Ce qu'il nous reste, c'est le travail, jamais terminé, de recherche d'une singularité. Ce qui implique d'abord d'assumer tous nos héritages, personnels et collectifs, ce qui est extrêmement pénible. Ensuite, de faire l'effort de rendre ce qui reste de notre perception = une absurdité.

En un mort mot (hahaah, joli lapsus), être subversif, c'est créer un original, plutôt qu'une copie. Dès lors, c'est la figure de l'entrepreneur qui incarne au mieux la subversion : entrepreneur industriel, de morale, d'idées, artistique, etc. Le point commun étant qu'il est insensible aux illusions de légitimité des entreprises, institutions ou doctrines en place, tout en reconnaissant sa dette envers elles. C'est l'extension du domaine de l'entrepreneuriat, rendue possible par la conjonction de l'irréalité de l'entreprise comme machine à faire du fric (elle n'est qu'une machine à produire des objets ou des services) et de la professionalisation du travail libre.

@bergame :

Ici, je parle de l'hypertrophie du procès de mise en valeur versus le procès du travail (valeur d'usage versus valeur d'échange). Une fois posée l'hypothèse selon laquelle le réel a disparu, que nous sommes au-delà du royaume de la nécessité, alors il faut admettre que la valeur d'un bien est plus que majoritairement composée de marketing.

Cela s'applique aussi à la marchandise humaine. Réussir en entreprise, c'est désormais avant tout un travail de comédien. Mais je ne dis pas ça de façon péjorative (même si, il est vrai, j'ai dit "sans rien foutre", par réflexe petit-bourgeois).

Au contraire, pourtant, je pense que l'on assiste à une "extension du domaine du travail". Créer des modalités de relations, c'est créer de la valeur. Ainsi, faire semblant de travailler de façon élégante est devenu un véritable travail. Et c'est "logique", à partir du moment où la majorité de la production est tournée vers des choses non utiles, non nécessaires et non naturelles (ça a toujours été le cas, mais on ne le voit que maintenant).

PS : désolé si je suis obscur, mais c'est une conséquence de ce qui vient d'être très brièvement développé.

PS2 : le style dit "obscur" est une affaire d'histoire personnelle : pour moi, dire que "la réalité disparait" ou que "la guerre du Golfe n'a pas eu lieu", c'est hyper hyper concret.

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Message par Solal Solal Sam 19 Juin 2010 - 17:30

Je prend le train en marche, et ce n'est pas facile... Je vais essayer d'avancer un peu dans ce qui a été dit - je suis parfaitement incapable ne serait-ce que de comprendre le post de Sutupi (ce qui n'est pas un reproche).

Il me semble que l'idée de Bergame est juste. La subversion est un [procédé]. Il peut, disons [permettre d'avancer]. Question connexe : est-ce qu'un acte subversif doit être nécessairement médiatisé ? Est-ce que je peux être subversif en écrivant des quatrains pourris à 3h du matin parce que je suis fou amoureux d'une nana depuis 5 ans sans lui avoir jamais adressé la parole ? Si oui, alors la fonction de l'acte subversif est de montrer.

Sutupi, tu parle du style comme "la seule chose qui puisse établir la dignité d'un homme" (reprends-moi si je t'ai mal lu, enfin si ça se voit 8]). C'est ça le but de la subversion ? Est-ce que ce n'est pas plutôt un acte politique ou moral ? Tiens, j'en tiens une bonne : est-ce que je peux baser ma vie sur la subversion ? La subversion doit-elle être désintéressée ?

Et puis : quelqu'un aurait-il un exemple de personne subversive ? Et que pensez-vous du mien : si la subversion est une norme (enfin justement pas la subversion, n'est-elle pas toujours contre la norme ? mais plutôt disons la revendication, la vindicte, tous ces trucs moches et bruyants), est-ce que mon voisin paysan qui se fout de la subversion, de la norme, mais pas du 2-0 Mexique/France est subversif ? Parce qu'il constitue une sacré bonne grosse partie de la population, il me semble.

(Ceci étant dit, j'ajouterais concrètement que je ne pense pas qu'on ne puisse plus faire rougir une pucelle, je ne pense pas non plus que tout le monde a vu des pornos à 13 ans - Wedekind le pensait déjà (=> L'éveil du Printemps) et c'était il y a un siècle). Je pense d'ailleurs que l'un de nos problèmes est qu'il n'est pas besoin d'avoir cliqué sur le bouton "play" d'un porno pour en avoir la mémoire saturé - c'est diffus (et on retombe sur les situs !)).

Si ça peut relancer le débat... Quelqu'un peut-il me dire comment on fait pour citer avec des noms ?
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Message par Moi Sam 19 Juin 2010 - 23:33

Est-il encore possible d'être subversif ? 215512
Je me demandais si le problème n'est pas que la subversion est seulement fantasmée. Je veux dire elle passe par le média non? Si vous vous avancez vers quelqu'un dans la rue (une jeune fille par exemple) et que vous lui dites que vous avez envie du lui faire l'amour comme ça dans l'instant et dans le lieu n'est-ce pas subversif?
Parce que je ne pense pas qu'il y a une véritable faillite des vieux ordres. On joue à ne plus les voir c'est tout.
Bref l'action dans la rue est subversive je pense.


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Message par Vargas Dim 20 Juin 2010 - 1:08

Solal Solal a écrit:
Si ça peut relancer le débat... Quelqu'un peut-il me dire comment on fait pour citer avec des noms ?

il y a un bouton "citer" en haut de chaque message :)

Sinon voici le code pour la la citation de ton message que je fais dans ce post:

Code:
[quote="Solal Solal"]
Si ça peut relancer le débat... Quelqu'un peut-il
me dire comment on fait pour citer avec des noms ?
[/quote]

il y a un bouton "citer" en haut de chaque message :)

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Message par Bergame Dim 20 Juin 2010 - 14:43

Moi a écrit:Est-il encore possible d'être subversif ? 215512
Je me demandais si le problème n'est pas que la subversion est seulement fantasmée. Je veux dire elle passe par le média non? Si vous vous avancez vers quelqu'un dans la rue (une jeune fille par exemple) et que vous lui dites que vous avez envie du lui faire l'amour comme ça dans l'instant et dans le lieu n'est-ce pas subversif?
Parce que je ne pense pas qu'il y a une véritable faillite des vieux ordres. On joue à ne plus les voir c'est tout.
Bref l'action dans la rue est subversive je pense.
Intéressant. Les medias formateraient en quelque sorte la subversion, l'utilisant pour générer de l'audience et la rendant du même coup inoffensive. C'est ce que tu veux dire ?
Mais alors, ça ne rentrerait pas dans ma propre définition de la subversion, parce que je ne crois pas que les medias pratiquent beaucoup le dévoilement.
Qu'est-ce que tu appelles "subversif", alors, toi (enfin, moi) ? C'est quoi, la subversion, finalement ? Un acte contre la norme, dit Solal Solal. Admettons, mais quelle norme ? Y a-t-il seulement une norme, aujourd'hui ?

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Message par Moi Dim 20 Juin 2010 - 15:14

Oui un acte contre la norme, la tendance générale.... Mais il est possible qu'il en existe plusieurs : la libération des moeurs, les vieilles idées de vertu et de morale, l'humanisme. C'est le flou total.
Mais ce qui est à dénoncer c'est l'affirmation de chaque tendance comme indiscutable par ses partisans.


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Message par Moi Dim 20 Juin 2010 - 15:26

En fait on a bien intégré le fait que tout est permis, vu qu'aucune valeur n'existe a priori.


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