La philosophie de Hegel : par où débuter ?
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Courtial
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La philosophie de Hegel : par où débuter ?
Il faut avouer que la philosophie hégélienne tient une place particulière dans l'histoire de la philosophie. Hegel est souvent présenté comme le couronnement d'une certaine philosophie métaphysique, pour ne pas dire de la philosophie ; c'est une philosophie d'extension extrême, c'est tout ou rien. Dans les études de philo, on la rencontre généralement à deux occasions : ou bien de façon minimale, en terminale, dans les concepts de "ruse de la Raison", de "dialectique du maître et de l'esclave" ; ou bien de façon maximale, avec des profs plus hégéliens que philosophes, plus hégéliens que profs, qui vous diront "Ça, Hegel l'a déjà dit" ou "Tout est dans Hegel".
Il s'ensuit un véritable vertige pour le jeune étudiant (je parle pour moi), qui n'arrive pas à se repérer dans cette articulation infiniment trinitaire de concepts majusculés tels que Idée, Concept, Absolu, En-soi, Pour-soi, etc. On rétorquera qu'il s'agit d'une "philosophie sans évidence", manière de baptiser le problème plutôt que de le résoudre.
Je me suis tourné vers le Vocabulaire de Hegel en collection Ellipses par Bernard Bourgeois : cet outil, généralement très pratique pour aborder un auteur, s'avère dans ce cas précis assez aride, supposant une connaissance préalable des principales intuitions hégéliennes. Or il semble bien que tout se joue avec des intuitions, des connivences, qui entourent d'un certain mysticisme cette philosophie.
J'imagine faire partie de cette fraction étudiante réfractaire aux discours pro-hégéliens qui n'arrive pas à entrer dans une réflexion, parce qu'on lui demande d'abord d'y croire, de s'y convertir avant même que de la lire, de la comprendre et l'incarner. Ma question est la suivante : y a-t-il un texte particulièrement accessible pour entrer dans sa philosophie ? Généralement, il y a deux réponses : la première consiste à dire qu'il faut lire L'Esthétique, j'en ai déjà lu mille pages, et me sens toujours aussi loin de le comprendre ; la seconde à éconduire vers La Logique, mais le texte est incontestablement difficile.
Il s'ensuit un véritable vertige pour le jeune étudiant (je parle pour moi), qui n'arrive pas à se repérer dans cette articulation infiniment trinitaire de concepts majusculés tels que Idée, Concept, Absolu, En-soi, Pour-soi, etc. On rétorquera qu'il s'agit d'une "philosophie sans évidence", manière de baptiser le problème plutôt que de le résoudre.
Je me suis tourné vers le Vocabulaire de Hegel en collection Ellipses par Bernard Bourgeois : cet outil, généralement très pratique pour aborder un auteur, s'avère dans ce cas précis assez aride, supposant une connaissance préalable des principales intuitions hégéliennes. Or il semble bien que tout se joue avec des intuitions, des connivences, qui entourent d'un certain mysticisme cette philosophie.
J'imagine faire partie de cette fraction étudiante réfractaire aux discours pro-hégéliens qui n'arrive pas à entrer dans une réflexion, parce qu'on lui demande d'abord d'y croire, de s'y convertir avant même que de la lire, de la comprendre et l'incarner. Ma question est la suivante : y a-t-il un texte particulièrement accessible pour entrer dans sa philosophie ? Généralement, il y a deux réponses : la première consiste à dire qu'il faut lire L'Esthétique, j'en ai déjà lu mille pages, et me sens toujours aussi loin de le comprendre ; la seconde à éconduire vers La Logique, mais le texte est incontestablement difficile.
Chesnay- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 01/08/2009
Re: La philosophie de Hegel : par où débuter ?
Chesnay a écrit:J'imagine faire partie de cette fraction étudiante réfractaire aux discours pro-hégéliens qui n'arrive pas à entrer dans une réflexion, parce qu'on lui demande d'abord d'y croire, de s'y convertir avant même que de la lire, de la comprendre et l'incarner. Ma question est la suivante : y a-t-il un texte particulièrement accessible pour entrer dans sa philosophie ? Généralement, il y a deux réponses : la première consiste à dire qu'il faut lire L'Esthétique, j'en ai déjà lu mille pages, et me sens toujours aussi loin de le comprendre ; la seconde à éconduire vers La Logique, mais le texte est incontestablement difficile.
Schelling : les âges du monde.
Paracelse (càd. Theophrastus Bombastus van Hohenheim).
Kojève : Introduction à Hegel.
Wahl : Études kierkegaardiennes.
Au 4ème chapitre de la Phéno de l'Esprit de Hegel, Marx, Le Capital.
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L'homme ordinaire est exigeant avec les autres.
L'homme exceptionnel est exigeant avec lui-même.
Marc-Aurèle
Re: La philosophie de Hegel : par où débuter ?
Tu me sembles déjà très familier avec la philosophie et le lexique hégéliens, donc je me vois vraiment mal te conseiller tel ou tel bouquin... Je suis entré dans la Phénoménologie grâce à Kojève, c'est indéniablement stimulant mais il faut ensuite du temps et pas mal de lectures pour s'en déprendre. Bref c'est plutôt une lecture de complément.
Effectivement. Disons qu'il y a dans la lecture de Hegel beaucoup à "deviner". Comme dans toutes les mystiques, c'est cette difficulté, cette opacité du langage mêmes qui garantissent la plasticité de la doctrine, et donc son pouvoir de séduction. Le lecteur de la philosophie hégélienne doit y mettre beaucoup de lui-même, et c'est cela qui la différencie de beaucoup de ses homologues, ou qui en fait au contraire, pour certains, le "summum" de la philosophie (un universel à même d'accueillir et d'absorber l'infinité des particuliers). On ne peut pas pour autant accuser Hegel, même si c'est tentant, de "logomachie" ou de "terrorisme langagier" (c'est en somme le reproche que lui faisait Schopenhauer, pour lequel cette philosophie n'était qu'un miroir aux alouettes, un langage affranchi de tout contenu) : son langage fait système et c'est une condition, un aspect du système. "Penser, c'est généraliser", écrit-il quelque part. Et cette généralisation s'exerce dans et par le langage, par l'intermédiaire du concept.
Le mieux serait peut-être encore de se familiariser avec les principales lectures et les principales intuitions de Hegel, en revenant à sa vie. On ne peut pas comprendre sa philosophie, je crois, et notamment son esthétique, sans prendre la mesure de son admiration pour l'Antiquité gréco-latine. Et on ne peut pas non plus prendre conscience de ce que cette philosophie a de "merveilleusement concret" (dixit l'un de ses plus féroces critiques, Rudolf Haym) sans se confronter à la culture véritablement encyclopédique de Hegel, sans toucher du doigt sa capacité à régenter une somme de connaissances qui faisait aussi de lui l'un des érudits les plus extraordinaires de son temps.
Outre les biographies de Rosenkranz (ancienne) et de Jacques d'Hondt (récente), tous deux hégéliens, est parue il y a peu la première traduction française (par Pierre Osmo) d'une oeuvre importante : Hegel und seine Zeit de Rudolf Haym, un hégélien "repenti". Lorsqu'il écrit les cours qui constituent ce livre, dans les années 1860, Haym est un kantien qui manque sans doute de documentation (il est moins disert que les biographes modernes sur les sources de la pensée hégélienne) mais qui analyse de façon particulièrement pénétrante et le discours, et l'intention fondamentale, et la genèse de la philosophie hégélienne.
Il y a des pages magnifiques mais surtout limpides sur le langage hégélien ("une sphère lisse plus facile à faire rouler qu'à saisir"), un inventaire des grands événements de la pensée de Hegel (l'appropriation de la tragédie grecque, la réflexion sur la figure du Christ, la Révolution française, la rupture avec Schelling, etc). Cela peut être une entrée intéressante, avant de se confronter au reste.
(En ce qui concerne encore le "vocabulaire" de Hegel, a paru récemment chez les Empêcheurs de penser en rond un nouveau commentaire de la Phénoménologie de l'Esprit, que je n'ai pas encore lu, mais qui en reprend le fil par explication successive des concepts et des figures employés par Hegel : Jean-Clet Martin, Une intrigue criminelle de la philosophie. Lire la Phénoménologie de Hegel. Tu peux en consulter les premières pages sur le site de La Découverte : http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Une_intrigue_criminelle_de_la_philosophie-9782359250008.html)
Or il semble bien que tout se joue avec des intuitions, des
connivences, qui entourent d'un certain mysticisme cette philosophie.
Effectivement. Disons qu'il y a dans la lecture de Hegel beaucoup à "deviner". Comme dans toutes les mystiques, c'est cette difficulté, cette opacité du langage mêmes qui garantissent la plasticité de la doctrine, et donc son pouvoir de séduction. Le lecteur de la philosophie hégélienne doit y mettre beaucoup de lui-même, et c'est cela qui la différencie de beaucoup de ses homologues, ou qui en fait au contraire, pour certains, le "summum" de la philosophie (un universel à même d'accueillir et d'absorber l'infinité des particuliers). On ne peut pas pour autant accuser Hegel, même si c'est tentant, de "logomachie" ou de "terrorisme langagier" (c'est en somme le reproche que lui faisait Schopenhauer, pour lequel cette philosophie n'était qu'un miroir aux alouettes, un langage affranchi de tout contenu) : son langage fait système et c'est une condition, un aspect du système. "Penser, c'est généraliser", écrit-il quelque part. Et cette généralisation s'exerce dans et par le langage, par l'intermédiaire du concept.
Le mieux serait peut-être encore de se familiariser avec les principales lectures et les principales intuitions de Hegel, en revenant à sa vie. On ne peut pas comprendre sa philosophie, je crois, et notamment son esthétique, sans prendre la mesure de son admiration pour l'Antiquité gréco-latine. Et on ne peut pas non plus prendre conscience de ce que cette philosophie a de "merveilleusement concret" (dixit l'un de ses plus féroces critiques, Rudolf Haym) sans se confronter à la culture véritablement encyclopédique de Hegel, sans toucher du doigt sa capacité à régenter une somme de connaissances qui faisait aussi de lui l'un des érudits les plus extraordinaires de son temps.
Outre les biographies de Rosenkranz (ancienne) et de Jacques d'Hondt (récente), tous deux hégéliens, est parue il y a peu la première traduction française (par Pierre Osmo) d'une oeuvre importante : Hegel und seine Zeit de Rudolf Haym, un hégélien "repenti". Lorsqu'il écrit les cours qui constituent ce livre, dans les années 1860, Haym est un kantien qui manque sans doute de documentation (il est moins disert que les biographes modernes sur les sources de la pensée hégélienne) mais qui analyse de façon particulièrement pénétrante et le discours, et l'intention fondamentale, et la genèse de la philosophie hégélienne.
Il y a des pages magnifiques mais surtout limpides sur le langage hégélien ("une sphère lisse plus facile à faire rouler qu'à saisir"), un inventaire des grands événements de la pensée de Hegel (l'appropriation de la tragédie grecque, la réflexion sur la figure du Christ, la Révolution française, la rupture avec Schelling, etc). Cela peut être une entrée intéressante, avant de se confronter au reste.
(En ce qui concerne encore le "vocabulaire" de Hegel, a paru récemment chez les Empêcheurs de penser en rond un nouveau commentaire de la Phénoménologie de l'Esprit, que je n'ai pas encore lu, mais qui en reprend le fil par explication successive des concepts et des figures employés par Hegel : Jean-Clet Martin, Une intrigue criminelle de la philosophie. Lire la Phénoménologie de Hegel. Tu peux en consulter les premières pages sur le site de La Découverte : http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Une_intrigue_criminelle_de_la_philosophie-9782359250008.html)
Plus Oultre- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 11/02/2008
Re: La philosophie de Hegel : par où débuter ?
De Hegel lui-même, je conseille : Encyclopédie des sciences philosophiques, Concept préliminaire (édition de 1827-30), trad. Bourgeois, pp 283-345.
Il y donne une vue d'ensemble de son système, de son rapport avec les autres philosophies, et ceci d'une façon relativement abordable, pas trop jargonnante.
D'une manière générale, quand Hegel s'adresse à des étudiants (donc dans les Leçons : Esthétique, Histoire de la philo, Philo de l'histoire, Philo de la religion), il est naturellement plus lisible que quand il publie un bouquin, qui est à destination des philosophes (Phéno, Grande logique).
Il y donne une vue d'ensemble de son système, de son rapport avec les autres philosophies, et ceci d'une façon relativement abordable, pas trop jargonnante.
D'une manière générale, quand Hegel s'adresse à des étudiants (donc dans les Leçons : Esthétique, Histoire de la philo, Philo de l'histoire, Philo de la religion), il est naturellement plus lisible que quand il publie un bouquin, qui est à destination des philosophes (Phéno, Grande logique).
Courtial- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2030
Date d'inscription : 03/07/2008
Re: La philosophie de Hegel : par où débuter ?
Bonjour,
Le plus solide point de départ pour aborder l'oeuvre hégélienne, et de loin, m'apparaît être le suivant :
G.W.F. HEGEL. BIBLIOGRAPHIE D’INITIATION
Bibliographie sélective, méthodique, progressive et commentée proposée au néophyte francophone des études hégéliennes
Bibliographie sélective, méthodique, progressive et commentée proposée au néophyte francophone des études hégéliennes
Site accessible en : dx.doi.org/doi:10.1522/030141321
Espérant avoir été utile, je salue la confrérie.
Frédéric- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1
Date d'inscription : 01/02/2013
Re: La philosophie de Hegel : par où débuter ?
hks a écrit:Article : " La raison comme lemme philosophique ou « Der Instinkt der Vernünftigkeit » — pour accoster Hegel " par Jean-Luc Gouin.
Je souligne :
Je relève, page 291 :
Gouin a écrit:" Sans doute parce que cette conception de l'Absolu demeure profondément enracinée dans les esprits, Hegel travaillera ardemment sa vie entière (et bien avant Marx et Nietzsche) à démystifier ce monde-vérité inaccessible à la raison . Comme dans les discussions précédentes, on maintient derechef une dualité. Il y a la réalité — qui cette fois intégrerait la raison — et l'au-delà de la raison et, subsé-quemment, de la réalité. La conséquence fondamentale de cette approche conduit évidemment à devoir admettre que la raison ne peut discourir de cet Absolu dont elle est exclue. On ne réfléchit pas l'Absolu : on le reçoit, on le sent, on le vit, car il se révèle intérieurement par la belle-âme [die schône Seele), « cette génialité morale qui sait que la voix intérieure de son savoir immédiat est voix divine (gôttliche Stimmè) . » Et puisque la raison se voit contestée au départ, tout commentaire devient du même coup totalement superflu sinon dérisoire ".
Page 292 :
Gouin a écrit:" Ainsi, la thèse qui soutient que la raison ne peut légiférer ni se prononcer sur l'Absolu — qui serait pourtant lui-même la source dernière de tout sens — chemine vers des implications totalement contradictoires. Il faut se rendre à l'évidence que soustraire l'Absolu à la raison signifie le remettre tout bonnement au premier venu. Il est de plus très étonnant que l'on conserve tout de même à la raison ses droits « en dehors » de cet univers tabou. La raison, en effet, peut continuer à philosopher, à manipuler les théorèmes mathématiques et à s'échiner à comprendre le monde. Pourtant le Vrai, le Sens, lui échappe. L'auteur de la Phénoménologie a cerné ce paradoxe dans une formule extraordinairement démystificatrice, où il constate que cette vision du vrai : " présuppose que l'Absolu se trouve d'un côté, et elle présuppose que la connaissance se trouvant d'un autre côté, pour soi et séparée de l'Absolu, est pourtant quelque chose de réel. En d'autres termes, elle présuppose que la connaissance, laquelle étant en dehors de l'Absolu est certainement aussi en dehors de la vérité, est pourtant encore véridique. On est définitivement empêtré dans un non-vrai vrai et un vrai non vrai. La raison est vraie en son lieu, local, hors duquel elle tomberait dans l'erreur. D'autre part, l'Absolu, qui est le vrai, devient l'illustration du faux en se réduisant au contenu particulier de la conscience individuelle. C'est à ne plus s'y retrouver ". Un dernier rempart semble toutefois subsister sur les vestiges de cette problématique de l'Absolu-Vrai. On prétend que la déconstruction hégélienne rate son objectif car il n'y aurait qu'un Absolu, bien que celui-ci puisse demeurer objet de la conscience personnelle. D'où l'inanité apparente du jugement de notre auteur qui, lui, voit plutôt en ce dédale la multitude des « absolus » de toutes les consciences. Fort bien, répond Hegel. Mais alors, comment s'assurer que l'Absolu dont on parle est bien le même pour chacun, et qu'il exprime ce vrai sans lequel toute certitude — de la foi comme de la raison — s'estompe dans l'aléatoire ? " ... Comment savoir, en effet, si réellement il n'y a qu'un seul Absolu — auquel répondraient toutes les consciences — s'il demeure précisément absolument inconnu ? Affirmer que cet Absolu se nomme Dieu, le Vrai ou le Sens ne nous avance guère, une fois de plus. Car si l'on s'en tient à ces termes génériques, on laisse de nouveau à la conscience la liberté de leur assigner le contenu qu'il lui plaira bien de choisir.
Page 294 :
Gouin a écrit:" Or ce contenu, loin d'être envisagé comme la limite du philosopher, en constitue au contraire le véritable point de départ et ne cessera d'en être l'objet. Puisque rien de signifiant ne peut être dit hors de la raison, et que celle-ci se dévoile comme l'irréductible source de sens en deçà et au-delà de laquelle la vérité devient mot léger comme neige au vent, il devient clair que l'entreprise philosophique braquera son discours sur la raison elle-même. Si en effet la philosophie cherche « la vérité des choses », elle cherche littéralement leur raison, le sens qui les habite ".
Page 294 :
Gouin a écrit:" À partir de ces lignes, s'impose une cruciale constatation : la Raison n'est point un postulat du penser hégélien. La Raison demeure l'horizon sur lequel se dessinent tous les possibles — connus ou à connaître. Hegel n'a pas « choisi » la rationalité comme d'autres philosophes « optent » pour la vertu, la substance ou la matière. Comme nous tous, il est choisi par elle. Pour en avoir pris conscience et avoir désiré comprendre cette Raison, il récupère déjà pour ainsi dire tout discours de sens. À ce titre, l'auteur demeure indépassable, et nous n'en finirons sans doute jamais de débattre avec et autour de lui ".
Je suis d'accord avec cela (la citation ci-dessus, sauf la fin). Et pourtant, cela ne fait pas de moi un hégélien, ni d'Hegel un philosophe indépassable. Pourquoi ? La Raison d'Hegel reste prisonnière du cogito tel qu'exprimé dans le " Discours ", ce qui induit chez lui un renversement dialectique copernicien, que Marx " corrigera ", en jetant, " en passant ", la Conscience de Soi (et on a vu ce que ça donnait, je dis, classiquement, " le Bolide marxiste "). Et donc Hegel, Grand apôtre, prophète, stakhanoviste (comme moi : pas de transcendance sans connaissance) de la Raison, se retrouve tout de même, in fine, en dernier lieu, tout de même, métaphysiquement stérile. C'est affreux, infiniment triste. Dans les anciens messages ci-dessus je vois, je souligne ce qui rejoint mon propos :
Plus Oultre a écrit: On ne peut pas pour autant accuser Hegel, même si c'est tentant, de "logomachie" ou de "terrorisme langagier" (c'est en somme le reproche que lui faisait Schopenhauer, pour lequel cette philosophie n'était qu'un miroir aux alouettes, un langage affranchi de tout contenu) : son langage fait système et c'est une condition, un aspect du système. "Penser, c'est généraliser", écrit-il quelque part. Et cette généralisation s'exerce dans et par le langage, par l'intermédiaire du concept.
Page 295 :
Gouin a écrit:" On comprendra mieux dès lors la profondeur des propos qu'il tint quelques jours à peine avant sa mort à Berlin lorsque, au sujet des catégories de la raison, il affirmait que loin de les posséder, nous étions plutôt « possédés par elles (sie uns im Besitz haben) ».
Exact !
Page 295 :
Gouin a écrit:" Mais si effectivement la réalité n'est pas étrangère à la rationalité, il nous reste à comprendre de quelle façon la première manifeste la seconde. Car, par le détour synthétique de la confrontation de la rationalité à l'« a-rationalité » (et donc de façon indirecte ou seulement négative), on a découvert en effet que le rationalisme hégélien ne constitue pas un point de départ à justifier, mais bien une « conséquence » à expliciter. Cadeau de Grec ! "
Oh oui ! Et l'auteur rappelle en note ce cri désespéré du " Sophiste " de Platon :
Page 298 :
Gouin a écrit: " C'est le Sophiste (248e – 249a, traduction Chambry) qui retentit comme en écho de désespérance du fond des siècles : " Mais par Zeus ! nous laisserons-nous si aisément persuader que le mouvement, la vie, l'âme, la pensée n'ont vraiment pas de place en l'être absolu, qu'il ne vit ni ne pense, et que, vénérable et sacré, dénué d'intelligence, il reste figé et sans mouvement ? "
Le Sens, et, mieux, la Raison, humains, sont tout simplement enfants de l'Absolu. Impossible pour elle d'approcher l'Absolu ? Bah non, dans le sens inverse, elle l'alimente en permanence. Et, oui, il y a un Absolu universel, commun à tout Sujet de notre espèce, sinon, on ne pourrait même pas ne pas être d'accord !, etc.
_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: La philosophie de Hegel : par où débuter ?
pour aborder hegel, l'idéal est de ne surtout pas lire la gnose, qui fait dire tout et n'importe quoi à hegel, suivant qu'on est de droite ou de gauche.
le mieux est de commencer par les morceaux choisis en livre de poche, par lefebvre et gutterman.
[ il est utile aussi de prendre connaissance de spinoza et héraclite (pour savoir d'où il vient) et de kant et schopenhauer (pour savoir contre quoi il s'érige). ]
le mieux est de commencer par les morceaux choisis en livre de poche, par lefebvre et gutterman.
[ il est utile aussi de prendre connaissance de spinoza et héraclite (pour savoir d'où il vient) et de kant et schopenhauer (pour savoir contre quoi il s'érige). ]
denis_h- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 683
Date d'inscription : 24/11/2020
denis_h- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 683
Date d'inscription : 24/11/2020
Re: La philosophie de Hegel : par où débuter ?
oui bonDenis H a écrit:pour aborder Hegel, l'idéal est de ne surtout pas lire la gnose,
Hegel aurait été plus clair, il n'y aurait pas besoin (peut- être) de commentateurs. Mais ce n'est pas le cas.
...........................................................................
Un détail
Je ne pense pas qu'il se soit "érigé" contre Schopenhauer, en revanche oui contre Fichte et Schelling qu'il avait bien connu. Hegel ignora Schopenhauer.
Hegel a été en présence de Schopenhauer,
au moins une fois recensée (lors de l'habilitation de Schopenhauer pour un poste de professeur à l’université de Berlin)
mais pas plus, semble -t -il .
Se sont- ils croisés dans les couloirs ?
Hegel (decès en 1831) l'a -t- il lu ? C'est fort peu probable.
...................................
Il aura fallu la publication des Parerga et Paralipomena en 1851 pour qu’un public plus large s’intéresse à Schopenhauer.'je cite)
...........................................................................
hks- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/10/2007
Re: La philosophie de Hegel : par où débuter ?
neopilina a écrit:Et donc Hegel, Grand apôtre, prophète, stakhanoviste (comme moi : pas de transcendance sans connaissance) de la Raison, se retrouve tout de même, in fine, en dernier lieu, tout de même, métaphysiquement stérile. C'est affreux, infiniment triste.
je trouve votre propos outrancier.
hegel fourmille de pages géniales et capitales dans l'histoire de la philosophie.
il faudrait essayer de sortir du tout ou rien : soit hegel a tout dit et il ne reste que plus qu'à dire amen et à se taire, soit hegel s'est trompé sur tout et est "métaphysiquement stérile".
eh bien non. on peut lire hegel en morceaux choisis (700 pages quand même) sans se taper l'intégrale et en tirer profit.
denis_h- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 683
Date d'inscription : 24/11/2020
Re: La philosophie de Hegel : par où débuter ?
Certes et je présume qu' ils ont bien choisis.Denis H a écrit:on peut lire Hegel en morceaux choisis (700 pages quand même)
Pour moi la question n'est pas celle de la quantité mais plutôt quelle est son idée principale, son principe, son fondement ?
Lire et comprendre la préface à la phénoménologie de l'esprit c'est déjà tout un programme, ce n'est pas une pensée si évidente
Mais au fondement.
Ceci explique qu’après avoir envisagé en 1829 un élagage et une « refonte » de la Phénoménologie de l’Esprit58, Hegel se résout finalement à se limiter, pour la réédition prévue, à des corrections de forme, comme en atteste la minceur des modifications opérées sur les trente premières pages (les seules à avoir été effectivement révisées) ; ce que confirme une notice manuscrite de 1831, où il est écrit : « travail à vrai dire antérieur, à ne pas refondre »
je cite
https://journals.openedition.org/rgi/1619#bodyftn46
hks- Digressi(f/ve)
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Localisation : Hauts de Seine
Date d'inscription : 04/10/2007
Re: La philosophie de Hegel : par où débuter ?
https://www.erudit.org/fr/revues/philoso/1996-v23-n2-philoso1803/027397ar.pdf
je replace mon lien ici (un excellent texte sur Hegel)
cela dit, la couverture du recueil de textes
je replace mon lien ici (un excellent texte sur Hegel)
cela dit, la couverture du recueil de textes
hks- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 12515
Localisation : Hauts de Seine
Date d'inscription : 04/10/2007
Re: La philosophie de Hegel : par où débuter ?
(
Et c'est très fréquent, du délire, un coup à ne pas acheter le bouquin.
)
hks a écrit:cela dit, la couverture du recueil de textes
Et c'est très fréquent, du délire, un coup à ne pas acheter le bouquin.
)
_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 8364
Date d'inscription : 31/10/2009
Re: La philosophie de Hegel : par où débuter ?
J'avais dejà cité la palme des couvertures débiles
avant il y eut aussi celle ci dessous
décidément quelle est l'idée ?
car en 2007 on avait celle là ( neutre et potable)
...............................................................
et celle là ça donne envi non?
avant il y eut aussi celle ci dessous
décidément quelle est l'idée ?
car en 2007 on avait celle là ( neutre et potable)
...............................................................
et celle là ça donne envi non?
hks- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 12515
Localisation : Hauts de Seine
Date d'inscription : 04/10/2007
Re: La philosophie de Hegel : par où débuter ?
Sur mon exemplaire actuel du " Discours ", il y a un Kandinsky, je n'ai absolument rien contre Kandinsky bien au contraire, mais l'ami René c'est quand même au XVII°, sur les " Manuscrits de 1844 " de Marx, j'ai un truc cubiste de 1919, etc., et on peut voir encore pire donc, le petit pulvérisateur en couverture de William James, on ne trouve pas de mots. Il faut le dire carrément, on se dit qu'une fois ranger " ça " ne se verra plus, tout de même.
Bon, y'a pas d'enjeu, mais on aimera bien savoir, comprendre. Est-ce que par hasard, on fait des " coups " pareils à des auteurs vivants ?
Bon, y'a pas d'enjeu, mais on aimera bien savoir, comprendre. Est-ce que par hasard, on fait des " coups " pareils à des auteurs vivants ?
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C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 31/10/2009
Re: La philosophie de Hegel : par où débuter ?
à vrai dire la quasi totalité des couvertures est convenable
et donc les exceptions choquent
Les rares incongruités se remarquent.
J 'observe les variations sur le long temps des styles (60 ans environ pour les livres de poche)
exemples d'interrogation
et donc les exceptions choquent
Les rares incongruités se remarquent.
J 'observe les variations sur le long temps des styles (60 ans environ pour les livres de poche)
exemples d'interrogation
hks- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/10/2007
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