Il y a un Je
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Il y a un Je
« Il existe un "Je" qui, quoi que le corps, les émotions et les dispositions auxquelles il s'identifie ou s'attache dépérissent, reste le même (c'est ce qu'il lui semble à lui-même), et que pour cette raison on pense non-corporel, et qu'il serait joli de qualifier de signature de Dieu en nous ou d'élément d'éternité ; et qui, quoi qu'on ne sache ce qu'il est, est dispos à entrer en relation avec la raison, les corps, les sentiments, les idées ; en d'autres termes, "Je" semble se présenter comme un lien ou comme une disposition à lier ; il s'offre à la rencontre, entre en relation, mais il sait aussi se détacher - et oublier[...] Ce 'Je' que le sommeil semble oublier, ou qui toutefois s'oublie lui-même dans le sommeil. L'Homme a vieilli, est entré en maladie, s'est épris de quelqu'un, s'en est dépris, s'est senti changé, mais jamais ne s'est-il senti à lui-même fondamentalement différent de lui-même ou 'autre que lui-même' ; et toujours dire 'Je' a eu sensiblement le même sens pour lui.
C'est ce 'Je' qui a été affecté par Gaël, que celui-ci a arraché à lui-même à l'image d'un sommeil éternel ; que l'on a rendu étranger à lui-même, écarté ou dissocié de lui-même, travesti à tel point qu'il est (ce 'Je') incapable de s'incarner en lui-même et de ne rien faire d'autre que penser sa vie et sa propre posture. On l'a rendu si éloigné de lui-même, ce Je, qu'il se sent avec un retard qui le rend désespérément virtuel à lui-même. Je viens de vous dire les effets d'une délocution comme elle se réalise dans l'existence et rend un 'Je' à l'état de déchet ou d'absent.
On m'a, qui plus est, délocuté (délocuté existentiellement) en présence d'un tiers-intrus comme pour désamorcer ma réaction, car on pensait que j'avais une disposition à la menace. J'ai, depuis, plus de souvenirs que si j'avais mille ans ; je suis un cimetière où git l'Histoire de ma propre histoire. Je n'ai cessé, depuis, d'errer dans les rues à la recherche de la dépouille de celui que j'étais lorsque j'étais Moi[...] en espérant qu'elle soit toujours vive. »
C'est ce 'Je' qui a été affecté par Gaël, que celui-ci a arraché à lui-même à l'image d'un sommeil éternel ; que l'on a rendu étranger à lui-même, écarté ou dissocié de lui-même, travesti à tel point qu'il est (ce 'Je') incapable de s'incarner en lui-même et de ne rien faire d'autre que penser sa vie et sa propre posture. On l'a rendu si éloigné de lui-même, ce Je, qu'il se sent avec un retard qui le rend désespérément virtuel à lui-même. Je viens de vous dire les effets d'une délocution comme elle se réalise dans l'existence et rend un 'Je' à l'état de déchet ou d'absent.
On m'a, qui plus est, délocuté (délocuté existentiellement) en présence d'un tiers-intrus comme pour désamorcer ma réaction, car on pensait que j'avais une disposition à la menace. J'ai, depuis, plus de souvenirs que si j'avais mille ans ; je suis un cimetière où git l'Histoire de ma propre histoire. Je n'ai cessé, depuis, d'errer dans les rues à la recherche de la dépouille de celui que j'étais lorsque j'étais Moi[...] en espérant qu'elle soit toujours vive. »
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L'homme ordinaire est exigeant avec les autres.
L'homme exceptionnel est exigeant avec lui-même.
Marc-Aurèle
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