Le lutheranisme anti-libéral
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Le lutheranisme anti-libéral
Sur le plan eschatologique, au regard la tradition paulino-luthérienne, l'homme n'a rien à travailler - il n'y rien sur quoi il puisse travailler : quoi qu'il fasse par lui seul, l'Homme fait le mal. La doctrine luthérienne ne se profil que partiellement comme anti-libérale dans la mesure ou déjà elle disqualifie la notion de mérite. Un théologien luthérien, Tillich, disait dans cette optique a-méritocratique : « la foi, c'est accepter d'être accepté en dépit du fait que l'on soit inacceptable » (In Le courage d'être). Mais si le mal protestant est moraliste, il n'est anti-libéral que partiellement. En effet, cette notion du mal est nouvelle et, en un sens, sans vocation politique. La notion de mal qui prévaut durant la Renaissance est une notion de mal relatif. Du Bellay, par exemple, traite de Rome comme d'un résumé du monde (topos à la Renaissance) en fait finalement un résumé du pire. Ce mal (catholique & Renaissance) était présenté comme une inversion, parfois une perversion du bien (pensez aux inverti). Il s'agissait d'un mal relatif : relatif au bien, à la nature (pour certains, au sens biologique ; pour d'autre au sens essentialiste ; pour d'autre au sens sociologique), relatif à l'ordre établi, aux normes sociales. Cette conception du mal relatif était sous-tendue par une forme méritocrate de pensée : l'homme est capable d'éviter l'inversion, d'adopter une conduite droite, c'est-à-dire bien. Cette doctrine et cette perspective du mal, bien qu'elle conserve sa place sur le plan eschatologique (=ma conduite détermine le Jugement que Dieu a/aura sur moi), emprunte son vocabulaire à la politique libérale (mérite) et aux sciences de la nature (inversion, perversion : "c'est pas naturel, tout ça"). Elle est catholique.
Dans le protestantisme, en revanche, le mal est absolu (non relatif au bien, à la nature, etc.) et il condamne toute tentative de s'en extirper (mérite, prétentions, travail, observances, conduite). A la Renaissance, le protestantisme est atypique (atopos) même au regard de cette attitude et de cette conception du mal. La perspective protestante anglicane, plus pragmatique que le luthéranisme, et assise par une reine qui n'a cure du "religieux pour le religieux", reformule la tendance luthérienne : ce n'est pas que l'homme soit incapable de faire le bien, c'est qu'il soit incapable de bien faire. Une telle formulation, castrée du moralisme luthérien et proprement paulinien, rend compte de la vocation politique du religieux elizabethéen.
Que l'Angleterre et les U.S.A. n'aient pas, dans la pratique, suivi ce modele anglicane semble pourtant problématique. Mon hypothèse et que les résidus moraux de l'anglicanisme se sont disuptés au pragmatisme, et que l'un et l'autre sont inconciliables. Et ce n'est pas Elisabeth 1ère qui allait "racheter" une politique religieuse irréligieuse. Elle préfère une politique religieuse-politique (allitération).
Les Textes attribués à l'apôtre Paul (fer de lance du protestantisme) stipulent que « Il n'y a pas d'homme juste, pas même un seul » (Rom. 3:10). On en trouve encore des exemples ailleurs : « Pourquoi m'appelles-tu bon ? Nul n'est bon sinon un seul, Dieu »(Marc 10:18) qui dit qu'aucun homme n'est bon. « Le juste vit par la foi » (Rom 1:17) dit que celui qui est juste (mais "ça" n'existe pas) vit par la foi. Que l'homme est non seulement incapable de bien faire, mais aussi incapable d'avoir réellement la foi. Cette lecture est apocylptique (cf. Buber) et nuance la notion protestante de devenir-chrétien (qui, elle seule, pouvait laisser place à une forme de libéralisme). A présent, quand bien même le luthéranisme n'a pas tant vocation politique, tout substitut libéral est disqualifié. En effet, le devenir de l'homme serait déterminé par le péché, car le péché nous insuffle un "penchant au mal" (anti-libéral).
Dans le protestantisme, en revanche, le mal est absolu (non relatif au bien, à la nature, etc.) et il condamne toute tentative de s'en extirper (mérite, prétentions, travail, observances, conduite). A la Renaissance, le protestantisme est atypique (atopos) même au regard de cette attitude et de cette conception du mal. La perspective protestante anglicane, plus pragmatique que le luthéranisme, et assise par une reine qui n'a cure du "religieux pour le religieux", reformule la tendance luthérienne : ce n'est pas que l'homme soit incapable de faire le bien, c'est qu'il soit incapable de bien faire. Une telle formulation, castrée du moralisme luthérien et proprement paulinien, rend compte de la vocation politique du religieux elizabethéen.
Que l'Angleterre et les U.S.A. n'aient pas, dans la pratique, suivi ce modele anglicane semble pourtant problématique. Mon hypothèse et que les résidus moraux de l'anglicanisme se sont disuptés au pragmatisme, et que l'un et l'autre sont inconciliables. Et ce n'est pas Elisabeth 1ère qui allait "racheter" une politique religieuse irréligieuse. Elle préfère une politique religieuse-politique (allitération).
Les Textes attribués à l'apôtre Paul (fer de lance du protestantisme) stipulent que « Il n'y a pas d'homme juste, pas même un seul » (Rom. 3:10). On en trouve encore des exemples ailleurs : « Pourquoi m'appelles-tu bon ? Nul n'est bon sinon un seul, Dieu »(Marc 10:18) qui dit qu'aucun homme n'est bon. « Le juste vit par la foi » (Rom 1:17) dit que celui qui est juste (mais "ça" n'existe pas) vit par la foi. Que l'homme est non seulement incapable de bien faire, mais aussi incapable d'avoir réellement la foi. Cette lecture est apocylptique (cf. Buber) et nuance la notion protestante de devenir-chrétien (qui, elle seule, pouvait laisser place à une forme de libéralisme). A présent, quand bien même le luthéranisme n'a pas tant vocation politique, tout substitut libéral est disqualifié. En effet, le devenir de l'homme serait déterminé par le péché, car le péché nous insuffle un "penchant au mal" (anti-libéral).
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L'homme ordinaire est exigeant avec les autres.
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Marc-Aurèle
Re: Le lutheranisme anti-libéral
"Dieu ne peut être adoré dignement que par lui-même." Jan Ruysbroeck l'admirable (catholique)
Ipse- Digressi(f/ve)
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