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Message par Tenzin Dorje Lun 12 Mai 2008 - 21:48

Le voyage confronte ...

... a la foi, tant il est vrai que "croire, c'est s'offrir a la rencontre" selon l'expression bubérienne, et parce que partir est un acte de foi (ouvrir les bras, faire "le grand saut", se servir de ses ailes).

... au prophétisme dans la mesure ou s'ouvrent les sentiers (qui vont se perdre derrière les collines) et pour la place de l'initiative posée par le choix personnel en réponse à "la sévère alternative de l'heure" encore selon l'expression bubérienne.

La sévère alternative de l'heure dit : ou bien tu t'inscrits dans l'existence, ou bien la vie choisi pour toi (et alors tu passes a coté de l'existence).

... au mysticisme tant il est vrai que la relation est le Lieu de Dieu, ainsi qu'il est dit dans le Talmud "quand deux hommes s'entretiennent, l'Eternel réside au milieu d'eux".`Je dis : à la croisée des chemins, c'est-à-dire en Dieu.

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Message par Bergame Sam 17 Mai 2008 - 23:01

Salut Adam, c'est sympa de passer faire un petit bonjour. Ce qui est certain, c'est que le voyage semble profitable.
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Message par Tenzin Dorje Lun 19 Mai 2008 - 2:39

Je passerai probablement plus souvent.

Le voyage (avec une bonne dose de Buber dans les veines, aussi) m'a meme converti, je me sens de plus en plus juif.

Les 4 premiers mois, chez un pote, dans les missions jésuites, j'ai eu l'occasion de beaucoup bosser mes "sujets" favoris : prophétisme et apocalyptique, mystique, tragédie, travail (rapporté au Shabbat).

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Message par Moi Lun 19 Mai 2008 - 18:40

Bonjour Razz
Pour moi voyager permet de mieux connaître le monde, et cela par la découverte de points de vues différents sur tout (vision du monde, de l'homme, religions et croyances, cultures...).
Et grâce à cette diversité rencontrée et comprise, on peut soi-même affiner nos opinions et pensées. On peut ainsi s'améliorer.

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Message par Tenzin Dorje Mar 20 Mai 2008 - 1:26

Je ne sais pas si tu l'as remarqué, moi, mais il n'était pas du tout... mais alors pas du tout dans mon intention d'embrayer sur un "relativisme ethnologique" (terme un peu compliqué pour désigner le genre de choses que tu as dites). Alors restons dans le champ ... bien assez vaste pour susciter des interventions ... du religieux.

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Message par Bergame Mar 20 Mai 2008 - 10:54

Allez tiens, c'est vrai. Partir, c'est un acte de foi. Ce n'est vraiment pas simple de tout laisser derrière soi, c'est même beaucoup plus compliqué qu'on ne l'imagine. C'est à cette minute, d'ailleurs, que les choses prennent de la valeur, c'est là qu'on se rend compte à qui et à quoi l'on est attaché et quelle est la force de ces attachements. Oui, il faut une certaine forme de courage, je le pense aussi, et il faut croire.
Mais croire en quoi ? Est-ce croire en Dieu, ou est-ce croire en soi ? Ou peut-être même autre chose : En le destin, en l'homme, en la vie des hasards et nécessités...
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Message par lanK Mar 20 Mai 2008 - 11:49

Et "heureux qui comme Ulysse.........et est revenu."
Le retour a certainemernt son intérêt,peut-être pour boucler le lien.
Mais est-ce que le retour a une pertinence lors que le voyage est en cours?

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Message par Moi Mar 20 Mai 2008 - 22:42

Je dirais que le voyage est comme un pèlerinage. Il se vit comme un acte de foi profond, et il a un sens dans l'expérience de cet acte, mais aussi dans son but et sa fin. C'est alors qu'on peut tirer toutes les conclusions de l'acte accompli. Mais alors, est-on dans le même état de foi à "l'arrivée" qu'au départ?

P.S. : Désolé si je te reprends trop lanK Razz

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Message par Plus Oultre Mer 21 Mai 2008 - 9:48

L'idée de "pélerinage" met l'accent sur le point d'arrivée.
Or il me semble que c'est précisément ce qui définit le voyage. Je me suis fait la réflexion suivante dans un TGV il y a environ 3 ans, et allez savoir pourquoi, elle m'a marqué : ce qui rend le voyage agréable, ce qui le rend désirable, c'est la conscience d'un point d'arrivée. En ce sens le voyage en tant que tel n'a rien de proprement risqué : c'est une parenthèse. On peut faire semblant d'y congédier les vieux repères, avoir l'impression de se risquer soi-même, croire au nouveau. Mais tout ceci est sans conséquence dès lors qu'on tend vers un port, vers un quelque part.
Essentiellement, le voyage est séquentiel.
Ce que fait Adam, il me semble, c'est bien autre chose, et c'est bien autrement difficile : c'est l'acte voulu et assumé de congédier les repères, c'est simplement partir.
Et partir, partir au sens où je l'entends, c'est à dire sans point de chute envisagé, c'est se redéfinir. Et ça, c'est une idée insupportable au commun des hommes : comment renoncer à soi ?
Cet espace ouvert de temps et d'être indéfinis, en opposition avec le caractère essentiellement séquentiel du voyage, c'est ce qu'on pourrait appeler l'errance.
En ce sens, Adam, tu es aussi un peu plus juif que tu ne peux l'espérer.

Pour ouvrir j'aimerais finir sur deux figures historiques de l'errance comme rupture/ouverture indéfinie :
- la figure de l'exode évidemment : image biblique reprise à l'occasion des grands départs collectifs et autres émigrations (et quelle sera la nouvelle Jérusalem ?). Un temps fort de recours à cette image, c'est bien entendu l'émigration vers les Etats Unis, des premiers Hollandais et Anglais (XVIIe) aux autres Européens (XIX-XXe). A l'échelle individuelle, l'image de l'exode est habitée par de nombreux exilés, même modernes (et souvent de culture juive : pensez à Zweig), où elle vaut comme métaphore de la condition humaine.
- on pourrait penser aussi à la figure beaucoup plus insolite mais beaucoup plus ancrée dans notre présent de... la Révolution française, comme matrice d'une modernité caractérisée par la prise en main par les hommes du façonnement de leurs propres repères et d'eux-mêmes. Moment où l'on accepte que l'avenir donne sa figure à la communauté des hommes, où l'on s'assigne le risque de rompre avec soi pour devenir soi. En 1792, le député Duport disait, en substance : "les ponts sont coupés derrière nous, nous avons nous-mêmes tranché les amarres, et nous voguons sur la mer de l'histoire, vers une destination inconnue".

Désolé d'entacher ton expérience buberienne par ce prosaïsme historique, Adam, mais il me semble que ces deux figures, l'une contrainte, l'autre assumée (mais combien peu assurée), de l'errance, donnent un peu de profondeur significative à ma distinction.
Elles posent aussi la question (ou le constat ?) des conditions du partir : celui-ci est-il possible sans désespoir ou sans euphorie, sans foi ou sans haine de soi ?

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Message par Pierre Rivière Mer 21 Mai 2008 - 19:10

Une perspective sur le voyage qui me semble intéressante est l'espoir, de même que l'appréhension qui s'y attache. Partirait-on vers une destination inconnue si tout nous était indifférent? En ce sens, le voyage inclut l'espoir d'une amélioration de soi. Par la rencontre de l'autre (que ce soit des lieux ou des personnes) on découvre un nouveau rapport à soi. Le regard que porte l'autre sur soi et celui qu'on porte sur l'autre, de même que notre conscience du regard porté vers autrui, permet une remise en question de soi, de ses croyances, de ses valeurs, de son questionnement, en définitive: de ce même regard. Mais cela n'est possible que dans la mesure où on risque l'expérience de la nouveauté, du dépaysement. Dans un environnement trop bien connu, on tourne en rond. On répète les mêmes expériences avec la conscience habituelle de ces expériences. C'est pourquoi la rupture avec le familier doit s'accompagner d'un espoir de porter un regard plus élevé sur le monde, car dans l'indifférence de notre condition n'importe quel état vaut n'importe lequel et dès lors les instincts grégaire du confort et du bien-être triomphe face au risque (pour soi) du voyage. Ce risque de se perdre que nécessite le dépassement de soi est, à mon sens, une des dimensions du tragique; c'est-à-dire du paradoxe entre l'identité et le changement.

De plus, l'espoir n'est possible que par l'appréhension d'une transcendance. D'une voix extérieure qui nous appelle vers nous-même. Ce qui est espéré ne peut être qu'inconnu mais pressenti, dans l'exacte proportion où ce qui est connu fait dès lors partie intégrante de soi. Ainsi, le voyage n'a de sens que comme réponse à un appel et c'est celui-ci qui fait du voyage un pèlerinage puisque l'appel ne s'adresse qu'à soi, excluant donc de la communauté. La solitude est essentielle au pèlerinage. Le reste n'est que tourisme.


P.S.: Il me semble, Plus Oultre, qu'en ce sens le pèlerinage ne s'oppose pas à tout simplement partir. Si le point de chute matériel est seulement le moyen du voyage et que c'est l'expérience du déplacement qui prime, alors le lieu d'arrivé n'est pas la fin du voyage mais un point de transition. Tout dépend si la conscience met l'accent sur le résultat, sur le projet défini ou si elle voit la fin (le point d'arrivé) comme le moyen du véritable but qui est l'expérience du voyage elle-même. Dans ce deuxième cas, le point d'arrivé est toujours sujet à changement. Le pèlerinage n'est pas nécessairement un projet, il peut aussi être un appel.

P.P.S.: J'aimerais bien m'exposer aux commentaires d'Adam...
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Message par Tenzin Dorje Mer 21 Mai 2008 - 20:35

Et si le départ était un saut dans le vide... sans qu'on s'en remette a autre chose qu'au vide ? sans parachute (sans espoir), sans attente. Et si c'était seulement histoire de répondre a "la severe alternative de l'heure", si il était juste question de choisir au lieu de laisser la vie choisir pour soi ? Si il ne s'agissait pas d'autre chose que de sortir du train quotidien qui flambe suite a un accident ? Pas dans l'espoir d'y trouver quelque chose, mais pour fuir les flames.

Et si, simplement ... et si le départ nous clouait le bec a tous ? Et s'il ne pouvait pas composer avec les mots ? C'est ce que je crois. Et pourtant ceux de Plus Oultre demeurent les meilleurs.

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Message par lanK Jeu 22 Mai 2008 - 0:01

Adam a écrit: Si il ne s'agissait pas d'autre chose que de sortir du train quotidien qui flambe suite a un accident ? Pas dans l'espoir d'y trouver quelque chose, mais pour fuir les flammes.

Avant de lire les propos d'Adam,que je retiens aussi,j'avais pensé au jeu,pile ou face,pourquoi pas,...qu'ai-je à perdre ?
J'entend Adam me dire la nécessité au caractère vital.
Alors je pense,que peut-être elle n'est pas nécessaire à tous,ou qu'elle peut s'exprimer sous d'autres modalités.Des commodités.
J'imagine le gars de la chanson auprès de son arbre,celui qui vivait heureux,sûrement au-delà de toutes considérations sur sa façon d'être grégaire,à la mesure de son environnement(je ne sais pas le dire mieux).
Est-il si assuré que, parce qu'on se donnerait le frisson en taquinant l'équilibre,en se dépaysant,(j'ai failli dire en se déterritorialisant*),on accéderait "réllement" à la conscience,de la transcendance,de la présence,de soi,que sais-je ?De l'autre!

Les fleurs dans mon jardin me transportent aussi .




*je ne comprend rien à deleuze,mais j'avais appréciéTheologie du voyage Salutdeleuze_02062002que lekhan avait proposé.

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Message par Tenzin Dorje Jeu 22 Mai 2008 - 1:34

Le plus beau (qui me fait penser au message de Plus Oultre) c'est quand toute l'atmosphère du pays en arrive à te faire penser "'tain, je vais peut-être faire ma vie ici, finalement ; me construire une maison, toussa". La dernière fois que je l'ai ressenti/pensé, c'était il y a quelques semaines lors d'une "fiesta nativa". On faisait des offrandes à la Pachamama au son des flûtes de pan et aux gouttes de trago.

Un autre truc auquel je pense : si l'errance n'est pas séquentielle, les relations le sont. Elles sont fugaces (c'est la croisée des chemins) et on n'a pas besoin d'avoir la main verte pour les cultiver (et elles finiraient par pourrir, alors merde). C'est préférable pour quelqu'un comme moi.

C'est jouissif, aussi, d'inscrire son itineraire (déjà parcouru) sur une map. On aurait l'impression de s'inscrire dans l'existence ou dans le monde.

Mon écriture et ma pensée se désagrègent, aussi - peut-être la pratique quotidienne d'une langue étrangère, et tant d'autres facteurs. Mais ne nous prenons pas la tête. C'est ce que j'ai toujours voulu : ne plus être un de ces merdeux d'intellectuels au langage compliqué (et à la langue de serpent, finalement). Le jour ou je parlerai si peu que le vieil homme d'Hemingway, ce jour-là je vivrai enfin. Fatalement, les mots ne composent pas avec la vie.

Peut-ètre que quelque part, la parole, c'est la mort.

A quoi bon articulier les mots ? Pour donner l'illusion de la vie, comme les theatres de marionnettes ? Je gerbe mes mots, je jette, je ne les reprends plus, et je n'articule pas.


Une ouverture, un espace blanc sur lequel pourrait se dessiner n'importer quoi, une "sacrément belle aventure", un grand saut. On croirait une description du voyage-errance, mais non, c'en est une de la mort.

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Message par Tenzin Dorje Dim 25 Mai 2008 - 2:31

Si je publie un livre sur mon "errance", le titre sera :

- Tu vas où ?
- J'en sais rien ! Tu veux m'aider ?

Et le sous-titre : Bolivie

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Message par Moi Dim 25 Mai 2008 - 9:49

Beau titre, j'adore.

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Message par lekhan Lun 26 Mai 2008 - 18:46

Adam a écrit: la parole, c'est la mort.

A quoi bon articulier les mots ? Pour donner l'illusion de la vie, comme les theatres de marionnettes ? Je gerbe mes mots, je jette, je ne les reprends plus, et je n'articule pas.

Une ouverture, un espace blanc sur lequel pourrait se dessiner n'importer quoi, une "sacrément belle aventure", un grand saut. On croirait une description du voyage-errance, mais non, c'en est une de la mort.


La parole c'est la réalisation du langage. La parole s'inscrit dans l'espace, s'y évapore aussi. La parole c'est encore une marque, encore un lien avec le monde, encore des stries, des fronces, des formes.
La parole c'est affirmer son être au monde, c'est bien souvent parler de soi, des autres, des liens entre les deux. C'est créer son espace autour, son espace-carapace aussi.
La parole c'est l'agencement autour du "moi".

Se taire, ne plus rien dire de soi, c'est devenir l'espace sans en créer un autre. Renoncer à l'objet des souvenirs aussi, aux hétérotopies des mots, aux "libertés" de l'emprisonnement dans la vie. Encore faut il continuer l'ascèse jusqu'en son achèvement, jusqu'à ne plus entendre dans la tête, cette voix constante qui pense, qui dit, qui parle...

Etc. Etc. Blablabla blablabla comme tu dirais. Mais ça me fait quand même penser à la Ritournelle Deleuzienne, cette parole là... Ne plus parler pour accepter les/le chaos?

"J'écris pour vomir". J.Rigaut.
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Message par Tenzin Dorje Lun 26 Mai 2008 - 21:55

Le silence est l'éloquence.

Si je critique la parole, je ne critique pas le langage et il y en a de toutes formes : gestuelle, odeur, couleur, etc. Tout "parle", je veux dire "tout signifie mieux que la parole ne le fait". Oui, le silence c'est l'éloquence, et s'il devient énigmatique, il est en outre érotique.

Mëme le desert me "parle".

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Message par lekhan Mar 27 Mai 2008 - 13:56

La parole est mortification du langage? La danse, le mouvement, l'acte comme recherche du geste pur, du langage pur?

Ce que tu dis me fait penser au théâtre Nô.
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Message par cedric Mar 3 Juin 2008 - 10:02

Salut Adam, "vieille" connaissance,

j'apprécie ce que tu dis sur le voyage. Ceci dit, je ne suis pas d'accord lorsque tu dis que la parole c'est la mort. Au contraire, la parole...c'est la vie. C'est le silence qui est la mort, le silence de l'homme. Le silence te met en contact avec l'absolu. Mais on ne peut pas vivre dans l'absolu, dans la mort. La parole te jette au monde et te renvoie à ta finitude. Le mutisme volontaire est une non acceptation du monde.

Dans une optique clairement religieuse, de celui qui veut sans cesse frayer avec l'absolu, le silence est de mise. Mais celui qui veut vivre au contact de la vie et donc de la finitude doit parler. J'ajouterais même que le "mutisme" entre dans la symptomatologie de l'époque contemporaine, les individus, sans limites, étant abstraits de la réalité et projetés dans des horizons sans fin, infinis, époque de l'autosuffisance car tout individu est son propre infini auto suffisant, plus besoin d'aller vers autrui. C'est le corps sans organes de Deleuze qui fonctionne de manière immobile, statique, l'esprit l'animant se "baladant" selon des influx. Corps sans organes que je critique car il ouvre l'ère de l'asphyxie, de l'autosuffisance, de la non motricité, bref l'ère de la liberté légume sans rapport à autrui. Belle définition de la liberté !

Non, définitivement, la parole c'est la vie ! Après, tu as un esprit religieux, pour toi frayer avec l'absolu est sans doute nécessaire.

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Message par x-ray Mar 3 Juin 2008 - 10:53

Adam a écrit:Le silence est l'éloquence.

Si je critique la parole, je ne critique pas le langage et il y en a de toutes formes : gestuelle, odeur, couleur, etc. Tout "parle", je veux dire "tout signifie mieux que la parole ne le fait". Oui, le silence c'est l'éloquence, et s'il devient énigmatique, il est en outre érotique.

Mëme le desert me "parle".

Un voyage sans parole n'est-il pas comme un voyage sans couleur, sans odeur ? Un voyage sans parole me semble être une errance sans fin. Si c'est pour se taire absolument, autant voyager en soi.

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Message par Tenzin Dorje Mar 3 Juin 2008 - 17:46

je me faisais la réflexion l'autre jour : les mannequins sont réifiés jusqu'a l'os, c'est le statut de la photo qui veut ça. La photo chosifie, elle réifie, elle clochardise, bref, elle vole les âmes. Une expression qui est bien connue même en Bolivie. "Vous voulez-bien être mon objectif instant ?" - que je vous objective, que je vous immortalise.

Tiens ! C'est la photo qui immortalise, et les mots font pareils.

Dans le mème ordre d'idée, j'écrivais hier a propos d'une jeune fille que j'ai cassée : l'innocence ne connait rien à l'amour, mais celle-là seule aime vraiment (celle là qui n'y connait rien).

Religieusement parlant, c'est net, l'homme a une langue de serpent. Il y a des exceptions : les prophètes dont la parole est d'or - mais en réalité, ce n'est pas une parole d'homme. Et puis, pour les chrétiens (dont je ne suis plus) il reste Jésus, le Verbe incarné, celui par qui l'Eternel initie son dialogue avec l'Homme.

En outre, je disais toujours : de mème qu'on fait passer un cauchemar pour comique en en causant, de même on fait passer l'existence pour comique en en parlant. Que traduit la parole ? s'il ne traduit pas la mort, il traduit, au mieux, le comique.

Le silence, je te le rappelle, ce n'est pas l'absence de langage : mes gestes "parlent", mon odeur, ma couleur, ma place, toussa, toussa. Même le desert me parle, et j'imagine qu'il parle plus encore a un psychopathe (pensée précaire, desert de la pensée).

Blabla, blablabla.

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Message par cedric Mar 3 Juin 2008 - 18:21

Adam a écrit: mes gestes "parlent", mon odeur, ma couleur, ma place, toussa, toussa. Même le desert me parle, et j'imagine qu'il parle plus encore a un psychopathe (pensée précaire, desert de la pensée).

Tout ça c'est vrai, même si c'est bien joli, bien poétique, bien philosophique et que la vie ne se résume pas à la poésie et à la philosophie. Mais la parole, la voix, est la possibilité du partage, inadéquate, certes, mais bien ancrée dans le réel, qui colle au monde. La voix comme quelque chose d'inadéquat, de "grossier", quoi qu'on puisse raffiner le dire de manière assez poussée. La voix est un insaisissable qui maintient la tension. On ne peut pas l'attraper, la saisir.

Refuser la parole orale, c'est refuser le monde. C'est n'accepter qu'une partie du monde, la partie idéale. Or, le monde, c'est aussi le fini, le décevant, le concret. Aimer le monde, c'est aimer ses deux dimensions. Et n'aimer que la dimension absolue, poétique...c'est...du nihilisme !

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Message par Pierre Rivière Mar 3 Juin 2008 - 19:46

L'esprit s'objective dans ses créations, et par là même occasion il s'aliène. La continuation de son déploiement nécessite la reprise destructrice de ses produits. Platon a brûlé ses tragédies et la transmission écrite du savoir lui déplaisait. Si j'ai bien saisi la pensée d'Adam, de même que l'esprit se voile par ses créations, la vie s'aliène dans ses productions. Attacher une trop grande importance à ses biens matériels, ses lieux de séjour, c'est se perdre en eux. Ainsi, la parole c'est la mort parce qu'elle objective (immortalise) et voile le mouvement de la pensée et de la vie qui s'exprime en elle. Le verbe créateur est un paradoxe.

Par contre, comme possibilité de faire revivre la pensée pour autrui à partir du symbole, la parole est aussi un partage. Celui qui n'est pas le créateur perçoit le symbole comme une voie d'accès vers une monde plus élevé. La possibilité de partager une existence supérieure pour un court instant. Qui n'est pas emporté par une symphonie de Beethoven ou Mozart?

Saisi par la seule dimension de la création, le symbole est aliénation. Mais dans son rapport dialogique, le symbole est une occasion de partage et de transmission du déploiement de l'esprit à autrui, et principalement à une autre génération.

Toutefois, la parole ne colle pas au monde...

Thèse+Antithèse=Synthèse
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Message par cedric Mar 3 Juin 2008 - 20:32

La parole est tout de même un ancrage dans le monde.

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Message par Vargas Mar 3 Juin 2008 - 21:00

Petite distinction : la parole est la mort quand elle est parole usée.

Je pense par exemple à Ricoeur qui parle de métaphore vive, partie poétique à réhabiliter au sein de la pensée, du concept et de la communication, éclair à la René Char,
par opposition à la métaphore usée, ancienne métaphore vieille comme le monde, usée jusqu'à la corde (comme l'objectif en Bolivie qu'évoque Adam) jusqu'à en devenir expression proverbiale.

On peut recouper avec le lisse et le strié, les machines de guerre elle-même capturées chez Deleuze et Guattari, notamment dans Mille plateaux.

Bref, c'est un processus, il y a une alchimie du verbe comme de la parole.
Non on n'a pas encore tout écrit, tout pensé, tout dit.
Oui, la parole emprisonne, pétrifie (Wilde-Kierkegaard connection) .
Bataille Socrate-sophistes à tous ages.

La moutarde de la vie qui tourne au comique, c'est cette usure, le détournement du créer, la balle qu'on ne prend plus au rebond.


Il y a un hétéronyme de Pessoa, Alberto Caeiro, qui invoque la vie avec les sens par opposition avec la pensée qui triche, qui se trompe en raisonnements.
Chez lui, la parole est simple. Elle désobstrue, elle ne fait que dire que les choses ne sont que ce qu'elle sont.
Et pourtant, dans cette parole qui effectue son contraire (la pensée et le langage qui s'évacue, évoque les sensations, mais comme remède à une conscience trop active, réfléchie, véritable voix des poèmes), il y a poésie et lettre ouverte, pratique sur le monde, pratique du vécu.


Pour revenir au voyage, il faut bien ne pas croire que l'usure n'est pas irrévocable pour aller. Sans quoi, ici ou ailleurs...
Même la misère parait moins pénible au soleil Wink

S'il s'agit de quitter plus que de l'aller, mettre les voiles et lever l'ancre hors de sa vie quotidienne, le temps avec l'écart de l'espace peut faire quelque chose à l'affaire :
L'usure s'oublie et les morts qui parlaient ne sont plus que morts.
D'autres re-naissent ailleurs. Parfois dans une autre langue.

_________________
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Paul Valéry, Poésie et pensées abstraites
(cité par Herbert Marcuse, in L'homme unidimensionnel)

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