Pourquoi la dialectique n'est pas à la mode ?
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Pourquoi la dialectique n'est pas à la mode ?
En voie de se perdre, la dialectique ? Selon vous, quels sont les arguments de cet abandon ?
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Nous ne pénétrerons jamais à l'aide de mots et de concepts derrière le mur des relations et pour ainsi dire dans quelque chimérique fond originel des choses Nietzsche
AnythingK- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 11/11/2007
Re: Pourquoi la dialectique n'est pas à la mode ?
Plus largement, pourquoi le raisonnement est en voie de perdition? Selon vous, quels sont les arguments de cet abandon ?
lekhan- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 125
Date d'inscription : 01/09/2007
Re: Pourquoi la dialectique n'est pas à la mode ?
Ce serait bien d'argumenter un peu et de façon concrète afin de donner une assise à cette question et de ne pas porter le flanc à l'accusation d'un sentiment nourri par l'élitisme.
Parce que, là, de but en blanc, il ne serait pas absurde de se demander si la dialectique, le raisonnement ne l'est vraiment plus... à la mode.
Et question subsidiaire : quelle dialectique ?
Celle des grecs antiques postsocratiques, des scolastiques, celle d'Hegel, celle purement méthodique exigée pour rédiger une dissert' en terminale ?
Parce que, là, de but en blanc, il ne serait pas absurde de se demander si la dialectique, le raisonnement ne l'est vraiment plus... à la mode.
Et question subsidiaire : quelle dialectique ?
Celle des grecs antiques postsocratiques, des scolastiques, celle d'Hegel, celle purement méthodique exigée pour rédiger une dissert' en terminale ?
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L'effet dévore la cause, la fin en a absorbé le moyen.
Paul Valéry, Poésie et pensées abstraites
(cité par Herbert Marcuse, in L'homme unidimensionnel)
hks : On le sait bien, une fois que un tel est parti (faché) on se retrouve seuls comme des imbéciles.
Re: Pourquoi la dialectique n'est pas à la mode ?
Pour ma part, si j'entends parler de dialectique, cela raisonne "Hegel!" dans ma tête. Pour parler d'une discussion rationnelle argumentée, j'utilise le terme dialogique : partage à deux du logos :) . La différence (c'est probablement plus complexe que cela puisque c'est un des points de débat entre Gadamer -il a remis à jour la notion de dialogique- et Hegel) est que cela n'est pas l'affrontement d'une thèse contre une anti-thèse résultant en une synthèse (comme la dialectique), mais une discussion à deux (ou plus, mais en petit nombre) afin de rechercher la vérité.
Pour ce qui est de la dialectique comme telle (Hegel), ma raison principal est l'abandon de la distinction sujet/objet pour celle de dasein/monde. Ceci étant soutenu par la différence ontologique (être/étant), que Hegel ignore faisant de l'Être un des deux pôles dialectiques (avec le Néant) du concept du Devenir (in La logique de l'être). Faisant ainsi de l'Être la notion la plus générale et la plus indéterminée, ce qui équivaudrait au néant. Il n'a pas entièrement tort, mais sa notion d'Être est prise au sens de la totalité des étants. Le fait que "l'étant est" est différent. Dès lors, le dasein est le lieu de la mise-à-jour du monde, à l'intérieur duquel les étants (ou les objets) sont, et le monde est une structure existentiale du dasein. Donc, les objets ne sont pas des termes auxquels on puisse opposer un sujet qui serait prédiqué par diverses catégories; puisque les catégories sont celles des étants et faire des catégories les catégories du sujet, c'est faire du sujet un étant comme les autres.
La dialectique, quant à elle, fait de la distinction sujet/objet le rapport gnosologique fondamentale.
En bref, tout cela origine de Kant et de ce qu'il a pris l'argument de Hume sur la causalité inductive au sérieux; à partir de là il a fait du sujet le lieu originel de la connaissance ignorant ainsi les acquis de ses prédécesseurs (Nicolas de Cusa, Pic de la Mirandole, Leibniz, etc.). C'est dans cette distinction kantienne entre sujet/phénomènes que s'est joué le sort de la dialectique hégélienne. La différence étant qu'Hegel rejette la chose en-soi au sens kantien et met plus l'accent sur la dialectique par laquelle Kant construisait les catégories (Unite + Pluralité = Totalité, etc.). Ce qui me déplaît dans cette façon de construire des concepts est leur mode systématique, ce sont des pensées qui se referment sur elles-même (comme un syllogisme); au lieu d'être ouverte, d'être à la recherche de... Du moins, c'est ce qu'il me semble; mais ça ne veut pas dire non plus dire qu'il n'y a rien d'intéressant chez Kant ou chez Hegel (il y a même plusieurs choses très intéressantes).
Pour ce qui est de la dialectique comme telle (Hegel), ma raison principal est l'abandon de la distinction sujet/objet pour celle de dasein/monde. Ceci étant soutenu par la différence ontologique (être/étant), que Hegel ignore faisant de l'Être un des deux pôles dialectiques (avec le Néant) du concept du Devenir (in La logique de l'être). Faisant ainsi de l'Être la notion la plus générale et la plus indéterminée, ce qui équivaudrait au néant. Il n'a pas entièrement tort, mais sa notion d'Être est prise au sens de la totalité des étants. Le fait que "l'étant est" est différent. Dès lors, le dasein est le lieu de la mise-à-jour du monde, à l'intérieur duquel les étants (ou les objets) sont, et le monde est une structure existentiale du dasein. Donc, les objets ne sont pas des termes auxquels on puisse opposer un sujet qui serait prédiqué par diverses catégories; puisque les catégories sont celles des étants et faire des catégories les catégories du sujet, c'est faire du sujet un étant comme les autres.
La dialectique, quant à elle, fait de la distinction sujet/objet le rapport gnosologique fondamentale.
En bref, tout cela origine de Kant et de ce qu'il a pris l'argument de Hume sur la causalité inductive au sérieux; à partir de là il a fait du sujet le lieu originel de la connaissance ignorant ainsi les acquis de ses prédécesseurs (Nicolas de Cusa, Pic de la Mirandole, Leibniz, etc.). C'est dans cette distinction kantienne entre sujet/phénomènes que s'est joué le sort de la dialectique hégélienne. La différence étant qu'Hegel rejette la chose en-soi au sens kantien et met plus l'accent sur la dialectique par laquelle Kant construisait les catégories (Unite + Pluralité = Totalité, etc.). Ce qui me déplaît dans cette façon de construire des concepts est leur mode systématique, ce sont des pensées qui se referment sur elles-même (comme un syllogisme); au lieu d'être ouverte, d'être à la recherche de... Du moins, c'est ce qu'il me semble; mais ça ne veut pas dire non plus dire qu'il n'y a rien d'intéressant chez Kant ou chez Hegel (il y a même plusieurs choses très intéressantes).
Pierre Rivière- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 150
Date d'inscription : 24/09/2007
Re: Pourquoi la dialectique n'est pas à la mode ?
Ce serait bien d'argumenter un peu et de façon concrète afin de donner une assise à cette question et de ne pas porter le flanc à l'accusation d'un sentiment nourri par l'élitisme.
Parce que, là, de but en blanc, il ne serait pas absurde de se demander si la dialectique, le raisonnement ne l'est vraiment plus... à la mode.
D'où, l'ironie du "plus largement", avec la reprise syntaxique derrière. :)
Il faut définir.
On peut mettre en relation avec le lien vers le film de Viénet, la dialectique peut-elle casser des briques?
Je ne sais pas ce qui me vient à l'idée aujourd'hui quand j'entends dialectique, avant les Antiques, avant Hegel, avant la Philosophie, c'est la publicité, l'idéologie politique, elles en sont même truffées. Je ne crois pas que la dialectique marxiste, par exemple, ait disparue pour tout le monde...
Etc.?
lekhan- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 125
Date d'inscription : 01/09/2007
Re: Pourquoi la dialectique n'est pas à la mode ?
Oui, bon, désolée je n’ai pas été très précise! Je parlais, oui, « largemment » de la dialectique, au sens d’un mouvement de pensée qui vise le dépassement des contradictions sans les nier. Sans doute Hegel en a-t-il donné la plus complète représentation, bien qu’elle soit critiquable à certains égards, comme bien d’autres (toutes) théories ayant été elles-mêmes, dialectiquement dépassées…
Le « raisonnement » est beaucoup plus vaste, et l’on ne peut pas dire que certains modes de raisonnement ne sont pas en pleine puissance de domination en ce moment ! La dialectique cependant, comme mode de raisonnement, si elle n’a jamais été une manière consciente de penser du plus grand nombre, est aujourd’hui de plus en plus abandonnée par les penseurs eux-mêmes, et non les moindres. C’est en ce sens seulement qu’on peut parler « d’arguments » en faveur de cet abandon.
Je me demande s’il n’y aurait pas plus une sorte de défaite de la pensée, même intellectuelle, plutôt qu’un abandon vraiment réfléchit. Défaite au profit d’une pensée suivant l’air du temps, tournant un peu sur elle-même, n’ayant pas de véritable identité, se cherchant dans les idées et dans la beauté des mots comme narcisse dans son reflet sur l’eau.
Je généralise, bien sûr, mais il me semble que ce n’est pas tout à côté. La dialectique, prise en son sens large n’ayant de compte à rendre à personne, donne l’image d’une sortie de cette dualité contradictoire entre le soi et le moi, entre moi et l’autre, entre l’être et les mots, entre la thèse et l’anti-thèse, entre le sujet et l’objet, le dasein et le monde, etc..
Je dirais, au lieu de « pensées qui se referment sur elles-mêmes » (Rivière), des pensées qui n’ont pas peur d’affronter le dehors, de construire « par dessus », donc « ouvertes et à la recherche de … »
Quant à dire que les pensées de Kant et de Hegel se referment sur elles-mêmes… là, je pourrais peut-être être d’accord.
Le « raisonnement » est beaucoup plus vaste, et l’on ne peut pas dire que certains modes de raisonnement ne sont pas en pleine puissance de domination en ce moment ! La dialectique cependant, comme mode de raisonnement, si elle n’a jamais été une manière consciente de penser du plus grand nombre, est aujourd’hui de plus en plus abandonnée par les penseurs eux-mêmes, et non les moindres. C’est en ce sens seulement qu’on peut parler « d’arguments » en faveur de cet abandon.
Je me demande s’il n’y aurait pas plus une sorte de défaite de la pensée, même intellectuelle, plutôt qu’un abandon vraiment réfléchit. Défaite au profit d’une pensée suivant l’air du temps, tournant un peu sur elle-même, n’ayant pas de véritable identité, se cherchant dans les idées et dans la beauté des mots comme narcisse dans son reflet sur l’eau.
Je généralise, bien sûr, mais il me semble que ce n’est pas tout à côté. La dialectique, prise en son sens large n’ayant de compte à rendre à personne, donne l’image d’une sortie de cette dualité contradictoire entre le soi et le moi, entre moi et l’autre, entre l’être et les mots, entre la thèse et l’anti-thèse, entre le sujet et l’objet, le dasein et le monde, etc..
Je dirais, au lieu de « pensées qui se referment sur elles-mêmes » (Rivière), des pensées qui n’ont pas peur d’affronter le dehors, de construire « par dessus », donc « ouvertes et à la recherche de … »
Quant à dire que les pensées de Kant et de Hegel se referment sur elles-mêmes… là, je pourrais peut-être être d’accord.
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Nous ne pénétrerons jamais à l'aide de mots et de concepts derrière le mur des relations et pour ainsi dire dans quelque chimérique fond originel des choses Nietzsche
AnythingK- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 37
Date d'inscription : 11/11/2007
Re: Pourquoi la dialectique n'est pas à la mode ?
Personne n'a (ou ne connait) les arguments contre la dialectique ? Pour ma part, ceux que j'ai rencontrés chez Foucault, par exemple, ne m'ont pas convaicu, en fait, je ne les ai pas bien compris. (Les Mots et les choses).
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AnythingK- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 37
Date d'inscription : 11/11/2007
Re: Pourquoi la dialectique n'est pas à la mode ?
Peux-tu nous rappeler les références exactes dans Les Mots ?
Bergame- Persona
- Nombre de messages : 5358
Date d'inscription : 03/09/2007
Re: Pourquoi la dialectique n'est pas à la mode ?
Ok, mais il faudra être patient, je devrai faire des recherches.
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AnythingK- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 37
Date d'inscription : 11/11/2007
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