Du fini à l'infini
2 participants
Page 1 sur 1
Du fini à l'infini
DU FINI À L'INFINI
La conscience de notre mortalité, l’idée que nous sommes voués à la mort, que nous sommes, comme le dit Pascal, enchaînés à la mort, anéantit le sens de notre existence. Cette conscience nous plonge dans une profonde mélancolie, dont le symptôme avant-coureur est l’angoisse. L’angoisse est la conscience confuse de la vanité et de l’absurdité de notre existence.
Devant l’atrocité et la fatalité de la mort, nous ne pouvons plus vivre uniquement pour nous-même. La mélancolie, qui est une dépression lucide, aussi froide que la raison, nous contraint psychologiquement à nous consacrer à autre chose qu’à nous-même. Ce revirement existentiel est aussi une obligation morale devant la vanité de l’existence. En effet, il est démoniaque de persister à vivre égoïstement, alors que nous allons mourir. Notre mortalité nous oblige à vivre autrement, à abandonner notre égoïsme et à sortir de notre subjectivité.
Mais le premier effet positif de ma finitude est de me dissocier du monde extérieur et de reconnaître l’existence et l’indépendance du monde. Si j’étais immortel, le monde ferait d’une certaine manière partie de moi, et ne serait qu’une extension de moi. C’est le monde qui m’appartiendrait et non l’inverse. Je suis mortel, donc le monde ne fait pas partie de moi, c’est moi qui fais partie du monde, mais de façon seulement passagère. Notre mortalité est donc ce qui nous permet de dépasser notre subjectivité et de réaliser que le monde existe indépendamment de nous. Elle conditionne et fonde ainsi l’objectivité. Notre mortalité n’est donc pas seulement un problème psychologique et métaphysique, mais un principe épistémologique.
Notre finitude est également un principe éthique. Au lieu de limiter notre existence, elle l’étend et lui permet de se transcender elle-même. En effet, la perspective de la mort nous détourne de notre égo et de notre existence individuelle, en nous poussant à nous tourner vers autre chose : vers l'extérieur, vers tout ce qui n’est pas soi, vers l’autre au sens large. Si je ne peux pas me consacrer à moi, parce que je suis mortel, je dois me consacrer à autre chose, à l’autre en général, qui désigne toute réalité extérieure : l’animal est un autre, un livre est un autre, le savoir, parce qu’il est éternel (non pas en moi mais en soi), est un autre, etc. Notons que ce que nous produisons fait aussi partie du monde (un artiste, par exemple, peut se consacrer à son œuvre, parce que ses productions intègrent immédiatement le monde).
Etant voué à la mort, je dois me dévouer à l’autre. Etant précipité vers le néant, je dois me précipiter vers l’autre. Etre humain signifie donc, en pratique et en acte, être pour l’autre et non être pour la mort (qui définit la condition humaine et non l’activité humaine). La mort n’est pas l’horizon de l’individu et l’égo n’est pas l’horizon du sujet. La finitude n’est pas un état indépassable et hermétique. Elle n’isole pas le sujet. Elle est au contraire la condition de son ouverture à la transcendance et à l’infinité de l’autre.
L’autre (qui derechef ne doit pas être réduit aux autres) me transcende doublement : ontologiquement en tant que réalité distincte et indépendante, et temporellement en tant qu’il me survivra (l’humanité, par exemple, me survivra). Ensuite, il est infini par sa richesse interne et sa profondeur (il est impossible, par exemple, de connaître parfaitement quelqu’un d’autre), et par le nombre (il y a, par exemple, une infinité de textes à lire et à relire). L’infini n’est donc pas un attribut exclusif de Dieu (bien que Dieu seul soit absolument infini), qui est pour moi l’autre suprême et en soi l’être suprême.
L’infini nous est paradoxalement prédestiné, parce que c’est la conscience de notre finitude et de notre insuffisance qui nous pousse et nous oblige à nous ouvrir à lui.
Devant l’atrocité et la fatalité de la mort, nous ne pouvons plus vivre uniquement pour nous-même. La mélancolie, qui est une dépression lucide, aussi froide que la raison, nous contraint psychologiquement à nous consacrer à autre chose qu’à nous-même. Ce revirement existentiel est aussi une obligation morale devant la vanité de l’existence. En effet, il est démoniaque de persister à vivre égoïstement, alors que nous allons mourir. Notre mortalité nous oblige à vivre autrement, à abandonner notre égoïsme et à sortir de notre subjectivité.
Mais le premier effet positif de ma finitude est de me dissocier du monde extérieur et de reconnaître l’existence et l’indépendance du monde. Si j’étais immortel, le monde ferait d’une certaine manière partie de moi, et ne serait qu’une extension de moi. C’est le monde qui m’appartiendrait et non l’inverse. Je suis mortel, donc le monde ne fait pas partie de moi, c’est moi qui fais partie du monde, mais de façon seulement passagère. Notre mortalité est donc ce qui nous permet de dépasser notre subjectivité et de réaliser que le monde existe indépendamment de nous. Elle conditionne et fonde ainsi l’objectivité. Notre mortalité n’est donc pas seulement un problème psychologique et métaphysique, mais un principe épistémologique.
Notre finitude est également un principe éthique. Au lieu de limiter notre existence, elle l’étend et lui permet de se transcender elle-même. En effet, la perspective de la mort nous détourne de notre égo et de notre existence individuelle, en nous poussant à nous tourner vers autre chose : vers l'extérieur, vers tout ce qui n’est pas soi, vers l’autre au sens large. Si je ne peux pas me consacrer à moi, parce que je suis mortel, je dois me consacrer à autre chose, à l’autre en général, qui désigne toute réalité extérieure : l’animal est un autre, un livre est un autre, le savoir, parce qu’il est éternel (non pas en moi mais en soi), est un autre, etc. Notons que ce que nous produisons fait aussi partie du monde (un artiste, par exemple, peut se consacrer à son œuvre, parce que ses productions intègrent immédiatement le monde).
Etant voué à la mort, je dois me dévouer à l’autre. Etant précipité vers le néant, je dois me précipiter vers l’autre. Etre humain signifie donc, en pratique et en acte, être pour l’autre et non être pour la mort (qui définit la condition humaine et non l’activité humaine). La mort n’est pas l’horizon de l’individu et l’égo n’est pas l’horizon du sujet. La finitude n’est pas un état indépassable et hermétique. Elle n’isole pas le sujet. Elle est au contraire la condition de son ouverture à la transcendance et à l’infinité de l’autre.
L’autre (qui derechef ne doit pas être réduit aux autres) me transcende doublement : ontologiquement en tant que réalité distincte et indépendante, et temporellement en tant qu’il me survivra (l’humanité, par exemple, me survivra). Ensuite, il est infini par sa richesse interne et sa profondeur (il est impossible, par exemple, de connaître parfaitement quelqu’un d’autre), et par le nombre (il y a, par exemple, une infinité de textes à lire et à relire). L’infini n’est donc pas un attribut exclusif de Dieu (bien que Dieu seul soit absolument infini), qui est pour moi l’autre suprême et en soi l’être suprême.
L’infini nous est paradoxalement prédestiné, parce que c’est la conscience de notre finitude et de notre insuffisance qui nous pousse et nous oblige à nous ouvrir à lui.
Kokof- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 157
Date d'inscription : 07/03/2019
Re: Du fini à l'infini
Kokof a écrit:La conscience de notre mortalité, l’idée que nous sommes voués à la mort, que nous sommes, comme le dit Pascal, enchaînés à la mort, anéantit le sens de notre existence.
Amusant ce point de vue qui ne voit de fatalité que dans la mort dont il ne saura, par ailleurs, jamais rien...
Il y a quelque chose de bien plus important: nous ne sommes pas libres de venir au monde ou pas. Il est donc assez logique que quelque chose qui commence sans raison apparente se termine aussi sans raison apparente.
_________________
La vie est belle!
maraud- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2464
Date d'inscription : 04/11/2012
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum