Auschwitz, et après ?
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Auschwitz, et après ?
Et nous revoilà déjà à Vichy, Pétain, l'antisémitisme et le reste. Qu'est-ce que c'est que cette manière de faire dériver systématiquement tous les sujets
Plutôt que de faire dériver, pourquoi ne pas prendre le taureau par l'oreille et les couilles et aborder le problème direct ? On ne l'a pas fait encore.
Il paraît que la difficulté des penseurs, c'est de penser après Auschwitz.
On ne sait pas trop si nous arriverons à penser, mais il est sûr que nous sommes après, donc Auschwitz, et après ?
L'agacement qui pointe dans cette citation peut se légitimer facilement : d'abord il y a la godwinisation, qui est en effet insupportable. Les propos les plus anodins sont tirés vers Hitler, les problèmes actuels du monde sont pensés sur des catégories énormes et parfaitement inadaptées aux enjeux réels. Oui, Saddam Hussein a gazé (envoyé des bombes chimiques) sur des milliers de Kurdes, c'est horrible, scandaleux, épouvantable, mais la campagne Saddam = Hitler était parfaitement débile.
C'est l'aspect "médiatique", disons (on va faire semblant de savoir ce que cela veut dire) que j'avais mentionné et qui provoque cette ire justifiée. Il s'agissait (pour remettre le contexte) d'Onfray, qui s'insurge d'être hitlérisé, en oubliant au passage qu'il est un des meilleurs spécialistes du genre et que c'est lui, et pas Béachèle, qui compare Kant et Eichmann. Ce qui serait sympa de sa part, c'est d'assumer ses propres turpitudes et d'arrêter de nous prendre pour des neuneux en découvrant ses propres conneries mais seulement chez les autres. Faut pas hitlériser les autres et jouer les pucelles effarouchées quand votre boomerang vous revient dans la gueule, faut être responsable, faut être sérieux. Faut pas être pornographe un jour (en montrant dans ses livres des photos de Juifs suppliciés) et jouer la vertu après, ce n'est pas honnête.
C'est un premier aspect. On peut déjà réfléchir sur les diverses utilisations qui sont faites de cette référence.
Autre aspect : trop en parler, ne jamais en parler. Pour le second, cela part de l'idée, il me semble, qu'il s'agit là d'un phénomène absolument inouï, incomparable, et qui est réservé à la sphère du sacré, de l'intouchable : c'est en gros la position lanzmanno-finkielkrautienne, disons. Vous ne pouvez évoquer la Shoah que si vous parlez de la Shoah, toute métaphore est une insulte. C'est la question de la "banalisation", comme on dit. Dans un sens arendtien ou pas arendtien.
Cet aspect est lié au précédent mais il faut aller plus avant sur la détermination du "banal", à mon avis, qui n'est pas une catégorie aussi simple qu'elle en a l'air.
Autre idée (encore une fois, je ne distingue que pour l'exposition) : l'usage argumentatif.
Il y a le passage à la limite. Que vaut un passage à la limite dans une argumentation politique ? Hollande veut tous nous fliquer pour éradiquer le terrorisme ? Qu'est-ce qui nous garantit que cela ne finira pas comme Hitler ? Qui avait comme point commun de vouloir éradiquer les terroristes et le communisme, ce qui est le même programme ?2)
Remarque détachée et plus légère mais appartenant au dernier point : je suis aussi taquin que Saint Thomas et cela m'amuse, de temps à autres de titiller un peu les relativistes. C'est pas gentil, je le reconnaîs, c'est un peu cruel, j'avoue. Mais comme il découle directement de leur philosophie (et absolument pas d'une science quelconque) que tout se vaut et que Hollande et Hitler, c'est la même chose, comme il résulte de leur pensée que d'un certain point de vue, Hitler est un type sympa, que si j'étais né en 1917 à Leidenstadt comme J.J. Goldmann, je trouverais sans doute que Hitler était trop cool, que je ne le trouve méchant que parce que je suis "du-côté-des-vainqueurs-qui-écrivent-l'histoire (1), et s'il avait triomphé, je trouverais excellents ses programmes d'extermination il se trouve qu'ils ont quelques états d'âme par instant. Bien qu'ils aient une vue fort probable.
(1) Les mêmes relativistes relativisent tout sauf une chose : leur propre déterminisme. Ce sont des dogmatiques honteux : tout est faux sauf leur détermnisme.
(2) Je raccourcis : pour les terroristes, il faut les tuer, pour les communistes, Macron va faire cela plus doucement.
Dernière édition par Courtial le Jeu 25 Fév 2016 - 13:17, édité 1 fois
Courtial- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2030
Date d'inscription : 03/07/2008
Re: Auschwitz, et après ?
J'ai profité d'un week-end pluvieux pour mettre de l'ordre dans un texte trop hâtivement rédigé.
Comment penser après l’impensable ? La première impression en sortant de la projection du film Shoah c’est de se dire que cette horreur à un nom, elle se nomme et ne concerne que ceux qui portent ce nom, cela permet de se rassurer. Puis au hasard d’une rencontre il y eut Arendt et la banalité du mal. La banalité lorsque l’absence de pensée est non pas une fatalité imposée de l'extérieur par quelque force insurmontable, mais le résultat d'un choix personnel, de l'ordre de la démission de la pensée. Penser est une faculté humaine, son exercice relève de la responsabilité de chacun. L’abandon de la pensée derrière une phraséologie standardisée devient comme une « normalité » qui va dans le sens d'un modèle parfait de notre civilisation et non comme une pathologie étrangère à l'humanité, alors l’utilité et l’efficacité remplace la morale. Il y eut dans le passé des pogroms, actes fanatisés de foules en délire, mais la shoah prend un autre aspect, il s’agit de résoudre rationnellement et calmement des problèmes techniques par une multitude de gens dit normaux. La banalité du mal ne disculpe pas les auteurs, elle n’est pas la banalisation du mal. Le terme banalité fait référence à un aspect commun, sans originalité, à un état peu original.
L'antisémitisme est un cas avéré de non-pensée se nourrissant de la plus vulgaire propagande qui frappe très largement la philosophie occidentale, Malebranche, Voltaire, Hegel, Marx, Pascal, Descartes la liste est longue jusqu’à Heidegger mais lui pose un autre problème. Cependant Arendt dit qu’il faut distinguer le sentiment anti juif des chrétiens de l’anti sémitisme politique qu’elle fait émerger en France avec l’affaire Dreyfus. Si une partie de la gauche alors à pris le parti de Dreyfus il reste qu’une autre faction a refusé de prendre parti dans une querelle de bourgeois tandis qu’une dernière s’est rangée du côté de l’extrême droite réactionnaire et anti-dreyfusarde au nom de la lutte prolétarienne contre les youpins accapareurs. ( source : Sébastien Faure, Les anarchistes et l’affaire Dreyfus, éditions libertaires, 1898).
La civilisation de masse banalise les comportements, différence devient un mot maudit, « les normes de l’homme-masse sont déterminées… par les influences et les convictions entièrement pénétrantes qui étaient partagées tacitement et en toute indifférence par toutes les classes de la société » (Ortega y Gasset). Cet homme-masse a renoncé à l’action autonome de n’importe quelle activité, puisqu’il doit obéir indiscutablement et plus encore, la vie de cet homme-masse dans un régime totalitaire acquiert seulement valeur dans le don total que l’individu fait en faveur de la personne du führer ou tout autre capo de tous les capis, il suffit de lire la lettre d’allégeance au führer de MH pour comprendre ce qu’absence de penser veut dire. OyG prophétiquement écrivait en 1930 « On entendra bientôt par toute la planète un immense cri…comme les hurlements de chiens innombrables, demandant quelqu’un, quelque chose qui commande » . Dans son ouvrage « la révolte des masses », ouvrage qui reste le miroir cruel, même si dépassé, de nos non pensées contemporaines, il distinguait les masses amorphes des groupes structurés et actifs. Eichmann s’est voulu dans la première catégorie, stratégie de défense oblige, mais était de toute évidence dans la seconde.
Après Auschwitz il y eu le Cambodge, le Ruanda…aujourd’hui daesh…que d’aucun prétendent expliquer par la faute du Coran, de l’Islam, du radicalisme, du colonialisme, de l’occident chrétien, de l’athéisme, de l’intervention américaine en Irak…toutes sortes d’explications largement justifiées mais totalement insuffisantes. Si au moins demeurait le sentiment de l'inconnaissable ou que chaque niveau de réalité en recouvre d'autres qui restent à découvrir, faut-il passer son temps à redire que notre ignorance va jusqu'à ignorer les territoires mêmes inconnus de notre ignorance. En affirmant des vérités partielles comme des déterminismes absolus on banalise la question, en proposant une possible explication suffisante qui ferait croire à une possible maîtrise intellectuelle de la situation, on masque la question de l’essence même de notre condition humaine à l’origine de cette violence. Au moment ou une rupture irréversible dans les conditions d’existence de l’homme est inévitable, même si l’échéance est encore imprécise, ou les tensions entre les hommes et la nature ne pourront s’accroitre indéfiniment sans occasionner de profondes transformations dans les comportements collectifs, il est temps de poser enfin les bonnes questions.
Arendt, qui a entamé une véritable réflexion à partir la Shoah, soutenait que la philosophie a toujours fait croire que la véritable vocation de la pensée est théorique et non pratique, et pour ainsi dire, que la raison est, dans sa véritable nature, pure et non pratique. Elle, elle croit que de la pensée dépend la mise en oeuvre de deux fonctions préventives cruciales dans la vie pratique de l'homme: l'une éthique, l'autre politique, elle va jusqu’à attribuer à la pensée un pouvoir de régulation éthique de la conduite et de prévention du mal dans la sphère des affaires humaines, tu te rends compte Kercoz . La seconde fonction est également préventive: il s'agit de prévenir l’installation de régimes politiques capables de pervertir radicalement et à tout moment, les valeurs et les principes les plus chers adoptés par les sociétés humaines au cours de l'histoire. L'activité de penser, telle que Arendt la conçoit, est socratique, inviter ses concitoyens à s'interroger sur le sens des valeurs qui réglaient leur conduite: la justice, le courage, la piété, la beauté etc. L’exercice de penser a pour objet l'invisible, l'imperceptible aux sens, comme les concepts, les idées, les catégories, le penser dans sa vocation pratique qui prend pour objet l’invisible dans la sphère des affaires humaines, c’est-à-dire les valeurs ou les mesures invisibles.
Le cas particulier de l'antisémitisme de MH mentionné plus haut c’est justement le défaut de questionnement chez un penseur qui fait de la question l'essence même de la pensée, il faut s'interroger sur le sens de cette faillite. Au-delà du problème de la personne, il y a la dimension de la faillite d’une pensée philosophique en défaut. Puisqu’il se disait à la recherche de ce qui avait été oublié, il avait certainement oublié ce conseil venu d’un philosophe du fond de la Rome antique « Le charpentier ne vient pas vous dire : « écoutez-moi disserter sur l’art des charpentes », mais il fait son contrat pour une maison, la construit, et montre par là qu’il possède cet art. Agis de même, toi aussi. (…) Montre-nous cela pour que nous constations que tu as réellement appris quelque notion de philosophie. » (Epictète, Entretiens, III, 21)
Comment penser après l’impensable ? La première impression en sortant de la projection du film Shoah c’est de se dire que cette horreur à un nom, elle se nomme et ne concerne que ceux qui portent ce nom, cela permet de se rassurer. Puis au hasard d’une rencontre il y eut Arendt et la banalité du mal. La banalité lorsque l’absence de pensée est non pas une fatalité imposée de l'extérieur par quelque force insurmontable, mais le résultat d'un choix personnel, de l'ordre de la démission de la pensée. Penser est une faculté humaine, son exercice relève de la responsabilité de chacun. L’abandon de la pensée derrière une phraséologie standardisée devient comme une « normalité » qui va dans le sens d'un modèle parfait de notre civilisation et non comme une pathologie étrangère à l'humanité, alors l’utilité et l’efficacité remplace la morale. Il y eut dans le passé des pogroms, actes fanatisés de foules en délire, mais la shoah prend un autre aspect, il s’agit de résoudre rationnellement et calmement des problèmes techniques par une multitude de gens dit normaux. La banalité du mal ne disculpe pas les auteurs, elle n’est pas la banalisation du mal. Le terme banalité fait référence à un aspect commun, sans originalité, à un état peu original.
L'antisémitisme est un cas avéré de non-pensée se nourrissant de la plus vulgaire propagande qui frappe très largement la philosophie occidentale, Malebranche, Voltaire, Hegel, Marx, Pascal, Descartes la liste est longue jusqu’à Heidegger mais lui pose un autre problème. Cependant Arendt dit qu’il faut distinguer le sentiment anti juif des chrétiens de l’anti sémitisme politique qu’elle fait émerger en France avec l’affaire Dreyfus. Si une partie de la gauche alors à pris le parti de Dreyfus il reste qu’une autre faction a refusé de prendre parti dans une querelle de bourgeois tandis qu’une dernière s’est rangée du côté de l’extrême droite réactionnaire et anti-dreyfusarde au nom de la lutte prolétarienne contre les youpins accapareurs. ( source : Sébastien Faure, Les anarchistes et l’affaire Dreyfus, éditions libertaires, 1898).
La civilisation de masse banalise les comportements, différence devient un mot maudit, « les normes de l’homme-masse sont déterminées… par les influences et les convictions entièrement pénétrantes qui étaient partagées tacitement et en toute indifférence par toutes les classes de la société » (Ortega y Gasset). Cet homme-masse a renoncé à l’action autonome de n’importe quelle activité, puisqu’il doit obéir indiscutablement et plus encore, la vie de cet homme-masse dans un régime totalitaire acquiert seulement valeur dans le don total que l’individu fait en faveur de la personne du führer ou tout autre capo de tous les capis, il suffit de lire la lettre d’allégeance au führer de MH pour comprendre ce qu’absence de penser veut dire. OyG prophétiquement écrivait en 1930 « On entendra bientôt par toute la planète un immense cri…comme les hurlements de chiens innombrables, demandant quelqu’un, quelque chose qui commande » . Dans son ouvrage « la révolte des masses », ouvrage qui reste le miroir cruel, même si dépassé, de nos non pensées contemporaines, il distinguait les masses amorphes des groupes structurés et actifs. Eichmann s’est voulu dans la première catégorie, stratégie de défense oblige, mais était de toute évidence dans la seconde.
Après Auschwitz il y eu le Cambodge, le Ruanda…aujourd’hui daesh…que d’aucun prétendent expliquer par la faute du Coran, de l’Islam, du radicalisme, du colonialisme, de l’occident chrétien, de l’athéisme, de l’intervention américaine en Irak…toutes sortes d’explications largement justifiées mais totalement insuffisantes. Si au moins demeurait le sentiment de l'inconnaissable ou que chaque niveau de réalité en recouvre d'autres qui restent à découvrir, faut-il passer son temps à redire que notre ignorance va jusqu'à ignorer les territoires mêmes inconnus de notre ignorance. En affirmant des vérités partielles comme des déterminismes absolus on banalise la question, en proposant une possible explication suffisante qui ferait croire à une possible maîtrise intellectuelle de la situation, on masque la question de l’essence même de notre condition humaine à l’origine de cette violence. Au moment ou une rupture irréversible dans les conditions d’existence de l’homme est inévitable, même si l’échéance est encore imprécise, ou les tensions entre les hommes et la nature ne pourront s’accroitre indéfiniment sans occasionner de profondes transformations dans les comportements collectifs, il est temps de poser enfin les bonnes questions.
Arendt, qui a entamé une véritable réflexion à partir la Shoah, soutenait que la philosophie a toujours fait croire que la véritable vocation de la pensée est théorique et non pratique, et pour ainsi dire, que la raison est, dans sa véritable nature, pure et non pratique. Elle, elle croit que de la pensée dépend la mise en oeuvre de deux fonctions préventives cruciales dans la vie pratique de l'homme: l'une éthique, l'autre politique, elle va jusqu’à attribuer à la pensée un pouvoir de régulation éthique de la conduite et de prévention du mal dans la sphère des affaires humaines, tu te rends compte Kercoz . La seconde fonction est également préventive: il s'agit de prévenir l’installation de régimes politiques capables de pervertir radicalement et à tout moment, les valeurs et les principes les plus chers adoptés par les sociétés humaines au cours de l'histoire. L'activité de penser, telle que Arendt la conçoit, est socratique, inviter ses concitoyens à s'interroger sur le sens des valeurs qui réglaient leur conduite: la justice, le courage, la piété, la beauté etc. L’exercice de penser a pour objet l'invisible, l'imperceptible aux sens, comme les concepts, les idées, les catégories, le penser dans sa vocation pratique qui prend pour objet l’invisible dans la sphère des affaires humaines, c’est-à-dire les valeurs ou les mesures invisibles.
Le cas particulier de l'antisémitisme de MH mentionné plus haut c’est justement le défaut de questionnement chez un penseur qui fait de la question l'essence même de la pensée, il faut s'interroger sur le sens de cette faillite. Au-delà du problème de la personne, il y a la dimension de la faillite d’une pensée philosophique en défaut. Puisqu’il se disait à la recherche de ce qui avait été oublié, il avait certainement oublié ce conseil venu d’un philosophe du fond de la Rome antique « Le charpentier ne vient pas vous dire : « écoutez-moi disserter sur l’art des charpentes », mais il fait son contrat pour une maison, la construit, et montre par là qu’il possède cet art. Agis de même, toi aussi. (…) Montre-nous cela pour que nous constations que tu as réellement appris quelque notion de philosophie. » (Epictète, Entretiens, III, 21)
baptiste- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 3116
Date d'inscription : 21/03/2012
Re: Auschwitz, et après ?
Revenons donc à ce sujet, que baptiste m'incite a relire.
En le relisant, je me demande : Quelle est la question, finalement ?
Peut-on penser après Auschwitz ? Oui, bien sûr. De toutes façons, on pense après Auschwitz. Ca, il n'y a rien à y faire et, fort heureusement d'ailleurs, il est impossible d'empêcher les hommes de penser.
Peut-on penser de même après Auschwitz ? C'est-à-dire : Auschwitz interdit-il, bannit-il, condamne-t-il d'avance aux gémonies certaines pensées ? Admettons. Car manifestement, c'est bien en effet le but poursuivi par la référence à la Shoah, au nazisme, au fascisme, etc. que de condamner moralement certaines pensées ou réflexions ?
Mais déjà émerge logiquement une question : Lesquelles ? Quelles pensées ? La Shoah étant un programme d'extermination des Juifs, que l'antisémitisme soit condamné apparaît logique. Il y a là un lien clair, évident. Le concept de "race", encore une fois, pourquoi pas, les nazis en faisaient un usage délirant. Mais le concept de "nation", par exemple ? Le concept d'"ethnie" ? Le concept de "peuple" ? Certes, c'était des notions utilisées avant Auschwitz. Il ne faudrait plus les utiliser après ? Pourquoi, exactement ?
Et puis, du reste, il y a derrière cette idée qu'on ne peut plus penser de même avant et après Auschwitz, un raisonnement implicite qui me semble aujourd'hui très discutable. Car en somme, de quoi a-t-on peur ? Apparemment, on a peur que les mêmes idées entrainent les mêmes actes.
Déjà, la thèse selon laquelle certaines idées engendrent certains actes bien déterminés m'a, moi, toujours paru assez naïve. Je trouvais tellement ridicules les préventions que je lisais ou entendais parfois à propos du "Capital" de Marx, par exemple : Comme si les écrits du philosophe allemand pouvaient s'insinuer dans le cerveau des jeunes gens et les inciter à sortir armés de fourches et de bâtons pour renverser l'ordre bourgeois ! Le psychologue que je suis sait que le chemin de l'idée à l'action est loin d'être rectiligne, univoque et mécanique. Nous ne sommes pas des chiens de Pavlov. Bref...
Mais ici, il ne s'agit même pas d'une théorie structurée, il s'agit juste de concepts, de notions, de mots ! Quand même, essayons de prendre conscience de la thèse ici à l'arrière-plan, acceptée implicitement et sans plus de réflexion : Un individu qui, 70 ans après Auschwitz, use du concept de "nation" ou d'"ethnie" est un fasciste, un Méchant, qui pourrait bien envoyer de pauvres boucs émissaires à la chambre à gaz. Donc : Condamnons l'usage des concepts de "nation" ou d'"ethnie".
On est bien au-delà du simple procès d'intention, là. On est dans une sorte de récit fantasmatique qui affirme que lorsque des hommes prononcent ou écrivent certains mots bien spécifiques, ils sont comme pris d'une possession démoniaque qui les conduit au meurtre. N'est-ce pas quand même un tout petit peu aberrant ?
Non seulement on peut mais il faut, sans doute, penser après Auschwitz. Je veux dire : Il va maintenant être nécessaire de penser l'après-Auschwitz.
En le relisant, je me demande : Quelle est la question, finalement ?
Peut-on penser après Auschwitz ? Oui, bien sûr. De toutes façons, on pense après Auschwitz. Ca, il n'y a rien à y faire et, fort heureusement d'ailleurs, il est impossible d'empêcher les hommes de penser.
Peut-on penser de même après Auschwitz ? C'est-à-dire : Auschwitz interdit-il, bannit-il, condamne-t-il d'avance aux gémonies certaines pensées ? Admettons. Car manifestement, c'est bien en effet le but poursuivi par la référence à la Shoah, au nazisme, au fascisme, etc. que de condamner moralement certaines pensées ou réflexions ?
Mais déjà émerge logiquement une question : Lesquelles ? Quelles pensées ? La Shoah étant un programme d'extermination des Juifs, que l'antisémitisme soit condamné apparaît logique. Il y a là un lien clair, évident. Le concept de "race", encore une fois, pourquoi pas, les nazis en faisaient un usage délirant. Mais le concept de "nation", par exemple ? Le concept d'"ethnie" ? Le concept de "peuple" ? Certes, c'était des notions utilisées avant Auschwitz. Il ne faudrait plus les utiliser après ? Pourquoi, exactement ?
Et puis, du reste, il y a derrière cette idée qu'on ne peut plus penser de même avant et après Auschwitz, un raisonnement implicite qui me semble aujourd'hui très discutable. Car en somme, de quoi a-t-on peur ? Apparemment, on a peur que les mêmes idées entrainent les mêmes actes.
Déjà, la thèse selon laquelle certaines idées engendrent certains actes bien déterminés m'a, moi, toujours paru assez naïve. Je trouvais tellement ridicules les préventions que je lisais ou entendais parfois à propos du "Capital" de Marx, par exemple : Comme si les écrits du philosophe allemand pouvaient s'insinuer dans le cerveau des jeunes gens et les inciter à sortir armés de fourches et de bâtons pour renverser l'ordre bourgeois ! Le psychologue que je suis sait que le chemin de l'idée à l'action est loin d'être rectiligne, univoque et mécanique. Nous ne sommes pas des chiens de Pavlov. Bref...
Mais ici, il ne s'agit même pas d'une théorie structurée, il s'agit juste de concepts, de notions, de mots ! Quand même, essayons de prendre conscience de la thèse ici à l'arrière-plan, acceptée implicitement et sans plus de réflexion : Un individu qui, 70 ans après Auschwitz, use du concept de "nation" ou d'"ethnie" est un fasciste, un Méchant, qui pourrait bien envoyer de pauvres boucs émissaires à la chambre à gaz. Donc : Condamnons l'usage des concepts de "nation" ou d'"ethnie".
On est bien au-delà du simple procès d'intention, là. On est dans une sorte de récit fantasmatique qui affirme que lorsque des hommes prononcent ou écrivent certains mots bien spécifiques, ils sont comme pris d'une possession démoniaque qui les conduit au meurtre. N'est-ce pas quand même un tout petit peu aberrant ?
Non seulement on peut mais il faut, sans doute, penser après Auschwitz. Je veux dire : Il va maintenant être nécessaire de penser l'après-Auschwitz.
_________________
...que vont charmant masques et bergamasques...
Bergame- Persona
- Nombre de messages : 5358
Date d'inscription : 03/09/2007
Re: Auschwitz, et après ?
Bergame a écrit:
Déjà, la thèse selon laquelle certaines idées engendrent certains actes bien déterminés m'a, moi, toujours paru assez naïve. .
Quitte à me répéter : Et si c'était la structure qui ( non pas engendre mais) permet certains actes déterminés ?
Si c'était la structure qui permet à transformer l' immoral en amoral ?
En mettant une distance entre les individus distance qui désaffecte et donc déresponsabilise les interactions.
_________________
TIMSHEL
kercoz- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 4784
Date d'inscription : 01/07/2014
Re: Auschwitz, et après ?
L'instrumentalisation des événements, de l'histoire, du sens des mots sont monnaie courante dans le discours polémiste, penser c'est autre chose, non seulement on le peut mais on le doit.
Courtial parle de l'aspect médiatique , il parle d'Onfray et autres usages argumentatifs qui relèvent plus du domaine de la philousophie médiatico-politique que de celui de la pensée, d'une catégorie de ce qu'Arendt nomme les penseurs simplets.
Courtial parle de l'aspect médiatique , il parle d'Onfray et autres usages argumentatifs qui relèvent plus du domaine de la philousophie médiatico-politique que de celui de la pensée, d'une catégorie de ce qu'Arendt nomme les penseurs simplets.
baptiste- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 3116
Date d'inscription : 21/03/2012
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