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Thèses de Feuerbach

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Message par Bergame Mer 31 Jan 2024 - 10:36

Ludwig Feuerbach commence par étudier la théologie, puis se consacre pleinement à la philosophie en se rendant à Berlin suivre les cours de Hegel. C'est un penseur audacieux, matérialiste ou plutôt "naturaliste", dont l'athéisme explicite effraie jusqu'à ses condisciples appelés "hégéliens de gauche". Son ouvrage principal est L'Essence du Christianisme.

Dans cet ouvrage, Feuerbach prétend montrer que le christianisme, et avec lui toute religion, est une création, une projection peut-être, de l'espèce humaine.
Son schéma théorique se déploie à partir d'une dialectique au sein de laquelle l'homme est le sujet, et Dieu l'objet :
L'homme -tel est le mystère de la religion- place son propre être en dehors de lui et se fait ensuite objet de la pensée de cet être métamorphosé en sujet, en personne ; il se pense, mais comme objet de la pensée d'un autre être, et cet être, c'est Dieu.
[...]
L'homme fait de ses actions et de ses intentions l'objet de la pensée de Dieu, il se fait le but de Dieu -car ce qui est objet dans la pensée est but dans l'action- il réduit l’activité divine à n'être plus qu'un moyen de salut pour lui-même ; ainsi, tout en paraissant se mettre au comble de l‘abaissement, il se met en réalité au plus haut degré d'élévation ; il n'a que lui-même pour but en Dieu et par Dieu, et l'activité divine ne diffère en rien de la sienne propre.
[…]
L’homme n’a donc pour objet en Dieu que sa propre activité ; mais parce qu'il regarde cette activité comme différente de la sienne ; parce qu’il contemple le bien comme existant en dehors de lui, comme objet extérieur, il reçoit nécessairement toute impulsion morale, non de lui même, mais de cet objet.

Dieu est donc un objet de la raison, pour la raison. Or, la raison est "une, universelle, et infinie" (De ratione una, universali, infinita était le titre de la thèse de doctorat de Feuerbach). Par conséquent :
Dieu n'est pas autre chose que la raison se prenant elle-même pour objet.

Car si l'individu est limité, ce n'est pas le cas de l'espèce humaine :
Toute limitation de la raison ou en général de la nature de l'homme repose sur une illusion, une erreur. L'individu humain peut, à la vérité -et c’est en cela qu’il se distingue de l'animal- se sentir et se reconnaître comme borné ; mais cela provient uniquement de ce que, soit par le sentiment, soit par la pensée, il a l'idée de la perfection et de l‘infinité de son espèce.
[...]
Penses-tu par conséquent l'infini ? Eh bien! tu penses et tu affirmes l'infinité de la puissance de la pensée. Sens-tu l'infini ? Tu sens et tu affirmes l'infinité de la puissance du sentiment. L'objet de la raison, c‘est la raison se pensant elle-même ; l'objet du sentiment, c'est le sentiment se sentant lui-même.

Ainsi, Dieu est le nom que l'individu donne à l'espèce humaine, sensible et rationnelle à la fois, fusionnant en elle la diversité des singularités individuelles, et par conséquent, totale, parfaite :
L'homme se regarde volontiers dans un miroir, il éprouve du plaisir à se contempler. Ce plaisir est une conséquence nécessaire, involontaire de la beauté de sa forme [...] Il y a vanité quand l'homme se plaît à contempler sa beauté individuelle, mais non quand il admire le visage humain en général. Ce visage, il doit l'admirer, il ne peut en imaginer ni un plus beau ni un plus sublime.

Dieu est donc une création, non pas de l'homme, mais de l'espèce humaine, conçue à partir des attributs de l'espèce humaine. En ce sens, Dieu est anthropomorphique :
Tu crois que l’amour est un attribut de Dieu parce que toi-même tu aimes ; tu crois que Dieu est un être sage et bon parce que tu ne connais rien de meilleur que la bonté et l’intelligence ; tu crois que Dieu existe, qu’il est un sujet, un être, parce que toi-même tu existes, parce que tu es toi-même un être.

Et de fait, les religions ont une histoire, parallèle à l'histoire de l'humanité, et conçue sur le même schéma dialectique hégélien du progrès de la conscience subjective :
Le progrès historique des religions consiste en ce que les dernières regardent comme subjectif ou humain ce que les premières contemplaient comme objectif et adoraient comme divin. Les premières religions sont idolâtrie pour celles qui viennent après elles ; celles-ci reconnaissent que primitivement l’homme a adoré son propre être sans le savoir ; c’est là leur progrès, et par conséquent chaque progrès dans la religion est pour l’homme une connaissance plus profonde de lui-même.

Une grande partie de l'ouvrage est alors consacrée à montrer ce que les mystères du christianisme doivent aux attributs de l'espèce humaine. Par exemple, la croyance en une vie après la mort :
L'homme, du moins dans l’état de santé, a le désir de ne pas mourir. Ce désir se confond, dans l'origine, avec son penchant à sa propre conservation ; car tout ce qui vit veut se soutenir, se conserver, veut enfin ne pas cesser de vivre. Ce désir d’abord négatif devient plus tard, par la réflexion et la fantaisie sentimentale, sous la pression de la vie, surtout de la vie civile et politique, un désir positif, celui d‘une vie meilleure après la mort.

Une autre partie importante de l'ouvrage est consacrée à la résolution anthropologique des contradictions apparentes dans la théologie chrétienne. Feuerbach pointe en particulier la contradiction entre l'universel et le particulier, entre l'amour et la foi :
L'amour chrétien est déjà un amour particulier, du moment qu'il est chrétien, et se nomme chrétien. [Or] L’amour véritable a assez de lui-même ; il n'a besoin d’aucuns titres, d’aucune autorité. Il est la loi universelle de l’intelligence et de la nature, n’étant pas autre chose que la réalisation de l’unité de l’espèce par la voie d'une éducation morale progressive. Si on veut le fonder sur le nom d’une personne, on ne peut le faire qu’en alliant a cette personne des idées superstitieuses, soit religieuses, soit spéculatives. Mais la superstition entraîne nécessairement l’esprit de secte, le particularisme et avec lui le fanatisme. L’amour ne peut se fonder que sur l’unité de l’espèce, l’intelligence et la nature.
[...]
Tout amour fondé sur un phénomène particulier est, comme nous l’avons dit, en contradiction avec la nature de l’amour, qui ne souffre aucune contrainte et s’élève au-dessus de toute particularité. Nous devons aimer l’homme pour l’homme lui-même. [...] Dans l‘amour, dans la raison, disparaît le besoin d'une personne intermédiaire. Le Christ n'est qu‘une image sous laquelle a pénétré dans la conscience populaire l’unité de l'espèce. Le Christ aimait les hommes, il voulait les unir tous et les rendre heureux sans distinction de sexe, d’âge, de position sociale et de nationalité. Le Christ est l’image de l’amour de l’humanité pour elle-même.
Ainsi :
L'amour n’est pas saint parce qu'il est un attribut de Dieu ; mais il est un attribut de Dieu parce qu'il est lui-même divin.

De là, aussi, une théorie de la foi comme aliénation -qui intéressera beaucoup Marx et Engels : Croire en Dieu, c'est conférer à un objet extérieur et conçu comme extérieur les attributs, les potentialités du sujet :
L'homme est appauvri de ce dont Dieu est enrichi.

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Message par alain Mer 31 Jan 2024 - 11:42

Tout ça est assez juste mais il y a quand même deux éléments importants à prendre en compte :
Hier soir j'ai regardé une partie du film reportage / témoignage de Lanzmann sur la Shoah. On voit de quoi l' homme est capable.
Puis j' ai regardé ensuite un vieux film des années 80 de science fiction.
En quarante ans la technologie ( par exemple les trucages dans les films ) a considérablement évolué. Mais l' homme est resté identique à lui même : toujours capable du pire.
Mon idée c' est que nous ne pourrons pas nous " sauver " nous même. Et donc, adopter l' idée d' une transcendance permet, en quelque sorte, de se référer à un idéal du " meilleur de nous même ". Et si, en effet, c' est toujours de nous dont il s'agit ...qu'elle est, de toutes façons, l' activité humaine, en pensées ou en actes, dont nous ne soyons plus le centre ?
L' idéalisme comme le matérialisme sont également auto centrés sur notre égo. Si on n' adore pas Dieu on adore " la matière ".

Et le deuxième élément c' est, de mon point de vue, le fait qu'un " croyant " n ' est pas dans l' obligation d' adhérer à une image précise ou convenue de Dieu, comme le propose la religion. On peut " s' adresser " à Dieu parce qu' on pense l' homme- et soi même, par conséquent- définitivement incapable de régler certaines situations et dépasser ses propres limitations. Ceci ne signifie pas s' effacer totalement et remplacer l' ego par Dieu, mais plutôt accepter que Dieu entre dans sa vie, en partie, et continuer à se sentir responsable de ses actes en tant qu' humain.
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Message par Bergame Sam 3 Fév 2024 - 7:19

Beaucoup de choses m'intéressent dans ce que tu dis.
Par exemple :
alain a écrit:Hier soir j'ai regardé une partie du film reportage / témoignage de Lanzmann sur la Shoah. On voit de quoi l' homme est capable.
Il y a un (relatif) angle mort dans l'analyse de Feuerbach -mais qui est le même que chez Hegel- et qui est d'envisager les autres religions (en particulier "païennes") à l'aune du christianisme. Par exemple, dans son Histoire de la Philosophie, Hegel s'efforçait de montrer -je vais le faire très vite- que le daïmon de Socrate était la première formulation de la conscience subjective qui s'oppose aux dieux de la Cité. Et du reste, il y a là une ligne théorique qui a une longue tradition dans la pensée occidentale, parce que ce n'est pas totalement par hasard que les catégories platoniciennes ont été utilisées pour rédiger les premières versions scripturales des Evangiles.
Donc, Feuerbach reprend ce schéma dialectique hégélien de l'histoire des religions. Ce faisant, il passe sous silence ce qui (à mon sens) constitue une spécificité tout à fait remarquable du christianisme : Son dieu est amour. Le dieu chrétien aime l'homme, il l'aime inconditionnellement comme un bon père aime son fils.

J'insiste sur le "bon". Parce que, que le ou les dieux soient les ancêtres, les géniteurs, les créateurs des hommes, c'est une idée qu'on retrouve dans la quasi-totalité des mythes autour du monde. Mais le dieu chrétien est un bon père, un père aimant, un père miséricordieux et compassionnel, qui pardonne jusqu'aux offenses de ses enfants. Les autres dieux ne lui ressemblent pas. Le dieu des Juifs, déjà, est bien différent, plus colérique, plus jaloux, et qui frappe les ennemis de son peuple. Sans mentionner ce qu'on sait des dieux de l'Egypte pharaonique, de Babylone, de Carthage, des Aztèques, de l'hindouisme, etc. etc.

Si donc Dieu est la représentation, la projection de l'espèce humaine telle qu'elle se voit elle-même, alors le dieu chrétien est une auto-représentation très hémiplégique de l'Homme. Avec ce dieu, non seulement l'individu n'est plus dans une relation de peur ou de respect, mais il n'est même pas dans une relation de marchandage, tel que le do ut des des dieux de l'antiquité grecque et romaine. Il est dans une relation de confiance. Confiance dans le père divin, donc, et confiance dans l'homme, son fils, par conséquent.

Or, comme tu le dis, l'"homme", en tant qu'espèce, ne ressemble pas à cette auto-représentation  :
alain a écrit:Puis j' ai regardé ensuite un vieux film des années 80 de science fiction.
En quarante ans la technologie ( par exemple les trucages dans les films ) a considérablement évolué. Mais l' homme est resté identique à lui même : toujours capable du pire.

Je poursuis donc ma réflexion sur l'Humanisme. Puisque, ce qui m'intéresse personnellement chez Feuerbach, c'est qu'il propose l'une des formulations les plus "pures", les plus simples de ce qu'on appelle l'"humanisme laïc" : Homo homini deus est, l'homme est un dieu pour l'homme.
Admettons. Mais ce que manque (toujours) l'humanisme universaliste, c'est que, des dieux, il y en a une multitude. Et le dieu du christianisme n'est pas n'importe quel dieu, c'est au contraire un dieu très particulier.

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Message par Vanleers Sam 3 Fév 2024 - 9:39

Bergame a écrit:
Donc, Feuerbach reprend ce schéma dialectique hégélien de l'histoire des religions. Ce faisant, il passe sous silence ce qui (à mon sens) constitue une spécificité tout à fait remarquable du christianisme : Son dieu est amour. Le dieu chrétien aime l'homme, il l'aime inconditionnellement comme un bon père aime son fils.

La véritable originalité du christianisme, ce n’est pas d’annoncer que Dieu est amour ou que c’est un « bon Père » mais que « c’est dans l’humanité de son Fils que les humains peuvent discerner le visage de Dieu ».

Matthias Wirz a écrit:Par amour, Dieu a choisi de devenir un homme vivant, en Jésus, pour nous montrer sa gloire! Comme l’écrit Irénée, «la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant»… Oui, c’est dans la vie de l’homme Jésus que Dieu a manifesté sa gloire; c’est dans l’humanité de son Fils que les humains peuvent discerner le visage de Dieu.

https://www.reformes.ch/spiritualites/2022/03/irenee-de-lyon-lhomme-vivant-gloire-de-dieu-bible-dieu-personnages-bibliques

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Message par alain Sam 3 Fév 2024 - 20:55

Bergame a écrit:Beaucoup de choses m'intéressent dans ce que tu dis.
Par exemple :
alain a écrit:Hier soir j'ai regardé une partie du film reportage / témoignage de Lanzmann sur la Shoah. On voit de quoi l' homme est capable.
Il y a un (relatif) angle mort dans l'analyse de Feuerbach -mais qui est le même que chez Hegel- et qui est d'envisager les autres religions (en particulier "païennes") à l'aune du christianisme. Par exemple, dans son Histoire de la Philosophie, Hegel s'efforçait de montrer -je vais le faire très vite- que le daïmon de Socrate était la première formulation de la conscience subjective qui s'oppose aux dieux de la Cité. Et du reste, il y a là une ligne théorique qui a une longue tradition dans la pensée occidentale, parce que ce n'est pas totalement par hasard que les catégories platoniciennes ont été utilisées pour rédiger les premières versions scripturales des Evangiles.
Donc, Feuerbach reprend ce schéma dialectique hégélien de l'histoire des religions. Ce faisant, il passe sous silence ce qui (à mon sens) constitue une spécificité tout à fait remarquable du christianisme : Son dieu est amour. Le dieu chrétien aime l'homme, il l'aime inconditionnellement comme un bon père aime son fils.

J'insiste sur le "bon". Parce que, que le ou les dieux soient les ancêtres, les géniteurs, les créateurs des hommes, c'est une idée qu'on retrouve dans la quasi-totalité des mythes autour du monde. Mais le dieu chrétien est un bon père, un père aimant, un père miséricordieux et compassionnel, qui pardonne jusqu'aux offenses de ses enfants. Les autres dieux ne lui ressemblent pas. Le dieu des Juifs, déjà, est bien différent, plus colérique, plus jaloux, et qui frappe les ennemis de son peuple. Sans mentionner ce qu'on sait des dieux de l'Egypte pharaonique, de Babylone, de Carthage, des Aztèques, de l'hindouisme, etc. etc.

Si donc Dieu est la représentation, la projection de l'espèce humaine telle qu'elle se voit elle-même, alors le dieu chrétien est une auto-représentation très hémiplégique de l'Homme. Avec ce dieu, non seulement l'individu n'est plus dans une relation de peur ou de respect, mais il n'est même pas dans une relation de marchandage, tel que le do ut des des dieux de l'antiquité grecque et romaine. Il est dans une relation de confiance. Confiance dans le père divin, donc, et confiance dans l'homme, son fils, par conséquent.

Or, comme tu le dis, l'"homme", en tant qu'espèce, ne ressemble pas à cette auto-représentation  :
alain a écrit:Puis j' ai regardé ensuite un vieux film des années 80 de science fiction.
En quarante ans la technologie ( par exemple les trucages dans les films ) a considérablement évolué. Mais l' homme est resté identique à lui même : toujours capable du pire.

Je poursuis donc ma réflexion sur l'Humanisme. Puisque, ce qui m'intéresse personnellement chez Feuerbach, c'est qu'il propose l'une des formulations les plus "pures", les plus simples de ce qu'on appelle l'"humanisme laïc" : Homo homini deus est, l'homme est un dieu pour l'homme.
Admettons. Mais ce que manque (toujours) l'humanisme universaliste, c'est que, des dieux, il y en a une multitude. Et le dieu du christianisme n'est pas n'importe quel dieu, c'est au contraire un dieu très particulier.

Oui c' est vrai, tout à fait, le premier " coup de génie " de cette religion, qui fait qu' elle ne ressemble à aucune autre, c' est qu' elle rend Dieu accessible à l' homme ...Il devient un père avant d" être un juge. Et avant la punition Il propose le pardon.
Mais il y a aussi, à mon sens, un second trait de génie : Dieu devient homme et se rend vulnérable par amour pour l' homme : il épouse, en quelque sorte, sa condition, à travers l' image du fils.
Aucune autre religion, tout au moins à ma connaissance, n' a eu ni l' idée ni l' audace d' envisager cela !
Le Christiannisme est aussi une création de l' homme ... mais jamais la transcendance ne fût aussi proche de lui ... Dieu, d' une certaine façon, est rendu " concret ".
Et ce Dieu là m' intéresse bien davantage : il est proche de moi.
Pour ma part, j' assume totalement cet auto centrisme , car celui ci  n' enlève rien à la foi que je peux avoir en " Dieu "... l' homme etant, de mon point de vue, un mystère aussi profond que Dieu.
Nous sommes bien loin de Jupiter où du Dieu juif, effectivement.
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Message par Bergame Dim 4 Fév 2024 - 7:58

Ah le dieu chrétien est à la fois proche et lointain. Les dieux grecs, par exemple, étaient davantage proches des hommes : Ils se querellaient, ils s'aimaient, ils se faisaient la guerre, les mâles -si j'ose dire- ne manquaient jamais une occasion d'aller fricoter avec les belles humaines, les femelles étaient jalouses les unes des autres, c'était des dieux très anthropomorphes.

Le dieu chrétien est, comme tu le dis, un dieu transcendant, qui dépasse infiniment la condition humaine. Mais tout se passe comme si, dans cette abstraction, un seul trait avait été sélectionné : L'Amour.
Et encore, même pas n'importe quel amour ! Parce que l'amour est lié à la vie, n'est-ce pas, à la reproduction, la sexualité, etc. Hop là, rien de tout cela avec le dieu chrétien ! Mais un amour strictement platonique, paternel, bienveillant.

Si, comme le dit Nietzsche, "Dieu est le nom de la plus haute valeur d'une civilisation", alors la civilisation occidentale s'est donnée comme valeur dominante l'Amour raisonnable. Tiens, comment pourrait-on appeler cela d'un terme ? La philia, peut-être ? Ou la storge ?

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Message par Vanleers Dim 4 Fév 2024 - 9:42

alain a écrit:

Oui c' est vrai, tout à fait, le premier " coup de génie " de cette religion, qui fait qu' elle ne ressemble à aucune autre, c' est qu' elle rend Dieu accessible à l' homme ...Il devient un père avant d" être un juge. Et avant la punition Il propose le pardon.
Mais il y a aussi, à mon sens, un second trait de génie : Dieu devient homme et se rend vulnérable par amour pour l' homme : il épouse, en quelque sorte, sa condition, à travers l' image du fils.
Aucune autre religion, tout au moins à ma connaissance, n' a eu ni l' idée ni l' audace d' envisager cela !
Le Christiannisme est aussi une création de l' homme ... mais jamais la transcendance ne fût aussi proche de lui ... Dieu, d' une certaine façon, est rendu " concret ".
Et ce Dieu là m' intéresse bien davantage : il est proche de moi.
Pour ma part, j' assume totalement cet auto centrisme , car celui ci  n' enlève rien à la foi que je peux avoir en " Dieu "... l' homme etant, de mon point de vue, un mystère aussi profond que Dieu.
Nous sommes bien loin de Jupiter où du Dieu juif, effectivement.

Quelques remarques qui résument ce que j’ai déjà développé sur le forum.

Le Dieu de l’Évangile ne punit pas : c’est l’homme qui se punit lui-même.
Le Dieu que révèle Jésus est un Dieu intérieur : difficile de parler d’un Dieu transcendant sans plus.
Jésus, par ses paroles et ses actes, montre que Dieu est amour, non pas au sens de philia ou eros mais au sens d’agapé : amour que j’ai qualifié d’« oblatif » sur un autre fil.
C’est en se décentrant de soi que l’on fait l’expérience de sa profondeur.

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Message par alain Dim 4 Fév 2024 - 12:00

Bergame a écrit:Ah le dieu chrétien est à la fois proche et lointain. Les dieux grecs, par exemple, étaient davantage proches des hommes : Ils se querellaient, ils s'aimaient, ils se faisaient la guerre, les mâles -si j'ose dire- ne manquaient jamais une occasion d'aller fricoter avec les belles humaines, les femelles étaient jalouses les unes des autres, c'était des dieux très anthropomorphes.

Le dieu chrétien est, comme tu le dis, un dieu transcendant, qui dépasse infiniment la condition humaine. Mais tout se passe comme si, dans cette abstraction, un seul trait avait été sélectionné : L'Amour.
Et encore, même pas n'importe quel amour ! Parce que l'amour est lié à la vie, n'est-ce pas, à la reproduction, la sexualité, etc. Hop là, rien de tout cela avec le dieu chrétien ! Mais un amour strictement platonique, paternel, bienveillant.

Si, comme le dit Nietzsche, "Dieu est le nom de la plus haute valeur d'une civilisation", alors la civilisation occidentale s'est donnée comme valeur dominante l'Amour raisonnable. Tiens, comment pourrait-on appeler cela d'un terme ? La philia, peut-être ? Ou la storge ?

Il me semble bien que le Catholicisme comme le Christianisme ont un " certain problème " avec le sexe.
Elles ne parlent jamais de point G mais ... de point faible.
Ça vient peut être du fait que le sexe rattache fortement à la terre, au matériel, plutôt qu' à la spiritualité.
Et ce peut être vu comme une faiblesse dans un cheminement " vers le ciel " ?
Il n' est pas vraiment admis, dans ces religions, que le plaisir sexuel puisse aller de pair avec le désir d' élévation spirituelle, sans que cela ne pose " certains problèmes ".
Le Catholicisme me paraît beaucoup plus insistant la dessus, et le fait que les prêtres ou les curés soient poussés à la chasteté n' arrange pas la situation et produit parfois ... dès débordements.
Ce que je pense c' est que le sexe est surtout fonction des individus et peut être - ou pas - tout à fait indépendant de la spiritualité.
Certains individus ne peuvent pas s' en passer et pour d' autres c' est quasiment facultatif.




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Message par Saint-Ex Dim 4 Fév 2024 - 17:47

.

Ludwig Feuerbach

Essence du Christianisme

DEUXIÈME PARTIE

Essence fausse, c’est-à-dire théologique de la religion

LA RELIGION CONSIDÉRÉE DANS SON POINT DE VUE ESSENTIEL

« Le point de vue auquel se place la religion est essentiellement pratique, c’est-à-dire subjectif. Son but est le bien, le salut, le bonheur de l’homme.

Dieu n’est que la puissance inf‍inie qui doit réaliser la félicité humaine.

Le christianisme se distingue des autres religions en ce que plus qu’aucune d’elles il a mis en première ligne le salut de l’humanité ; aussi se nomme-t-il la doctrine du salut et non la doctrine de Dieu. Mais ce salut n’est rien de mondain, n’est point le bonheur ou le bien de la terre.

Loin de là, les chrétiens les plus vrais et les plus profonds ont soutenu que les biens terrestres détachent l’homme de Dieu, tandis que le malheur, la souf‍france et la maladie l’y ramènent et sont, par conséquent, le seul état qui convienne au chrétien. »


***

Feuerbach avait sans doute lu La vie de Plotin, père de l'Église, écrite par son disciple Porphyre, qui commence son portrait en écrivant :
«Plotin, le philosophe, qui a vécu de nos jours, semblait avoir honte d'être dans un corps.»

Plotin déteste son enveloppe charnelle. Il a le corps en mauvais état mais refuse de se faire soigner. Il a les jambes et les pieds couverts d'ulcères. Ses amis cessent de le visiter pour éviter d'entrer en contact avec son corps, qui, fermenté de l'intérieur comme de l'exrtérieur, semble n'être qu'une vaste plaie.

Plotin méprise le corps.  Il dit :

«il faut que l'homme diminue est affaiblisse son corps, afin de montrer que l'homme véritable est bien différent des choses extérieures.»
«Il lui faudra faire l'expérience de la souffrance.»
«Il n'est pas possible de vivre dans la société du corps.»
«Il faut savoir laisser le corps par terre et le regarder avec mépris.»


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Message par Saint-Ex Dim 4 Fév 2024 - 18:04

.

À lire en entier, pour, en entier, comprendre Feuerbach.

https://fr.wikisource.org/wiki/Livre:Feuerbach_-_Essence_du_Christianisme,_1864.pdf

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Message par Saint-Ex Dim 4 Fév 2024 - 18:11

alain a écrit:Il me semble bien que le Catholicisme comme le Christianisme ont un " certain problème " avec le sexe.
Elles ne parlent jamais de point G mais ... de point faible.
Ça vient peut être du fait que le sexe rattache fortement à la terre, au matériel, plutôt qu' à la spiritualité.
Et ce peut être vu comme une faiblesse dans un cheminement " vers le ciel " ?
Il n' est pas vraiment admis, dans ces religions, que le plaisir sexuel puisse aller de pair avec le désir d' élévation spirituelle, sans que cela ne pose " certains problèmes ".
Le Catholicisme me paraît beaucoup plus insistant la dessus, et le fait que les prêtres ou les curés soient poussés à la chasteté n' arrange pas la situation et produit parfois ... dès débordements.
Ce que je pense c' est que le sexe est surtout fonction des individus et peut être - ou pas - tout à fait indépendant de la spiritualité.
Certains individus ne peuvent pas s' en passer et pour d' autres c' est quasiment facultatif.

Moi, l'athée de culture catholique déclaré, j'ai des amis religieux.

La plupart se recrutent chez les Chrétiens protestants et chez les Juifs.
Surtout chez les Juifs, qui semblent mieux comprendre l'athéisme que n'importe quel autre reiigieux ...

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Message par Bergame Dim 4 Fév 2024 - 19:20

Vanleers a écrit:Jésus, par ses paroles et ses actes, montre que Dieu est amour, non pas au sens de philia ou eros mais au sens d’agapé
Oui, c'est vrai, c'est la notion que les évangélistes ont retenue. Jean en tout cas ? Il me semble qu'en latin, on traduit d'ailleurs par Deus caritas est, ce qui est encore plus clair.
Tiens, du coup, question : Est-ce qu'il y a un autre évangéliste que Jean pour affirmer que "Dieu est amour", d'ailleurs ?

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Message par Saint-Ex Dim 4 Fév 2024 - 23:15

.

À la lecture des évangiles, on peut comprendre Nietzsche, qui disait :

«Il n'y a eu qu'un seul chrétien sur terre, et c'est Jésus.»

On peut comprendre Camus, qui disait :

Le christ n'a pas débarqué en Algérie

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Message par Kercos Dim 4 Fév 2024 - 23:36

Bergame a écrit:
Dieu n'est pas autre chose que la raison se prenant elle-même pour objet.

Dieu est donc une création, non pas de l'homme, mais de l'espèce humaine, conçue à partir des attributs de l'espèce humaine. En ce sens, Dieu est anthropomorphique :


Que la raison se prenne elle même pour objet (pour sa propre fin)...c'est ce que dit Deleuze en citant Kant...
Cette thèse s'approche des thèses organicistes ( Spencer ou/et Durkheim) qui voient Dieu, non dans l'individu, mais dans le groupe en tant que tendant vers un organisme idéalisé.

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Message par Bergame Lun 5 Fév 2024 - 5:47

Ouhla, c'est beaucoup trop vite dit, au moins s'agissant de Durkheim !
Tu devrais au moins lire ceci.

Quant à :
Que la raison se prenne elle même pour objet (pour sa propre fin)...c'est ce que dit Deleuze en citant Kant...
Sans doute, mais je n'y ai pas insisté particulièrement dans ce petit exposé sur Feuerbach : En fait, c'est une thèse très commune depuis Aristote, qui définissait Dieu dans la Métaphysique comme "intelligence de l'intelligence".

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...que vont charmant masques et bergamasques...
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Message par Vanleers Lun 5 Fév 2024 - 9:08

Bergame a écrit:
Vanleers a écrit:Jésus, par ses paroles et ses actes, montre que Dieu est amour, non pas au sens de philia ou eros mais au sens d’agapé
Oui, c'est vrai, c'est la notion que les évangélistes ont retenue. Jean en tout cas ? Il me semble qu'en latin, on traduit d'ailleurs par Deus caritas est, ce qui est encore plus clair.
Tiens, du coup, question : Est-ce qu'il y a un autre évangéliste que Jean pour affirmer que "Dieu est amour", d'ailleurs ?

Le mot agapé n’a qu’une seule occurrence dans les évangiles de Matthieu et Luc et aucune dans celui de Marc, le plus ancien.
La thèse du Dieu amour est exposée d’une autre façon dans les synoptiques :

Olivier Bobineau a écrit:Dans les synoptiques, l’agapè est « un attachement foncier, lucide et manifeste ; gratuit de la part de Dieu, il est tout imprégné de reconnaissance de la part des hommes à son égard ; spontané, désintéressé et tendre vis-à-vis du prochain » [Spicq, 1966a, 173- 174]. Il connaît son « point suprême de perfection » dans « l’amour des ennemis », dans le « pardon ». « Vouloir du bien à ses ennemis, prier pour eux, leur rendre service est une générosité parfaitement gratuite que ne motive aucune amabilité dans le prochain. Par où l’on voit que la charité n’est ni une passion, ni une sympathie quelconque. Elle s’enracine très avant dans le cœur, c’est une pure et très spirituelle volonté de bien ». Dans ce cas ultime, « le charitable », celui qui est porté par l’agapè, « veut et fait le bien de ceux qui lui veulent et lui font du mal » [Spicq, 1966a, 170, 174].  

https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2010-1-page-293.htm

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