LUCRÈCE
3 participants
Page 1 sur 1
LUCRÈCE
..
LUCRÈCE
De Rerum Natura - La naissance des choses
Chant premier
La nature de la matière
Origine physique des phénomènes.
Début du livre premier
L'être bienheureux et incorruptible, mère des fils d'Énée, volupté de l'homme et des dieux,
Alma Vénus qui, sous la voute constellée, et la mer porte nefs, et la terre aux fruits généreux,
Va peuplant, puisque par toi toutes les vies animées sont conçues
Et, des closes voit le soleil radieux, c'est toi, dive, toi, toi qu'au ciel fuient les vents et les nues
Quand tu viens, toi, sous qui la terre aux trames ingénues penche ses bouquets,
Toi pour qui le plan du pont houleux et l'azur apaisé dans leur éclat profu sourient.
Oui, dès que les jours d'avril rajeunissent et rient, dès que, libre,
Revit le souffle fécond du zéphyr, le peuple ailée divine
Annonce ta venue par ta force frappée qui dans tous les cœurs s'insinue
On voit hardes et troupeaux dans l'herbe grasse s'enfuir, fendre les rues débordées,
L'univers est séduit, chacun pris du désir se presse ou ta loi le conduit,
Par les mers, par les monts, à vaux les rives submergées, sous la feuillée aux mille oiseaux,
Dans les prés verdissant, tu cours inoculée, les désires caressant et la brûlante amour,
D'avoir leur race propagée, Ô toi, toi qui, de nature est seule la timonière,
Toi, qui ne d'aborde à la vive lumière ni sans qui ne d'aimable ne peut s'engager,
Ce sont tes charmes qu'à mes chants je tâche à ménager, et, de nature, je m'essaie à chanter
La matière. Oui, pour le fils cher d'aimer, mie, nature, n'as-tu, dive voulue, que lui voulut
Que toujours excelle au plus hauts traits de la vertu?
N'emprunte qu'à mes chants, divine, qu'une grâce éternelle
Mais, cependant, conserve aux combats sanglants leur répit
Et sur mer et sur terre, fait qu'ils reposent assoupis
Car qui donc mieux que toi de la gente mortelle peut éjouir Mars,
Souvent seigneur de la guerre farouche et des armes le dieu
Cherche asile en ta couche, s'y rejette, meurtri des traits de l'éternel amour
Et, levant vers toi les yeux, repose, un coup fait au tour, se repait d'aimer,
Ô divine, et soupir à ta vue, renversé sur le dos, l'haleine à ta voix suspendue.
Alors, circonviens-le en tes voies sacrées. Répand le baume de ta bouche.
Et de ta parole sereine, atteins à la paisible paix pour Rome, ô, souveraine.
Hé, nous vit-on, si de Rome fussent les temps, moi, chanter l'âme égale
Et fils d'une race héroïque, Memmius parmi les périls, fuir la chose publique,
Car ce qui tient des dieux se voit obligé de jouir de l'éternité dans une paix profonde
Et le complet détachement des choses de ce monde, exempte de souffrance,
Exempte de danger, forte de ses pouvoirs, à notre sort indifférente,
De mérites n'a cure et de courroux point ne fomente.
Pour l'heure, oreille libre, et curieux de voir que ton esprit, loin des soucis,
Se tende au vrai savoir pour que ses présents pour toi pieusement départis
Ne soit quittés que tu n'aies vu tout leur sens et leur prix
Car, du ciel et des dieux remontant aux suprêmes causes,
Je vais t'exposer et chanter le principe des choses, desquelles nature créée
Accroit et nourrit tout, puis en quoi nature au rebours, à la mort, tout résout.
Cela, nous les nommons MATIÈRE, ou bien CORPS GÉNITEURS,
En en rendant raison et semence des choses, l'usage en est constant,
Et puis, au grès des gloses, corps primordiaux, car de tout, ils sont premiers auteurs.
.
LUCRÈCE
De Rerum Natura - La naissance des choses
Chant premier
La nature de la matière
Origine physique des phénomènes.
Début du livre premier
L'être bienheureux et incorruptible, mère des fils d'Énée, volupté de l'homme et des dieux,
Alma Vénus qui, sous la voute constellée, et la mer porte nefs, et la terre aux fruits généreux,
Va peuplant, puisque par toi toutes les vies animées sont conçues
Et, des closes voit le soleil radieux, c'est toi, dive, toi, toi qu'au ciel fuient les vents et les nues
Quand tu viens, toi, sous qui la terre aux trames ingénues penche ses bouquets,
Toi pour qui le plan du pont houleux et l'azur apaisé dans leur éclat profu sourient.
Oui, dès que les jours d'avril rajeunissent et rient, dès que, libre,
Revit le souffle fécond du zéphyr, le peuple ailée divine
Annonce ta venue par ta force frappée qui dans tous les cœurs s'insinue
On voit hardes et troupeaux dans l'herbe grasse s'enfuir, fendre les rues débordées,
L'univers est séduit, chacun pris du désir se presse ou ta loi le conduit,
Par les mers, par les monts, à vaux les rives submergées, sous la feuillée aux mille oiseaux,
Dans les prés verdissant, tu cours inoculée, les désires caressant et la brûlante amour,
D'avoir leur race propagée, Ô toi, toi qui, de nature est seule la timonière,
Toi, qui ne d'aborde à la vive lumière ni sans qui ne d'aimable ne peut s'engager,
Ce sont tes charmes qu'à mes chants je tâche à ménager, et, de nature, je m'essaie à chanter
La matière. Oui, pour le fils cher d'aimer, mie, nature, n'as-tu, dive voulue, que lui voulut
Que toujours excelle au plus hauts traits de la vertu?
N'emprunte qu'à mes chants, divine, qu'une grâce éternelle
Mais, cependant, conserve aux combats sanglants leur répit
Et sur mer et sur terre, fait qu'ils reposent assoupis
Car qui donc mieux que toi de la gente mortelle peut éjouir Mars,
Souvent seigneur de la guerre farouche et des armes le dieu
Cherche asile en ta couche, s'y rejette, meurtri des traits de l'éternel amour
Et, levant vers toi les yeux, repose, un coup fait au tour, se repait d'aimer,
Ô divine, et soupir à ta vue, renversé sur le dos, l'haleine à ta voix suspendue.
Alors, circonviens-le en tes voies sacrées. Répand le baume de ta bouche.
Et de ta parole sereine, atteins à la paisible paix pour Rome, ô, souveraine.
Hé, nous vit-on, si de Rome fussent les temps, moi, chanter l'âme égale
Et fils d'une race héroïque, Memmius parmi les périls, fuir la chose publique,
Car ce qui tient des dieux se voit obligé de jouir de l'éternité dans une paix profonde
Et le complet détachement des choses de ce monde, exempte de souffrance,
Exempte de danger, forte de ses pouvoirs, à notre sort indifférente,
De mérites n'a cure et de courroux point ne fomente.
Pour l'heure, oreille libre, et curieux de voir que ton esprit, loin des soucis,
Se tende au vrai savoir pour que ses présents pour toi pieusement départis
Ne soit quittés que tu n'aies vu tout leur sens et leur prix
Car, du ciel et des dieux remontant aux suprêmes causes,
Je vais t'exposer et chanter le principe des choses, desquelles nature créée
Accroit et nourrit tout, puis en quoi nature au rebours, à la mort, tout résout.
Cela, nous les nommons MATIÈRE, ou bien CORPS GÉNITEURS,
En en rendant raison et semence des choses, l'usage en est constant,
Et puis, au grès des gloses, corps primordiaux, car de tout, ils sont premiers auteurs.
.
Dernière édition par Omer Desseres le Mer 10 Mai 2023 - 20:00, édité 2 fois
Omer Desseres- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 377
Date d'inscription : 26/04/2023
Re: LUCRÈCE
.
Lucrèce est un poète philosophe latin du ier siècle av. J.-C.
Il est l'auteur d'un seul ouvrage en six parties, le De rerum natura, un long poème passionné qui décrit le monde selon les principes d'Épicure.
Ainsi, il explique de façon matérielle les objets et le vivant, qui prennent forme via les combinaisons d'atomes pensées par Leucippe, Démocrite et surtout Épicure et la sagesse de ses développements.
Surtout, Lucrèce unit à la science épicurienne - atomiste donc - la douceur et la dimension visionnaire de la poésie permise par l'observation de la matière telle qu'il la voit à son époque et que chacun peut voir aujourd'hui grâce au matérialisme antique ayant enfanté de la science moderne.
.
Lucrèce est un poète philosophe latin du ier siècle av. J.-C.
Il est l'auteur d'un seul ouvrage en six parties, le De rerum natura, un long poème passionné qui décrit le monde selon les principes d'Épicure.
Ainsi, il explique de façon matérielle les objets et le vivant, qui prennent forme via les combinaisons d'atomes pensées par Leucippe, Démocrite et surtout Épicure et la sagesse de ses développements.
Surtout, Lucrèce unit à la science épicurienne - atomiste donc - la douceur et la dimension visionnaire de la poésie permise par l'observation de la matière telle qu'il la voit à son époque et que chacun peut voir aujourd'hui grâce au matérialisme antique ayant enfanté de la science moderne.
.
Dernière édition par Omer Desseres le Mer 10 Mai 2023 - 15:28, édité 1 fois
Omer Desseres- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 377
Date d'inscription : 26/04/2023
Re: LUCRÈCE
.
Éloge de l'inventeur
L'homme au vu de tous se traînait dans une vie abjecte
Et sous le joug religieux devait courber la tête.
Les dieux montrant leur front depuis les provinces du ciel
Baissaient un œil d'horreur sur le peuple mortel.
Quand, tout homme qu'il fut, un grec a le premier,
Relevant les yeux, eu l'audace de les défier.
Lui, les fables des dieux, la foudre et
Le ciel qui murmure ne l'ont pu retenir
Et n'ont pu que fortifier l'ardeur
Qui le portait à rompre en pionnier la clôture
Et les verrous des portes de la nature.
Sa force d'esprit vainquit,
Celui-là sut le premier forcer les murs de feu de l'enceinte du monde
Et de l'être et des cieux courir l'immensité profonde.
Vainqueur, ce qui peut naître ou non, il nous vint l'enseigner,
Quelle loi définit le possible pour toute chose,
Et quelle borne au tréfonds à tous les débords s'oppose.
La religion est à terre, à son tour exsangue,
Au pied nous triomphons. Et du ciel
Nous voici les égaux
***
L'inventeur, le grec, celui dont nous parle Lucrèce, c'est évidemment Épicure.
***
Éloge de l'inventeur
L'homme au vu de tous se traînait dans une vie abjecte
Et sous le joug religieux devait courber la tête.
Les dieux montrant leur front depuis les provinces du ciel
Baissaient un œil d'horreur sur le peuple mortel.
Quand, tout homme qu'il fut, un grec a le premier,
Relevant les yeux, eu l'audace de les défier.
Lui, les fables des dieux, la foudre et
Le ciel qui murmure ne l'ont pu retenir
Et n'ont pu que fortifier l'ardeur
Qui le portait à rompre en pionnier la clôture
Et les verrous des portes de la nature.
Sa force d'esprit vainquit,
Celui-là sut le premier forcer les murs de feu de l'enceinte du monde
Et de l'être et des cieux courir l'immensité profonde.
Vainqueur, ce qui peut naître ou non, il nous vint l'enseigner,
Quelle loi définit le possible pour toute chose,
Et quelle borne au tréfonds à tous les débords s'oppose.
La religion est à terre, à son tour exsangue,
Au pied nous triomphons. Et du ciel
Nous voici les égaux
***
L'inventeur, le grec, celui dont nous parle Lucrèce, c'est évidemment Épicure.
***
Dernière édition par Omer Desseres le Mer 10 Mai 2023 - 20:17, édité 3 fois
Omer Desseres- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 377
Date d'inscription : 26/04/2023
Re: LUCRÈCE
.
On ne dispose sur la vie de Lucrèce d'aucune information fiable.
Fidèle en tout à sa doctrine, Lucrèce aura mis en pratique un des plus importants préceptes d’Épicure : « Cache ta vie ».
(pour vivre heureux, vivons cachés, quoi ...)
.
On ne dispose sur la vie de Lucrèce d'aucune information fiable.
Fidèle en tout à sa doctrine, Lucrèce aura mis en pratique un des plus importants préceptes d’Épicure : « Cache ta vie ».
(pour vivre heureux, vivons cachés, quoi ...)
.
Omer Desseres- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 377
Date d'inscription : 26/04/2023
Re: LUCRÈCE
.
L’intérêt des philosophes romains, c’est qu’on peut vivre selon leurs principes.
Le poème de Lucrèce, «De la nature des choses», se présente comme un immense traité existentiel perdu dans une encyclopédie du monde.
On peut vivre selon Lucrèce.
Son poème est d’ailleurs une proposition existentielle faite à son dédicataire Memmius.
Le philosophe propose en effet une conversion, autrement dit : une vie nouvelle faisant suite à l’ancienne qu’on abandonne après avoir compris ce qu’il y avait à comprendre, initié par un sage qui nous transmet son savoir.
Ce livre prend donc la forme d’une série de neuf lettres comme autant d’invitations à une sculpture de soi.
Cette éthique propose une esthétique de l’existence.
.
L’intérêt des philosophes romains, c’est qu’on peut vivre selon leurs principes.
Le poème de Lucrèce, «De la nature des choses», se présente comme un immense traité existentiel perdu dans une encyclopédie du monde.
On peut vivre selon Lucrèce.
Son poème est d’ailleurs une proposition existentielle faite à son dédicataire Memmius.
Le philosophe propose en effet une conversion, autrement dit : une vie nouvelle faisant suite à l’ancienne qu’on abandonne après avoir compris ce qu’il y avait à comprendre, initié par un sage qui nous transmet son savoir.
Ce livre prend donc la forme d’une série de neuf lettres comme autant d’invitations à une sculpture de soi.
Cette éthique propose une esthétique de l’existence.
.
Omer Desseres- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 377
Date d'inscription : 26/04/2023
Re: LUCRÈCE
.
Exemple de la religion
Sur un pareil propos, tu pourras penser, je le crains,
D'un savoir impie et du crime à border ses chemins,
Mais la religion plus souvent eu le privilège
De fomenter en son sein le meurtre et le sacrilège.
Ne vit-on en nos lys l'autel de la vierge Trivia
Ignoblement souillée du sang d'hygiène à ça
Que versa l'élite d'Argos, la fleur de la noblesse,
Sitôt que ceint à ses cheveux le bandeau virginal
Eu encadré ses joues, tombant de part et d'autre égal,
Que de son père à l'autel elle a surpris la tristesse,
Vu les prêtres près de lui cacher leurs glaives à leurs dos
Et le peuple à sa vue échappant des sanglots,
Sans mot dire, en tremblant, elle se laisse choir à terre,
Malheureuse, à quoi bon, dans un moment aussi cruel,
Avoir la première au roi donner le doux nom de père,
Enlevée aux mains des guerriers, vacillante, à l'autel on l'emporte,
Non pour être, aux accents de l'hyménée, après le rite accompli,
Chez son époux ramenée, mais pour périr impurement, pure au jour de ses noces,
Déplorable victime, oui, qu'un père immole aux dieux
Pour qu'ils accordent à la flotte un souffle bienheureux,
Tant la religion sut dicter de meurtres atroces.
.
Exemple de la religion
Sur un pareil propos, tu pourras penser, je le crains,
D'un savoir impie et du crime à border ses chemins,
Mais la religion plus souvent eu le privilège
De fomenter en son sein le meurtre et le sacrilège.
Ne vit-on en nos lys l'autel de la vierge Trivia
Ignoblement souillée du sang d'hygiène à ça
Que versa l'élite d'Argos, la fleur de la noblesse,
Sitôt que ceint à ses cheveux le bandeau virginal
Eu encadré ses joues, tombant de part et d'autre égal,
Que de son père à l'autel elle a surpris la tristesse,
Vu les prêtres près de lui cacher leurs glaives à leurs dos
Et le peuple à sa vue échappant des sanglots,
Sans mot dire, en tremblant, elle se laisse choir à terre,
Malheureuse, à quoi bon, dans un moment aussi cruel,
Avoir la première au roi donner le doux nom de père,
Enlevée aux mains des guerriers, vacillante, à l'autel on l'emporte,
Non pour être, aux accents de l'hyménée, après le rite accompli,
Chez son époux ramenée, mais pour périr impurement, pure au jour de ses noces,
Déplorable victime, oui, qu'un père immole aux dieux
Pour qu'ils accordent à la flotte un souffle bienheureux,
Tant la religion sut dicter de meurtres atroces.
.
Omer Desseres- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 377
Date d'inscription : 26/04/2023
Re: LUCRÈCE
.
Terme de la souffrance
Toi-même, un jour, troublé par le dire effrayant des poètes sacrés
Peut-être iras-tu me fuyant, car ne savent-ils pas forger de rêveries
Capables de bouleverser les chemins de nos vies
Et de troubler d'effroi les occasions opportunes
Comment non, car s'ils voyaient un terme à ces infortunes
Homme pourrait résister au moins en quelque façon
Aux peurs qu'on lui vaticine et aux superstitions
Mais il n'a ni moyen ni faculté de résistance
Dès que sont les mots qu'on lui fait craindre à sa mort
De l'âme il ne sait la nature et n'en connaît le sort
Naît-elle avec la chair en s'y glissant à la naissance
Périt-elle avec nous pour se dissiper au tombeau
Rejoint-elle le sombre Horcus au teint noir de l'abîme
Migre-t-elle en d'autres vivants par merveille divine
C'est ce que chante Ennius, qui, de l'Hélicon si beau,
Le premier revenant le front ceint des lauriers éternels
Dont le nom résonna par les nations d'Italie.
Mais ailleurs notre Ennius chante dans des vers immortels
Qu'il est dans l'Achéron une province ensevelie
Où,, selon lui, ni nos corps ni nos âmes se glissent
Mais des formes dont tous les traits étrangement pâlissent.
Dans sa gloire, et verte encore, lui parue l'ombre d'Homère
Qui, dit-il, le regard noyé dans une tristesse amère
Entrepris de lui révéler comment le monde est fait
Ici haut, nous devons nous aussi comprendre aux tréfonds
Comment la lune et le jour font leurs révolutions
Comment chaque force accomplit sur terre son effet,
Mais surtout, nous armant d'une pénétrante logique,
Percer comment l'âme-esprit dans la matière s'intrique
Et qui fait ces visions qui nous effrayent quand la fièvre brûle,
Ou, la nuit, quand on dort son sommeil au point qu'on croie parfois ouïr
Et voir vis à vis nos défunts dont les os sont sous la terre ensevelis.
Des Grecs, je le sais, éclairer les trouvailles obscures
Est pour la muse latine une tâche des plus dures
Surtout que l'on doit souvent inventer des mots
Car le langage est pauvres et les sujets nouveaux.
Mais tes vertus me font avec le plaisir d'un partage si doux
Consentir à toutes les gênes et me poussent à veiller
Au long de mes nuis sereines à la recherche des mots
Et des rythmes éclatants qui pourront répandre en ton cœur
D'assez vives lumières pour percer jusqu'aux tréfonds
Les choses et leurs mystères
.
Terme de la souffrance
Toi-même, un jour, troublé par le dire effrayant des poètes sacrés
Peut-être iras-tu me fuyant, car ne savent-ils pas forger de rêveries
Capables de bouleverser les chemins de nos vies
Et de troubler d'effroi les occasions opportunes
Comment non, car s'ils voyaient un terme à ces infortunes
Homme pourrait résister au moins en quelque façon
Aux peurs qu'on lui vaticine et aux superstitions
Mais il n'a ni moyen ni faculté de résistance
Dès que sont les mots qu'on lui fait craindre à sa mort
De l'âme il ne sait la nature et n'en connaît le sort
Naît-elle avec la chair en s'y glissant à la naissance
Périt-elle avec nous pour se dissiper au tombeau
Rejoint-elle le sombre Horcus au teint noir de l'abîme
Migre-t-elle en d'autres vivants par merveille divine
C'est ce que chante Ennius, qui, de l'Hélicon si beau,
Le premier revenant le front ceint des lauriers éternels
Dont le nom résonna par les nations d'Italie.
Mais ailleurs notre Ennius chante dans des vers immortels
Qu'il est dans l'Achéron une province ensevelie
Où,, selon lui, ni nos corps ni nos âmes se glissent
Mais des formes dont tous les traits étrangement pâlissent.
Dans sa gloire, et verte encore, lui parue l'ombre d'Homère
Qui, dit-il, le regard noyé dans une tristesse amère
Entrepris de lui révéler comment le monde est fait
Ici haut, nous devons nous aussi comprendre aux tréfonds
Comment la lune et le jour font leurs révolutions
Comment chaque force accomplit sur terre son effet,
Mais surtout, nous armant d'une pénétrante logique,
Percer comment l'âme-esprit dans la matière s'intrique
Et qui fait ces visions qui nous effrayent quand la fièvre brûle,
Ou, la nuit, quand on dort son sommeil au point qu'on croie parfois ouïr
Et voir vis à vis nos défunts dont les os sont sous la terre ensevelis.
Des Grecs, je le sais, éclairer les trouvailles obscures
Est pour la muse latine une tâche des plus dures
Surtout que l'on doit souvent inventer des mots
Car le langage est pauvres et les sujets nouveaux.
Mais tes vertus me font avec le plaisir d'un partage si doux
Consentir à toutes les gênes et me poussent à veiller
Au long de mes nuis sereines à la recherche des mots
Et des rythmes éclatants qui pourront répandre en ton cœur
D'assez vives lumières pour percer jusqu'aux tréfonds
Les choses et leurs mystères
.
Omer Desseres- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 377
Date d'inscription : 26/04/2023
Re: LUCRÈCE
.
Avec Lucrèce, le savoir est ici :
- que le réel est matériel.
- qu’il n’est fait que d’atomes qui tombent dans le vide et de rien d’autre,
- que cette physique de l’ici-bas dispense d’une métaphysique de l’au-delà,
- que la religion est superstition et qu’il faut lui préférer la philosophie,
- qu’il faut donner au corps ce qu’il demande dans la limite où ce qu’on lui donne ne l’asservit pas,
- que l’amour est un remède à la passion,
- que la sagesse est atteignable et qu’elle consiste en une arithmétique des plaisirs accompagnée par une diététique des désirs,
- qu’il n’y a ni enfer ni paradis mais juste un monde immanent et tangible,
- que la mort n’est pas à craindre puisqu’elle n’est qu’une modification de la matière et non sa suppression,
- que le réel est tragique et que le savoir confère de la sérénité,
- que le paradis existe sur terre pourvu qu’on le construise avec détermination ...
.
Avec Lucrèce, le savoir est ici :
- que le réel est matériel.
- qu’il n’est fait que d’atomes qui tombent dans le vide et de rien d’autre,
- que cette physique de l’ici-bas dispense d’une métaphysique de l’au-delà,
- que la religion est superstition et qu’il faut lui préférer la philosophie,
- qu’il faut donner au corps ce qu’il demande dans la limite où ce qu’on lui donne ne l’asservit pas,
- que l’amour est un remède à la passion,
- que la sagesse est atteignable et qu’elle consiste en une arithmétique des plaisirs accompagnée par une diététique des désirs,
- qu’il n’y a ni enfer ni paradis mais juste un monde immanent et tangible,
- que la mort n’est pas à craindre puisqu’elle n’est qu’une modification de la matière et non sa suppression,
- que le réel est tragique et que le savoir confère de la sérénité,
- que le paradis existe sur terre pourvu qu’on le construise avec détermination ...
.
Omer Desseres- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 377
Date d'inscription : 26/04/2023
Re: LUCRÈCE
.
Des pensées d'Épicure il ne reste pas grand chose.
La pensée suivante est celle qui a inspiré Lucrèce dans l'écriture du chant précédent sur ce forum.
«Quand j'y suis, la mort n'y est pas, et quand la mort y est, je n'y suis pas. »
Une pensée pareille indique les raisons pour lesquelles les copistes chrétiens de la pensée chrétienne fondée sur la résurrection des corps ne se soient pas précipités pour copier Épicure. Il ne faut pas s'étonner qu'il ne nous reste pratiquement rien de ce philosophe. Le christianisme a été pendant des siècles et des siècles l'équivalent de l'ONU d'aujourd'hui. Le christianisme a régné sur les corps et les esprits en dictateur sournois luttant à la destruction générale de toutes les spiritualités autres que la sienne. L'islam copiera le principe égémonique du christianisme jusqu'à notre époque et avec un surprenant succès dû au principe double de son Dhihad, celui par le verbe et celui par l'épée.
Le Dieu biblique est le même chez chacun des monothéismes.
Nous avons là aussi la raison exacte de la lutte multi-séculaire du christianisme contre la science moderne, fille d'Épicure et du matérialisme qui est à l'évidence une pensée matérialiste ayant triomphé de la pensée chrétienne, mais que les philosophes de l'idéalisme actuel et le peu du reste des théologiens d'une Église en décomposition s'évertuent à séparer de la foi et de toutes les philosophies possibles et imaginables.
L'erreur est grossière.
La science moderne constitue en l'âme des plus honnêtes scientifiques la pure philosophie d'une nouvelle religion, le transhumanisme, qui, déjà, fait peur à tous les intellectuels de la pensée se pensant elle-même malgré le délire évident porté par la pensée délirante d'un tel transhumanisme (ou peut-être à cause de cette pensée délirante).
Tiens, cela dit, en passant, il faudra un jour se pencher sur les doubles significations des termes portant sur la pensée matérialiste de la philosophie antique.
Aujourd'hui, l'épicurisme, ce n'est pas le nom d'une philosophie de la frugalité alimentaire d'Épicure.
C'est celui de la gastronomie la mieux fournie en volume et en prix.
Aujourd'hui, le cynisme, ce n'est pas le nom de la pensée naturaliste d'un Diogène refusant l'offre d'Alexandre.
C'est celui des collectionneurs de femmes et de Ferrari se bâfrant à exploser leur panse de caviar et de whisky en fumant de gigantesques cigars accompagnés du son gutturale et grotesque de leurs éclats de rire obscènes.
Aujourd'hui, le matérialismece n'est pas le nom d'une pensée éminemment sophistiquée avançant sur le fond d'une spiritualité évidente indiquée par de rares Lucrèce ou Diogène Laërce.
C'est celui des actionnaires de banques et de multinationales collectionneurs de yachts, de biréacteurs, de Bentley et de programmes informatiques organisant le vol général totalement inconnu et donc impuni et le spectacle de la joie impudique des femmes gueulant leurs simulations d'orgasmes sur des milliards d'écrans.
.
Des pensées d'Épicure il ne reste pas grand chose.
La pensée suivante est celle qui a inspiré Lucrèce dans l'écriture du chant précédent sur ce forum.
«Quand j'y suis, la mort n'y est pas, et quand la mort y est, je n'y suis pas. »
Une pensée pareille indique les raisons pour lesquelles les copistes chrétiens de la pensée chrétienne fondée sur la résurrection des corps ne se soient pas précipités pour copier Épicure. Il ne faut pas s'étonner qu'il ne nous reste pratiquement rien de ce philosophe. Le christianisme a été pendant des siècles et des siècles l'équivalent de l'ONU d'aujourd'hui. Le christianisme a régné sur les corps et les esprits en dictateur sournois luttant à la destruction générale de toutes les spiritualités autres que la sienne. L'islam copiera le principe égémonique du christianisme jusqu'à notre époque et avec un surprenant succès dû au principe double de son Dhihad, celui par le verbe et celui par l'épée.
Le Dieu biblique est le même chez chacun des monothéismes.
Nous avons là aussi la raison exacte de la lutte multi-séculaire du christianisme contre la science moderne, fille d'Épicure et du matérialisme qui est à l'évidence une pensée matérialiste ayant triomphé de la pensée chrétienne, mais que les philosophes de l'idéalisme actuel et le peu du reste des théologiens d'une Église en décomposition s'évertuent à séparer de la foi et de toutes les philosophies possibles et imaginables.
L'erreur est grossière.
La science moderne constitue en l'âme des plus honnêtes scientifiques la pure philosophie d'une nouvelle religion, le transhumanisme, qui, déjà, fait peur à tous les intellectuels de la pensée se pensant elle-même malgré le délire évident porté par la pensée délirante d'un tel transhumanisme (ou peut-être à cause de cette pensée délirante).
Tiens, cela dit, en passant, il faudra un jour se pencher sur les doubles significations des termes portant sur la pensée matérialiste de la philosophie antique.
Aujourd'hui, l'épicurisme, ce n'est pas le nom d'une philosophie de la frugalité alimentaire d'Épicure.
C'est celui de la gastronomie la mieux fournie en volume et en prix.
Aujourd'hui, le cynisme, ce n'est pas le nom de la pensée naturaliste d'un Diogène refusant l'offre d'Alexandre.
C'est celui des collectionneurs de femmes et de Ferrari se bâfrant à exploser leur panse de caviar et de whisky en fumant de gigantesques cigars accompagnés du son gutturale et grotesque de leurs éclats de rire obscènes.
Aujourd'hui, le matérialismece n'est pas le nom d'une pensée éminemment sophistiquée avançant sur le fond d'une spiritualité évidente indiquée par de rares Lucrèce ou Diogène Laërce.
C'est celui des actionnaires de banques et de multinationales collectionneurs de yachts, de biréacteurs, de Bentley et de programmes informatiques organisant le vol général totalement inconnu et donc impuni et le spectacle de la joie impudique des femmes gueulant leurs simulations d'orgasmes sur des milliards d'écrans.
.
Omer Desseres- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 377
Date d'inscription : 26/04/2023
Re: LUCRÈCE
.
En 1417, un érudit florentin retrouve un ouvrage du poète latin Lucrèce datant du Ier siècle avant J.-C. Il contenait des idées qui allaient enflammer les esprits de la Renaissance italienne.
La Bibliothèque Laurentienne du monastère San Lorenzo à Florence, conçue par Michel-Ange pour les Médicis, conserve, parmi 11 000 manuscrits rares, un trésor littéraire : un ouvrage à la couverture de cuir rouge patinée par les siècles et incrustée de métal, que les experts, historiens ou philologues, ne sont autorisés à feuilleter qu’avec des gants de latex. Ce livre aurait pourtant pu être perdu à jamais, et l’histoire de l’Humanité aurait alors peut-être suivi un autre cours…
Hiver 1417. Poggio Bracciolini, dit «Le Pogge», frappe à la porte d’un monastère, quelque part dans le sud de l’Allemagne, à la recherche de manuscrits rares. Frêle, le visage glabre, vêtu simplement et seulement escorté d’un compagnon, rien ne laisse deviner sa condition de notable florentin. Deux ans plus tôt, en mai 1415, cet ancien secrétaire apostolique à Rome s’était retrouvé soudainement sans emploi, lorsque son «patron», en raison de sa vie «odieuse et impudique», avait été déposé et son nom rayé de la liste des papes par le concile de Constance. Le Pogge aurait alors pu retourner en Toscane, où il aurait récupéré une charge digne de sa condition. Mais il préféra se reconvertir en chasseur de livres.
La traque des manuscrits anciens avait été lancée par l’humaniste italien Pétrarque dans les années 1330. Sillonnant l’Europe à la recherche d’ouvrages des grands auteurs de l’Antiquité, il avait ainsi découvert à Liège, en Belgique, une version de Pro Archia, de Cicéron, et reconstitué la monumentale Histoire de Rome de Tite-Live. Un siècle plus tard, la fièvre n’était pas retombée. Les chefs-d’œuvre surgis du passé étaient recherchés, copiés, commentés, étudiés… Où dénichait-on ces perles rares ? Dans les bibliothèques des monastères, qui, pendant des siècles, étaient seules à avoir conservé, protégé et recopié les livres de théologie, les recueils de prières aux riches enluminures, mais aussi des ouvrages païens, discours de philosophie, poésie ou traités de médecine. Interdits aux visiteurs, les lieux étaient étroitement surveillés par les moines. Certains ouvrages étaient même protégés par des sorts, comme le montre l’avertissement adressé à un éventuel voleur retrouvé sur la page de garde d’un parchemin : «Que le livre se transforme en serpent dans sa main et le morde. Qu’il soit atteint de paralysie et que tous ses membres soient brisés.» La malédiction se poursuit en promettant au malfaiteur des vers lui dévorant les entrailles et, évidemment, les flammes de l’enfer à perpétuité. Même un sceptique laïc aurait hésité à passer outre une telle prédiction.
Latiniste brillant, fin connaisseur des us et coutumes de l’Eglise et doté d’un charisme naturel, Le Pogge ne manquait pas d’atouts pour gagner la confiance d’un abbé, et convaincre le moine bibliothécaire de le laisser fouiller dans ses rayonnages les plus secrets. C’est ainsi qu’en janvier 1417, dans un monastère isolé des Alpes, il fit la découverte la plus importante de sa carrière de chasseur de livres : un long texte rédigé poète et philosophe appelé Lucrèce, et intitulé De rerum natura, c’est-à-dire De la nature des choses.
Le Pogge admirait par-dessus tout Cicéron. Aussi ne devait-il pas ignorer cette missive du grand orateur romain à son frère Quintus, daté du 2 février 54 avant J.-C. : «Les poèmes de Lucrèce sont bien comme tu le dis : le génie y brille et, par ailleurs, l’art y est grand.» Lucrèce est un poète latin du Ier siècle avant notre ère, et De la nature est son œuvre unique. Il y décrit le monde selon les visions du philosophe grec Épicure. A une époque où règne l’Inquisition, où le bûcher s’enflamme pour un rien, son contenu est explosif.
.
En 1417, un érudit florentin retrouve un ouvrage du poète latin Lucrèce datant du Ier siècle avant J.-C. Il contenait des idées qui allaient enflammer les esprits de la Renaissance italienne.
La Bibliothèque Laurentienne du monastère San Lorenzo à Florence, conçue par Michel-Ange pour les Médicis, conserve, parmi 11 000 manuscrits rares, un trésor littéraire : un ouvrage à la couverture de cuir rouge patinée par les siècles et incrustée de métal, que les experts, historiens ou philologues, ne sont autorisés à feuilleter qu’avec des gants de latex. Ce livre aurait pourtant pu être perdu à jamais, et l’histoire de l’Humanité aurait alors peut-être suivi un autre cours…
Hiver 1417. Poggio Bracciolini, dit «Le Pogge», frappe à la porte d’un monastère, quelque part dans le sud de l’Allemagne, à la recherche de manuscrits rares. Frêle, le visage glabre, vêtu simplement et seulement escorté d’un compagnon, rien ne laisse deviner sa condition de notable florentin. Deux ans plus tôt, en mai 1415, cet ancien secrétaire apostolique à Rome s’était retrouvé soudainement sans emploi, lorsque son «patron», en raison de sa vie «odieuse et impudique», avait été déposé et son nom rayé de la liste des papes par le concile de Constance. Le Pogge aurait alors pu retourner en Toscane, où il aurait récupéré une charge digne de sa condition. Mais il préféra se reconvertir en chasseur de livres.
La traque des manuscrits anciens avait été lancée par l’humaniste italien Pétrarque dans les années 1330. Sillonnant l’Europe à la recherche d’ouvrages des grands auteurs de l’Antiquité, il avait ainsi découvert à Liège, en Belgique, une version de Pro Archia, de Cicéron, et reconstitué la monumentale Histoire de Rome de Tite-Live. Un siècle plus tard, la fièvre n’était pas retombée. Les chefs-d’œuvre surgis du passé étaient recherchés, copiés, commentés, étudiés… Où dénichait-on ces perles rares ? Dans les bibliothèques des monastères, qui, pendant des siècles, étaient seules à avoir conservé, protégé et recopié les livres de théologie, les recueils de prières aux riches enluminures, mais aussi des ouvrages païens, discours de philosophie, poésie ou traités de médecine. Interdits aux visiteurs, les lieux étaient étroitement surveillés par les moines. Certains ouvrages étaient même protégés par des sorts, comme le montre l’avertissement adressé à un éventuel voleur retrouvé sur la page de garde d’un parchemin : «Que le livre se transforme en serpent dans sa main et le morde. Qu’il soit atteint de paralysie et que tous ses membres soient brisés.» La malédiction se poursuit en promettant au malfaiteur des vers lui dévorant les entrailles et, évidemment, les flammes de l’enfer à perpétuité. Même un sceptique laïc aurait hésité à passer outre une telle prédiction.
Latiniste brillant, fin connaisseur des us et coutumes de l’Eglise et doté d’un charisme naturel, Le Pogge ne manquait pas d’atouts pour gagner la confiance d’un abbé, et convaincre le moine bibliothécaire de le laisser fouiller dans ses rayonnages les plus secrets. C’est ainsi qu’en janvier 1417, dans un monastère isolé des Alpes, il fit la découverte la plus importante de sa carrière de chasseur de livres : un long texte rédigé poète et philosophe appelé Lucrèce, et intitulé De rerum natura, c’est-à-dire De la nature des choses.
Le Pogge admirait par-dessus tout Cicéron. Aussi ne devait-il pas ignorer cette missive du grand orateur romain à son frère Quintus, daté du 2 février 54 avant J.-C. : «Les poèmes de Lucrèce sont bien comme tu le dis : le génie y brille et, par ailleurs, l’art y est grand.» Lucrèce est un poète latin du Ier siècle avant notre ère, et De la nature est son œuvre unique. Il y décrit le monde selon les visions du philosophe grec Épicure. A une époque où règne l’Inquisition, où le bûcher s’enflamme pour un rien, son contenu est explosif.
.
Saint-Ex- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1720
Date d'inscription : 01/07/2023
Re: LUCRÈCE
L’Eglise tenta, en 1549, d’interdire l’ouvrage «obscène et malfaisant».
De la nature est un texte ardu : un poème de 7 400 hexamètres non rimés, comme ceux d’Ovide ou de Virgile, d’une beauté lyrique stupéfiante. C’est surtout une longue réflexion sur le sens de la vie, la mort, la société, le monde. Lucrèce y explique que toute chose sur terre est un assemblage de particules élémentaires invisibles à l’œil nu, appelées «atomes». Ces atomes, en mouvement perpétuel, s’agglomèrent pour former des corps de plus en plus volumineux. Les astres dans le ciel sont constitués d’atomes, tout comme les grains de sable sur la plage. Il en résulte que les corps célestes ne sont pas des divinités. Les hommes n’occupent pas la place privilégiée dans un univers créé autour d’eux, comme l’affirment les religions. L’âme humaine, constituée du même matériau que son corps, est mortelle comme lui. Il n’y a donc pas de vie après la mort, ni enfer, ni paradis…
En découvrant cet ouvrage, Le Pogge ordonna immédiatement à son scribe, avec la permission des moines, d’en réaliser un double pour le ramener à Florence. Il prêta ensuite cet exemplaire à son ami, l’érudit florentin Nicollo Nicolli, qui a son tour en fit faire une copie qui devait être ensuite à l’origine de toutes les éditions du texte de Lucrèce imprimées aux XVe et XVIe siècles. Ce poème et ces idées, endormies depuis mille ans, commencèrent ainsi à circuler de nouveau, participant à l’un des plus grands bouleversements de l’histoire de l’Humanité et à l’émergence d’une ère nouvelle.
L’ordre établi ne se laissa pas abattre sans résistance. En décembre 1516, un siècle après la découverte faite par Le Pogge, un synode, un groupe de responsables influents du clergé florentin jugea l’ouvrage «obscène et malfaisant» et en prohiba l’impression. Mais il était trop tard : une édition avait vu le jour à Bologne, une autre à Paris. En 1549, il fut proposé de mettre De la nature dans la liste des ouvrages interdits aux catholiques (cette liste ne fut abolie qu’en 1966). Deux hommes d’Eglise puissants, le cardinal Marcello Cervini, futur pape Marcel II, et Michel Ghislieri, commissaire général de l’Inquisition et futur Pie V, s’y opposèrent pourtant. Les poèmes de Lucrèce, décrété auteur païen, pouvaient être lus, mais comme des fables.
.
De la nature est un texte ardu : un poème de 7 400 hexamètres non rimés, comme ceux d’Ovide ou de Virgile, d’une beauté lyrique stupéfiante. C’est surtout une longue réflexion sur le sens de la vie, la mort, la société, le monde. Lucrèce y explique que toute chose sur terre est un assemblage de particules élémentaires invisibles à l’œil nu, appelées «atomes». Ces atomes, en mouvement perpétuel, s’agglomèrent pour former des corps de plus en plus volumineux. Les astres dans le ciel sont constitués d’atomes, tout comme les grains de sable sur la plage. Il en résulte que les corps célestes ne sont pas des divinités. Les hommes n’occupent pas la place privilégiée dans un univers créé autour d’eux, comme l’affirment les religions. L’âme humaine, constituée du même matériau que son corps, est mortelle comme lui. Il n’y a donc pas de vie après la mort, ni enfer, ni paradis…
En découvrant cet ouvrage, Le Pogge ordonna immédiatement à son scribe, avec la permission des moines, d’en réaliser un double pour le ramener à Florence. Il prêta ensuite cet exemplaire à son ami, l’érudit florentin Nicollo Nicolli, qui a son tour en fit faire une copie qui devait être ensuite à l’origine de toutes les éditions du texte de Lucrèce imprimées aux XVe et XVIe siècles. Ce poème et ces idées, endormies depuis mille ans, commencèrent ainsi à circuler de nouveau, participant à l’un des plus grands bouleversements de l’histoire de l’Humanité et à l’émergence d’une ère nouvelle.
L’ordre établi ne se laissa pas abattre sans résistance. En décembre 1516, un siècle après la découverte faite par Le Pogge, un synode, un groupe de responsables influents du clergé florentin jugea l’ouvrage «obscène et malfaisant» et en prohiba l’impression. Mais il était trop tard : une édition avait vu le jour à Bologne, une autre à Paris. En 1549, il fut proposé de mettre De la nature dans la liste des ouvrages interdits aux catholiques (cette liste ne fut abolie qu’en 1966). Deux hommes d’Eglise puissants, le cardinal Marcello Cervini, futur pape Marcel II, et Michel Ghislieri, commissaire général de l’Inquisition et futur Pie V, s’y opposèrent pourtant. Les poèmes de Lucrèce, décrété auteur païen, pouvaient être lus, mais comme des fables.
.
Saint-Ex- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1720
Date d'inscription : 01/07/2023
Re: LUCRÈCE
Grâce au Pogge, les penseurs européens eurent accès aux idées de Lucrèce.
Ce subterfuge permit au texte de se répandre dans toute l’Europe, et d’atteindre les esprits les plus brillants de l’époque : Erasme, Machiavel, Galilée, Thomas More – le plus illustre représentant de l’humanisme anglais – ou encore Montaigne, dont l’exemplaire personnel aux marges surchargées de commentaires a été retrouvé en 1989 dans une vente aux enchères.
La Renaissance serait-elle née d’un simple livre ? «Un seul poème n’est pas responsable d’une telle mutation intellectuelle, morale et sociale, répond l’historien Stephen Greenblatt, lauréat du prestigieux Pultizer pour l’essai qu’il a consacré au Pogge Quattrocento. Pourtant, ce vieux livre-là, soudain à nouveau accessible, a joué un rôle essentiel.
Essentiel et pérenne : en 1776, un planteur de Virginie participait à la rédaction du texte fondateur de la toute nouvelle république des Etats-Unis. Grand admirateur de De la nature – au point d’en posséder cinq exemplaires – le futur président Thomas Jefferson donna à ce document politique une tournure résolument lucrétienne. Les atomes de Lucrèce, sauvés par Le Pogge à l’aube de la Renaissance, devaient ainsi laisser leur empreinte, quatre siècles plus tard, dans la Déclaration d’indépendance américaine.
.
Ce subterfuge permit au texte de se répandre dans toute l’Europe, et d’atteindre les esprits les plus brillants de l’époque : Erasme, Machiavel, Galilée, Thomas More – le plus illustre représentant de l’humanisme anglais – ou encore Montaigne, dont l’exemplaire personnel aux marges surchargées de commentaires a été retrouvé en 1989 dans une vente aux enchères.
La Renaissance serait-elle née d’un simple livre ? «Un seul poème n’est pas responsable d’une telle mutation intellectuelle, morale et sociale, répond l’historien Stephen Greenblatt, lauréat du prestigieux Pultizer pour l’essai qu’il a consacré au Pogge Quattrocento. Pourtant, ce vieux livre-là, soudain à nouveau accessible, a joué un rôle essentiel.
Essentiel et pérenne : en 1776, un planteur de Virginie participait à la rédaction du texte fondateur de la toute nouvelle république des Etats-Unis. Grand admirateur de De la nature – au point d’en posséder cinq exemplaires – le futur président Thomas Jefferson donna à ce document politique une tournure résolument lucrétienne. Les atomes de Lucrèce, sauvés par Le Pogge à l’aube de la Renaissance, devaient ainsi laisser leur empreinte, quatre siècles plus tard, dans la Déclaration d’indépendance américaine.
.
Saint-Ex- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1720
Date d'inscription : 01/07/2023
Re: LUCRÈCE
.
Pourquoi paraît-il impensable à Lucrèce comme à Épicure de nier purement et simplement l'existence des dieux ?
Parce que l'heure n'est pas venue de prendre congé de ces dieux.
Je crois qu'il existe un temps pour chaque chose et que ce temps est celui du processus évolutif à l'œuvre dans les cerveaux humains. Je sais que l'idée fera sursauter ceux qui souscrivent aux lectures chrétiennes et marxistes du temps, c'est-à-dire tout le monde ou presque dans le monde occidental, à savoir une flèche qui conduit à la résolution dialectique de tous les conflits dans un monde réconcilié, et ce grâce à la Raison, idole majuscule.
Or il existe un temps dont nous pourrions dire, en nous servant de Bergson, qu'il est celui de l'évolution créatrice. La raison peine à rendre compte de façon claire et distincte pour mobiliser les catégories du Discours de la méthode.
La raison ne produit pas le monde, elle est produite par lui. Elle est à son service, elle est commandée, guidée, voulue. Elle ne commande rien, ne guide rien, ne veut rien.
Des forces que n'analyse pas la Raison raisonnable et raisonnante occidentale se trouve à l'œuvre partout dans le cosmos. Elles produisent leurs effets en soumettant la totalité de ce qui est à leur ordre. L'infiniment grand et l'infiniment petit lui obéissent.
Dans une lettre à Schuler, Spinoza affirmait : «Les hommes se croient libres parce qu'ils ignorent les causes qui les déterminent».
Il avait raison !
Notre raison ne veut pas consentir au déterminisme total, à la toute puissance de la nécessité, elle rechigne à un fatalisme intégral.
Il lui faut donc des causalités magiques pour masquer l'évidence que nous obéissons à un plan que nous ignorons, qui n'est pas divin, précisons-le, mais qui est phylogénétique et rigoureusement matérialiste.
Ce plan nous détermine absolument
.
Pourquoi paraît-il impensable à Lucrèce comme à Épicure de nier purement et simplement l'existence des dieux ?
Parce que l'heure n'est pas venue de prendre congé de ces dieux.
Je crois qu'il existe un temps pour chaque chose et que ce temps est celui du processus évolutif à l'œuvre dans les cerveaux humains. Je sais que l'idée fera sursauter ceux qui souscrivent aux lectures chrétiennes et marxistes du temps, c'est-à-dire tout le monde ou presque dans le monde occidental, à savoir une flèche qui conduit à la résolution dialectique de tous les conflits dans un monde réconcilié, et ce grâce à la Raison, idole majuscule.
Or il existe un temps dont nous pourrions dire, en nous servant de Bergson, qu'il est celui de l'évolution créatrice. La raison peine à rendre compte de façon claire et distincte pour mobiliser les catégories du Discours de la méthode.
La raison ne produit pas le monde, elle est produite par lui. Elle est à son service, elle est commandée, guidée, voulue. Elle ne commande rien, ne guide rien, ne veut rien.
Des forces que n'analyse pas la Raison raisonnable et raisonnante occidentale se trouve à l'œuvre partout dans le cosmos. Elles produisent leurs effets en soumettant la totalité de ce qui est à leur ordre. L'infiniment grand et l'infiniment petit lui obéissent.
Dans une lettre à Schuler, Spinoza affirmait : «Les hommes se croient libres parce qu'ils ignorent les causes qui les déterminent».
Il avait raison !
Notre raison ne veut pas consentir au déterminisme total, à la toute puissance de la nécessité, elle rechigne à un fatalisme intégral.
Il lui faut donc des causalités magiques pour masquer l'évidence que nous obéissons à un plan que nous ignorons, qui n'est pas divin, précisons-le, mais qui est phylogénétique et rigoureusement matérialiste.
Ce plan nous détermine absolument
.
Dernière édition par Saint-Ex le Jeu 10 Aoû 2023 - 3:14, édité 1 fois
Saint-Ex- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1720
Date d'inscription : 01/07/2023
Re: LUCRÈCE
Mouais. Et moi je lis une auto-absolution au moindre coût.
_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 8364
Date d'inscription : 31/10/2009
Re: LUCRÈCE
.
Si Nature Créatrice eût disposé dans ses lois
Que tout se dût dissoudre en ses unités minimales (comme les auto-absolutions les moins chères),
Rien ne pût renaître alors des miettes primordiales
Pour ce qu'à des corps sans parties manquerait chaque fois
Ce que pour engendrer doit offrir la matière :
Cette diversité de liaisons, d'impact, de poids,
De concours, de mouvements, dont naît la nature entière.
LUCRÈCE
.
Si Nature Créatrice eût disposé dans ses lois
Que tout se dût dissoudre en ses unités minimales (comme les auto-absolutions les moins chères),
Rien ne pût renaître alors des miettes primordiales
Pour ce qu'à des corps sans parties manquerait chaque fois
Ce que pour engendrer doit offrir la matière :
Cette diversité de liaisons, d'impact, de poids,
De concours, de mouvements, dont naît la nature entière.
LUCRÈCE
.
Saint-Ex- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1720
Date d'inscription : 01/07/2023
Re: LUCRÈCE
.
Cher Néo, dis-moi si ta métaphysique est capable de construire la prothèse équipant la jambe de ce bonhomme heureux de marcher comme s'il en avait deux. ()
à des corps sans parties manquerait chaque fois
ce que pour engendrer doit offrir la matière :
cette diversité de liaisons, d'impact, de poids,
de concours, de mouvements ... Lucrèce ...
.
Cher Néo, dis-moi si ta métaphysique est capable de construire la prothèse équipant la jambe de ce bonhomme heureux de marcher comme s'il en avait deux. ()
à des corps sans parties manquerait chaque fois
ce que pour engendrer doit offrir la matière :
cette diversité de liaisons, d'impact, de poids,
de concours, de mouvements ... Lucrèce ...
.
Saint-Ex- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1720
Date d'inscription : 01/07/2023
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|