Re: Teilhard de Chardin et la science de la complexité

[Vanleers]

Il y a eu trois grandes révolution scientifiques au XX° siècle : la théorie de la relativité générale, la mécanique quantique et la science de la complexité.
Dans un article qu’on peut lire en :

https://www.cairn.info/revue-etudes-2004-7-page-43.htm

Teilhard fut-il un visionnaire de la Science contemporaine ? A-t-il été l’annonciateur d’un paradigme qui, aujourd’hui, émerge lentement dans les milieux scientifiques : celui de la complexité ? Pierre Teilhard de Chardin, jésuite et paléontologiste, philosophe et théologien, a développé sa pensée au cours des années trente du siècle passé, durant une période qui a précédé la découverte de la structure de l’acide désoxyribonucléique ou ADN.
Aujourd’hui, un nouveau paradigme voit le jour, dont Teilhard semble avoir été un précurseur convaincu. Il s’agit des théories des systèmes émergents et complexes.

K. Ricard développe des arguments en faveur de cette thèse mais l’oppose à celle de Jacques Monod :

Teilhard montre, par ailleurs, que l’Univers ne peut se passer de la Vie :

La Vie n’est pas une combinaison fortuite d’éléments matériels, un accident de l’histoire du monde, mais la forme que prend la matière à un certain niveau de complexité.

Toutefois, pour Jacques Monod :

La Vie est un phénomène hautement improbable parce que le fruit de toute une série d’événements eux-mêmes improbables. […] Avant de paraître, les chances de la Vie étaient quasi nulles. L’Univers n’était pas gros de la Vie, ni la biosphère de l’homme. Notre numéro est sorti au jeu de Monte-Carlo. Quoi d’étonnant à ce que, tel celui qui vient d’y gagner un milliard, nous éprouvions l’étrangeté de notre condition ?

L’ancienne alliance animiste est rompue, l’homme vit aux confins de la Nature dans un Univers sourd à sa musique, indifférent à ses espoirs. On comprend dès lors que Jacques Monod ait qualifié, à tort d’ailleurs, la philosophie teilhardienne d’animiste.

Chacun appréciera les arguments de l’auteur et je me contente, pour l’instant, de citer la conclusion de l’article :

Comme pour les théories de la mécanique quantique, des fractales et du chaos, la science de la complexité constitue un vrai défi au bon sens. Elle nous entraîne au delà de l’observable, du descriptible, du matériel, vers un avenir dont on pressent la radicale nouveauté. Teilhard avait compris que des systèmes complexes d’apparence très différents — comme une étoile, un cerveau, une société humaine, un réseau métabolique — peuvent être appréhendés et étudiés par des méthodes similaires. L’étude rationnelle de la complexité et de l’émergence représente bien la science du XXI° siècle, permettant d’abolir les frontières existant entre disciplines scientifiques et soulignant par là, comme Teilhard l’avait vu, l’unité profonde de la connaissance.

[Vanleers]

Les sciences de la complexité nous permettent, aujourd’hui, de mieux comprendre la pensée de Teilhard de Chardin.
Dans l’article cité dans le post précédent :

La première caractéristique d’un système complexe est son organisation floue .Un gaz dont les molécules s’entrechoquent au hasard ne peut pas être considéré comme complexe. Il en est de même pour un cristal qui présente une structure ordonnée dans laquelle les différents atomes sont répartis en mailles régulières. Seul est défini comme complexe un objet qui semble à la fois ordonné et désordonné, régulier et irrégulier ; bref, qui possède une structure floue. Teilhard avait bien perçu l’importance de ce type d’organisation. Il écrit :

Par complexité, je ne désignerai naturellement pas d’abord la simple agrégation, c’est-à-dire l’assemblage quelconque d’éléments non arrangés, tel un tas de sable. Par ce mot, je ne désignerai pas non plus la simple répétition géométrique, indéfinie, d’unités comme il arrive dans l’étonnant et universel phénomène de cristallisation. Sous cette expression, j’entendrai fort précisément la combinaison, c’est-à-dire cette forme particulière et supérieure de groupement dont le propre est de relier sur soi un certain nombre d’éléments fixes (peu ou beaucoup, peu importe) en un ensemble clos de rayon déterminé .

Il avait compris que ce qui importe, ce sont essentiellement les propriétés du système et la nature des relations entre les éléments de celui-ci. Il pensait, comme Aristote, que le tout est plus que la somme de ses parties. Aujourd’hui, néanmoins, il est possible d’analyser la nature et les mécanismes des phénomènes émergents en termes scientifiques, ce qui n’était pas le cas à l’époque de Teilhard.

Je rapprocherais cela de Spinoza qui pose que ce qui distingue un homme d’un animal est que le corps d’un homme est plus complexe que le corps d’un animal.
Un corps humain est un système complexe, suffisamment complexe pour qu’émerge une propriété nouvelle qui n’apparaissait pas avec le corps d’un animal.
Bien entendu, chez Spinoza, à cette propriété émergente du corps correspond (ad amussim) une propriété émergente de l’esprit (qui n’est autre que l’idée du corps).
Concevoir l’humanité de l’homme, ce qui le distingue d’un animal, comme une propriété émergente d’un système complexe nous refait visiter l’éthique et même la spiritualité : Dieu n’émerge-t-il pas, lui aussi, dans cette émersion de l’humanité de l’homme ?

[neopilina]

Concevoir l’humanité de l’homme, ce qui le distingue d’un animal, comme une propriété émergente d’un système complexe nous refait visiter l’éthique et même la spiritualité : Dieu n’émerge-t-il pas, lui aussi, dans cette émersion de l’humanité de l’homme ?

Je suis complétement d'accord avec ça. J'ajoute mon petit commentaire. Si le Dieu émerge en l'homme, c'est de la façon la plus pénible, laborieuse, qui soit, et pour cause : le Dieu, est, entre autres, mais notoirement, le Prisonnier radical de chaque Sujet, suite à Sa (cogito) psychogenèse.
Le Dieu, les Dieux, le " mana ", le " fluide ", les " pouvoirs ", etc., etc., je suis sûr qu'on m'a compris, on l'a tous, a priori. Et c'est là où précisément le bas blesse : " a priori ". Ce que chacun en fait est empirique à souhait. Eut égard à l'état du Monde, i.e. des hommes, c'est absolument factuel donc, le gaspillage, le gâchis, etc., sont prodigieux, consternants. Chacun doit s'enfoncer dans Sa propre " Nuit " en suivant la chouette de Minerve.

[Vanleers]

Concevoir l’humanité de l’homme, ce qui le distingue d’un animal, comme une propriété émergente d’un système complexe nous refait visiter l’éthique et même la spiritualité : Dieu n’émerge-t-il pas, lui aussi, dans cette émersion de l’humanité de l’homme ?

Je suis complétement d'accord avec ça. J'ajoute mon petit commentaire. Si le Dieu émerge en l'homme, c'est de la façon la plus pénible, laborieuse, qui soit, et pour cause : le Dieu, est, entre autres, mais notoirement, le Prisonnier radical de chaque Sujet, suite à Sa (cogito) psychogenèse.
Le Dieu, les Dieux, le " mana ", le " fluide ", les " pouvoirs ", etc., etc., je suis sûr qu'on m'a compris, on l'a tous, a priori. Et c'est là où précisément le bât blesse : " a priori ". Ce que chacun en fait est empirique à souhait. Eu égard à l'état du Monde, i.e. des hommes, c'est absolument factuel donc, le gaspillage, le gâchis, etc., sont prodigieux, consternants. Chacun doit s'enfoncer dans Sa propre " Nuit " en suivant la chouette de Minerve.

Si l’humanité est une propriété émergente d’un système complexe, il faut poursuivre en prenant conscience que la véritable  humanité de l’homme n’est autre que sa divinité.
Dieu émerge en l’homme, un Dieu intérieur et il faudrait parler, en ce sens,  d’une véritable théogenèse qui accompagne la psychogenèse dont vous parlez.
Jésus, dans l’Évangile, parle d’une nouvelle ou deuxième naissance : une naissance à l’ordre de la charité, le troisième ordre selon Pascal, après ceux du corps et de  l’esprit :

La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité car elle est surnaturelle.
       Tout l'éclat des grandeurs n'a point de lustre pour les gens qui sont dans les recherches de l'esprit.
        La grandeur des gens d'esprit est invisible aux rois, aux riches, aux capitaines, à tous ces grands de chair.
        La grandeur de la sagesse, qui n'est nulle sinon de Dieu, est invisible aux charnels et aux gens d'esprit. Ce sont trois ordres différents, de genre.
        Les grands génies ont leur empire, leur éclat, leur victoire et leur lustre, et n'ont nul besoin des grandeurs charnelles où elles n'ont pas de rapport. Ils sont vus, non des yeux mais des esprits. C'est assez.
        Les saints ont leur empire, leur éclat, leur victoire, leur lustre et n'ont nul besoin des grandeurs charnelles ou spirituelles, où elles n'ont nul rapport car elles n'y ajoutent ni ôtent. Ils sont vus de Dieu et des anges et non des corps et des esprits curieux. Dieu leur suffit. (L 308)

Cette théogenèse n’a sans doute rien d’évident comme vous l’écrivez : le vieil homme (Saint Paul) ne veut pas mourir et s’accommode très bien d’une recherche de la joie spirituelle (consolation ignatienne) qui le maintient et le conforte dans son existence.
Qu’est-ce qui lutte contre l’émergence de Dieu en l’homme ? Ne serait-ce pas les embûches de l’inconscient que Freud a synthétisées sous le nom de pulsion de mort ?
Pour en sortir, vous écrivez que « Chacun doit s'enfoncer dans Sa propre " Nuit " en suivant la chouette de Minerve ».
Une lumière n’apparaîtrait-elle pas dans cette nuit, un secours inattendu : « Dieu lui-même vient nous sauver » !

[Omer Desseres]

Il y a eu trois grandes révolution scientifiques au XX° siècle : la théorie de la relativité générale, la mécanique quantique et la science de la complexité.

Tu en oublies une, de grande révolution scientifique du XX° siècle, et c'est la génétique fondant la pensée Darwinienne et la promesse de délivrer l'espèce humaine de maladies physiques dont il est difficile de guérir, comme toutes les formes de cancer, qu'on a déjà commencé à guérir sous certaines de ses formes.

Qui se serait douté que la parole de Jésus serait dite dans les hôpitaux par des médecins généticiens : «Lève-toi et marche.»

Je suis d'accord avec Jacques Monod, dont la pensée peut facilement s'opposer à celle de Theillard de Chardin.

Lorsqu'on s'occupe de science, on élimine complètement la finalité séduisant les théologiens.

La complexité assignée à une origine divine de la création de l'homme est un simple constat mis tout entier dans une cause théologique pour ne pas dire théologienne. Ça sent la finalité séduisant tous les défenseurs de la foi. Foi qui n'est en réalité que l'habit de cérémonie d'une crédulité divinisée en conséquence et se transformant en conséquence aussi par une intediction imposée sur la science sommée de se taire. Une séparation entre la science et la philosophie procède d'ailleurs de cette interdiction.

Mais les religieux et les philosophes théologiens ont commis l'erreur de sous-estimer le pouvoir exploratoire et explicatif de la science.

Dieu est mort et Theillard de Chardin aussi, face à la disparition d'un finalisme de généalogie fautif et d'ailleurs réfuté complètement, incontestablement, définitivement et depuis belle lurette par la science.

La science a depuis longtemps balancé à la figure de tous les religieux le concept dangereux pour tout rêveur d'un au-delà créateur, puissant éternel et tout ce qu'on voudra, et ce concept, c'est le DÉ-s-ESPOIR !

C'est chez les DÉ-s-ESPÉRÉS que les dés du jeu du hasard et de la nécessité ont été jetés à l'avantage de leur vie d'être vivant bien vivants.

Les croyants en Dieu parlant de l'espoir promis par Lui aux croyants en Lui ont, comme d'habitude, le moyen le plus efficace d'adhérer à l'espoir qu'il propose ainsi à ses croyants : l'agenouillement intellectuel et physique !

Il y a deux sortes de religiosités.

La religiosités des agenouillés, qui méritent le plus grand respect. On ne tire pas sur l'ambulance des incrédules qui se sont fait avoir par ce que Nietzsche nomme l'«Erreur» ... L'erreur-même qui est nécessaire à leur vie ...

La religiosité des agenouilleurs, qui ont mérité la mort de leurs idées en la mort du christianisme qu'ils ont tués eux-même par le prêche imbécile de leur finalisme idiot n'ayant pas imaginé qu'à force de reprocher le péché originel à tous en le confortant par l'expression indiscutable de la Vérité, hé bien ils ont créé sans le vouloir le désir de vérité des agenouillés, et les agenouillés ont vu de leurs yeux vus, et grâce à la science de tous les temps, celle qui va de 500 ans le copain J.C. jusqu'au 21e siècle, ils ont vu de leurs yeux vus que les agenouilleurs leur racontaient tous des bobards.

***

LUCRÈCE

De Rerum Natura - La naissance des choses

Chant premier

La nature de la matière

Origine physique des phénomènes.

Début du livre premier

L'être bienheureux et incorruptible, mère des fils d'Énée, volupté de l'homme et des dieux,

Alma Vénus qui, sous la voute constellée, et la mer porte nefs, et la terre aux fruits généreux,

Va peuplant, puisque par toi toutes les vies animées sont conçues

Et, des closes voit le soleil radieux, c'est toi, dive, toi, toi qu'au ciel fuient les vents et les nues

Quand tu viens, toi, sous qui la terre aux trames ingénues penche ses bouquets,

Toi pour qui le plan du pont houleux et l'azur apaisé dans leur éclat profu sourient.

Oui, dès que les jours d'avril rajeunissent et rient, dès que, libre,

Revit le souffle fécond du zéphyr

***

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