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Evangile selon Heidegger

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Message par neopilina Jeu 4 Juin 2020 - 14:09

Pioché ici ou là :

" L'enracinement séculaire ".
" Pourquoi restons-nous en province ? "

Je suis extrêmement sensible à cela. Le canton, la région, l'intraduisible, parait-il, " Heimat ", alors qu'il me semble très bien l'entendre. Je suis d'abord le Produit de Ma Famille, d'un Terroir, de Ma région, de Mon Pays. Je sais plutôt bien à quel point j'ai plus à voir avec mes cousins germanophones (j'habite la vieille frontière linguistique qui s'est installée au Haut Moyen Age, de l'intérieur de la Belgique jusqu'à l'intérieur de la Suisse actuelles, en passant par la Lorraine !) qu'avec le parisien, le berrichon, le provençal, le breton, etc. Pour des raisons économiques, j'ai du, la mort dans l'âme quitter ma région. Dés le premier jour, je me suis juré que c'était pour y revenir plus confortablement, ce fût le premier moteur de ma vie professionnelle. Des statistiques parfaitement officielles nous disent que le français est l'un des occidentaux les plus casaniers, attachés à son Terroir, sa Région, etc. Il préfère crever de faim " Chez lui  " que de faire 200 kms pour trouver sans difficulté un travail et même avant, afin de poursuivre des études (j'en ai vu plein des jeunes comme ça et j'en vois encore aujourd'hui). L'Allemand est-il comme le Français à ce sujet (l'existence même de Lands irait dans ce sens) ? Je ne sais pas, je n'ai pas connaissance de données comparables. Etc. Tout ça pour dire que je n'en ai jamais fait le même usage que le Martin. Si cette Tentation est universelle, elle n'est certes pas universalisable ! Notoirement grâce au cogito, à la conscience de Soi, de Ce que Je suis, sans en avoir rien décider de prime abord.

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Message par Courtial Mar 9 Juin 2020 - 1:12

Dans les années 1920, Heidegger en tant que philosophe, cherche à mettre en évidence l'autonomie du vécu religieux , comme ressenti concret du croyant, saisi par la foi.


Cela certainement, mais la vie religieuse s'autonomise comme quelque chose de radicalement étranger à la philosophie. Comme ce qui ne relève pas de la métaphysique, et où la question de l'Etre est abîmée.
Dans les années 20, Heidegger fait un effort pour distinguer entre ce qu'il appelle en effet "vécu chrétien" ou "vie chrétienne" de l'onto-théologie. Il lit Augustin et Thomas d'Aquin, Duns Scot et tout ce qu'on veut, mais ils n'ont pour lui aucun rapport avec le christianisme, ce sont des ententes plus ou moins intéressantes ou légitimes d'Aristote et Jésus n'a rien à vor là-dedans. Sauf Son respect, on s'en fout, de Jésus, dans ce genre d'approche.
Et si vous espérez que Heidegger va vous donner de l'eau bénite, vous allez attendre longtemps !

Mais je suis un peu étonné, si vous permettez, de lire des passages à la limite et des franchissements, dans la conversation qui suit. Et des considérations imprudentes ou pas très responsables.
Je vais retomber moi-même dans le travers que je viens de dénoncer, mais ce que veut Heidegger, dans les années 20, c'est casser le christianisme. Ce qu'il fait quand même avec une certaine brutalité. Il lit surtout Nietzsche, à l'époque, c'est à peu près tout ce qui lui semble à sa hauteur, et il en tire des conséquences qui ne sont pas franchement sympa pour le christianisme.

Je ne vais pas m'appesantir plus qu'il ne faut sur le fameux épisode de 1933, mais si on l'a fait Recteur d'une Université nazie,  (on lui reproche d'avoir été Recteur, mais je souligne qu'aucun Recteur, dans aucune Université du monde, ne s'est nommé lui-même recteur. Il y a différentes manières de faire, je crois que Heidegger a été élu mais peu importe, on ne se nomme pas recteur soi-mêmece n'était pas pour son zèle chrétien, et s'il y a cru, c'était bien dans l'intention de déchristianiser, et non de tresser des couronnes à Notre Seigneur Jésus-Christ, faut pas se gourer.
Il a préféré le Führer à Jésus, c'est ça la vraie histoire. S'il s'était trouvé à Moscou, il aurait peut-être fait dans le marxisme, je ne sais, mais dans un truc anti-chrétien, c'est assuré. Il n'était pas gentil du tout, Heidegger, c'était pas un chic type. Moi, j'aime plutôt ce qu'il dit, un goût comme un autre, mais il n'est pas sympa.

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Message par Jans Mar 9 Juin 2020 - 16:54

S&Z est grandiose, magistral ! Heidegger est à la fois servi et desservi par l'incomparable génie de la langue allemande avec toutes ses créations possibles (Georges-Arthur Goldschmidt en a fait, en français une analyse magistrale, qu'on peut télécharger, mais j'ai perdu le lien) ; car, à bien des endroits, ce n'est plus de la philosophie que l'on entend, ce sont des jeux avec la langue, des jeux de mots assez gratuits, pour tout dire, dommage — mais pour l'entendre, il faut hélas savoir l'allemand. L'allemand/l'Allemand découvre des néologismes étonnants mais qu'il comprend parce qu'il en a déjà l'habitude dans la langue quotidienne, c'est un éblouissement — puis, trois pages plus loin, ça sonne un peu creux... comme si on disait en français : "le temps temporise et le néant néantise, quand le moment dure de sa durée"...
Ailleurs que S&Z, les formulations de H. sur le sang et le sol, le dialecte, le terroir, le bon sens enraciné face au négativisme des apatrides (juifs...) montre clairement l'enracinement idéologique profond et réel dans la national-socialisme, ce n'est pas la peine de se perdre en conjectures sur le temps du rectorat, il suffit de le lire.
P.S.: je redis ici que dire "l'Etre et le Temps" sonne mieux (en tout cas pour moi) que "Etre et Temps".. et si l'on vient vous dire que c'est par "fidélité à l'allemand" expliquez au vis-à-vis qu'il parle de ce qu'il ignore.

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Message par neopilina Mar 9 Juin 2020 - 17:28

Merci Jans ! Je souligne :

Jans a écrit:S&Z est grandiose, magistral ! Heidegger est à la fois servi et desservi par l'incomparable génie de la langue allemande avec toutes ses créations possibles (Georges-Arthur Goldschmidt en a fait, en français une analyse magistrale, qu'on peut télécharger, mais j'ai perdu le lien) ; car, à bien des endroits, ce n'est plus de la philosophie que l'on entend, ce sont des jeux avec la langue, des jeux de mots assez gratuits, pour tout dire, dommage — mais pour l'entendre, il faut hélas savoir l'allemand. L'allemand/l'Allemand découvre des néologismes étonnants mais qu'il comprend parce qu'il en a déjà l'habitude dans la langue quotidienne, c'est un éblouissement — puis, trois pages plus loin, ça sonne un peu creux... comme si on disait en français : "le temps temporise et le néant néantise, quand le moment dure de sa durée"...
Ailleurs que S&Z, les formulations de H. sur le sang et le sol, le dialecte, le terroir, le bon sens enraciné face au négativisme des apatrides (juifs...) montre clairement l'enracinement idéologique profond et réel dans la national-socialisme, ce n'est pas la peine de se perdre en conjectures sur le temps du rectorat, il suffit de le lire.

Il est extrêmement important cet " ailleurs que dans " S. & Z. ", c'est toute la différence entre " théorie " et " pratique " : Heidegger nous montre lui-même concrètement ce qu'il fait, de, avec, " S. & Z. "

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Message par Jans Mar 9 Juin 2020 - 23:19

Là, entre theorie et praxis, c'est tellement complexe ! la pensée philosophique de Heidegger est puissante, sa pensée quotidienne ? Mais c'est un phénomène habituel chez les grands : voir l'écart entre la vie de Pascal et ses écrits, idem pour Kant, et que dire du style ahurissant, flamboyant de Céline, malgré les tombereaux d'ordures ? Le vrai problème, est que qu'on ne puisse jamais à l'avance déterminer le poids des écrits. Car on voit bien l'aspect quasi-pathologique de l'antisémitisme de Céline, ce qui en amoindrit fortement l'impact (en plus, c'est tellement ridicule et égotiste..).
Mais on est en Allemagne : l'aspect du village, du coin natal, de l'enracinement dans la glèbe originelle pèse lourd, certes moins dans les grandes villes, et Berlin est la capitale du cosmopolitisme, honni par Heidegger... reste l'imprévu de l'envol de la pensée, et là on reste pantois : c'est fort, puisant, nouveau...

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Message par baptiste Ven 12 Juin 2020 - 8:15

Jans a écrit:Là, entre theorie et praxis, c'est tellement complexe !  la pensée philosophique de Heidegger est puissante, ... reste l'imprévu de l'envol de la pensée, et là on reste pantois : c'est fort, puisant, nouveau...

Comment expliques-tu que cette pensée, malgré ce que tu appelles "sa puissance", quasiment un siècle après la publication de sa pièce maîtresse, ne soit l'objet que de commentaires ou de polémiques que ce soit de nature philosophique ou de nature politique? Comment expliques tu que cette "pensée puissante" n'ait servi de fondement à aucune école de pensée durable?

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Message par hks Ven 12 Juin 2020 - 9:01

Comment expliques tu que cette "pensée puissante" n'ait servi de fondement à aucune école de pensée durable?  
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Message par Jans Ven 12 Juin 2020 - 11:21

Il faut voir que l'accès en est difficile, que Heidegger assène ses vérités d'un ton péremptoire (encore plus fort que Hegel) ; mais ces "vérités" sont des illuminations mêlées de jeux avec la langue, d'où un nombre de néologismes parfois puissants, parfois creux (Bourdieu disait de lui que c'était le champion des hapax) et, surtout, qu'il a annoncé livrer le fond de sa pensée sur l'Etre dans un second tome.. qui n'est jamais paru ! Finalement, le "clou" de Heidegger, c'est de dire : "on ne s'aperçoit que l'Etre était là que lorsqu'il sa manifestation indirecte a disparu" !! on a eu, mutatis mutandis, un discours analogue, en plus soft, sur le concept d'Inconscient chez Freud... ce qui nous renvoie à la querelle des Universaux au moyen-âge : "le" cheval existe, ou n'y a-t-il jamais que ce cheval que je vois devant moi...

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Message par hks Ven 12 Juin 2020 - 12:44

Le phénoménologue Michel  Henry  fait un autre genre de critique

je recopie une partie de cet article    https://journals.openedition.org/philosophique/230


M Henry a écrit:A ce moment là Merleau-Ponty est celui de la Phénoménologie de la perception, puisque celui du Visible et l’invisible n’a pas encore vu le jour. Or, la critique de la perception est assez claire, elle consiste à dire qu’il y a un corps subjectif, ce qui est tout à fait bien, mais c’est encore en fait sous l’influence de Husserl, et que la conscience ou la subjectivité est essentiellement intentionnelle. C’est pourquoi chez lui, le corps se jette au monde, il se rapporte toujours aux choses, il est impossible de trouver un endroit où le corps repose en soi. Or ma thèse était que la corporéité, cet auto-sentir, était antérieur à l’intentionnalité. Elle se révélait à soi sans intentionnalité, dans un pathos. Et par conséquent Merleau- Ponty se trompait de fond en comble, il parlait toujours du sensible, mais il ne parlait jamais de l’originaire, qui ne l’intéressait pas. C’est pourquoi aussi bien Sartre que lui acceptaient la critique de Heidegger contre l’intériorité. Pour Heidegger, il n’y a pas d’intériorité. Selon lui, Husserl a bien vu que la conscience était intentionnelle, mais il met encore l’intentionnalité, ce dépassement vers le dehors, dans une sorte d’intériorité, parce qu’il ne s’est pas évadé vraiment de Descartes.

autre crtitique


M Henry a écrit:Aujourd’hui pour moi il y a deux sortes de temporalités. La temporalité, prise comme Heidegger la prend dans la seconde partie de Sein und Zeit, qui est un texte admirable, c’est le monde, plus exactement c’est la temporalisation de la temporalité, c’est-à-dire que c’est la formation de l’extériorité. La temporalité c’est l’extériorité comme telle, le « hors de soi ». Et cette temporalité se creuse en trois extases. Il y a là une façon de repenser la négativité de Hegel. La négativité qui révèle ce qu’elle néantise, n’a pas de statut phénoménologique propre, dès ce moment ce n’est plus qu’une entité spéculative. Pourtant le problème phénoménologique subsiste. Comment la temporalité, la négativité, peut-elle se révéler en elle-même ? Il ne s’agit pas seulement de penser ce qu’elle met à distance, mais le pouvoir même qui met à distance et qui est la vie elle-même.

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Message par neopilina Ven 12 Juin 2020 - 13:30

Je souligne :

hks a écrit:Le phénoménologue Michel Henry fait un autre genre de critique

je recopie une partie de cet article    https://journals.openedition.org/philosophique/230

M. Henry a écrit:A ce moment là Merleau-Ponty est celui de la Phénoménologie de la perception, puisque celui du Visible et l’invisible n’a pas encore vu le jour. Or, la critique de la perception est assez claire, elle consiste à dire qu’il y a un corps subjectif, ce qui est tout à fait bien, mais c’est encore en fait sous l’influence de Husserl, et que la conscience ou la subjectivité est essentiellement intentionnelle. C’est pourquoi chez lui, le corps se jette au monde, il se rapporte toujours aux choses, il est impossible de trouver un endroit où le corps repose en soi. Or ma thèse était que la corporéité, cet auto-sentir, était antérieur à l’intentionnalité. Elle se révélait à soi sans intentionnalité, dans un pathos. Et par conséquent Merleau- Ponty se trompait de fond en comble, il parlait toujours du sensible, mais il ne parlait jamais de l’originaire, qui ne l’intéressait pas. C’est pourquoi aussi bien Sartre que lui acceptaient la critique de Heidegger contre l’intériorité. Pour Heidegger, il n’y a pas d’intériorité. Selon lui, Husserl a bien vu que la conscience était intentionnelle, mais il met encore l’intentionnalité, ce dépassement vers le dehors, dans une sorte d’intériorité, parce qu’il ne s’est pas évadé vraiment de Descartes.

Autre critique :

M. Henry a écrit:Aujourd’hui pour moi il y a deux sortes de temporalités. La temporalité, prise comme Heidegger la prend dans la seconde partie de Sein und Zeit, qui est un texte admirable, c’est le monde, plus exactement c’est la temporalisation de la temporalité, c’est-à-dire que c’est la formation de l’extériorité. La temporalité c’est l’extériorité comme telle, le « hors de soi ». Et cette temporalité se creuse en trois extases. Il y a là une façon de repenser la négativité de Hegel. La négativité qui révèle ce qu’elle néantise, n’a pas de statut phénoménologique propre, dès ce moment ce n’est plus qu’une entité spéculative. Pourtant le problème phénoménologique subsiste. Comment la temporalité, la négativité, peut-elle se révéler en elle-même ? Il ne s’agit pas seulement de penser ce qu’elle met à distance, mais le pouvoir même qui met à distance et qui est la vie elle-même.

Je suis d'accord avec cela. Et, relativement à la première citation d'Henry, je suis d'accord avec Heidegger (oui, oui) : il y a une relation au sens plein et entier, a priori, d'emblée, d'abord physique, " passive ", etc., entre le Sujet et, cogito (volet positif), Son Monde (je fais partie de la " soupe ", du réel). Mais Heidegger ne peut pas, très exactement comme je viens de le faire, entériner le volet positif du cogito puisque pour se faire il faut régler le problème de son volet négatif. Henry conclut très bien (mais donc il faudra faire mieux, c'est Sartre qui le fera, sera le plus lucide) : " ... parce qu’il ne s’est pas évadé vraiment de Descartes ".
Heidegger a suscité un prodigieux espoir : il échappait au cogito (volet négatif). Problème : illicitement et sans entériner pleinement, le volet positif, la clause cartésienne de sécurité (ce que je fais en le formulant à ma façon, éléate : " Tout Étant est à la fois a priori Donné (c'est, il est, et ça suffit pour commencer) [élucidation du volet négatif, sortir du poêle] et Suspect, parce que Mien [j'entérine le volet positif] "), et c'est Sartre qui fera le constat parfaitement idoine.

à baptiste,

Il y a eu et il a encore des heideggériens ! Il a accaparé la majeure partie de la réflexion philosophique académique du XX° siècle !

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Message par hks Ven 12 Juin 2020 - 16:43

à neopilina

Pour moi les etants (les choses) ne sont des étants QUE s' ils sont intuitionnés comme étant. c'est à dire existants.
C'est intuitif .
Les poser comme existant ne tombe du ciel sans explication possible.

Il faut avoir une intuition de l'existence.
Ce qui suppose  intuitionner une étance (un genre de il y a comme dirait crosswind).
Or la plus fondamentale des intuitions c'est la sensibilité de mon corps .
Et là un sujet se constitue.
Et c'est plus fondamental que le cogito.

le Dasein qui projette, qui est nécessaire pour qu'il y ait un monde, postérieurement, pourquoi pas , mais ce n'est pas suffisant comme analyse .
L' être là est d'abord sensible et auto affecté.
C'est dans cette auto affection qu'il sait ce que c'est qu'exister.
Alors et c'est seulement à cette condition qu'il peut attribuer une existence aux étants du monde.

Ce  qui donne lieu à une "phénoménologie matérielle" ( Henry) différente de la noétique de Husserl

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Message par neopilina Ven 12 Juin 2020 - 22:17

Je souligne autrement que toi :

hks a écrit:Il faut avoir une intuition de l'existence.
Ce qui suppose intuitionner une étance (un genre de " il y a " comme dirait crosswind).
Or la plus fondamentale des intuitions c'est la sensibilité de mon corps.
Et là un sujet se constitue.
Et c'est plus fondamental que le cogito.

Mais je suis totalement d'accord. Sauf que, ce n'est pas cette conquête là, plus fondamentale, radicale, première, que fait le cogito (la conscience de Soi) et qu'en plus, tel que, il empêche cette conquête philosophique de ce qui est effectivement premier : je suis, même si je n'en ai pas conscience, etc. Le cogito en l'état inverse (c'est une révolution copernicienne) l'état naturel des choses, retranche la pensée, la conscience de Soi, du Monde (" Je pense DONC je suis "). Alors que le réel est continu : c'est cela, cette solution de continuité comprenant explicitement le sujet, qui est à élucider et à verbaliser, conquérir, philosophiquement.

hks a écrit: ... Ce qui donne lieu à une "phénoménologie matérielle" (Henry) différente de la noétique de Husserl.

Pour la noétique d'Husserl, je me déclare incompétent : je n'ai jamais pu terminer un ouvrage d'Husserl. Heidegger, si, quand même, c'est dire, en tous cas pour moi. Par contre, la formule " phénoménologie matérielle ", ça me parle, une phénoménologie, le pendant philosophique de la physiologie, de la neurologie, etc., il est bien certain qu'il y en a une, encore une fois : à élucider, verbaliser, conquérir philosophiquement. Mais la phénoménologie, telle que nous la connaissons au sens historique et philosophique, c'est rien de moins qu'une fille affirmée, revendiquée, du cogito en l'état : pour Husserl et pas mal d'autres jusqu'à Sartre, philosopher hors cogito en l'état, c'est une hérésie, une faute, un crime, etc. Sartre a sous titré son essai fondamental, " L'être et le néant ", par " Essai d'ontologie phénoménologique ", c'est complétement, impeccablement, le cas, pas " une virgule " en dehors du cogito en l'état. Résultat ? C'est stérile. Heidegger n'est pas stérile (d'où l'engouement qu'il a suscité), mais il triche avec le volet positif du cogito parce que, comme tout le monde, il n'arrive pas à régler le problème du volet négatif (encore faut-il voir qu'il y a deux volets, ce casse tête chinois m'a couté des années de sueurs).

Donc :

hks a écrit:Or la plus fondamentale des intuitions, c'est la sensibilité de mon corps.
Et là un sujet se constitue.

Et c'est là, tout de suite, immédiatement, ça doit être la première action de la pensée, que doit intervenir le volet positif du cogito, la conscience de Soi, la clause cartésienne de sécurité : " Tout Etant m'est a priori donné et est Suspect parce que Mien. Notre " Homme ", le philosophe est prêt, et en mesure, de conquérir le Monde. Alors que le cogito en l'état qui lui apporte le trésor inestimable, incontournable, indispensable, etc., de la Conscience de Soi (pour Hegel, l'histoire commence avec le cogito, etc.), l'enferme de facto le plus radicalement qui soit (le " poêle ", " l'Envolée de Murailles ", etc.).

P.S. Le dit " il y a ", c'est moi qui l'est introduit, parce que c'est moi qui l'est découvert, j'y tiens, c'est une conquête qui m'a coûté, même si Crosswind l'a beaucoup aimé. Ce " il y a " extrêmement précis s'obtient en poussant la démarche du doute radical à son terme, ce que ne fait pas Descartes, il aurait du, il aurait vu que le " roi était nu ", à un point indépassable. Il faut rendre à César ...,  HEIDEGGER - Evangile selon Heidegger - Page 2 2528771386


Dernière édition par neopilina le Ven 12 Juin 2020 - 22:41, édité 1 fois

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Message par Vanleers Ven 12 Juin 2020 - 22:40

Je recopie le post que j’avais adressé à Crosswind à propos du « il y a »
J’ai oublié ce qu’il m’avait répondu. Je pense qu’il était d’accord.

A Crosswind

Votre problématique du « il y a » était celle, me semble-t-il, de Heidegger et de son célèbre Es gibt Sein.


Wikipédia a écrit:Heidegger désigne aussi l'Ereignis par un, « il y a être » Es gibt Sein, c'est-à-dire, comme l'événement d'une pure donation. L'être donne l'étant et se retire au profit du donné. L'Ereignis reste caché derrière le voilement inhérent à « l'être-là » comme « être-au-monde ». En se décelant dans l’étant, l’être disparaît comme « Ereignis » et apparaît comme être de l’étant. Ce qui se retire n’est donc pas l’être comme être de l’étant, mais , comme événement de la Lichtung des Seins.

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Message par neopilina Ven 12 Juin 2020 - 22:45

(

Vanleers a écrit:Je recopie le post que j’avais adressé à Crosswind à propos du « il y a »
J’ai oublié ce qu’il m’avait répondu. Je pense qu’il était d’accord.

A Crosswind

Votre problématique du « il y a » était celle, me semble-t-il, de Heidegger et de son célèbre Es gibt Sein.

Wikipédia a écrit:Heidegger désigne aussi l'Ereignis par un, « il y a être » Es gibt Sein, c'est-à-dire, comme l'événement d'une pure donation. L'être donne l'étant et se retire au profit du donné. L'Ereignis reste caché derrière le voilement inhérent à « l'être-là » comme « être-au-monde ». En se décelant dans l’étant, l’être disparaît comme « Ereignis » et apparaît comme être de l’étant. Ce qui se retire n’est donc pas l’être comme être de l’étant, mais , comme événement de la Lichtung des Seins.

Désolé Vanleers, j'ai édité, sans regarder ton message (et donc j'aurais du), à propos de ce " il y a ", d'où il sort, comment je l'obtiens. Le " il y a " que reprenait si volontiers Crosswind, c'est bien celui-là.

)


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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
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Message par Vanleers Ven 12 Juin 2020 - 23:17

A neopilina

J’avais également, à l’époque, publié un autre post sur le « il y a » et il me semble que vous y aviez réagi.
Je le recopie, en ajoutant que Heidegger a pointé une énigme impossible à résoudre. Il n’est pas le premier et je ne vois pas l’intérêt de persévérer dans cette quête analogue à celle de la quadrature du cercle dont on a démontré qu’elle est impossible (Ferdinand von Lindemann 1882)


« Il y a le il y a  L’énigme de Heidegger » est le titre d’un livre présenté comme suit :

Soutenant que l’être heideggerien (rien de ce qui est) est un fondement non-subsistant et que l’abîme est le fondement même non-fondé, l’auteur soutient que la pensée de Heidegger perpétue la quête d’un fondement qui ne saurait être figuré et représenté. Elle s’impose comme métaphysique qui se cherche comme système nécessaire mais impossible à fonder. Dès lors, discerner qu’il y a non pas ceci ou cela qui est, mais le « il y a » lui-même, revient à percevoir l’énigme qui s’impose comme impossible à résoudre.

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Message par hks Sam 13 Juin 2020 - 0:19

neopilina a écrit:" Tout Etant m'est a priori donné et est Suspect parce que Mien.
Je ne te parle pas du corps comme d'un étant (a fortiori pas des étants  objectifs du monde extérieur) mais d'un ressentir corporel .
Il me faut avoir l'intuition d'une existence pour penser que les étants existent .
Il me faut bien les déduire "existant" parce que je ne suis pas en eux comme je suis en mon corps (et justement pas  en eux )
je ne suis pas en eux  et pourtant j' infère qu'ils  existent au même titre que j'existe .
Ce n'est pas d'eux que je tiens ce savoir (savoir exister).

D'où est ce que je tiens ce savoir que des choses existent ?
et simplement dit: d'où est-ce que je tiens le savoir que quelque chose existe ?

Bien sûr qu'il y a une donation si l'on veut  (c'est à dire une immanence)'
Un touché originel et donc un ressenti qui me donne le sens de "exister" .
Mais le plus proche (le plus immanent si j'ose dire) ce ne sont pas les choses du monde ce sont les ressentis du corps .
"

Je n'ai ultérieurement conscience que les étants existent et sont des "sortes de corps" comme le mien QUE  parce que j 'ai  originellement  un ressenti du corps...  pas d'un autre .
Et justement pas d'un autre (corps).. mais du mlen.
.............


le noétique chez Husserl est opposable à l'hylétique  et
l'hylétique
( la matière) reste un problème non résolu chez Husserl.
On y demeure  au niveau de la conscience intentionnelle
et chez Heidegger aussi

l'article de wikipedia est gigantesque ( cite abondamment Merleau Ponty mais pas Michel Henry ce qui est proprement hallucinant on voit bien que ce dernier dénote )
et on voit aussi les limites de wikipédia

https://fr.wikipedia.org/wiki/Hyl%C3%A9

Les phénoménologues sont à tendance  "noétique".
c'est la raison pour laquelle je me suis tourné vers Whitehead via William James (ou vers Ruyer) qui ne sont pas des philosophes de la conscience mais plutôt philosophes de l'expérience .
Des philosophes qui osent spéculer sur le sentir non conscient( au sens de "conscient clairement et distinctement").

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"J'appelle "violence" ce qui excède les capacités d'intégration psychiques et  physiques.
La violence est ce rythme de perturbations non acceptables, du moins pas sans dommages potentiels."  

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Message par Vanleers Sam 13 Juin 2020 - 9:54

A neopilina

Je prolonge mon post précédent.
A mon avis, Wittgenstein est le « Ferdinand von Lindemann » de la philosophie.
A l’appui de cette affirmation, je donne un extrait du Big Typescript dans la traduction de Jean-Pierre Cometti (Philosophica I pp. 33-35 - TER 1997)

Wittgenstein a écrit:
A tous, le langage réserve les mêmes pièges, le terrible réseau des faux chemins bien entretenus. Aussi voyons-nous chacun emprunter tour à tour les mêmes voies, et nous savons d’avance à quel endroit il tournera, à quel autre il continuera tout droit sans remarquer la bifurcation, etc. Partout où de faux chemins bifurquent, il me faudrait dresser des panneaux qui indiquent les endroits dangereux.
On ne cesse d’entendre répéter que la philosophie ne fait pas réellement de progrès, et que les problèmes philosophiques auxquels les Grecs avaient déjà affaire nous occupent encore aujourd’hui. Mais ceux qui disent cela ne comprennent pas la raison pour laquelle il doit en être ainsi. C’est que notre langage est resté le même, et qu’il nous fourvoie toujours vers les mêmes questions. Aussi longtemps qu’il y aura un verbe « être » fonctionnant apparemment comme « manger » ou « boire », aussi longtemps que nous aurons des adjectifs comme « identique », « vrai », « faux », « possible », aussi longtemps que nous parlerons du flux du temps ou de l’extension de l’espace, etc., etc., les hommes continueront de se heurter aux mêmes difficultés énigmatiques en fixant de leur regard quelque chose qu’aucune explication ne semble à même d’évacuer.
Cela satisfait d’ailleurs chez eux un désir du supraterrestre (transcendant), car en croyant voir « les limites de l’entendement humain », ils croient naturellement être capables de voir au-delà.
Je lis : « … Les philosophes ne sont pas plus près de la signification de « réalité » que ne l’était Platon... » Quelle étrange situation ! Comme il est singulier que Platon ait pu aller aussi loin ! Ou que nous n’ayons pu aller plus loin. Est-ce parce que Platon était si malin ?
[…]
Le but de la philosophie est d’élever un mur à l’endroit où le langage, en tout état de cause, s’arrête.
Les résultats de la philosophie résident dans la découverte de quelque simple non-sens, et dans les bosses que l’intellect s’est faites en se cognant contre les bornes du langage. C’est grâce à ces bosses qu’il nous est permis de comprendre le prix de cette découverte.

Bien entendu, on peut trouver du plaisir en se cognant la tête, avec Heidegger, au mur du « il y a ».
A chacun ses bosses, je préfère celle des mathématiques.


Dernière édition par Vanleers le Sam 13 Juin 2020 - 17:20, édité 1 fois

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Message par neopilina Sam 13 Juin 2020 - 17:17

Vanleers a écrit:J’avais également, à l’époque, publié un autre post sur le " il y a " et il me semble que vous y aviez réagi.
Je le recopie, en ajoutant que Heidegger a pointé une énigme impossible à résoudre. Il n’est pas le premier et je ne vois pas l’intérêt de persévérer dans cette quête analogue à celle de la quadrature du cercle dont on a démontré qu’elle est impossible (Ferdinand von Lindemann, 1882).

" Il y a le " il y a ", L’énigme de Heidegger " est le titre d’un livre présenté comme suit :

" Soutenant que l’être heideggerien (rien de ce qui est) est un fondement non-subsistant et que l’abîme est le fondement même non-fondé, l’auteur soutient que la pensée de Heidegger perpétue la quête d’un fondement qui ne saurait être figuré et représenté. Elle s’impose comme métaphysique qui se cherche comme système nécessaire mais impossible à fonder. Dès lors, discerner qu’il y a non pas ceci ou cela qui est, mais le " il y a " lui-même, revient à percevoir l’énigme qui s’impose comme impossible à résoudre ".

Vanleers a écrit:Bien entendu, on peut trouver du plaisir en se cognant, avec Heidegger, au mur du " il y a ".
A chacun ses bosses, je préfère celle des mathématiques.

Je réagis dans l'ordre, même si in fine, tout cela se tient, forcément.
J'ai cinq ouvrages d'Heidegger, et je n'avais pas connaissance de cette littérature sur un " il y a " chez lui. Mais quand je décide de me pencher sérieusement sur le cogito et ce jusqu'à satisfaction pleine et entière de ma part (d'emblée, le cogito en l'état me gène, m'insupporte, m'agresse, etc., dire pourquoi, j'en conviens, c'est une autre paire de manches), je sais déjà que ça ne sera pas avec, entre autres, Heidegger. Ce " il y a ", le " mien ", est pléthoriquement documenté sur ce forum (trop pour certains, j'étais " l'obsédé " du cogito, et pas que sur ce forum), avant même que j'estime utile de le ressortir quand Crosswind devient un habitué : je reprends l'expérience de pensée proposée par Descartes dans le " Discours de la méthode " et je la pousse jusqu'à son terme, ce que ne fait pas Descartes, Heidegger, sa pensée, etc., est totalement absent de cette expérience. Descartes, sa démarche du doute radical, à fond, autant que possible jusqu'à plus moyen de faire quoi que ce soit, on obtient un résidu ultime, plus rien d'Autre, mais avec au moins un mérite : il est irréductible, " s'il n'y avait rien il n'y aurait même pas cela " (et ce cela, on ne sait même pas ce que c'est, à part que c'est). Un philosophe, c'est un Voyageur, et qu'il y ait des culs de sac, est la moindre des choses, mais, j'ai envie de dire, c'est bien de vérifier que c'est effectivement un cul de sac, parce que mine de rien, le cogito en l'état a conformé d'une façon ou d'une autre, même via des rejets (Marx, Nietzsche, Heidegger, etc.), toute la philosophie occidentale, notamment académique, depuis. A posteriori et a contrario, qu'on " s'amuse " à comparer ce " il y a " extrêmement précis, Fruit de cette expérience et pas d'une autre, résidu ultime et irréductible, avec un " il y a " d'Heidegger ou d'un autre, bien sûr, a minima, c'est la moindre des choses, ça fait partie de la fonction du philosophe. Et ce faisant, je vois, je souligne : " Soutenant que l’être heideggerien (rien de ce qui est) est un fondement non-subsistant et que l’abîme est le fondement même non-fondé ... ", mine de rien, ce n'est pas rien, le " il y a " obtenu au terme de la démarche du doute radical de Descartes a au moins le mérite d'être absolument irréductible, donc, ça évitera le " non-subsistant " et autres " abimes " (il n'y a pas que celui d'Heidegger, la chose en soi de Kant est aussi un abime de ce genre). Effectivement, " il y a ", obtenu ainsi, ça constitue une preuve philosophique, même si, a contrario, c'est sous la forme d'un résidu ultime : ce n'est pas grave, on recommence autrement (à titre personnel, je ne m'appesantis jamais sur le Wittgenstein du " Tractatus ", il en est lui-même revenu). Je commente la fin de ta citation à propos de l'ouvrage mentionné sur Heidegger :

Vanleers a écrit:
... mais le " il y a " lui-même, revient à percevoir l’énigme qui s’impose comme impossible à résoudre.

Chez moi, cette énigme, c'est à dire l'existence de l'univers, du monde physique, du réel, de la nature, du " il y a ", de l'être, en soi, etc., est d'abord une énigme de scientifique : physique, cosmologie, etc. J'attends qu'on me démontre que c'est aussi un problème de philosophe, parce que je n'ai jamais vu quoi que ce soit qui puisse y ressembler de près ou de loin, sauf à poser a priori, et à titre purement gratuit, n'en déplaise, un Dieu créateur, ce qui ne règle rien, ne fait que repousser la difficulté, c'est du deus ex machina à l'état le plus pur possible. Je ne m'occupe pas de l'être quand je m'adonne à la philosophie, je m'adonne à l'étude de l'Être, des Etants et du Sens qui adviennent avec l'être vivant, le Sujet. Avant de répondre à notre " subtil Docteur ", un petit mot personnel, à propos de cela :

Vanleers a écrit:A chacun ses bosses, je préfère celle des mathématiques.

Si par hasard tu n'as pas déjà cet ouvrage, je te le recommande absolument. A moi, dont le cerveau est manifestement réfractaire aux mathématiques, cette lecture, à chaque fois, me fait voir des " étoiles ", des " chemins ", m'ouvre des " horizons ", dés que je fais de l'ontologie, me penche sur l'Être, l'infini, l'irrationnel mathématique en soi, etc., il est hérissé de post-its, j'ai des citations entières sur mes brouillons manuscrits, je suis amené à remettre le nez dedans, quand je me suis occupé de l'unité, du Un, des mathématiques mais abordé philosophiquement (et il s'est avéré que cet examen nécessitait, pour être fécond, le recours à l'ontologie et donc à la dialectique, en tous cas pour moi), il m'a beaucoup servi, inspiré, je le considère comme une " somme ", etc., etc. : " De Pythagore à Euclide. Contributions à l'histoire des mathématiques préeuclidiennes " par Paul-Henri Michel (mon exemplaire vient d'une liquidation périodique de la " Tate Library " !).

C'est hks qui souligne :

hks a écrit:Je ne te parle pas du corps comme d'un étant (a fortiori pas des étants objectifs du monde extérieur) mais d'un ressentir corporel.
Il me faut avoir l'intuition d'une existence pour penser que les étants existent.
Il me faut bien les déduire " existant " parce que je ne suis pas en eux comme je suis en mon corps (et justement pas en eux).
Je ne suis pas en eux et pourtant j'infère qu'ils existent au même titre que j'existe.
Ce n'est pas d'eux que je tiens ce savoir (savoir exister).

D'où est ce que je tiens ce savoir que des choses existent ?
Et simplement dit : d'où est-ce que je tiens le savoir que quelque chose existe ?

Bien sûr qu'il y a une donation si l'on veut (c'est à dire une immanence).
Un touché originel et donc un ressenti qui me donne le sens de " exister ".
Mais le plus proche (le plus immanent si j'ose dire) ce ne sont pas les choses du monde ce sont les ressentis du corps.

Je n'ai ultérieurement conscience que les étants existent et sont des " sortes de corps " comme le mien QUE parce que j'ai originellement un ressenti du corps, pas d'un autre.
Et justement pas d'un autre (corps), mais du mien.

Je rappelle que je distingue épistémologiquement étants, choses, sans majuscule, au sens le plus général, empirique, qui soit (mon corps, un caillou, etc.) et Etants, spécifiquement produits par un être vivant, un Sujet : sensations, perceptions, etc. Exemple : Mes Etants " Pomme " me permettent d'appréhender l'étant, la chose, " pomme ".
Sinon, tu réponds toi-même aux questions que tu soulignes : il y a du donné immédiat via sensations, perceptions, etc., et philosophiquement, le premier réflexe, doit être " et tout cela est Mien ". Pas très utile pour les pommes, mais indispensable pour d'autres choses. Tu dis que les ressentis les plus immanents sont ceux du corps. Oui et non : si tout va bien, mon corps ne me dit rien de manifeste. C'est seulement quand il fera trop chaud ou trop froid qu'il me le signalera, je ne me dis pas à tout instant " la température est correcte ". Quand mon corps ne me dit rien, ce qui me saute à la figure, c'est bien toutes les choses qui se trouvent à l'extérieur de celui-ci : il y a un tri a priori, inconscient (et heureusement, notre cerveau grillerait comme un fusible à cause du déluge permanent de données, d'abord physiques).

hks a écrit:Les phénoménologues sont à tendance " noétique ".
C'est la raison pour laquelle je me suis tourné vers Whitehead via William James (ou vers Ruyer) qui ne sont pas des philosophes de la conscience mais plutôt philosophes de l'expérience.
Des philosophes qui osent spéculer sur le sentir non conscient (au sens de " conscient clairement et distinctement ").

Et tu as bien raison de te tourner vers " l'expérience " en soi, c'est bien le coeur de cette fameuse zone grise qui assure la continuité a priori (rompue par le cogito en l'état) : je suis relié au monde via Mes (cogito) expériences.

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Message par hks Sam 13 Juin 2020 - 19:10

neopilina a écrit:Oui et non : si tout va bien, mon corps ne me dit rien de manifeste.


Supposons (expérience de pensée)  que le corps ne t'ai JAMAIS rien dit .

dans ce cas à mon avis JAMAIS me me sautera à la figure toutes les choses qui se trouvent à l'extérieur de celui-ci.
Tout simplement parce que, dans ce cas là, ton corps n'existe pas .
....................
deuxième question
neopilina a écrit:Etants, spécifiquement produits par un être vivant, un Sujet : sensations, perceptions, etc. Exemple : Mes Etants " Pomme " me permettent d'appréhender l'étant, la chose, " pomme
" je distingue
1) des événements intra corporels:  ressentis. Tout un  ensemble de multiples auo affection du corps

2)et puis  un ensemble  de ressentis  de mon corps dans un autre corps ( le monde  dit extérieur ).  

Dans le premier corps (le mien)- les organes (parties du corps) interagissent  et se modifient en permanence en fonction de leur place  et fonction dans l'organisme .
Pourquoi ne pas comprendre ainsi  les expériences  à l'intérieur du grand corps ?

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Message par neopilina Sam 13 Juin 2020 - 22:15

hks a écrit:Supposons (expérience de pensée) que le corps ne t'ai JAMAIS rien dit.
Dans ce cas, à mon avis, JAMAIS ne me sautera à la figure toutes les choses qui se trouvent à l'extérieur de celui-ci.
Tout simplement parce que, dans ce cas là, ton corps n'existe pas.

Exact : parce que c'est via mon corps que toutes ces choses se manifestent à moi.

hks a écrit:
neopilina a écrit:... Etants, spécifiquement produits par un être vivant, un Sujet : sensations, perceptions, etc. Exemple : Mes Etants " Pomme " me permettent d'appréhender l'étant, la chose, " pomme ".

Je distingue :
1) des événements intra-corporels : ressentis. Tout un ensemble de multiples auto-affections du corps.
2) et puis un ensemble de ressentis de mon corps dans un autre corps (le monde dit extérieur).  

Dans le premier corps (le mien), les organes (parties du corps) interagissent et se modifient en permanence en fonction de leur place et fonction dans l'organisme.
Pourquoi ne pas comprendre ainsi les expériences à l'intérieur du grand corps ?

Oui, pourquoi pas. Le dit " grand corps " étant le réel, la nature, etc. : c'est ce pourquoi je ne cesse de plaider (le réel est continu, il faut le verbaliser correctement, ici philosophiquement, il y a d'autres discours). Et effectivement, on dit " monde extérieur " relativement à notre propre corps. Mais mon corps est bien partie prenante de la nature au sens le plus général qui soit.

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Message par Vanleers Sam 13 Juin 2020 - 22:20

A neopilina

1) Vous écrivez que  vous n’aviez pas « connaissance de cette littérature sur un " il y a " chez Heidegger ».
Pourtant, si j’ai bien compris, Es Gibt Sein est la pensée ultime de Heidegger.
On peut oublier tout le reste de ce qu’il a écrit et ne garder que ces trois mots.
Es Gibt Sein est en amont du cogito de Descartes, du « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » de Leibniz ou de la chose en soi de Kant.
Es Gibt Sein est totalement étranger aux expériences de pensée de ces trois philosophes.

2) Le Big Typescript dont j’ai donné un extrait a été écrit par le deuxième Wittgenstein et non par l’auteur du Tractatus.
Son intérêt, sur le fil, est de montrer que le Es Gibt Sein est un mur auquel on ne peut que se cogner « la tête » (2 mots que j’ai ajoutés dans l’avant-dernière phrase de mon post précédent)

3) L’énigme du Es Gibt Sein n’est pas une énigme scientifique et ne vise pas « l'existence de l'univers, du monde physique, du réel, de la nature », etc.
Il n’est pas question, dans cette affaire, d’un Dieu créateur (deus ex machina).

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Message par hks Sam 13 Juin 2020 - 23:05

neopilina a écrit:exact : parce que c'est via mon corps que toutes ces choses se manifestent à moi.

Non ce n'est pas ce que je dis.  Que ce soit via mon corps ou même en mon corps ne resout pas mon  problème.
Une machine matériellement ou plutôt physiquement montée comme mon corps ( tel que compris par la physique )  se donnera peut- être des images ... qu'elle ne comprendra pas.

Toutes ces choses se manifestent à moi parce que le corps se manifeste à lui même. Le corps comprends ce qu'est un corps. Il se ressent et puis chez l'homme il s'intellige ( il se conceptualise )

et conséquemment ultérieurement l 'esprit humain intellige ce que sont ces étants comme des corps existant.

La conceptualisation consciente ou même la conscience simple du corps arrive  tard dans l'évolution des organisme vivant. Cette conscience détachée et regardante n'est très probablement pas présente dans les amibes ou les unicellulaires .
Il n'empêche qu'on peut spéculer sur un sentir de soi même chez tout organisme vivant .

Ce que Fichte à conceptualisé comme le MOI, l'idée est fondamentale et bonne.
On peut cela dit étendre le concept vers celui d'auto affection, les philosophes varient sur les mots  tout en tournant autour de cette idée d'Égoïté.
Ils ne la placent pas tous au niveau de la conscience claire et distincte.

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Message par neopilina Sam 13 Juin 2020 - 23:27

Vanleers a écrit:1) Vous écrivez que vous n’aviez pas « connaissance de cette littérature sur un " il y a " chez Heidegger ».
Pourtant, si j’ai bien compris, Es Gibt Sein est la pensée ultime de Heidegger.
On peut oublier tout le reste de ce qu’il a écrit et ne garder que ces trois mots.
Es Gibt Sein est en amont du cogito de Descartes, du « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » de Leibniz ou de la chose en soi de Kant.
Es Gibt Sein est totalement étranger aux expériences de pensée de ces trois philosophes.

Oui. L'important, philosophiquement, c'est le en amont du cogito de Descartes, qui en l'état interdit cet accès à cet amont, cette conquête. Sinon, tu connais le contexte de la citation de Leibniz, trop souvent sortie de son contexte justement (un petit texte) où cette question est posée pour en déduire Dieu, pour pouvoir dire " donc Dieu ", c'est la finalité de cette question dans ce texte. Et je répète, le " il y a " obtenu en poussant la démarche du doute radical à sa dernière extrémité vaut largement plus que l'abime d'Heidegger : ce n'est pas un abime, il est irréductible (l'abolir serait d'abord abolir la démarche qui y conduit), ce n'est pas rien, c'est quelque chose, il faut y songer, c'est du " palpable ", du tangible, du solide, du concret, philosophiquement. Dans l'état où se trouve la philosophie après le cogito, on en vient à exiger une preuve philosophique de l'existence des choses, en voilà une.

Je souligne :

Vanleers a écrit:2) Le Big Typescript dont j’ai donné un extrait a été écrit par le deuxième Wittgenstein et non par l’auteur du Tractatus.
Son intérêt, sur le fil, est de montrer que le Es Gibt Sein est un mur auquel on ne peut que se cogner « la tête ».

Chez Heidegger, c'est lui qui semble le dire dans ce que tu cites (1), ce n'est pas un mur, mais bien un abime, c'est très différent, surtout en philosophie. Avec l'avatar cartésien, on a quelque chose, ce n'est même pas le cas avec celui d'Heidegger.

Vanleers a écrit:3) L’énigme du Es Gibt Sein n’est pas une énigme scientifique et ne vise pas « l'existence de l'univers, du monde physique, du réel, de la nature », etc.
Il n’est pas question, dans cette affaire, d’un Dieu créateur (deus ex machina).

" Il y a " de l'être, pour le dire philosophiquement, au moins un réel, le notre, un univers physique, la nature, des choses, etc., selon toi, ce n'est pas d'abord un problème scientifique ? Je vois mal le philosophe s'occuper de la nucléosynthèse, etc. Développes. Et, en tous cas, depuis la nuit des temps et ça continue pour un très grand nombre, la réponse à cette question a été religieuse (de la métaphysique à l'état préhistorique), ça c'est certain. Et donc, idem, pour l'autre grande question, plus celle du sens, de l'existence des choses physiques (jusqu'à nouvel ordre sur la planète Mars, le sens, la science, suffit), mais celle du Sens, des Valeurs, etc., qui se posent lorsqu'on a un Sujet. Soit dit en passant, cette question de l'existence du réel en soi est toujours un " mur " pour quiconque, on ne sait pas par quel bout l'attraper (de temps en temps, j'essaye, même si je pense que le plus compétent aujourd'hui est le scientifique). Celui qui insiste va rencontrer des difficultés d'ordre épistémologique majeures, considérables, qui vont envahir le champ d'investigation, je les ai déjà évoquées, elles sont incontournables, se posent in fine à tout discours sur les choses : même les rigoureux calculs du physicien, du cosmologiste, n'y échappent pas.

(1)
Vanleers a écrit:
Soutenant que l’être heideggerien (rien de ce qui est) est un fondement non-subsistant et que l’abîme est le fondement même non-fondé, l’auteur soutient que la pensée de Heidegger perpétue la quête d’un fondement qui ne saurait être figuré et représenté. Elle s’impose comme métaphysique qui se cherche comme système nécessaire mais impossible à fonder. Dès lors, discerner qu’il y a non pas ceci ou cela qui est, mais le « il y a » lui-même, revient à percevoir l’énigme qui s’impose comme impossible à résoudre.

(je réagis dans l'ordre)

Edité. Je souligne ce qui a été ajouté en fin de message.


Dernière édition par neopilina le Dim 14 Juin 2020 - 1:35, édité 4 fois

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Message par hks Dim 14 Juin 2020 - 0:04

à vanleers

noter  qu'en allemand  le verbe geben signifie donner .

Ich gebe ihm das Buch. = Je lui donne le livre.
Nonobstant le sens de la donation du verbe  geben
Es gibt  est toujours traduit par il y a
et que ES gigt Sein est  traduit par il y a être (ou "de l" être" ou "l "Etre" enfin bref c"est au choix)


exemple : Wie sagt man:'' es gibt'' in deiner Sprache?
est traduit en français   Comment dit-on « il y a » dans ta langue ?
et non pas traduit par comment dit- on  "cela donne "?
Je ne dis pas que la traduction est mauvaise,  le es gibt à en allemand le sens du il y a français
il n'empêche que le verbe geben a le sens de la donation.

En allemand le don est dans la langue, le sens de donner est dans la langue,  pas en Français .

ET Heidegger conséquemment et en accord avec sa langue construit toute sa réflexion sur le DON .
L'Etre se donne .
ce sens de donner n' est pas présent en Français .
............................................................................................
En français le il y a fige l'Etre en une étantité statique .


en anglais  es gibt est traduit par there is

en russe par
Есть
prononcer Yest'

en chinois par

Yǒu

aucunement dans ces langues le sens de la donation

.........................
Vous allez me dire que Heidegget dit es gibt Sein.
Les langues précitées vont parfois rajouter être mais toujours  pas l'idée de donation.
anglais: there is being
Si ces langues veulent de la donation elles le préciseront.

Alors que l'Allemand est pris dans/par le sens de geben. Il n'y a pas de latitude .

On ne peut donc pas s' étonner que Heidegger défende comme thèse que l'être se donne .


Dernière édition par hks le Dim 14 Juin 2020 - 10:07, édité 1 fois

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Message par baptiste Dim 14 Juin 2020 - 8:42

Jans a écrit:Il faut voir que l'accès en est difficile, que Heidegger assène ses vérités d'un ton péremptoire (encore plus fort que Hegel) ; mais ces "vérités" sont des illuminations mêlées de jeux avec la langue, d'où un nombre de néologismes parfois puissants, parfois creux (Bourdieu disait de lui que c'était le champion des hapax) et, surtout, qu'il a annoncé livrer le fond de sa pensée sur l'Etre dans un second tome.. qui n'est jamais paru ! Finalement, le "clou" de Heidegger, c'est de dire : "on ne s'aperçoit que l'Etre était là que lorsqu'il sa manifestation indirecte a disparu" !! on a eu, mutatis mutandis, un discours analogue, en plus soft, sur le concept d'Inconscient chez Freud... ce qui nous renvoie à la querelle des Universaux au moyen-âge : "le" cheval existe, ou n'y a-t-il jamais que ce cheval que je vois devant moi...

Un hapax ? Il semble effectivement que l’histoire le confirme. Maintenant la question suivante c’est : pourquoi est-ce un hapax ? La question qui se pose est celle de savoir ce qu’il convient de penser d’une philosophie centrée sur l’Être, ou plus précisément, de la philosophie considérée comme question de l’interrogation de l’Être. S’agit-il bien de la question fondamentale de la métaphysique ou bien d'un cul-de-sac ?

L’homme « jeté au monde » relève d’un mythe mais un mythe non explicatif et à l’absolu absence de sens. L’existant que je suis indubitablement fait parti de la nature dont il suit un ordre général et particulier entamé depuis des milliards d’années. « Je suis » le produit d’une lignée biologique et historique et si l’interrogation de l’Être est un cul de sac la question métaphysique n’en est pas fermée pour autant justement parce que l’homme n’est pas « jeté au monde », l’humanité n’est pas l’exemplification d’un type universel mais le produit d’une lignée.

« La situation pourtant devint désespérée quand il fut montré que les vieilles questions métaphysiques étaient dépourvues de sens ; c'est-à-dire quand il commença à devenir clair à l’homme moderne qu’il vivait à présent dans un monde où sa conscience et sa tradition de pensée n’étaient même pas capable de poser les questions adéquates, significatives pour ne pas parler des solutions réclamées à ses propres problèmes.» Arendt La crise de la culture.

Heidegger se situe pleinement dans cette tradition de pensée occidentale faites d’invariants culturels semblables qu’il s’agisse de métaphysique philosophique ou religieuse, tradition qui a posé la question de l’identité humaine en termes individuels abstraits et qui n'est en aucune manière universelle mais simplement le fruit d'une tradition régionale.

La pensée d’Heidegger semble, au mieux, n’être plus utile qu’à entretenir d’interminables conflits d’interprétations, des combats de coqs entre scolars ou entre bourgeois oisifs comme dirait Bourdieu. Aujourd’hui, et cet aujourd'hui inclut la période à laquelle Heidegger écrivait, la question de l’identité humaine ne se pose plus en termes individuels mais en termes collectifs et concrets, c’est pourquoi voir attribuer le qualificatif de génie à Heidegger m'a posé problème.



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Message par Vanleers Dim 14 Juin 2020 - 9:37

A neopilina

Le chemin qui ne mène nulle part (cf. Holzwege) suivi par Heidegger l’a mené au Es Gibt Sein.
Comme il l’écrit dans son ouvrage de 1950 un tel chemin s’arrête au milieu de la forêt.
Ici, il n’y a plus de chemin : « ya por aqui no hay camino porque para el justo no hay ley » (Jean de la Croix)
Ni abîme, ni mur : simplement plus de chemin.
Heidegger retrouve, ici, l’expérience poétique de la nuit mystique.

Hölderlin (Pain et Vin, 7) a écrit:Et pourquoi des poètes en ces temps de détresse ?
Mais ils sont, dis-tu, comme les prêtres de Dionysos
Qui, de pays en pays, allaient dans la nuit sacrée.


Dernière édition par Vanleers le Dim 14 Juin 2020 - 11:58, édité 1 fois

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