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Message par Bergame Jeu 30 Juil 2015 - 18:04

Avant -il y a encore, disons, 10 ans- pour savoir ce que les gens aimaient, il fallait leur demander. Toutes les méthodologies de techniques de vente sont fondées sur ce principe : On fait parler le client sur ses attentes, et on lui présente un produit/service qui y répond.
Mais ça, c'était avant.
Avant, en particulier, le marketing prédictif.

Mon dieu, comme nous détestions cela, qu'on nous mette dans des "petites cases". Comme nous détestions cela, aussitôt qu'un quidam prétendait nous affubler d'une "étiquette", nous assigner une identité. "Et qu'est-ce que t'en sais, d'abord, que j'aime pas la musique classique ? Et pourquoi que j'aimerais pas la bouillabaisse en étant né à Bordeaux ? Hein ? Et qu'est-ce que c'est que ces manières de catégoriser les gens ?" Restrictif, injuste, agressif même. Nous étions libres. Libres, rationnels et conscients de nos choix. Pourquoi une femme achète-t-elle une robe si ce n'est parce qu'elle lui plaît -qu'elle en aime la forme, la couleur, qu'elle lui va bien, qu'elle la met en valeur ?


Peut-on prédire qui va acheter tel modèle de Smartphone, par exemple ?
Il faut s’entendre sur ce que signifie “prédire”. Pour nous, c’est : “Vous vous appelez Hélène, vous avez acheté tel livre et tel vêtement, donc vous avez huit fois plus de chances que le reste de la population d’acheter ce téléphone-ci.” Il n’y a jamais de certitudes. Cela reste des probabilités. Fortes, mais des probabilités quand même.

Concrètement, comment les mathématiques et les algorithmes peuvent-ils prédire ce qu’on aime ?

Un logiciel va repérer des signaux impossibles à entrecroiser pour un humain. Par exemple, on s’aperçoit que les Brigitte n’ont généralement pas les mêmes goûts vestimentaires que les Jessica. Comment on le détermine ? On récupère des données comme l’adresse, le code postal, les pages visitées sur Internet, les produits déjà achetés, le réseau social préféré, les styles de vêtements portés, le genre de téléphone utilisé, l’adresse e-mail choisie, etc. Toutes ces informations cumulées permettent d’apprendre sur “le goût de chacun” et d’établir son empreinte digitale. Les mathématiques fournissent des outils pour mesurer la “distance” entre deux prénoms, entre deux films, entre deux marques.

(Interview du fondateur de Tinyclues, l'une des multiples start-ups qui se lancent sur la déferlante de la Big Data)


A quel point et avec quelle vitesse notre monde, j'entends notre monde cognitif, notre monde axiologique, est en train de changer... c'est, pour moi, vertigineux.

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Message par lanK Jeu 30 Juil 2015 - 22:14

On ne peut s'empêcher de penser à Minority report,au-delà des choix ou prédictions de consommation.
Oui un vertige qui fait peur.

[quote="Dominique Leglu"]

ACCUMULATION. L’affaire Prism, révélée par Edward Snowden, ex-agent de l’Agence de sécurité nationale (NSA) américaine, a montré que celle-ci disposait d’un programme de surveillance des communications mondiales . Plus que jamais, elle a mis sur le devant de la scène ce qu’on appelle désormais, selon leur dénomination anglo-saxonne dont on ne connaît pas la paternité : les « Big data ». Autrement dit l’accumulation par milliards de milliards de données de toutes sortes – et notamment celles concernant les individus, par des acteurs multiples : gouvernements, entreprises telles Google, Facebook, Twitter etc., sites de ventes en ligne, institutions diverses.

Une « mise en données du monde », un vrai déluge numérique (1) dont l’importance devient si flagrante que deux spécialistes du domaine, Viktor Mayer-Schönberger* de l’université d’Oxford et Kenneth Cukier du magazine The Economist **  n’hésitent pas à sous-titrer leur ouvrage « Big data », récemment paru aux Etats-Unis et déjà best-seller en Chine, de "Révolution qui va transformer nos vies, notre travail et notre pensée".

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Message par Bergame Lun 3 Aoû 2015 - 16:24

Clairement. Ce qui se prépare est ahurissant. D'autant plus si on se penche sur les projets du Google X Lab, puisque le dessein du fameux Ray Kurzweil ne serait pas autre chose que la connectivité neurologie-intelligence artificielle. Autrement dit, un cerveau directement connecté à internet -et directement accessible par internet. Il fixe l'horizon à 2030 -15 ans, même pas une génération. On mesure évidemment l'avantage compétitif que confèrerait une telle capacité cognitive aux individus qui l'adopteraient, la possibilité d'accéder à cette ahurissante bibliothèque virtuelle de données en temps réel, une intelligence humaine sur-démultipliée. Mais également l'intérêt en termes marketing : La possibilité de stimuler l'acte d'achat directement "à la source" ! C'est tout simplement génial. Comme le dit un analyste, la prochaine extension du marché, c'est le cerveau.

On peut croire ou ne pas croire que ce futur "arrive". Ce qui, à mon sens, est le plus effarant là-dedans, c'est la manière dont nous réagissons à ce qui émerge déjà aujourd'hui. Car nous devrions être scandalisés, chaque fois que nous nous sentons, en effet, "catégorisés" par des publicités bien ciblées sur internet. Nous devrions être inquiets, chaque fois que nous sommes confrontés à la circulation de nos données personnelles.
Et, en fait, nous le sommes. Nous avons tous des anecdotes sur la découverte fortuite d'un rapprochement entre des données personnelles que nous croyons indépendantes et protégées. On se les raconte, à l'heure de l'after-work, en prenant des mines effarées : "C'est grave, ce qui se passe, quand même."
Et voila tout.
Car, en pratique, on ne peut rien. Si ce n'est débrancher, faire défection comme disait Hirschman, mais qui peut supporter le coût d'un retranchement d'internet ? Nous sommes là à discuter de liberté, de tolérance, d'égalité de droits, de valeurs humanistes en somme, mais notre impuissance à les défendre me semble flagrante.

C'est la raison pour laquelle je ne crois pas aux explications par les valeurs. Je ne crois pas à la force des valeurs en soi. Les valeurs ne valent qu'aussi longtemps qu'on est capable de les défendre et de les faire respecter. Et qui, pour les faire respecter, aujourd'hui ? Les Etats ? Les organisations internationales ? Je ne comprends pas comment on peut encore compter sur des prétendues valeurs universelles et ne pas voir à quel point nous avons besoin de règles et d'entités ayant la puissance de les faire respecter. Que vaudra le Droit Naturel dans un monde où le concept d'Homme lui-même se discutera ?

Anecdotiquement, Kurzweil a été auditionné par le Sénat américain. Bien sûr, a-t-il reconnu, les risques sont immenses. Le premier auquel on pense, évidemment, c'est le hacking. Imaginez la possibilité d'entrer, non plus seulement dans votre PC ou vos objets connectés, mais directement dans votre cerveau. Ca fait rêver ! D'ailleurs, les risques sont tellement immenses que Kurzweil a théorisé la "singularité", à savoir que lorsque que, effectivement, les réseaux synaptiques seront connectables aux réseaux de neurones artificiels, le monde dans lequel nous entrerons sera parfaitement singulier et qu'il nous est impossible, aujourd'hui -sous-entendu : avec notre petite puissance de calcul actuelle- de concevoir ce qu'il sera. Mais, a-t-il fait valoir, si les pouvoirs politiques décidaient de "réguler" la recherche disons "blanche", ils ne feraient que donner une longueur d'avance à la recherche "noire" et aux applications criminelles.

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Message par lanK Mar 4 Aoû 2015 - 0:54

Très bon documentaire sur LCP,
Un œil sur vous,citoyens sous surveillance
http://www.lcp.fr/emissions/docs-ad-hoc/vod/172120-un-oeil-sur-vous-citoyens-sous-surveillance
(Pour les dates de rediffusion)
"Nous ne sommes plus les clients,nous sommes les marchandises."
"C'est comme ça que commence le totalitarisme, quand on laisse faire."

Oui Bergame tu as raison d'être effaré par notre insouciance, cet aspect que peut-on y faire? fatalité?

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Message par kercoz Mar 4 Aoû 2015 - 8:51

Bergame a écrit:
Et, en fait, nous le sommes. Nous avons tous des anecdotes sur la découverte fortuite d'un rapprochement entre des données personnelles que nous croyons indépendantes et protégées. On se les raconte, à l'heure de l'after-work, en prenant des mines effarées : "C'est grave, ce qui se passe, quand même."
Et voila tout.

Je lisais , hier soir, "Johnny l' Ours" de Steinbeck qui met bien en scène l' importance du secret de l' intimité.

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Message par kercoz Jeu 6 Aoû 2015 - 10:08

Pour ceux qui n' ont pas Steinbeck dans leur bibliothèque, Johnny l' Ours raconte l' histoire d' une brute simple d'esprit qui, pour se faire payer à boire, entre en transe et raconte, en imitant parfaitement les voix, des conversations intimes qu'il épie sans cesse. Il perturbe ainsi les équilibres et la stabilité d' un village présenté comme autarcique.
Le problème posé est celui de l' individualisme. De ses avantages et de ses inconvénients. Il reste, à mon sens de façon évidente, lié au problème de la structure des groupes.
Ceux qui se plaignent de l' alliénation forte du modèle "village" ou "tout se sait" ......n' ont souvent aucun problème pour accepter que leur moindre mouvement soit filmé et chaque parole notée, enregistrée.
En réalité, ce qui semble etre recherché ce n'est pas l' anonymat, mais le refus des interactions et de l' affect qu' elles impliquent.

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Message par Courtial Jeu 6 Aoû 2015 - 12:11

Bergame a écrit:Mon dieu, comme nous détestions cela, qu'on nous mette dans des "petites cases". Comme nous détestions cela, aussitôt qu'un quidam prétendait nous affubler d'une "étiquette", nous assigner une identité. "Et qu'est-ce que t'en sais, d'abord, que j'aime pas la musique classique ? Et pourquoi que j'aimerais pas la bouillabaisse en étant né à Bordeaux ?

En effet : qu'est-ce que Bourdieu n'a pas entendu sur son "déterminisme" excessif ?
On peut s'étonner également du fait que ce qui était considéré comme haïssable lorsqu'il s'agissait de questions scientifiques passe comme une lettre à la poste sitôt que c'est le Doux Commerce qui prend la relève !
Quand c'est pour éclairer la conscience sociale, c'est caca, quand c'est pour ramasser de la thune, c'est pain bénit.
La chasse au pognon autorise tout, justifie tout, sanctifie tout : o tempora, o mores !

Un logiciel va repérer des signaux impossibles à entrecroiser pour un humain. Par exemple, on s’aperçoit que les Brigitte n’ont généralement pas les mêmes goûts vestimentaires que les Jessica. Comment on le détermine ?

Par l'expérience et la raison.
Pour ma part, autant je reste dubitatif devant les modèles mathématiques compliqués et leur valeur prédictive, autant je crois à un déterminisme onomastique indiscutable.
Prends par exemple un plombier ou n'importe quel type qui s'accroupit sous un évier ou une prise électrique, et dont le pantalon s'abaissant fait apparaître le début d'une raie culière. Eh bien, à tous les coups, il s'appelle Gérard, le type, ça ne manque pas. J'ai d'ailleurs formé (dans mon langage privé) une expression : "faire Gérard" pour indiquer ce mouvement si particulier.
Autre exemple ? Un type qui entoure son volant de bagnole d'une peau ou d'une fourrure de je ne sais pas quoi, avec un petit ballon de foot aux couleurs du PSG accroché à son rétro, etc., ben à tous les coups, il se prénomme Jean-Michel, le gars. Et d'ailleurs, quand on parle d'un Jean-Michel ("ah oui, lui c'est un Jean-Michel", dit-on), tout le monde voit tout de suite l'image.
Pareil pour les Brigitte et les Jessica : ces faits sont avérés et le nier relève de la mauvaise foi.

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Message par Bergame Jeu 6 Aoû 2015 - 14:55

Courtial a écrit:En effet : qu'est-ce que Bourdieu n'a pas entendu sur son "déterminisme" excessif ?
On peut s'étonner également du fait que ce qui était considéré comme haïssable lorsqu'il s'agissait de questions scientifiques passe comme une lettre à la poste sitôt que c'est le Doux Commerce qui prend la relève !
Quand c'est pour éclairer la conscience sociale, c'est caca, quand c'est pour ramasser de la thune, c'est pain bénit.
La chasse au pognon autorise tout, justifie tout, sanctifie tout : o tempora, o mores !
Effectivement, j'ai aussi beaucoup pensé à Bourdieu et à La Distinction. Parce que ce que sa démonstration et sa méthodologie sont en effet très proches de ce que présente ce jeune homme. Et pour ma part, ce rapprochement m'entraine vers trois réflexions.

D'abord, et comme tu le dis très bien, Bourdieu place ses accents autrement. Il y a effectivement une visée émancipatrice chez Bourdieu -ce que n'ont jamais voulu reconnaître ses critiques d'ailleurs- et il y a surtout un arrière-plan démocratique. J'entends que, si Bourdieu dénonce les clivages sociaux que manifestent des complexes de goûts différenciés, c'est bien, fondamentalement, au nom d'un égalitarisme démocratique. Or, il y a aussi un arrière-plan démocratique dans le discours de cet entrepreneur -ou d'autres-, mais ce n'est pas le même : Lui présente un discours fondé sur la liberté de choix : "Et pourquoi que Jessica elle aurait pas le droit de préférer telle robe à telle autre, sur la base de ses propres goûts, qui ne sont pas ceux d'une autre ? Fini le temps où une petite élite imposait les codes de la mode à la masse. Aujourd'hui, grâce à internet, les individus ont accès à un choix démultiplié et peuvent créer leur propre identité vestimentaire bla-bla-bla."
Cette opposition frontale si évidente entre deux discours à visée si différente me semble donc un nouvel exemple de cette co-existence de deux représentations de la "démocratie" bien différentes -vous connaissez mon antienne.

Ensuite, je pense au contraire que la science est du côté de la Big Data -et non de Bourdieu. Bourdieu, excuse-moi, il n'y a guère qu'à des philosophes qu'il peut apparaître "scientifique" donnée - Grosse donnée 3438808084  -pour les autres, c'est juste un... sociologue... Non, avec la Big Data, on parle algorithmes, on parle statistiques inférentielles, on parle teraoctets/seconde, on est dans le monde des Ph.D. in Applied Mathematics, là, rien à voir.

Enfin, et conséquemment, je n'analyse pas le phénomène comme toi, je ne pense pas que ça passe "comme une lettre à la poste". Au contraire, ainsi que je le disais, je vois les gens plutôt inquiets. Mais, leur réaction se résume en effet à de l'inquiétude. Ils me semblent exprimer une certaine impuissance. Et l'une des raisons en est sans doute que, effectivement, c'est de la science, et qu'on ne peut pas grand-chose vis-à-vis du "progrès scientifique". Il a lieu, voila tout. C'est bien en somme ce que Kurzweil déclare aussi au Sénat américain.

Mais derrière le progrès scientifique, il y a effectivement le business. L'intrication entre science et business est d'ailleurs devenue étonnante. Prenez un bouquin de management au hasard, il n'y est question que d'"innovation", "technologie disruptive", "blue ocean", etc. Il y aurait une belle analyse à faire sur la manière dont l'innovation technologique est devenue non seulement le moteur de notre système économique mais aussi, peut-être, sa justification. Une justification fort bien trouvée puisqu'il apparaît donc que, vis-à-vis du progrès scientifique, on ne peut pas grand-chose...

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Message par Courtial Ven 7 Aoû 2015 - 14:10

Bergame a écrit:Ensuite, je pense au contraire que la science est du côté de la Big Data -et non de Bourdieu. Bourdieu, excuse-moi, il n'y a guère qu'à des philosophes qu'il peut apparaître "scientifique"  -pour les autres, c'est juste un... sociologue... Non, avec la Big Data, on parle algorithmes, on parle statistiques inférentielles, on parle teraoctets/seconde, on est dans le monde des Ph.D. in Applied Mathematics, là, rien à voir.

Les ou des philosophes ont raison et les autres ont tort, voilà tout. Bourdieu est un sociologue, donc un scientifique. Ce ne sont pas les philosophes qui ont décidé de faire de la sociologie une "science", c'est ainsi. Il ne sert à rien de s'en réjouir ou de s'en féliciter, on veut construire une science de faits, on le fait, faut prendre acte. Il y a une description, une pensée de l'univers social dans la peinture, dans le cinéma, dans la littérature, dans la philosophie, mais ce que l'on appelle "sociologie", ce n'est pas ça. Ce qu'on appelle "sociologie", c'est l'approche scientifique de ce genre d'objets. Et un sociologue peut certainement expliquer un tableau de Velasquez ou une tragédie de Racine, mais ce ne sont pas ces oeuvres mêmes qui sont la sociologie ni leurs auteurs des sociologues.  

Que les moyens mathématiques et statistiques de Bourdieu il y a 40 ans ne soient rien auprès des moyens actuels, que les algorithmes (mais ce sont des algorithmes qu'on compare, et non d'un côté des algorithmes et de l'autre une absence d'algorithme, hein) soient plus développés ne change pas grand chose à ce point précis. Sinon, à ce compte là, il faudrait aussi dénier à Newton le statut de scientifique, parce que plus personne ne travaille comme lui en physique aujourd'hui.

Bergame a écrit:D'abord, et comme tu le dis très bien, Bourdieu place ses accents autrement. Il y a effectivement une visée émancipatrice chez Bourdieu -ce que n'ont jamais voulu reconnaître ses critiques d'ailleurs- et il y a surtout un arrière-plan démocratique. J'entends que, si Bourdieu dénonce les clivages sociaux que manifestent des complexes de goûts différenciés, c'est bien, fondamentalement, au nom d'un égalitarisme démocratique. Or, il y a aussi un arrière-plan démocratique dans le discours de cet entrepreneur -ou d'autres-, mais ce n'est pas le même : Lui présente un discours fondé sur la liberté de choix : "Et pourquoi que Jessica elle aurait pas le droit de préférer telle robe à telle autre, sur la base de ses propres goûts, qui ne sont pas ceux d'une autre ? Fini le temps où une petite élite imposait les codes de la mode à la masse. Aujourd'hui, grâce à internet, les individus ont accès à un choix démultiplié et peuvent créer leur propre identité vestimentaire bla-bla-bla."
Cette opposition frontale si évidente entre deux discours à visée si différente me semble donc un nouvel exemple de cette co-existence de deux représentations de la "démocratie" bien différentes -vous connaissez mon antienne.

Oui, je suis d'accord - si j'ai bien compris (je reste prudent puisqu'il semble qu'on ne te lise pas, à ce que tu dis...).
Je passe sur l'incise, dont on a déjà parlé : que les critiques de Bourdieu aient oublié ou pas "lu" cet arrière-plan que tu indiques, confirme ma propre antienne (chacun la sienne) : Bourdieu est sans doute criticable sur bien des points, mais un type qui a des ennemis comme ça (aussi distraits et malhonnêtes) ne peut pas être intégralement mauvais.
Bourdieu ne visait pas à interdire au prolo d'aimer Mozart et à l'obliger à écouter du Daniel Guichard.   Il était tout à fait convaincu de l'intérêt intrinsèque des opéras de Mozart et lorsqu'on voulait le piéger (comme certains journalistes, etc.) en lui parlant de ses goûts personnels, il rétorquait qu'il écoutait du Beethoven et du Stravinski comme n'importe quel membre de sa caste, ce qui n'est pas une réfutation, mais une confirmation de ses "théories". "Théories" qui sont des faits, et rien d'autre, voir mon point précédent. Quoi qu'il en soit, il est étonnant que des sociologues ne perçoivent pas la différence entre des faits et des souhaits.

Bourdieu aurait été fort aise que les caissières et les tourneurs ne jurassent que par Rembrandt,  Proust et Erik Satie.

Il faut être très prudent avec le relativisme. Cela peut paraître comme libérateur, mais c'est aussi une façon - je ne vais pas dire d'asservir, mais disons d'enfermer les gens dans ce qu'ils sont. Il ne faut pas confondre la méthodologie et les fins, ce qui suppose des choses, en particulier le fait qu'il y ait des fins - ce par quoi nous quittons, en effet, le domaine "scientifique".

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Message par Bergame Ven 7 Aoû 2015 - 14:53

Courtial a écrit:Que les moyens mathématiques et statistiques de Bourdieu il y a 40 ans ne soient rien auprès des moyens actuels, que les algorithmes (mais ce sont des algorithmes qu'on compare, et non d'un côté des algorithmes et de l'autre une absence d'algorithme, hein) soient plus développés ne change pas grand chose à ce point précis. Sinon, à ce compte là, il faudrait aussi dénier à Newton le statut de scientifique, parce que plus personne ne travaille comme lui en physique aujourd'hui.
L'argument n'est pas celui-ci, il est que le statut des faits sociaux et celui des faits physiques ou biologique n'est pas identique. Du moins, si pour toi, disons philosophe, c'est rangeable dans le même sac, pour un mathématicien ou un physicien, il y a peu de chances que ce le soit. La sociologie, c'est au mieux une science "molle", pour un mathématicien-type, quand ce n'est pas de l'idéologie ou du verbiage.

Indépendamment du fait que Bourdieu lui-même -et d'autres, Durkheim par exemple- ont prétendu forger une science quasi-naturelle, en effet. Tu as le droit de les prendre au sérieux, je dis simplement que, autant que j'en sache, les physiciens, les biologistes et les mathématiciens ne le font pas trop.

Beaucoup de nos échanges actuels tournent autour de cette question de l'épistémologie des sciences sociales, il faudra peut-être aborder la question de front. J'avais commencé à le faire, d'ailleurs, avec hks, si je me souviens bien.

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Message par Courtial Ven 7 Aoû 2015 - 15:45

Bonne idée de sujet.

Pour la réponse immédiate, je prends en effet au sérieux la décision qui a été prise (pas par moi) de constituer une science de la société.

Dans un tel sujet, nous pourrions revenir sur des choses plus précises naturellement.

Globalement, je considère que les scientifiques (au sens dur : sciences de la nature) sont sans doute très efficaces dans leur partie, mais ils ne me terrorisent pas par leur profondeur quand ils consentent à  s'aventurer à déterminer ce qui est scientifique ou pas, et qui n'est pas une question scientifique mais une question philosophique. A laquelle ils n'ont jamais songé en général, sauf quelques uns qui sont des philosophes aussi.
Ils ne sont pas vraiment meilleurs que les autres dans l'exercice, à ce que j'ai pu voir, c'est-à-dire du'il n'y a pas beaucoup d'autres choses que du pragmatisme et, si on se montre un peu plus pressant, pas mal d'arguments d'autorité.

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Message par baptiste Sam 8 Aoû 2015 - 15:53

Le champ de la création scientifique se singularise de deux manières, d’abord par des « observateurs partiels » qui se déploient dans des « champs multiples », ensuite par une réévaluation permanente des champs de références; pour un scientifique « il n’est jamais question de la relativité du vrai appréhendée d’un point de vue absolu, mais de la vérité du relatif ».

La fonction scientifique et les observateurs partiels qui l’élaborent s’établissent dans le flux permanent du réel. La majorité n’a pas pour ambition de sortir de ce réel, elle considère que l’on juge l’arbre à ses fruits. S’il n’en a pas, ou s’ils sont véreux, qu’ai-je à faire de l’arbre ?

Si les scientifiques ne te terrorisent pas par la profondeur de leur pensée, il en va de même, en ce qui me concerne, de ceux que l’on nomme « philosophe » et qui prétendent expliquer beaucoup de choses avec un aplomb peu justifié. Un exemple récent de cette incompréhension est le livre d’Onfray sur Freud. Lors de la confrontation avec le psychiatre Cyrulnik celui-ci dans son introduction explique qu’en science il n’est d’aucun intérêt de savoir ce qu’a réellement voulu dire l’introducteur d’une idée nouvelle ; seul est retenu le point actuel de la discussion, cette seule remarque ôte toute pertinence aux prétentions de dénonciation, cependant Onfray dans la suite de l’échange n’essayera jamais de répondre à cette objection pourtant fondamentale, se contentant de répéter le discours qui fit son succès sur les plateaux télé face à des journalistes peu regardant.

Qu’ai-je à faire ou bien même qu’avons-nous à faire d’une littérature philosophique dont le seul objectif serait le service de la gloire de leur auteur ? Si les scientifiques qui s’aventurent hors de leur champ d’expertise ne t’impressionnent pas, il te faudra aussi admettre que les œuvres récentes de certains que l’on nomme « philosophes » ne brillent pas de milles feux face aux questions soulevées par nos connaissances nouvelles et nos modes de vie.

Faut-il créer une science de… ? Il me semble que les domaines d’expertises que sont les disciplines scientifiques naissent à partir de connaissances nouvelles ou de moyens d’investigations nouveaux, pas spécialement pour répondre à des questions.

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Message par quid Sam 8 Aoû 2015 - 19:25

Il faut tout de même faire attention à la manière de croiser les critères.

Si je considère deux critères qui apparemment n'ont rien à voir, par exemple le prénom et la couleur préférée, on peut trouver qu'il y a par exemple sur un échantillon de personnes, 8 % préférant le rouge qui sont des « hervé » contre 0,5 % qui sont des « émilien ». Or on ne peut conclure par là que les « hervé » préfèrent plus le rouge que les « émilien », car il faut tenir compte de la proportion de « hervé » et d' « émilien » dans l'échantillon.

De plus, se pose la question de savoir qu'est-ce qu'un échantillon représentatif. Un échantillon représentatif dont la représentativité relève de sa taille, signifie qu'à partir d'un certain moment, l'échantillon serait représentatif quasiment absolument, quel que soit les critères que l'on interroge dans cet échantillon.

Il est certain que le « Big Data » ou « Grosses Données» permet de considérablement augmenter la taille des échantillons.

Maintenant, si l'on considère la population des « hervé », on pourra peut-être trouver que majoritairement ils préfèrent la couleur « rouge » à la majorité relative, trouver des majorités absolues sur un critère telle que la couleur relevant de l'improbable. Cependant, si la majorité des personnes préfèrent également cette couleur dans des proportions similaires indépendamment de leur prénom, il n'y a alors pas de lien avéré entre les deux critères. Même s'il y a une différence entre les deux pourcentages, rien ne permet de l'imputer au prénom, car un échantillon ne peut prétendre à être représentatif dans la même proportion quelque soit le critère.

Donc, trouver des critères de croisement qui s'avèrent concordants n'est pas un automatisme. Il ne s'agit pas de prendre au hasard deux critères pour en tirer des conclusions de relations.

Au final, si des critères sont concordants, c'est que le lien est plus profond. Il n'y a pas de relation particulière entre l'age sous forme de chiffre « 65 ans » par exemple, et le fait que l'on démarche ces personnes pour des produits balnéaires ou des croisières. On considère que vu leur statut de retraité,  ils sont plus à même d'être intéressés par ce genre de produit. De plus, sans doute que le croisement de ces critères , « age ≥ 65 » et « Produits de croisières ou balnéaires », ne sera pas le même suivant le pays, et qu'il faudra ajouter le « pays » en tant que critère d'ajustement. Mais de la même manière, ce n'est pas l'orthographe du pays s'écrivant « France » ou « Inde », qui justifie ce rapprochement.

Une petite actualité en rapport avec le sujet : Votre crédit bientôt refusé à cause de vos amis Facebook ?

Tenez, pour ceux qui ne connaissent pas, un petit jeux amusant : Akinator
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Message par lanK Sam 8 Aoû 2015 - 19:50

Akinator m'a tuer ....

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Message par kercoz Sam 8 Aoû 2015 - 22:20

J' ai débuté un roman, il y a bien longtemps, qui se basait sur le fait que ce qui nous sauvait tenait au fait que les "pouvoirs" n'étaient pas communs pur les différents domaines ( du moins pas encore !).
Si la sociologie comportementale démontre par ex que le fait d'exposer des enfants en bas age a des couleurs violentes comme les rouges ou violets induisait des adultes ayant une meilleure réponse aux stimuli injonctifs ( militaires ou commerciaux)....le fait de baisser notablement le cout des peintures et papiers peints de ces couleurs induirait obligatoirement une augmentation globale des ventes pour ceux ayant acces aux médias.
Pour les corrélations des noms a d'autres critères, il faut remarquer que l' éventail des prénoms est tres faible et sont référés a des périodes tres précises....ces périodes peuvent aussi etre référés à d'autres critères dominants comme les couleurs de voiture ou de sapes.

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Message par Courtial Dim 9 Aoû 2015 - 1:29

kercoz a écrit:J' ai débuté un roman, il y a bien longtemps, qui se basait sur le fait que ce qui nous sauvait tenait au fait que les "pouvoirs" n'étaient pas communs pur les différents domaines ( du moins pas encore !).
Si la sociologie comportementale démontre par ex que le fait d'exposer des enfants en bas age a des couleurs violentes comme les rouges ou violets induisait des adultes ayant une meilleure réponse aux stimuli injonctifs ( militaires ou commerciaux)....le fait de baisser notablement  le cout des peintures et papiers peints de ces couleurs induirait obligatoirement une augmentation globale des ventes pour ceux ayant acces aux médias.
Pour les corrélations des noms a d'autres critères, il faut remarquer que l' éventail des prénoms est tres faible et sont référés a des périodes tres précises....ces périodes peuvent aussi etre référés à d'autres critères dominants comme les couleurs de voiture ou de sapes.

Comme je l'ai indiqué, ma théorie sur le déterminisme par le nom ne peut être discutée. Il te suffit de l'admettre car est elle l'expression d'une science qui t'échappe, peut-être, mais qui est intégralement démontrée.

Et si par ailleurs je peux m'autoriser un conseil, ne lis pas des romans qui sont "basés sur le fait que", etc. Fuis-les, plutôt. Lis des choses qui ne sont pas basées sur le fait que, Proust, par exemple, qui n'est pas basé sur le fait que. Ou Céline, qui n'est pas basé non plus sur le fait que. Ou La Fontaine, enfin juste des trucs qui ne sont pas basés sur le fait que.

Si tu n'aimes pas ces auteurs, ce qui est parfaitement légitime, lis en d'autres, mais pas ceux qui sont basés sur le fait que, fais moi plaisir, fais toi plaisir. Les écrivains qui s'appuient sur le fait que ne sont pas intérssants, en général. Va plutôt voir chez ceux qui ne s'appuient pas sur le fait que.
Thomas Mann, Philip Roth, Musil et des tas d'autres, mais qui ne sont pas basés sur le fait que.
Modiano aussi, notre Nobel, amplement mérité à mon avis, mais qui ne se "base " pas sur "le fait que".

Mais ce n'est et cela ne reste qu'un conseil, naturellement.

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Message par kercoz Dim 9 Aoû 2015 - 8:38

Courtial a écrit:

Et si par ailleurs je peux m'autoriser un conseil, ne lis pas des romans qui sont "basés sur le fait que", etc.
Mais ce n'est et cela ne reste qu'un conseil, naturellement.

Je te remercie de tes conseils, mais j' ai lu tous ces livres...mais je vais aussi m' en autoriser un de conseil ...n' écris pas trop vite.
La phrase "j' ai commencé un roman ..." peut s'entendre de 2 façons. Lecture ou écriture...et je parlais d'écriture.

Un truc m' intrigue pourtant...comment pourrait tu soutenir que "se baser sur le fait", ne puisse pas susciter l' intérêt ? C'est certe une tournure maladroite mais rapide pour présenter le sujet dont il est question.

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Message par euthyphron Dim 9 Aoû 2015 - 11:28

lanK a écrit:Akinator m'a tuer ....
Ah ben moi aussi! ce con m'a trouvé Josip Skoblar en 19 coups, pas un de plus!
Mon record est de 79 coups, pour Paul Ricoeur.
Et j'ai carrément battu la machine avec Oriane de Guermantes et le pape Pie IX! Cela fait donc deux personnes qui échappent encore aux algorithmes lol .

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Message par neopilina Dim 6 Sep 2015 - 22:26

La semaine dernière la C.N.I.L. a adressé une requête tout ce qu'il y a de plus officielle pour aborder le droit de regard de l'individu quant à son empreinte numérique à Google. Réponse de Google : non ! Hé !, ça a le mérite d'être clair !
Toujours plus fort : en matière informatique, numérique, ces opérateurs géants, complétement affidés au services de renseignements U.S., sont en mesure d'intercepter quasiment 100 % de ce genre de transmission. Mais pas en téléphonie, où ils atteignent " seulement " 70% d'interception. Mais ils travaillent donc ouvertement à améliorer ce % !

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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
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Message par Bergame Jeu 24 Déc 2015 - 9:55

Quelle belle discipline que le marketing, tout de même ! Une anecdote personnelle :
Je me suis toujours refusé à transférer mes données sur le cloud, sachant pertinemment que, dès lors, elles appartiennent à l'opérateur. Or, ces derniers jours, mon mobile est tombé en panne. Je suis chez Orange, qu'est-ce que je fais ? Je vérifie que l'appareil est toujours sous garantie, je me rends dans un centre Orange et je demande à ce que mon mobile soit réparé. Là, on me dit : "Oui, parfait, la garantie marche. Revenez demain, on vous donnera un autre appareil, et vous déposerez celui-ci." Je me dis : Ils sont moins bons que SFR. Avant, j'étais chez SFR, et c'était beaucoup plus simple : J'arrivais avec mon portable et le chargeur, je déposais le tout, et on me donnait un petit téléphone de remplacement le temps que mon mobile soit réparé. Chez Orange, il faut le temps qu'ils commandent un nouveau portable et revenir le lendemain, les reliquats de la culture étatique sans doute.
Donc je reviens le lendemain, et on me donne un autre exemplaire du même mobile. "Ah bon, mais euh... je récupère bien l'ancien ?"
- Ah non, pourquoi, on vous l'échange contre un neuf, c'est votre garantie, pas de problème."
- D'accord, mais moi j'ai toutes mes données sur mon mobile, mes contacts, des photos, des documents... C'est que je m'en sers professionnellement, également !
- Oui, mais vous avez bien stocké tout ca sur le cloud ?

Et Google qui vous demande régulièrement un numéro de téléphone pour "raisons de sécurité" ?
Google souhaite remplacer le mot de passe par votre téléphone

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Message par Bergame Ven 1 Jan 2016 - 16:28

Quand les services sont gratuits, c'est toi le produit.

C'est l'adage qui circule dans les milieux "geek". Il témoigne du pacte faustien sur lequel s'érige actuellement le monde numérique. Il exprime bien aussi le lien que je cherchais depuis quelques temps entre les réflexions précédentes et celles présentées dans un autre topic, plus ancien. Consciemment ou non, les géants du numérique se sont bâtis en jouant sur un ressort psychologique puissant : Le besoin d'être connu, reconnu, aimé, admiré si possible.
Mais la "démocratisation" du vedettariat masque un hiatus : Les stars, qui se montrent dans l'espace public, ont encore la possibilité -dans une certaine mesure- de faire respecter leur vie privée (et elles ont les moyens de payer des avocats pour cela). Ce que les individus appréhendent mal, me semble-t-il, est que les réseaux sociaux ne constituent pas un espace public. Ce ne sont pas des agoras virtuelles, une sorte de no man's land libre et ouvert, où l'on peut se rencontrer, échanger, discuter, etc. Ce sont des espaces privés, incroyablement surveillés, où toute information écrite, graphique, visuelle est susceptible d'être récupérée et monétisée.
La part virtuelle de notre existence ne cesse de croître, elle devrait continuer à le faire ; et elle appartient, contractuellement, à des entreprises privées.

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Message par Bergame Ven 1 Jan 2016 - 18:53

Et pour continuer sur cette thématique faustienne, j'ai été particulièrement intéressé d'apprendre qu'à l'occasion de la réorganisation qu'a connu le groupe Google, il a été question de changer de slogan. Chacun sait en effet que le slogan de Google est rien moins que : "Don't be evil". Dans une interview donnée au Financial Times (31 octobre 2014), Larry Page affirmait qu'effectivement, ce mot d'ordre ne reflétait peut-être plus les objectifs du groupe. Le nouveau slogan pourrait plutôt s'approcher de : "Résoudre les problèmes qui se posent à nous, humains."
Si quelqu'un d'aventure se demande ce que recouvre exactement le terme "technocratisme", je pense que cette longue interview pourrait lui être profitable. Morceaux choisis (et traduits).

D'abord, un technocrate, c'est fondamentalement un ingénieur :
Fils d'un professeur en informatique, [Larry Page], selon les gens qui le connaissent bien, n'aime rien tant en réunion que d'approfondir les questions techniques. Il décrit par exemple comment il s'est intéressé à la manière dont sont gérés les data centers de Google, creusant la question de la facture énergétique jusqu'à poser des questions sur le design des réseaux électriques. Il affirme qu'en focalisant correctement son attention, il n'y a rien qui ne puisse être amélioré et rendu plus efficace.

Et un ingénieur qui se préoccupe du bien-être de ses semblables :
"Ce n'est pas satisfaisant [unsatisfying] de voir tous ces gens, et nous, nous avons tous ces milliards que nous devrions investir pour rendre leur vie meilleure. Si nous faisions juste la même chose que nous faisions auparavant et pas quelque chose de nouveau, ca me semblerait un crime."

Alors que faire ? En somme, il s'agit :
1. de libérer toujours plus l'homme du travail grâce à la technologie :
"Si les gens avaient la possibilité d'abandonner leur job, 9 sur 10 ne feraient pas ce qu'ils font aujourd'hui."

Et 2. d'améliorer leurs conditions d'existence à des coûts toujours plus bas :
"Je pense que les choses dont vous avez besoin pour vivre confortablement pourraient coûter beaucoup, beaucoup, beaucoup moins cher." [...] Il n'y pas de raison pour qu'une maison moyenne à Palo Alto, au cœur de la Silicon Valley, au lieu d'excéder 1M$ n'en coûte pas 50.000.

Et pourtant, constate Larry Page, les gens ne comprennent pas toujours les bienfaits de ce progrès :
"Je crois que les gens conçoivent bien la rupture [disruption = innovation radicale], mais ils ne la voient pas vraiment positivement. Ils ne la voient pas comme quelque chose qui va changer leur vie..."

Etonnamment, le journaliste du Financial Times -tout de même !- semble alors s'essayer à exposer à Larry Page quelques-unes des craintes qui peuvent naître vis-à-vis de cette "rupture" :
Pour beaucoup de gens [...], la perspective de millions d'emplois rendus obsolètes, de la chute de la valeur de leur maison, du prix de biens de consommation courante entrant dans une spirale déflationniste, sonnent assez peu comme une recette vers le nirvana. Mais dans un système capitaliste, suggère [Larry Page], l'élimination de l'inefficacité par la technologie doit être poursuivie jusqu'à sa conclusion logique : "Vous ne pouvez pas espérer que ces choses n'arriveront pas, elles arriveront de toutes façons [...] Quand nous avons des ordinateurs qui peuvent accomplir de plus en plus de tâches, cela ne peut que modifier notre manière de concevoir le travail."

Et du reste :
"L'idée que chacun devrait travailler comme un esclave et faire quelque chose d'inefficace simplement pour conserver son emploi -cette idée n'a simplement aucun sens pour moi. Cela ne peut pas être la bonne réponse."
Evidemment que non, tout bon américain vous dira que ca, c'est le communisme !

Alors se présente la contradiction à laquelle font face tous ceux qui prétendent faire le bonheur des individus, y compris malgré leur opposition explicite. Evidemment, cette contradiction est d'autant plus évidente en régime démocratique, où l'opinion exprimée des citoyens est supposée avoir un poids politique. Comment concilier les deux ?
"Je pense qu'il y a beaucoup d'anxiété autour de ces sujets, et nous devons y remédier [...] L'une des questions les plus fondamentales auxquelles personne ne réfléchit, c'est comment on organise les gens [organize people], comment on les motive. C'est un problème extrêmement intéressant, comment on organise nos démocraties ? Si vous regardez la satisfaction aux Etats-Unis, elle n'augmente pas, au contraire elle décroît. C'est assez inquiétant."
Un problème inquiétant, donc, mais pour le technocrate, un problème d'organisation et de motivation, bref : un problème de management.

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Message par quid Ven 1 Jan 2016 - 23:37

Je ne crois pas à la philanthropie de Google.
Si les outils de Google paraissent gratuit pour l'utilisateur final, ils s'intègrent complètement dans une logique économique.
Google a besoin du connecté pour vivre, c'est sa source de revenu. Il a besoin de revenus, et ces revenus, il les trouve dans la publicité, ou plus exactement dans le ciblage publicitaire.
Donc on ne verra pas Google proposer des outils déconnectés, ni proposer des outils connectés dont il ne pourrait exploiter les données à fin statistique ou de publicité. La gratuité a un coût. Si l'on veut du connecté du même genre que des coffres-forts personnels aux contenus inaliénables, il faudra payer en devises « sonnantes et trébuchantes ».

Par le gratuit, l'utilisateur final n'a plus à se soucier du coût qu'il devra débourser directement et économiquement parlant. On n'est en fait dans le summum de la concurrence axé sur le prix du produit. La concurrence est asphyxiée par cette approche, car il n'y a plus de combat concurrentiel directement sur le prix du produit, le combat est ailleurs, sur le volume des utilisateurs.
C'est pour cela que c'est une industrie, il y a besoin de volume pour être rentable. Il y a besoin d'un volume de cibles publicitaires. Google en définitive vie sur une logique complètement mercantile.

Alors dira-t-on, si l'on veut avoir les moyens de changer le monde, de faire qu'il évolue rapidement et comme on l'envisage, il faut des moyens, et des moyens colossaux. Mais l'on peut se poser quand même la question de la contradiction entre l'approche mercantile et celle philanthrope.

Je pense que certains de ces grands acteurs économiques, ont fini eux-même par croire à leurs discours promotionnels de l'image de leur entreprise et de son activité. Ils ont fini par croire que ce qui fonctionne et est victorieux économiquement, est bien.

Concernant Google, si encore c'était l'utilisateur final qui décidait par son achat, de ce qui est bien... Mais lorsque les outils sont gratuits et incontournables par leur aboutissement par rapport aux autres offres, où est le choix de l'utilisateur ?

Il y a d'ailleurs un terme anglais dont je ne me souviens plus, pour qualifier cette stratégie de développement qui est d'être à l'origine de l'innovation technologique, de ne pas être suiveur des technologies en place. Du coup les autres acteurs doivent suivre, faute de moyen.

Ils ont fini par croire que réellement ils travaillaient pour un monde meilleur, alors qu'il travaille toujours pour un gain économique et au mieux pour une idée qu'ils ont du meilleur lorsqu'ils ont acquis les moyens financiers pour promouvoir ce meilleur.

Il reste que si vous voulez révolutionner le monde technologique a des fins qui peuvent être louables, il faudra quand même des moyens en plus des idées et des intentions.
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Message par baptiste Sam 2 Jan 2016 - 7:26

a Bergame,

Bizarrement, mais je ne suis qu'un pékin, je ne vois dans la manière de penser de ce monsieur et la tienne aucune différence.

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Message par Bergame Sam 2 Jan 2016 - 11:47

Sans blagues ?!
Hé bien, ca m'intéresserait beaucoup de savoir en quoi, selon toi, nos "pensées" convergent !

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