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Weber, épistémologie

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Message par Bergame Sam 2 Nov 2013 - 10:56

D'accord. Alors la méthode précédente comporte certaines difficultés.

D'abord, notons que l'explication en histoire est nécessairement rétrospective : Les faits ont déjà eu lieu, et on cherche à retrouver la ou les causes qui ont déterminé leur avènement.
Ensuite, notons également qu'un fait historique est multi-déterminé. Par exemple, à Sadowa, admettons (pour l'instant) que les décisions de Moltke aient eu leur importance dans le résultat final, mais peut-être également que les décisions des généraux de division, au cœur de la bataille, ont été déterminantes. Et peut-être qu'à un moment donné, le comportement exemplaire d'un simple soldat a galvanisé son régiment, ce qui a permis l'occupation d'un point stratégique, occupation qui s'est révélée déterminante dans le déroulement de la bataille. Sans parler des causes plus situationnelles, telles qu'une plus grande discipline du côté prussien, une fatigue moindre due à l'utilisation des voies ferrées, etc. etc. Bref, un fait historique est multi-déterminé, et l'ensemble des causes effectivement impliquées pourrait être infini.

Ce qui signifie que -comme on le disait dans un post précédent- l'explication en histoire consiste toujours en un choix : On choisit (plus ou moins consciemment) telle ou telle cause, à l'exception de la multitude de causes impliquées. De plus, la pondération des causes est impossible : En réalité, comment savoir si telle cause a eu davantage d'importance dans le résultat final que telle autre ? On ne peut jamais que le supposer. Et même : Comment savoir si telle cause a eu effectivement une importance déterminante dans le résultat final ? Par exemple, la discipline de l'armée prussienne et la supériorité de son équipement étant ce qu'elles étaient, peut-être qu'elle aurait vaincu à Sadowa, même si un autre chef que Moltke l'avait dirigée et avait, par conséquent, pris des décisions différentes. En somme, une explication, en histoire, est toujours une reconstruction a posteriori.

Maintenant, envisageons plus précisément la méthode décrite précédemment, puisqu'elle a quelques implications spécifiques. En particulier, elle implique de considérer l'individu comme rationnel. "Rationnel", ça veut dire ici :
- Se représentant nettement les objectifs, finaux et intermédiaires
- Choisissant les bons moyens afin d'atteindre ces objectifs
- Disposant de toutes les informations nécessaires pour réaliser ces choix.

Le problème est celui-ci : Lorsqu'on reconstruit la cause d'un évènement historique en faisant référence aux décisions d'un acteur, on fait comme si cet acteur avait effectivement su se représenter nettement les objectifs, avait choisi les bons moyens, et disposé de toutes les informations nécessaires pour prendre ses décisions. Ce n'est pas seulement qu'on choisit cette cause à l'exception de la multitude infinie des autres, c'est que, du coup, on est amené à concevoir cet individu comme effectivement rationnel, et comme ayant pris les bonnes décisions.
Or, on n'en sait rien, en fait, s'il a pris les bonnes décisions. Ce qui nous le fait dire est simplement que nous cherchons une cause à une succession d'évènements et que nous avons choisi cette cause à l'exception de toutes les autres. Mais par exemple, si ça se trouve, Moltke a pris des décisions parfaitement crétines. Si ça se trouve, choisir de transporter les troupes par voie ferrée, à cette époque, était un risque important au regard (je dis n'importe quoi) de la qualité des trains, et ça aurait pu tout aussi bien foirer. Ou si ça se trouve, ok, l'utilisation des trains c'était une bonne décision, mais pour le reste, pour tout le reste, Moltke a pris des décisions parfaitement stupides. Si ça se trouve, c'est la discipline de l'armée prussienne et son équipement supérieur qui ont décidé de la victoire, rien à voir avec Moltke. Si ça se trouve, la décision d'un simple soldat à un moment donné de la bataille a été bien plus déterminante au regard de son issue que toutes les décisions de Moltke. Mais parce que nous avons choisi cette dernière cause à l'exception de toutes les autres, et parce que nous la mettons en relation avec le résultat final (la victoire), nous faisons de Moltke un homme rationnel, bien informé, et ayant pris les bonnes décisions. En somme nous reconstruisons un Moltke rationnel et fin décideur tout autant que nous avons reconstruit la série causale des évènements qui mène, disons-nous, à la victoire de Sadowa.

Et dans ce cas-là, qu'avons fait ? Rien d'autre qu'une explication ad hoc, comme il existe ce que Popper appelait des théories ad hoc, càd des théories où l'explanans est la seule preuve en faveur de l'explanandum. En somme, nous avons postulé que Moltke était un homme rationnel, et c'est ce postulat que nous avons présenté comme cause de l'évènement que nous prétendions expliquer. Bref, nous avons construit notre propre cause.
Car qui dit que Moltke était un homme rationnel ? Qui dit qu'il a pris les bonnes décisions ? Qui dit -je répète- que la victoire à Sadowa, en fait, n'a pas été obtenue malgré ses décisions stupides ?

Voila déjà l'exposé du problème. Est-ce que tu as des objections ?

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Message par hks Sam 2 Nov 2013 - 19:33

Il me semble que la critique ( dans cet exemple de bataille ) vise cela : Le problème est celui-ci : Lorsqu'on reconstruit la cause d'un évènement historique en faisant référence aux décisions d'un acteur, C est à dire quelle vise une manière d' expliquer l 'histoire par les décisions d 'un acteur ( ou de plusieurs ).

Maintenant comment évaluer les décisions en bonnes ou mauvaises? Il y a eu  des décisions  et des effets  et on connait les deux.  Elles furent  mauvaise pour les uns donc bonnes pour les autres .
Il a fait ceci cela qui lui était défavorable  mais favorable à l'ennemi.

Je ne comprends pas vraiment  la réelle utilité de la démarche:
nous reconstruisons un Moltke rationnel et fin décideur tout autant que nous avons reconstruit la série causale des évènements qui mène, disons-nous, à la victoire de Sadowa.
Parce que les séries causales ( qui ne soient pas les décisions de Molkte ) n 'ont  pas non plus été créées de toutes pièces, elles ont été empiriquement observées . Elle ne sont pas vraiment entièrement re-construites. Dans ces séries causales ( matériel, logistique, météo... que sais-je?), on a le même problème d évaluation en bon et mauvais .

Comment  reconstruire ce que serait le matériel idéal-type des prussiens ? Ou la météo idéale ?
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Message par Bergame Sam 2 Nov 2013 - 20:07

Je te propose de laisser la question de l'idéaltype de côté pour l'instant.

Non, la critique ne vise pas l'explication par référence à l'action des individus impliqués puisque c'est exactement la méthode que Weber emploie. Elle vise le fait que, telle est communément employée, cette méthode implique de considérer l'individu comme rationnel, rationnel au sens où le terme a été défini plus haut (une "rationalité en finalité", comme dit Weber). Or, tout simplement, la question est : Les hommes sont-ils réellement rationnels ? On y reviendra.

Lorsqu'on dit que les actions sont "bonnes" ou "mauvaises", c'est au regard de la fin subjectivement fixée, bien sûr. Ce qui est "bon" pour Moltke n'est pas "bon" pour Benedek, ça c'est clair. Il s'agit en fait simplement d'une articulation classique moyens / fin.

Certes, les séries causales choisies sont observées -en tout cas, supposons-le. Mais d'abord, que certaines causes soient observées n'empêche absolument pas que d'autres causes, peut-être plus déterminantes, ne le soient pas. L'exemple du simple soldat dont l'exemple galvanise son régiment, c'est typiquement le type de cause que l'histoire ne retient pas, dont l'historien n'entend bien souvent même pas parler, et pourtant, ce type d'évènement peut être tout à fait déterminant dans le cours d'une bataille.

C'est un peu ce que dira également l'Ecole des Annales, un peu plus tard : Les historiens ont trop aisément tendance à expliquer les évènements historiques par l'action des princes, des puissants, alors que d'autres causes, au moins tout aussi importantes, mais plus ténues, moins évidentes, sont souvent à l'œuvre.

Le problème est surtout celui du choix de certaines causes à l'exception de la multitude infinie des autres. Ce choix, dit Weber, en substance, il est bien souvent réalisé de manière inconsciente, si l'on peut dire. Exactement pour la raison que tu donnes : L'historien est souvent parfaitement de bonne foi lorsqu'il privilégie les décisions du commandant en chef pour expliquer le résultat d'une bataille, puisque ces décisions et leur effet immédiat ont été observées. Donc, à tout le moins, il n'invente pas. Mais il passe sous silence -et il ne peut pas faire autrement que passer sous silence- la multitude infinie des autres causes. C'est en cela, parce qu'il donne un poids indu -et nécessairement indu- à une cause (ou deux, ou quelques-unes) à l'exclusion de toutes les autres, que l'explication en histoire est une reconstruction a posteriori.

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Message par neopilina Sam 2 Nov 2013 - 20:33

( Je suis l'échange. Minuscule intervention : l'exemple d'une bataille militaire n'est pas forcément le meilleur, a posteriori, et parfois très, très, vite, on sait parfaitement ce qui s'est passé, c'est très bien documenté, du fait que les armées sont aussi d'énormes bureaucraties, par définition, très bien organisées et que ces événements font toujours a posteriori l'objet de relations. Du Corps d'armée, créé par Napoléon !, à telle section de telle compagnie de tel régiment de telle division, on peut savoir ce qui c'est passé. Austerlitz est rejouée, décortiquée, dans toutes les écoles de Guerre du monde, etc. )

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Message par Bergame Sam 2 Nov 2013 - 23:54

Au contraire. Si tu comprends le raisonnement ici à l'œuvre, c'est un très bon exemple -c'est d'ailleurs celui de Weber lui-même. Passionné de l'Empire et de ce qu'on appelait à l'époque les "jeux de stratégie", j'ai décortiqué Austerlitz, et j'ai rejoué plusieurs fois la bataille. Et néanmoins, c'est une illusion de croire qu'on sait ce qui s'y est passé.
C'est-à-dire qu'il y a un grand nombre de choses qui se sont passées en Moravie le 2 décembre 1805 et qu'on connaît. Mais, en fait, c'est infime au regard de la multitude infinie de choses qui s'y sont passées et qu'on ne connaît pas.

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Message par neopilina Dim 3 Nov 2013 - 0:07

Une fois que les hussards et les dragons français enfoncent le centre du dispositif des coalisés en semant un carnage sans nom dans les troupes russes, la bataille est finie, non, Weber, épistémologie - Page 2 13039808  ?
Développes s'il te plaît, c'est piquant de partir d'un exemple concret !
A demain !

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Message par hks Dim 3 Nov 2013 - 1:06

à bergame

Il y a une infinité de causes , ça on est bien d'accord. On en sélectionne  qui nous paraissent importantes, certes . Comment faire autrement ?

Je pense à un roman de Gombrowicz "Cosmos"  mais aussi toutes les  remarques sur l 'effet papillon .. etc ...et puis bon  je me suis fort intéressé à l' histoire ( à ses méthodes )


Peut être qu' à l'époque de Weber il y avait une mise au point à faire mais nous avons depuis bien intégré la critique.

Donc que faire sinon multiplier les points de vues. Observer plus en détails . Lier les perspectives . complexifier plutôt que simplifier ( avec des risques )

Bon je reviens en arrière

Non, la critique ne vise pas l'explication par référence à l'action des individus impliqués puisque c'est exactement la méthode que Weber emploie. Elle vise le fait que, telle est communément employée, cette méthode implique de considérer l'individu comme rationnel, rationnel au sens où le terme a été défini plus haut (une "rationalité en finalité", comme dit Weber). Or, tout simplement, la question est : Les hommes sont-ils réellement rationnels ? On y reviendra.
Si je comprends bien il y a un doute sur la rationalité des  décideurs ( ce que je comprends très bien ).  On va donc montrer en quoi ils diffèrent de ce qu' est la rationalité. Pour cela on construit le modèle des décisions rationnelles dans tel cas.
J' admets que c'est  ce qu'on fait.  On ne dit pas qu'un fou est fou en soi  on le dit par rapport à un modèle qu' on a de  santé mentale.

 Je ne veux pas critiquer Weber, très sympathique au demeurant mais  il me parait soulever des problèmes auxquels on est ouvert ( qu'on a intégré ).

Maintenant c'est peut être en partie grâce à lui que notre  manière de pensée a intégré cela ( à travers divers canaux )
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Message par Bergame Dim 3 Nov 2013 - 11:19

neopilina a écrit:Une fois que les hussards et les dragons français enfoncent le centre du dispositif des coalisés en semant un carnage sans nom dans les troupes russes, la bataille est finie, non
Ou là, ou à la prise du Pratzen, ou encore à un autre moment. Je ne peux pas développer puisque j'évoque tout ce qu'on ne sait pas. Il s'agit d'un simple problème de logique.


Effectivement, Weber et les néo-kantiens, pour quiconque s'intéresse à l'épistémologie des sciences sociales, nous ont ouvert ces pistes de réflexion. Et effectivement, leur position a été quelque peu oubliée et/ou considérée comme "dépassée". Cependant, je ne crois pas inutile, pour ma part, d'y revenir, au moins pour comprendre ce qui est en jeu.

En fait, il n'est pas inintéressant de savoir que cette position s'est forgée (entre autres) durant ce qu'on a appelé la Querelle des Méthodes (Methodenstreit), qui a opposé deux écoles d'économistes à la fin du XIXe -je rappelle qu'à cette époque, Weber est économiste : L'école dite "autrichienne", et l'école dite "historique allemande".
L'école autrichienne est menée à l'époque par Carl Menger, puis viendront Eugen von Böhm-Bawerk, Ludwig von Mises, Friedrich Hayek et quelques autres. Elle est à l'origine du marginalisme, du réductionnisme micro-économique, du paradigme de l'acteur rationnel, et de l'utilisation de modèles mathématiques pour prédire le comportement de l'acteur (en gros). L'école historique procède complètement différemment : Elle rejette l'idée de lois du comportement exprimables sous forme mathématique, et recherche plutôt, de manière empirique, des régularités dans le comportement. Pour le dire vite, ce que l'école autrichienne pose a priori, l'école historique cherche à le dégager a posteriori.

La Querelle va tourner à l'avantage de l'école autrichienne, et donnera naissance à ce qu'on appelle l'économie néo-classique. L'école historique tombera aux oubliettes, au moins pour deux raisons :
- D'une part, elle était agnostique vis-à-vis du marxisme (on trouve par exemple sous la plume de Weber l'idée que les travaux de Marx sont tout à fait intéressants aussi longtemps qu'on les envisage comme des hypothèses, des heuristiques, et en en expurgeant le caractère supposément déterministe et prophétique)
- D'autre part, elle était plus spécifiquement "germanique", nourrie de Kant et Hegel, s'exportera moins bien aux Etats-Unis pendant et après la SGM, et sera désignée comme partie prenante du Sonderweg durant l'aggiornamento de l'après-guerre.

Ni keynésienne, ni marxiste, ni néo-classique, oui, l'école historique allemande et la méthodologie wébérienne en particulier, ont été "dépassées" et sont tombées dans l'oubli. Et pour te donner une idée de cet "oubli", figure-toi qu'un Raymond Boudon (paix à son âme, il est décédé cette année), pape de l'"individualisme méthodologique" en France, une méthodologie directement héritée des réflexions épistémologiques de von Mises et Hayek, pouvait dire dans l'un de ses derniers entretiens : "Pour moi, il a toujours été clair que, derrière Weber, il y avait von Mises." Comme si la Methodenstreit n'avait jamais eu lieu, ou comme si Weber y avait été un partisan de l'école autrichienne ! -et ce, même si la position de Weber au sein de l'école historique était nuancée, et c'est bien l'une des raisons pour lesquelles elle reste intéressante.

A l'heure où, pour ma part, il me semble urgent de critiquer l'économie néo-classique, jusque dans ses fondamentaux, voila l'un des aspects de l'intérêt qu'il peut y avoir aujourd'hui à ressortir ces vieilleries. Il y en a d'autres. Mais à moins qu'il n'y ait d'autres questions, je vais plutôt entrer maintenant dans l'exposé de la méthodologie wébérienne.

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Message par neopilina Dim 3 Nov 2013 - 11:50

Bergame a écrit:
neopilina a écrit:Une fois que les hussards et les dragons français enfoncent le centre du dispositif des coalisés en semant un carnage sans nom dans les troupes russes, la bataille est finie, non
Ou là, ou à la prise du Pratzen, ou encore à un autre moment. Je ne peux pas développer puisque j'évoque tout ce qu'on ne sait pas. Il s'agit d'un simple problème de logique.
( Je suis allé rafraichir ma mémoire sur la fiche Wiképédia, c'est bien une percée de la meilleure cavalerie de l'époque qui fait basculer la bataille. J'évoquais précisément cette percée de Rapp et Bessières sur le plateau du Pratzen, accompagnés de leurs 375 chasseurs à cheval de la Garde, 48 mamelouks et 706 grenadiers à Cheval de la Garde. Ils chargent les Russes en deux vagues. À un contre quatre, les Français se battent furieusement, les chevaliers de la Garde de Constantin sont battus. Après, c'est une chute de dominos. )

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Message par Bergame Dim 3 Nov 2013 - 13:53

Non, cette charge a lieu après la prise du plateau, pour défendre la position acquise par Soult. Ainsi, un autre pourrait très bien défendre l'idée qu'une fois que Soult a mis le pied au sommet du Pratzen, c'est mort. Et un troisième pourrait répliquer : "Non, pas encore, c'est une fois que Soult a fait monter son artillerie que, là, c'est vraiment mort." Et un quatrième pourrait défendre l'idée que tout se joue plusieurs heures auparavant, dans la défense héroïque des villages du sud par Davout (ah Davout, c'était bien le seul vraiment valable !), etc. Quel est le moment déterminant de la bataille ?

Mais plus généralement, c'est précisément vis-à-vis de cette idée qu'un fait historique peut se concevoir comme une "chute de dominos" que Weber nous met en garde. Le commentant, Aron disait à peu près ceci : Toi, neopilina, es-tu capable de prévoir le futur ? Es-tu capable de dire : "Voila, si je fais X, Y en découlera puis Z, exactement comme une chute de dominos." Oh tu peux toujours le dire. Mais il y a de grandes chances pour que les choses ne se passent pas ainsi. Parce que le monde humain et social est marqué par la contingence.

Par conséquent, lorsqu'on envisage l'histoire de manière déterministe, ce déterminisme est une illusion. En fait, c'est rétrospectivement qu'il nous apparaît que le passé ne pouvait pas être autre chose que ce qu'il fut. Précisément parce que, ainsi que je le disais, nous cherchons des causes aux évènements et que, sans même s'en rendre compte le plus souvent, nous sélectionnons ces causes à l'exception de la multitude infinie des autres causes impliquées, celle que nous connaissons, et celles que nous ne connaissons pas. Mais essaie de te mettre à la place des protagonistes de la bataille d'Austerlitz, au moment où la bataille se déroule : Le futur est ouvert, et le résultat, jusqu'à la fin, est indécis. Comme lorsqu'on vit les évènements au présent, le futur est toujours ouvert, et il faut être prophète ou devin pour prétendre en prédire à l'avance le déroulement.

La méthodologie wébérienne part donc de ce constat que le monde social est marqué par la contingence, que le futur est ouvert, que rien n'est écrit à l'avance, qu'il est illusoire de prétendre savoir ce qui va se passer, comment le monde va évoluer, comment les hommes vont se comporter. Qu'en somme, le futur est la conséquence de la multitude infinie des actions présentes des hommes, et que ces actions sont librement motivées, orientées d'après des buts, des finalités subjectives.

J'ai déjà évoqué cette formidable auto-contradiction de l'économie néo-classique qui, d'un côté, postule que les individus sont tous différents et libres, que les actions des individus trouvent leur origine dans des préférences endogènes, chacun la sienne ; et qui, de plus, prétend défendre cette liberté, comme un bien précieux et comme la caractéristique essentielle de l'homme ; mais qui de l'autre côté, affirme que tous les individus, placés dans la même situation, devant la même alternative, feraient le même choix. Pourquoi ? Parce que, certes, tous les individus sont différents, certes, ils sont libres d'agir comme ils le veulent et en fonction de leur intérêt particulier, mais parce qu'ils sont aussi tous rationnels ; et que, en tant qu'êtres rationnels, ils font des choix rationnels. En l'occurrence, mis devant une alternative, la théorie affirme qu'ils font tous le même choix rationnel (et je vous laisse quitte de la manière dont est défini à chaque fois le supposé "choix rationnel"). Cette Théorie du Choix Rationnel (dont von Mises est le premier grand théoricien) est tout à fait extraordinaire d'auto-contradiction et de normativité.

C'est entre autres contre cette normativité, cette représentation a priori de l'homme, que réagissaient les tenants de l'école historique. Pour Weber, par exemple, les comportements de l'individu sont vraiment orientés d'après une finalité subjective, c'est-à-dire une fin qui fait sens pour l'individu lui-même, et qui ne ferait pas nécessairement sens pour un autre individu. Weber envisage parfaitement l'hypothèse que, mis devant une alternative, tous les individus ne fassent pas le même choix. Et que le choix qu'ils font fasse sens pour eux, au regard de l'environnement culturel dans lequel ils évoluent, au regard de leur biographie, de leur expérience propre, au regard de leurs intérêts aussi, qui ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux d'autrui, etc. etc.

Par conséquent, cette méthode ouvre à la recherche de régularités empiriques dans le comportement humain. Le sociologue ou l'économiste, pour Weber, n'est pas celui qui pose que, dans telle situation, l'individu générique adoptera tel comportement, et élabore des théories mathématiques sophistiquées à partir de ce modèle, théories dont la vérification empirique est toujours renvoyée aux calendes grecques -comment vérifier quoique ce soit en sciences sociales, voila une autre question intéressante, mais on ne peut pas tout traiter, notons simplement qu'un von Mises définissait l'économie comme une science strictement a priori, sur le modèle, effectivement, des mathématiques- mais c'est plutôt celui qui cherche à observer des régularités, des petites séquences comportementales qui semblent suffisamment générales pour être théorisées. En somme, le néo-classique ou l'individualiste méthodologique procède de haut en bas -sans pourtant qu'il n'y ait jamais véritablement de bas- tandis que le wébérien procède de bas en haut, synthétiquement.

A moins qu'il n'y ait des questions, je continue plus tard.

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Message par neopilina Dim 3 Nov 2013 - 14:01

( Avant même de terminer ta contribution, pour passer à la suite, laisser Austerlitz, j'ai effectivement beaucoup pensé aussi à la fermeté française sur le coté droit. Mais à un moment, ça se cristallise dans toutes les têtes : le sort en est jeté. )
( Pour le titre, cette fois, je crois que c'est toi ! )
( Je reprends ta contribution. )

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C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
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Message par hks Lun 4 Nov 2013 - 14:12

à bergame

Je suis tout a fait enchanté par ce wébérianisme ..mais alors je ne comprends pas du tout pourquoi tu t' opposais à mon "empirisme" dans le débat (sur le fil islamisme) sur la démocratie.

Je ne suis pas éloigné de penser comme ce qui suit

Pour Weber, par exemple, les comportements de l'individu sont vraiment orientés d'après une finalité subjective, c'est-à-dire une fin qui fait sens pour l'individu lui-même, et qui ne ferait pas nécessairement sens pour un autre individu. Weber envisage parfaitement l'hypothèse que, mis devant une alternative, tous les individus ne fassent pas le même choix. Et que le choix qu'ils font fasse sens pour eux, au regard de l'environnement culturel dans lequel ils évoluent, au regard de leur biographie, de leur expérience propre, au regard de leurs intérêts aussi, qui ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux d'autrui, etc. etc.


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Message par neopilina Lun 4 Nov 2013 - 14:22

hks a écrit:à bergame

Je suis tout a fait enchanté par ce wébérianisme ..mais alors je ne comprends pas du tout pourquoi  tu t' opposais à mon "empirisme"  dans le débat (sur le fil islamisme) sur la démocratie.

 Je ne suis pas éloigné de penser comme  ce qui suit

Pour Weber, par exemple, les comportements de l'individu sont vraiment orientés d'après une finalité subjective, c'est-à-dire une fin qui fait sens pour l'individu lui-même, et qui ne ferait pas nécessairement sens pour un autre individu. Weber envisage parfaitement l'hypothèse que, mis devant une alternative, tous les individus ne fassent pas le même choix. Et que le choix qu'ils font fasse sens pour eux, au regard de l'environnement culturel dans lequel ils évoluent, au regard de leur biographie, de leur expérience propre, au regard de leurs intérêts aussi, qui ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux d'autrui, etc. etc.
( Ce passage m'a également bien parlé. Et donc, désolé, dans ce cas, l'exemple militaire, n'est pas le plus pertinent : par définition, l'armée va concentrer, les orienter, etc, des comportements analogues.
Je vous laisse poursuivre. )

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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
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Message par hks Lun 4 Nov 2013 - 14:35

il y a aussi
La méthodologie wébérienne part donc de ce constat que le monde social est marqué par la contingence, que le futur est ouvert, que rien n'est écrit à l'avance, qu'il est illusoire de prétendre savoir ce qui va se passer, comment le monde va évoluer, comment les hommes vont se comporter.
je suis d'accord ...
après on peut discuter sur le sens métaphysique de contingence mais c'est une toute autre question .
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Message par kercoz Mar 5 Aoû 2014 - 11:20

Courtial a écrit:
Bergame a écrit: Mais l'empirie n'est pas rationnelle, elle déborde infiniment le rationnel, et les régularités empiriques (= sociologiques) sont à identifier dans cet espace infini qui se développe tout autour du cadre. Ainsi, une hypothèse sociologique, pour Weber, n'est jamais à vérifier, mais à réfuter. Et cette réfutation doit entrainer la constitution d'une nouvelle hypothèse qui elle-même, etc. On est bien chez Kant, ou ce que Popper appelait du "rationalisme critique".

Tout ça pour dire que ce qui est déterminant, chez Weber, c'est de repérer la récurrence des concepts, et les articulations entre eux.
OK, donc l'empirie et tout ça. Et l'irrationnalité de l'empirie (décrétée d'où ? L"empirie" est irrationnelle, bon OK : décret divin, je suppose ? ) aussi bien. Ca doit être Dieu qui a décidé que l'empirie n'était pas rationnelle. Dans son entendement divin, il doit savoir aussi ce qu'est l'empirie et d'où il sort qu'elle n'est pas rationnelle.
Mais ni l'un ni l'autre ne sont à notre portée.
Mais donc, le côté foutoir est voulu ?

Je remonte ce débat.
Il me semble montrer l' analogie que font certains physiciens entre les systèmes vivants et les modèles "complexes" .
Irrationnel peut aussi signifier " qui n' a pas de racines, pas de solution..C'est le propres des équations différentielles qui modélisent les systèmes vivants. Irrationnel n'est pas forcément mystique
Pour analyser un système ( en l' occurrence social) la "raison ou rationalité " ne peut qu'utiliser un outil primitif simpliste que l' on peut assimiler a une équa linéaire puisque "ratio" ne dépasse guère la règle de 3.
L' "Empirie" , si on admet l' assimiler a une approche " complexe" ( ou th.du Chaos) , sait ( ou plutôt sait inconsciemment) que cette approche est vaine ....et va directement étudier les résultats que sa mémoire historique a stockée . ce que Bergame nomme " régularité empiriques" sont assimilables aux attracteurs .....c'est a dire aux comportements "gagnants" puisqu'ils ont assuré la survie des vivants actuels .


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