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Le Banquet, Analyse

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Message par cedric Jeu 28 Fév 2013 - 12:19

- Laissons-le, si c'est ton avis, dit Agathon ; quant à vous autres, servez-nous, enfants. Vous êtes absolument libres d'apporter ce que vous voudrez, comme vous faites quand il n'y a personne pour vous commander : c'est une peine que je n'ai jamais prise. Figurez-vous que moi et les hôtes que voici, nous sommes vos invités, et soignez-nous, afin qu'on vous fasse des compliments ».
Dès lors nous nous mîmes à dîner ; mais Socrate ne venait pas ; aussi Agathon voulait-il à chaque instant l'envoyer chercher ; mais je m'y opposais toujours. Enfin Socrate arriva, sans s'être attardé aussi longtemps que d'habitude, comme on était à peu près au milieu du dîner. Alors Agathon, qui occupait seul le dernier lit, s'écria : « Viens t'asseoir ici, Socrate, près de moi, afin qu'en te touchant tu me communiques les sages pensées qui te sont venues dans le vestibule ; car il est certain que tu as trouvé ce que tu cherchais et que tu le tiens, sans quoi tu n'aurais pas bougé de place. »
Alors Socrate s'assit et dit : « Il serait à souhaiter, Agathon, que la sagesse fût quelque chose qui pût couler d'un homme qui en est plein dans un homme qui en est vide par l'effet d'un contact mutuel, comme l'eau passe par l'intermédiaire du morceau de laine de la coupe pleine dans la coupe vide. S'il en est ainsi de la sagesse, je ne saurais trop priser la faveur d'être assis à tes côtés ; car je me flatte que ton abondante, ton excellente sagesse va passer de toi en moi et me remplir ; car pour la mienne, elle est médiocre et douteuse, et semblable à un songe ; mais la tienne est brillante et prête à croître encore, après avoir dès ta jeunesse jeté tant de lumière et s'être révélée avant-hier avant tant d'éclat à plus de trente mille spectateurs grecs.
Tu railles, Socrate, dit Agathon, mais nous trancherons cette question de sagesse un peu plus tard, toi et moi, en prenant Dionysos pour juge ; pour le moment, songe d'abord à dîner. »

( p. 37-38 )


Agathon décide donc, conformément au conseil d'Aristodème, de laisser Socrate tranquille et faire comme bon lui semble. Et il demande aux enfants de servir le Banquet, c'est à dire de servir les convives qui y participent. Ici, il y a un point important il me semble, où il s'agit de réfléchir à cette notion d'esclave, que nous ne parvenons sans doute pas à entendre. En effet, le traducteur semble utiliser comme synonyme des notions très différentes : esclave, enfant, serviteur. Du reste, Agathon lui-même semble préciser ce qu'est un esclave dans le cadre de sa maisonnée.

Agathon demande aux enfants, qui font office de serviteurs, de servir les convives. Mais il leur demande d'une manière très spécifiques. En effet, il leur dit qu'ils sont libres d'apporter ce qu'ils veulent ! Mieux, de se comporter comme s'il n'y avait personne pour les commander ! Et Agathon d'ajouter que lui-même ne s'est jamais comporté selon cette liberté. ( que faut-il comprendre de cette réplique d'Agathon : « c'est une peine que je n'ai jamais prise » ? )

Agathon précise aux enfants, qui sont les serviteurs libres d'apporter ce qu'ils veulent comme si personne ne les commandait, qu'ils peuvent les considérer comme leurs invités, dont il faut qu'ils s'occupent afin de recevoir des compliments. Cette posture d'Agathon me paraît ambigu. N'est-on pas déjà en présence d'un discours de rhétorique ? Je veux dire, comment comprendre ce statut du serviteur ? Comme une posture de liberté ? Comme une apparence de liberté ?

Toujours est-il que, si l'enfant est un serviteur et un esclave, leur « maître », Agathon, ne les brime pas et leur enjoint au contraire de se comporter comme bon leur semble dans la mesure où il remplisse le rôle qu'il leur enjoint, c'est à dire celui de servir. Mieux, de servir afin de recevoir des compliments, des éloges. N'a t-on pas déjà ici toute la trame de vie d'un rhéteur, toute la trame de vie de la rhétorique elle-même, c'est à dire une belle définition de cet art : servir afin de recevoir des compliments. ? Tout au moins, il y a ici une dimension de domination par l'usage du discours et par l'utilisation du différentiel de l'âge, d'adulte ayant une main mise sur la jeunesse de l'enfant. Ce qui se comprend tout de même dans le double échange et dans l'apprentissage que va faire l'enfant de la haute société à laquelle il va se former. Bref, il me semble qu'on a déjà ici ce poncif grec de la relation entre amant et aimé dont il sera question plus loin, relation qui fait difficilement l'économie d'une forme de domination et de servitude. Bref on aura l'occasion d'y revenir plus en profondeur. En tout cas, en tout cas, le rôle de l'enfant est ambigu, il n'est pas celui d'un simple « esclave » dans le sens ou nous pourrions de prime abord l'entendre avec nos oreilles modernes.

Les convives se mettent donc à dîner, et Socrate ne vient toujours pas. Agathon, homme de pouvoir, à chaque instant veut enjoindre à aller le chercher, c'est à dire aller le prendre et le ramener, pour ainsi dire par la « force », c'est à dire selon sa décision à lui et comme il lui plaît. Mais Aristodème est toujours là pour s'y opposer, sachant pertinemment que cela irritera Socrate et que ce n'est pas comme ça qu'il pourra apparaître.

Socrate arrive enfin, selon son bon vouloir et quand il le désire, c'est à dire une fois ses pensées démêlées. On apprend que Socrate à l'habitude de se retirer bien plus longtemps encore. Il arrive au milieu du repas. Dès qu'Agathon le voit, il l'appelle et l'enjoint à s'asseoir près de lui, le maître de cérémonie, celui qui décide, le décideur.

Agathon a une réelle maîtrise du langage. Son discours est éloquent et on y prête l'oreille. Il a le discours d'un maître, on ne peut pas remettre ça en cause. Mais de quel type de maître s'agit-il ? Sa maîtrise du langage et du discours lui permet de se moquer, d'ironiser à l'encontre de Socrate. Il lui dit viens t'asseoir près de moi afin qu'en me touchant tu me communiques les sages pensées qui te sont venues. En d'autres termes, touche-moi afin de me communiquer ta sagesse, la sagesse de tes pensées.

Ce à quoi Socrate répond : il serait à souhaiter que la sagesse puisse se communiquer par le toucher. En d'autres termes : la sagesse ne se communique pas par un contact physique. Ce qui serait trop facile et que quiconque pourrait acheter. On pourrait dès lors payer celui doté de sagesse afin qu'il nous touche, et dès lors nous serions sage. Socrate répond à la moquerie implicite d'Agathon par une autre moquerie, par un autre jeu d'esprit. Nous sommes ici dans une joute entre maître du discours, Agathon d'une part, et Socrate. Dès lors, nous sommes en plein mot d'esprit et toujours déjà dans le second degré et la métaphore. C'est une joute entre puissants.

Donc Socrate, comme jeu d'esprit, comme mot d'esprit, rétorque à Agathon que si la sagesse peut se transmettre par un contact physique, alors il a tout à gagner à se tenir près d'Agathon, car quant à lui, il a conscience de ne pas être sage, d'être dépourvu de sagesse. Ici, ce n'est pas de l'arrogance dans la bouche de Socrate, non ! Socrate a pleinement conscience de ne pas être sage. Il sait que sa sagesse est douteuse, médiocre, que peut-être cette qualité n'existe même pas et est semblable à un songe, à un rêve. La sagesse, dès lors et de prime abord, est en soi déjà une question. La sagesse est-elle seulement possible ? Voilà la question que Socrate peut-être amené à se poser. Et si elle l'est, comment et de quelle manière, selon quelle définition ?

Socrate, dans son mot d'esprit, nous apprend l'étendu du pouvoir d'Agathon, qui, dès lors qu'il est encore jeune, et promis à un avenir brillant, resplendissant, s'est montré et a discouru la veille devant 30 000 spectateurs, remportant un franc succès.

Agathon, recevant le discours de Socrate, lui montre qu'il voit bien qu'il ironise et se tient dans le second degré. « Tu railles ». Ceci étant dit, même quand Socrate raille, il le fait d'une certaine manière, c'est à dire disons pour le moment, qu'il délivre tout de même une message et pose tout de même des questions d'importance dans le cadre même de sa « raillerie » qui n'est qu'une réponse à un manque de sagesse et de clairvoyance dans son interlocuteur. Socrate renvoie à son interlocuteur la dimension d'absurdité qu'il y perçoit, et avec les armes même de l'attaque.

Agathon dit que ce thème de la sagesse sera débattu au cours du Banquet, mais que pour l'instant, il convient de dîner. Agathon remet à plus tard la réflexion sur la sagesse, qu'il conviendra de débattre en prenant Dyonisos – le dieu de l' « ivresse » - comme juge. ( Comment définir Dionysos ici ? )





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Message par Bergame Jeu 28 Fév 2013 - 18:45

Ce n'est pas seulement le toucher, à mon avis, Socrate répond : Il serait heureux que cela coule, de l'un à l'autre, comme entre des vases communiquants. Personnellement, j'y ai vu une annonce, ou une redondance, de ce que Socrate dira ailleurs sur l'amour, qui coule de l'oeil de l'amant à l'oeil de l'aimé.
De toutes façons, je crois qu'il y a là une sorte de principe universel, pour Platon : Tout est âme, et tout s'écoule d'une âme à l'autre, sans que, par conséquent, cette division en "âmes" soit très nette ni très claire.

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Message par poussbois Jeu 28 Fév 2013 - 23:58

Agathon dit que ce thème de la sagesse sera débattu au cours du Banquet, mais que pour l'instant, il convient de dîner. Agathon remet à plus tard la réflexion sur la sagesse, qu'il conviendra de débattre en prenant Dyonisos – le dieu de l' « ivresse » - comme juge. ( Comment définir Dionysos ici ? )

Dieu de l'ivresse, sans doute puisqu'ils en parlent ensuite. Mais aussi et surtout dieu de l'inspiration...

Ce passage sur les esclaves me gêne, j'ai du mal à le raccrocher aux thématiques du livre et j'y vois une impasse : une liberté imposée qui n'en est de fait pas une, un ordre contradictoire, ne servaient pas mais servaient tout de même pour être complimentés. Ca renvoit peut-être à des formes de services qu'on ne connaît plus, ou à une idée que je ne vois pas.

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