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Violence et idéologie

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Message par lekhan Lun 1 Sep 2008 - 19:10

La violence n’est pas limitée à son acte. Au contraire l’acte violent est impersonnel. Il n’est qu’une partie, de la dualité que véhicule la notion de violence. L’acte violent c’est l’expression impersonnelle de la destruction.

La violence acquiert son identité dans le raisonnement, la démonstration, par un phénomène de contractualisation, mais aussi de mots d’ordre. Elle est ambiguë, à la fois instituante et instituée.

La violence exprime. Elle exprime ce qui ne peut être contenu dans son acte, une idée absente. L’idée du mal. La violence corrobore l’idée du mal, se subsume en la transmettant aux « objets » violentés, par son absence [l’absence de l’idée du mal]. Ainsi pour prendre un exemple type, le témoignage d’un déporté plus ou moins fictionnel d’Imre Kertesz dans être sans destin. L’idée du mal y est rampante, absente, c’est la violence, le dénuement, la précarité physique qui la rend présente. D’où son absence lorsqu’il sera soigné à Buchenwald et la polémique autour de l’affirmation : « je voudrais vivre encore un peu dans ce beau camp de concentration. [1] Dans cet exemple le déporté vit en dehors de la structure violente, de la violence, dans un système autre à l’intérieur de la microsociété recrée par le camp de concentration. Il est dans une hétérotopie, comportant ses règles, ses codes, et ses privilèges.

L’idée du mal est alors contenue dans la politique ou plus exactement le raisonnement, la démonstration politique. On mesure alors le rôle de l’idéologie dans la démesure violente. Historiquement parlant on peut s’interroger sur l’interaction entre propagande, nazi, fasciste, franciste, jeunes turcs, communiste et autres propagande autoritaires et la démesure violente, génocidaire. La destruction est alors l’envers d’une construction. La violence, destruction exprime l’absence au sein de son acte, la construction, la démonstration idéologique. La démesure violente, l’horreur violente est alors la destruction permettant d’atteindre la construction de la toute puissance [idéologique].

Pour prendre un exemple récent et problématique dans nos sociétés : casser un abris-bus, un rétroviseur n’est que le pendant d’une construction. Construction d’une contre société, d’un contre modèle, ou simplement d’une autarcie « idéologique », avec ses normes et ses codes ?

On pense à évoquer le rôle de l’objet dans ces situations. Rôle double de l’objet dans la situation violente. A la fois possible hétérotopie, échappatoire par l’espace autre, ou plutôt l’espace en dehors, mais également substitution de l’acte violent. On peut penser ici à la balle de golf dans Funny Games de Haneke, provocant à elle seule violence et angoisse chez les victimes. Dans cet exemple l’objet est le marqueur de faits passés, retour sur le début des exactions, des violences.

L’objet et plus généralement l’espace devient lieu d’appropriation, d’accomplissement, d’idéal, d’échappatoire. Il est polymorphe, évoquant ambigüité, inquiétude (l'idée de l'incarnation de la violence dans l'espace)[2] , mais aussi échappatoire, et « liberté ».


[1] P.261 in être sans destin.
[2] Le retour sur les lieux de massacres, incarnation du bourreau dans la salle d’exécution.

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Message par Came Lun 1 Sep 2008 - 19:59

Puisque chaque conflit fait toujours de l’autre un ennemi caractérisé par sa différence, les conséquences relatives à nos actions à l’égard de cet ennemi ont pour effet de rehausser l’intensité de son sentiment de vengeance. Suite aux attentats du 11 septembre, l’invasion en Afghanistan nous paraissait inévitable. Nous ne pouvons donc ignorer le fait que la vengeance ait servi à justifier l’intervention militaire qui alimente encore aujourd’hui le foyer conflictuel qui oppose les terroristes aux soldats de la coalition.



Les différences de l’autre ne se dressent contre nous qu’à condition que nous y opposions notre propre différence. Cette résistance à l’égard de l’autre apparaît, à mon sens, comme une volonté d’uniformisation entre les mains d’une majorité. C’est en quelque sorte l’effet pervers de la démocratie. Vouloir abolir les différences est le mandat selon lequel la démocratie tente d’harmoniser l’ensemble par la diminution grandissante des différences. Sans le sens critique aiguisé de ses citoyens, la démocratie se métamorphose rapidement en démagogie. Pour éviter cette triste transformation les différences doivent absolument obtenir le droit à l’existence. Si elles sont confrontées à leur extinction, elles érigeront des forteresses qui auront pour effet de ghettoïser davantage les nouveaux arrivants et de rendre les québécois de souche de plus en plus individualiste.



Les différences ne sont qu’émissaire de l’identité. La nécessité enseigne que la seule possibilité pour une identité est d’aspirer à l’existence, or dans une société libre, les identités ne doivent pas se dresser les unes contre les autres, mais plutôt se consolider entre elles en une œuvre collective. Cette œuvre collective est notre devenir, un devenir dont l’élément actif devra être l’ « ouverture » sans quoi nous ne cesserons d’engendrer des conflits inutiles. Le danger de continuer à entretenir de tels conflits est la menace de représailles, c’est ce que la vengeance perpétue éternellement.





L’erreur ne réside pas dans la différence elle-même, mais dans la volonté d'uniformiser. Cette réaction engendre les conflits en faisant abstraction de sa propre différence, elle finit toujours par se perdre dans l’oubli, un oubli sans autres préoccupations que la victoire du plus fort, c’est-à-dire celle par laquelle l’uniformisation est reine. L’œuvre de la volonté est le projet d’une machine universellement efficace. Elle vise un tout où chacun intervient au mieux de sa connaissance. Dans le contexte d'une économie néo-conservatrice l’homme devient un moyen, une ressource soit, un objet. Il perd son identité propre et ne croit plus qu’en l’utilité des éléments collectivement actifs. Cette perte identitaire, que l’on pourrait qualifier de crise identitaire, est l’un des problèmes que rencontre notre démocratie. Elle tente d’éliminer les sources qui alimentent les conflits en ciblant les différences comme des causes potentielles aux conflits. Cette conception de la collectivité repose entièrement sur l’équilibre entre les éléments, un équilibre axé sur le mimétisme et non sur le débat créatif. L’art de vivre devient un art mimétique sur lequel est fondée l’apprentissage de l’identique. Cet apprentissage n’interpelle plus le créatif, mais l’efficacité puisqu’il répond à des attentes prédéterminées. La valeur est accordée à celui qui perpétue l’efficacité. Mais quelles sont les limites de cette efficacité ? De quel droit détermine-t-elle la moralité.



L’efficacité est un concept d’après lequel on évalue le produit selon des critères établis préalablement, selon un a priori. Si le produit ne correspond pas aux attentes escomptées, alors le processus de production est remis en cause sans investir davantage le processus lui-même. L’efficacité comme tout concept délimite une sphère d’application et exclue ce qui ne correspond pas à son champ d’application. Son intention est toujours l’augmentation de la productivité.
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Message par lekhan Mar 2 Sep 2008 - 10:26

Je n'avais pas vraiment envie de tirer la discussion vers ce point là. De fait je ne crois ni beaucoup à l'individu, ni beaucoup aux droits de l’homme en tant qu'ils sont exposés, utilisés aujourd'hui.

En fait, ce qui m'intéresse dans la violence et dans son lien indéfectible avec l'idéologie, dans le sens premier de son terme, c'est plutôt la violence comme rhizome, violence multiplicité d'acte violent, entrainant une multiplicité d'agencement conséquences, d'agencements d'intérêts, de motifs, de traces.
Je ne veux pas traiter la violence comme un unique, comme une violence rassurante, maitrisée.

Ce qui m'intéresse c'est de voir le lien étroit et évident, entre l'acte violent le plus banal, et la construction idéologique d'un sujet, ou d'un groupe.

Par exemple quelles idéologies sont véhiculées par la violence quotidienne, celle de la télévision, de la publicité, des "informations".
Mais aussi quelles conséquences sur tel ou tel singularité.

Comment ce phénomène violent est construction, comme il engendre, se développe, se réfléchie. Comment se passe une "métamorphose violente", comment un peuple prend la violence comme modèle idéologique, etc. etc.

J'aimerai que l'on traite des constructions présentes dans l'acte violent. Je le répète tout acte violent évoque une absence, et cette absence c'est déjà une construction, l'envers de la destruction ou de la volonté de destruction de l'acte violent.

En somme quelles idéologies derrière des "crises" ou des "révoltes", ou simplement derrière un quotidien.
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Message par Came Mar 2 Sep 2008 - 23:52

Je voulais seulement faire la proposition suivante: «La violence n'a-t-elle pas sa source dans la volonté d'uniformisation, une volonté qui tend à détruire la différence ?» La violence que l'on voit à la télé par exemple, ne propose-t-elle pas une trajectoire à cette volonté d'uniformisation par le biais du bon et du méchant ? L'axe du mal quel sous-entend ne sert-elle pas cette idéologie d'uniformisation sous forme d'impérialisme culturel.
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Message par lekhan Mer 3 Sep 2008 - 12:47

Oui j'ai bien compris. C'est pour ça que je t'expose un autre avis, qui est plutôt le suivant, il n'y a pas une violence axiomatique, mais des violences, une multiplicité de violence, dont on peut interroger les relations, les trajectoires, les événements, les différences, les distances, pour faire émerger l'idée d'une violence rhizome, multiplicité analysable.

Je voulais juste insister sur le point de la multiplicité des sources. Et donc des constructions qui s'en suivent.
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