La Chute
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La Chute
Genèse 3.1-24 a écrit:Le serpent était le plus rusé de tous les animaux sauvages que le Seigneur avait faits. Il demanda à la femme : « Est-ce vrai que Dieu vous a dit : « Vous ne devez manger aucun fruit du jardin ? » La femme répondit au serpent : « Nous pouvons manger les fruits du jardin. Mais quant aux fruits de l'arbre qui est au centre du jardin, Dieu nous a dit : « Vous ne devez pas en manger, pas même y toucher, de peur d'en mourir. » Le serpent répliqua : « Pas du tout, vous ne mourrez pas. Mais Dieu le sait bien : dès que vous en aurez mangé, vous verrez les choses telles qu'elles sont, vous serez comme lui, capables de savoir ce qui est bon ou mauvais. » La femme vit que les fruits de l'arbre étaient agréables à regarder, qu'ils devaient être bons et qu'ils donnaient envie d'en manger pour acquérir un savoir plus étendu. Elle en prit un et en mangea. Puis elle en donna à son mari, qui était avec elle, et il en mangea, lui aussi. Alors ils se virent tous deux tels qu'ils étaient, ils se rendirent compte qu'ils étaient nus. Ils attachèrent ensemble des feuilles de figuier, et ils s'en firent chacun une sorte de pagne. Le soir, quand souffle la brise, l'homme et la femme entendirent le Seigneur se promener dans le jardin. Ils se cachèrent de lui parmi les arbres. Le Seigneur Dieu appela l'homme et lui demanda : « Où es-tu ? » L'homme répondit : « Je t'ai entendu dans le jardin. J'ai eu peur, car je suis nu, et je me suis caché. » – « Qui t'a appris que tu étais nu, demanda le Seigneur Dieu ; aurais-tu goûté au fruit que je t'avais défendu de manger ?» L'homme répliqua : « C'est la femme que tu m'as donnée pour compagne ; c'est elle qui m'a donné ce fruit, et j'en ai mangé. » Le Seigneur Dieu dit alors à la femme : « Pourquoi as-tu fait cela ?» Elle répondit : « Le serpent m'a trompée, et j'ai mangé du fruit. » Alors le Seigneur Dieu dit au serpent : « Puisque tu as fait cela, je te maudis. Seul de tous les animaux tu devras ramper sur ton ventre et manger de la poussière tous les jours de ta vie. Je mettrai l'hostilité entre la femme et toi, entre sa descendance et la tienne. La sienne t'écrasera la tête, tandis que tu la mordras au talon. » Le Seigneur dit ensuite à la femme : « Je rendrai tes grossesses pénibles, tu souffriras pour mettre au monde tes enfants. Tu te sentiras attirée par ton mari, mais il dominera sur toi. » Il dit enfin à l'homme : « Tu as écouté la suggestion de ta femme et tu as mangé le fruit que je t'avais défendu. Eh bien, par ta faute, le sol est maintenant maudit. Tu auras beaucoup de peine à en tirer ta nourriture pendant toute ta vie ; il produira pour toi épines et chardons. Tu devras manger ce qui pousse dans les champs ; tu gagneras ton pain à la sueur de ton front, jusqu'à ce que tu retournes à la terre dont tu as été tiré. Car tu es fait de poussière, et tu retourneras à la poussière. » L'homme, Adam, nomma sa femme Ève, c'est-à-dire Vie, car elle est la mère de tous les vivants. Le Seigneur fit à l'homme et à sa femme des vêtements de peaux de bête et les en habilla. Puis il se dit : « Voilà que l'homme est devenu comme un dieu, pour ce qui est de savoir ce qui est bon ou mauvais. Il faut l'empêcher maintenant d'atteindre aussi l'arbre de la vie ; s'il en mangeait les fruits, il vivrait indéfiniment. » Le Seigneur Dieu renvoya donc l'homme du jardin d'Éden, pour qu'il aille cultiver le sol dont il avait été tiré. Puis, après l'en avoir expulsé, le Seigneur plaça des chérubins en sentinelle devant le jardin d'Éden. Ceux-ci, armés de l'épée flamboyante et tourbillonnante, devaient garder l'accès de l'arbre de la vie. »
Ainsi l’homme fut-il chassé du Paradis originel.
Jeté dans le souci, l’homme est devenu conscient.
Mais il reste peut-être en lui le désir de cet objet perdu, ce Paradis où tout était fait pour lui et où le moindre de ses besoins était satisfait sans avoir à s’en préoccuper.
Ce désir d’être à nouveau rivé au piquet de l’instant ou comme le disait Nietzsche :
Observe le troupeau qui paît sous tes yeux ; il ne sait ce qu’est hier ni aujourd’hui, il gambade, broute, se repose, digère, gambade à nouveau, et ainsi du matin au soir et jour après jour, étroitement attaché par son plaisir et son déplaisir au piquet de l’instant, et ne connaissant pour cette raison ni mélancolie ni dégoût. C’est là un spectacle éprouvant pour l’homme, qui regarde, lui, l’animal du haut de son humanité, mais envie néanmoins son bonheur – car il ne désire rien d’autre que cela : vivre comme un animal, sans dégoût ni souffrance, mais il le désire en vain, car il ne le désire pas comme l’animal. L’homme demanda peut-être un jour à l’animal : « pourquoi ne me parles-tu as de ton bonheur, pourquoi restes-tu là à me regarder ? L’animal voulut répondre et lui dire : « Cela vient de ce que j’oublie immédiatement ce que je voulais dire » - mais il oublia aussi cette réponse, et resta muet – et l’homme de s’étonner.
Ce désir d’être comme l’animal selon Nietzsche, délivré du temps, dans un Paradis a-temporel, est puissant chez l’Homme. Parce que la sourde inquiétude du temps a contrario le tourmente. Toutes ces choses qu’il doit assumer pour être un Homme peuvent l’angoisser. Sera-t-il à la hauteur de son travail ? Dans un monde difficile et qui n’est pas fait pour lui, arrivera-t-il à satisfaire ses désirs ? D’autant plus que l’être humain a connu pendant sa toute petite enfance, un état de bonheur quasi parfait, puisque sa mère était tout pour lui, elle lui offrait comme un Paradis au sein duquel tous ses désirs étaient satisfaits, sans qu’il ait à s’en préoccuper. Cette nostalgie du Paradis perdu est peut-être liée au regret des premiers temps de notre venue sur terre, jusqu’à l’expulsion hors du ventre de notre mère, puis l’émancipation hors de notre foyer familial.
Il existe peut-être une tendance à revivre ce plaisir singulier d’être comme délivré de notre inquiétude de ne pas être à la hauteur de notre tâche d’Homme. Car enfin, nous naissons également dans un monde de mots, au sein du langage, habillés par l’image que nous nous faisons de nous-mêmes, à travers le regard des autres. Cette image est morcelée, car les avis peuvent diverger à notre égard, mais nous essayons d’en rétablir la trame et de trouver une cohérence à ces avis divers. Ce n’est pas seulement le regard des autres, mais nos réussites et nos échecs qui façonnent aussi cette image que nous avons de nous-mêmes.
Il existe un stade narcissique, où nous tombons amoureux de nous-mêmes, sans raison valable, uniquement parce que, par exemple, nous rencontrons un partenaire qui a le même désir d’être aimé que nous. Alors nous oublions tous les problèmes que nous pouvions avoir et toutes nos insuffisances vis-à-vis de notre rapport au temps, afin de retomber dans une sorte de Paradis retrouvé. Ce désir régressif (de se donner un Paradis gratuitement) est peut-être une des finalités de l’Art, de l’amour, du rapport à la mort etc.
Nous évacuons tout le travail besogneux, pénible, exigeant, qui nous emprisonne dans le temps, afin de vivre une bulle de poésie, un moment charmant, comme si nous avions pris un coup sur la tête et que nous avions oublié nos tâches, nos engagements et nos échéances à venir.
Rousseau Jean-Jacques, Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, première partie. a écrit:Son âme, que rien nʼagite, se livre au seul sentiment de son existence actuelle, sans aucune idée de lʼavenir, quelque prochain quʼil puisse être, & ses projets, bornés comme ses vues, sʼétendent à peine jusquʼà la fin de la journée. Tel est encore aujourdʼhui le degré de prévoyance du Caraïbe : il vend le matin son lit de coton & vient pleurer le soir pour le racheter, faute dʼavoir prévu quʼil en auroit besoin pour la nuit prochaine.
Nous avions travaillé il y a quelques années sur une étude de Jean-Luc Jaccard portant sur Manon Lescaut de l’abbé Prévost. Cette étude montrait comment le désir amoureux du chevalier Des Grieux était une quête du paradis perdu de l’enfance. Cette quête d’un âge d’or où tout serait fait pour nous, serait une quête impossible et causerait même la mort de Manon, l’être aimé. En effet, devenir adulte consisterait à accepter de sortir de cet état enfantin et à prendre en charge le monde, les autres et ses propres besoins. La perte de l’insouciance serait constitutive de notre être adulte.
Au contraire, une autre force, celle du Déni, nous pousse à réfuter ce que nous savons de nos insuffisances et à vivre dans une sorte de rêve parallèle occultant nos défauts. La réalité devient un ennemi qu’il faut remplacer par une fiction. Le danger vient du fait que ce déni de réalité nous empêche de résoudre nos problèmes et nous enferme au contraire encore un peu plus profondément en eux. L’autre danger est qu’il ne s’agit pas d’une ignorance mais d’un savoir que l’on se dissimule. Ainsi, nous luttons pour maintenir cet état d’ignorance et la vérité peut d’autant plus difficilement nous atteindre.
Pourtant cette négativité est constitutive de l’homme.
Nous ne sommes pas des êtres entièrement positifs et uniquement préoccupés de bien faire.
Il existe une part sombre en nous : notre négativité.
Nous ne sommes pas un étant parmi les autres étants, rivés au piquet de l’instant.
Notre rapport au temps est le souci : nous nous projetons hors de cet instant vers l’avenir ou vers le passé. Nous avons conscience de chaque instant qui meurt, fuyant inexorablement dans le néant. Nous nous savons mortels.
Cette négativité nous constitue.
Certes, elle est dangereuse pour nos projets positifs et qui attendent de nous une préoccupation sans faille, une volonté de fer, une attention de tous les instants.
Pourtant, si on la regarde en face, elle est d’une beauté éphémère, à nulle autre pareille.
Car nous voyons notre faille et cette invulnérable blessure en nous : la racine de deux attitudes possibles : la fuite dans la positivité (assumer d’être un Homme), l’anéantissement dans le rêve (régresser vers l’insouciance).
Grégor- Digressi(f/ve)
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Re: La Chute
Grégor a écrit:
Le serpent était le plus rusé de tous les animaux sauvages que le Seigneur avait faits.
«On comprend tout de suite qui a introduit le mal dans le paradis», m'a dit un copain Juif l'autre jour au sujet de cette phrase ...
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Saint-Ex- Digressi(f/ve)
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Re: La Chute
Grégor a écrit:« j’oublie immédiatement ce que je voulais dire » - mais il oublia aussi cette réponse, et resta muet – et l’homme de s’étonner
Pour l'humain, le piquet, c'est la condamnation à l'isolement. À l'isolement par rapport à l'altérité. Un nourrisson privé de l'affection, de l'amour, de l'éducation et de l'instruction des ses proches, c'est un animal à la cervelle de chat. La mémoire n'est pas le seul moyen de se souvenir, c'est un outil de prédiction pour l'avenir, et même un chat se sert de sa mémoire pour craindre l'eau froide lorsqu'il a été ébouillanté.
Dans la métaphore du piquet de l'instant auquel l'animal est condamné à demeurer, ce n'est pas l'animal qui est fautif, c'est le piquet.
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Saint-Ex- Digressi(f/ve)
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Re: La Chute
Le problème c'est que cette alternative ne nous est pas proposée, à l'exception de quelques bourgeois oisifs ,au sens que Bourdieu donne aux professionnels de la pensée, et encore il leur arrive de se mêler de réalité et c'est presque toujours catastrophique. Nous sommes contraints de vivre en combinant les deux.Grégor a écrit:
Nous ne sommes pas un étant parmi les autres étants, rivés au piquet de l’instant.
Notre rapport au temps est le souci : nous nous projetons hors de cet instant vers l’avenir ou vers le passé. Nous avons conscience de chaque instant qui meurt, fuyant inexorablement dans le néant. Nous nous savons mortels.
Cette négativité nous constitue.
Certes, elle est dangereuse pour nos projets positifs et qui attendent de nous une préoccupation sans faille, une volonté de fer, une attention de tous les instants.
Pourtant, si on la regarde en face, elle est d’une beauté éphémère, à nulle autre pareille.
Car nous voyons notre faille et cette invulnérable blessure en nous : la racine de deux attitudes possibles : la fuite dans la positivité (assumer d’être un Homme), l’anéantissement dans le rêve (régresser vers l’insouciance).
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: La Chute
A Grégor
Je vous remercie d’avoir élevé le débat en nous rappelant que « L’homme passe infiniment l’homme » (Pascal – Pensées 131) et en évoquant la « vie humaine, qui se définit non par la seule circulation du sang et par les autres fonctions communes à tous les animaux, mais avant toute chose par la raison, véritable vertu de l’âme, et sa vraie vie » (Spinoza – Traité Politique V 5).
Je vous remercie d’avoir élevé le débat en nous rappelant que « L’homme passe infiniment l’homme » (Pascal – Pensées 131) et en évoquant la « vie humaine, qui se définit non par la seule circulation du sang et par les autres fonctions communes à tous les animaux, mais avant toute chose par la raison, véritable vertu de l’âme, et sa vraie vie » (Spinoza – Traité Politique V 5).
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: La Chute
Vanleers a écrit:A Grégor
Je vous remercie d’avoir élevé le débat en nous rappelant que « L’homme passe infiniment l’homme » (Pascal – Pensées 131) et en évoquant la « vie humaine, qui se définit non par la seule circulation du sang et par les autres fonctions communes à tous les animaux, mais avant toute chose par la raison, véritable vertu de l’âme, et sa vraie vie » (Spinoza – Traité Politique V 5).
Ah, cette volonté opiniâtre de bien séparer le corps de l'esprit ... Comme si la vie de l'âme était la seule vraie au monde, ce que ne dit certainement pas Spinoza, et que la raison n'était pas une production du corps de l'homme ...
« les autres fonctions communes à tous les animaux » comme si Spinoza ne savait pas que la nature de l'humain, ce n'était pas celle des animaux, dont il ne se gênait d'ailleurs pas pour dire que l'homme pouvait en faire ce qu'il en voulait ...
Mais dans quelle misère vivent les enfants de Platon ! ...
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Saint-Ex- Digressi(f/ve)
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Localisation : Deux-Montagnes, près d'Oka
Date d'inscription : 01/07/2023
Re: La Chute
Paolo Parrini a écrit:Prenons par exemple la thèse de l’identité entre états subjectifs et états cérébraux.
Si l’on entend soutenir cette thèse,
on ne devra pas seulement posséder des connaissances empirico-factuelles montrant que la vérification d’un état de conscience (par exemple la douleur, ou la sensation du rouge) s’accompagne d’une activation, selon certaines modalités, de terminaisons nerveuses ou zones cérébrales bien précises ;
il faudra en outre savoir comment doit être compris le concept d’identité dans l’affirmation générale (et par certains côtés générique) que les états de conscience sont identiques aux états cérébraux. S’agit-il d’une identité d’occurrence (token) ou d’une identité de type (type) ? D’une identité nécessaire ou d’une moins contraignante coextensivité empiriquement vérifiable ?
En d’autres termes, en soutenant cette identité, voulons-nous affirmer que les états subjectifs sont essentiellement des états cérébraux, quel que soit le sens à donner réellement à ces termes,
ou bien seulement qu’à un certain état de conscience correspond, comme un donné de fait empirique, un état cérébral ?
Et dans ce dernier cas, la coextensivité que nous soutenons est-elle une coextensivité « condensable » en une généralisation empirique ou bien une coextensivité qui découle d’une théorie complexe de la vie mentale et cérébrale
https://www.cairn.info/revue-diogene-2009-4-page-114.htm
Parrini que tu cites parmi tes philosophes convenables . Il y a 4 articles sur Cairn.infos
Très techniques. je n'en ai lu que 2 pour le moment
hks- Digressi(f/ve)
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Re: La Chute
Grégor a écrit:Ainsi l’homme fut-il chassé du Paradis originel.
Jeté dans le souci, l’homme est devenu conscient.
Mais il reste peut-être en lui le désir de cet objet perdu, ce Paradis où tout était fait pour lui et où le moindre de ses besoins était satisfait sans avoir à s’en préoccuper.
Ce désir d’être à nouveau rivé au piquet de l’instant ou comme le disait Nietzsche :
[...]
Ce désir d’être comme l’animal selon Nietzsche, délivré du temps, dans un Paradis a-temporel, est puissant chez l’Homme. Parce que la sourde inquiétude du temps a contrario le tourmente.
[...]
Il existe peut-être une tendance à revivre ce plaisir singulier d’être comme délivré de notre inquiétude de ne pas être à la hauteur de notre tâche d’Homme.
Ton texte est paradoxal, Gregor. Si on le suit, tu proposes une thèse assez étrange selon laquelle les animaux vivent dans un état de non-conscience, donc un état d'insouciance, donc l'équivalent du Paradis -que l'homme, en revanche, a perdu.
C'est étrange parce que la représentation communément utilisée pour caractériser le monde animal est plutôt la "loi de la jungle", un monde sauvage, un monde de prédation, dans lequel l'existence est précaire. Et la civilisation s'est typiquement constituée en opposition à cet environnement sauvage, à ce monde naturel.
Alors dans la perspective (étrange donc) qui est la tienne, il est moins étonnant que tu cites Rousseau, puisque c'est la spécificité de Rousseau dans l'histoire de la philosophie occidentale que d'avoir bâti sa pensée à partir d'un "état de nature" paradoxal, qui valorisait le monde pré-civilisationnel plutôt qu'il ne le dévalorisait (comme chez Hobbes, Locke, ou d'autres).
Mais à partir de là, la visée de ton texte questionne. En fait, si je tente une interprétation, ce que tu sembles profondément dire, c'est qu'il vaut mieux être ignorant, inconscient de la violence du monde, comme le sont les animaux. Ce que tu valorises, dans ton texte, c'est semble-t-il, l'insouciance. En somme, je dirais que tu reconnais que le Dasein est un être-pour-la-mort mais, qu'à tout prendre, il vaudrait mieux s'abandonner à l'in-souciance du On. Non ?
Et alors, conséquemment, j'ai du mal à comprendre ta conclusion :
"Régresser vers l'insouciance", c'est manifestement dégénérer au rang de Bête. Mais "fuir dans la positivité" ne semble pas davantage désirable. C'est manifestement quelque chose comme "échapper à la condition du Dasein en se réfugiant dans la Sainteté" ou ne comprenai-je pas bien ?Car nous voyons notre faille et cette invulnérable blessure en nous : la racine de deux attitudes possibles : la fuite dans la positivité (assumer d’être un Homme), l’anéantissement dans le rêve (régresser vers l’insouciance).
Donc je suppose que tu envisages une troisième attitude possible ?
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...que vont charmant masques et bergamasques...
Bergame- Persona
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Date d'inscription : 03/09/2007
Re: La Chute
Bonjour Bergame,
Je me suis peut-être mal exprimé, mais mon intention n'était pas du tout de valoriser l'insouciance ni de promouvoir le retour vers un Paradis perdu.
Je pense juste que cette tendance existe en nous et est l'un des moteurs de notre désir. Notre désir veut ce plaisir insouciant, il cherche à perdre sa tragique conscience d'être. Du moins telle est l'hypothèse que je défends dans ce texte. Cette tendance peut être mortifère dans le sens où l'insouciance ne nous prépare pas à aborder les problèmes de l'existence d'une façon positive. Elle est fondamentalement négative, dans le sens où elle n'est pas pragmatique, elle ne s'empare pas des problèmes de la vie, elle les fuit dans les rêves, la régression infantile, l'idéal. Mais le phénomène inverse et je dirais a-spirituel peut être aussi une fuite vers le tout positif par crainte de l'abîme qui est en nous. Cet abîme (la conscience profonde de l'existence, de la mort, de la perte irrémédiable de chaque instant) doit selon moi être surmontée par un travail spirituel qui engage cette dimension dans notre manière d'habiter en ce monde. Nous avons des prêtres, des chamans, des poètes, des artistes, des psychanalystes, des intellectuels, des philosophes, des musiciens qui peuvent prendre en charge cette dimension du vécu (la liste n'est pas exhaustive).
Il me semble qu'en écrivant je participe aussi à cette prise en charge de la mort.
Peut-être que le père de cette manière d'assumer la mort est Orphée, lui qui l'a traversée.
Je me suis peut-être mal exprimé, mais mon intention n'était pas du tout de valoriser l'insouciance ni de promouvoir le retour vers un Paradis perdu.
Je pense juste que cette tendance existe en nous et est l'un des moteurs de notre désir. Notre désir veut ce plaisir insouciant, il cherche à perdre sa tragique conscience d'être. Du moins telle est l'hypothèse que je défends dans ce texte. Cette tendance peut être mortifère dans le sens où l'insouciance ne nous prépare pas à aborder les problèmes de l'existence d'une façon positive. Elle est fondamentalement négative, dans le sens où elle n'est pas pragmatique, elle ne s'empare pas des problèmes de la vie, elle les fuit dans les rêves, la régression infantile, l'idéal. Mais le phénomène inverse et je dirais a-spirituel peut être aussi une fuite vers le tout positif par crainte de l'abîme qui est en nous. Cet abîme (la conscience profonde de l'existence, de la mort, de la perte irrémédiable de chaque instant) doit selon moi être surmontée par un travail spirituel qui engage cette dimension dans notre manière d'habiter en ce monde. Nous avons des prêtres, des chamans, des poètes, des artistes, des psychanalystes, des intellectuels, des philosophes, des musiciens qui peuvent prendre en charge cette dimension du vécu (la liste n'est pas exhaustive).
Il me semble qu'en écrivant je participe aussi à cette prise en charge de la mort.
Peut-être que le père de cette manière d'assumer la mort est Orphée, lui qui l'a traversée.
Grégor- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 14/04/2022
Re: La Chute
Grégor a écrit:mon intention n'était pas du tout de valoriser l'insouciance ni de promouvoir le retour vers un Paradis perdu.
Valoriser l'insouciance, si c'est l'antithèse du " souci" d'Heiddeger, me parait très défendable. Ne pas avoir de souci consisterait, alors, à accepter notre finitude comme nécessité de chaque instant vécu ( pas de " fin" pas de déroulement de la vie, mais juste la furtivité de l'instant présent). La mort n'arrête pas la vie, elle la porte, c'est en quelque sorte son support. Essaye d'imaginer ce que serait la "vie" sans corps pour la porter, sans un corps pour vieillir? Car enfin, vivre c'est bien vieillir non ?
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maraud- Digressi(f/ve)
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Re: La Chute
Apparemment c' est ce que la nature a trouvé de mieux pour exprimer la vie.
Ça reste ennuyeux pour tout individu qui aimerait bien réussir à avoir le beurre et l' argent du beurre ... d' où la naissance du génie humain ... à défaut d' éternité nous avons la créativité.
Ça reste ennuyeux pour tout individu qui aimerait bien réussir à avoir le beurre et l' argent du beurre ... d' où la naissance du génie humain ... à défaut d' éternité nous avons la créativité.
Re: La Chute
La "procréativité" aussi, c'est pas mal; surtout ce qui va avec....
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maraud- Digressi(f/ve)
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Re: La Chute
Ben non, justement, c'est cela que j'ai du mal à comprendre dans le texte de Gregor. L'insouciance qu'il propose, c'est une "fuite", un oubli de "l'abime". Alors je comprends maintenant qu'il y a une autre manière de gérer cette "conscience profonde de l'existence", c'est de le "surmonter" au travers d'un travail spirituel, artistique, etc.maraud a écrit:Valoriser l'insouciance, si c'est l'antithèse du " souci" d'Heiddeger, me parait très défendable. Ne pas avoir de souci consisterait, alors, à accepter notre finitude comme nécessité de chaque instant vécu ( pas de " fin" pas de déroulement de la vie, mais juste la furtivité de l'instant présent).Grégor a écrit:mon intention n'était pas du tout de valoriser l'insouciance ni de promouvoir le retour vers un Paradis perdu.
Mais donc, ce qui me manque, Gregor, dans tes exposés, c'est une troisième option qui consisterait à prendre véritablement conscience de notre finitude, et à l'accepter, l'assumer, tout simplement. Tu ne proposes que de fuir ou de dépasser. Pourquoi ?
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Bergame- Persona
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Date d'inscription : 03/09/2007
Re: La Chute
On sent bien chez Grégor une quête qui est en cours de mûrissement, ce en quoi il m'est agréable de le lire ( on sent une activité intellectuelle).
La "fuite" suppose un danger.... mais dès lors que ce qui est à fuir c'est nous-même, alors le risque est grand de tout y perdre. Il y a aussi un certain éclectisme révélé par les mots employés, ce qui complique singulièrement la possibilité d'une synthèse en l'état.
La "fuite" suppose un danger.... mais dès lors que ce qui est à fuir c'est nous-même, alors le risque est grand de tout y perdre. Il y a aussi un certain éclectisme révélé par les mots employés, ce qui complique singulièrement la possibilité d'une synthèse en l'état.
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maraud- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2464
Date d'inscription : 04/11/2012
Re: La Chute
Absolument, moi aussi. Avec, de plus, une vraie précision dans l'expression et un talent littéraire indéniable.maraud a écrit:On sent bien chez Grégor une quête qui est en cours de mûrissement, ce en quoi il m'est agréable de le lire ( on sent une activité intellectuelle).
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Bergame- Persona
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Date d'inscription : 03/09/2007
Re: La Chute
Bergame a écrit:et un talent littéraire indéniable.
Je remarque aussi cela par le fait que ça me rend envieux.
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maraud- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2464
Date d'inscription : 04/11/2012
Re: La Chute
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Ça serait sur le concept de la chute que je serais très critique.
J'ai eu dans ma jeunesse un cours de philosophie où la chute a été évoquée par un professeur tiré à quatre épingles et s'exprimait avec un savoir exceptionnel de la langue, qu'il parlait comme parlait Proust. Le personnage m'avait fasciné. Mais je me rappelle que la chute dont il a parlé dans son exposé m'a fait tomber de ma chaise. Je me suis demandé comment le fait de naître pourrait être une chute. Fallait-il être pessimiste au dernier degré pour imaginer une chose pareille ! Plus tard j'ai appris que le pessimisme était, ou pouvait être une lucidité.
Plus tard encore je me suis aperçu de la lucidité de Spinoza, qui considérait le rire et la plaisanterie comme une chose bonne pour l'humain. Pour sûr, mon très proustien philosophe ne savait pas ce qu'il disait.
Et un jour je suis tombé sur une remarque de Nietzsche disant en substance que l'homme sera véritablement au sommet de sa réalisation lorsqu'il se rendra compte que les étoiles sont en bas.
Mais comment chuter jusqu'au sommet ?
Réponse : en adhérant à l'absurdité comme Sisyphe adhère à son état d'esclave et comme Spinoza, Nietzsche et Camus le conseillent à tous ceux qui aiment leur vie au lieu de la détester au point de s'imaginer qu'elle chute en elle-même.
Le domaine de réalité de la psychologie est parfois le domaine surprenant des idées loufoques
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Ça serait sur le concept de la chute que je serais très critique.
J'ai eu dans ma jeunesse un cours de philosophie où la chute a été évoquée par un professeur tiré à quatre épingles et s'exprimait avec un savoir exceptionnel de la langue, qu'il parlait comme parlait Proust. Le personnage m'avait fasciné. Mais je me rappelle que la chute dont il a parlé dans son exposé m'a fait tomber de ma chaise. Je me suis demandé comment le fait de naître pourrait être une chute. Fallait-il être pessimiste au dernier degré pour imaginer une chose pareille ! Plus tard j'ai appris que le pessimisme était, ou pouvait être une lucidité.
Plus tard encore je me suis aperçu de la lucidité de Spinoza, qui considérait le rire et la plaisanterie comme une chose bonne pour l'humain. Pour sûr, mon très proustien philosophe ne savait pas ce qu'il disait.
Et un jour je suis tombé sur une remarque de Nietzsche disant en substance que l'homme sera véritablement au sommet de sa réalisation lorsqu'il se rendra compte que les étoiles sont en bas.
Mais comment chuter jusqu'au sommet ?
Réponse : en adhérant à l'absurdité comme Sisyphe adhère à son état d'esclave et comme Spinoza, Nietzsche et Camus le conseillent à tous ceux qui aiment leur vie au lieu de la détester au point de s'imaginer qu'elle chute en elle-même.
Le domaine de réalité de la psychologie est parfois le domaine surprenant des idées loufoques
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Dernière édition par Saint-Ex le Lun 27 Mai 2024 - 16:51, édité 1 fois (Raison : Grammaire et syntaxe)
Saint-Ex- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 01/07/2023
Re: La Chute
Je vais essayer de reprendre mon raisonnement :
1) La sortie du Paradis c'est l'entrée dans la temporalité (la conscience du temps : la possibilité de se projeter dans le passé ou dans l'avenir, mais aussi bien l'entrée dans un domaine du sens, un langage : il doit exister un rapport entre notre rapport humain au temps et le fait que l'homme soit un animal parlant et ce rapport est peut-être justement dans le recul que l'homme prend vis-à-vis de l'instant ou de l'instantané.)
2) L'homme se retrouve à devoir assumer le Paradis qu'il doit construire à la force de ses bras (c'est un des sens de l'extrait de la Genèse).
Cette charge est lourde à porter et décourageante parfois. D'où une tentation possible vers l'idéal, une fuite hors du monde. Puisque le Paradis semble impossible sur cette terre, il doit être possible ailleurs, après notre vie par exemple. Ceci est un symptôme de notre désir de retrouver un état où le monde serait fait pour nous, où tout nous serait donné sans effort et en même temps de la dureté de notre monde qui rend bien difficile la réalisation de nos désirs.
3) L'homme est ainsi ballotté entre ses désirs (y compris les plus souterrains) et la réalité. Mais il y a un autre aspect (au moins) : c'est l'image qu'il se fait de lui-même. L'homme est parlé autant qu'il est parlant. Selon l'estime de soi qu'il a, un être humain n'abordera pas les événements de la même manière. Bref, nous cherchons l'approbation des autres et notre propre approbation à travers le regard des autres voire du Grand Autre. Nous pouvons chercher à tomber amoureux de nous-mêmes (stade narcissique) avec le risque de se tromper sur notre véritable valeur et d'agacer les autres. C'est une autre valeur de Dieu (après le Paradis, celui qui nous aime infiniment).
4) Le Déni, qui nous permet d'entretenir les leurres que nous nous faisons sur nous-mêmes, est une force majeure de la psyché humaine. Le déni dédouble le monde réel en un autre monde fantasmatique qui vient se superposer au premier et l'occulte.
5) La négativité et la mort nous constituent et elles sont un point où le réel lui-même achoppe. Ce n'est donc pas par hasard que l'homme fuit dans l'idéal narcissique ou d'un autre monde, mais bien parce qu'il est un être fondamentalement métaphysique. Jeté dans le sens, il doit se déchiffrer (en tant qu'être désirant par exemple) et assumer à la fois sa part d'ombre (son être pour la mort, son néant) et sa part de lumière (le réel et la construction positive d'un Paradis sur terre).
1) La sortie du Paradis c'est l'entrée dans la temporalité (la conscience du temps : la possibilité de se projeter dans le passé ou dans l'avenir, mais aussi bien l'entrée dans un domaine du sens, un langage : il doit exister un rapport entre notre rapport humain au temps et le fait que l'homme soit un animal parlant et ce rapport est peut-être justement dans le recul que l'homme prend vis-à-vis de l'instant ou de l'instantané.)
2) L'homme se retrouve à devoir assumer le Paradis qu'il doit construire à la force de ses bras (c'est un des sens de l'extrait de la Genèse).
Cette charge est lourde à porter et décourageante parfois. D'où une tentation possible vers l'idéal, une fuite hors du monde. Puisque le Paradis semble impossible sur cette terre, il doit être possible ailleurs, après notre vie par exemple. Ceci est un symptôme de notre désir de retrouver un état où le monde serait fait pour nous, où tout nous serait donné sans effort et en même temps de la dureté de notre monde qui rend bien difficile la réalisation de nos désirs.
3) L'homme est ainsi ballotté entre ses désirs (y compris les plus souterrains) et la réalité. Mais il y a un autre aspect (au moins) : c'est l'image qu'il se fait de lui-même. L'homme est parlé autant qu'il est parlant. Selon l'estime de soi qu'il a, un être humain n'abordera pas les événements de la même manière. Bref, nous cherchons l'approbation des autres et notre propre approbation à travers le regard des autres voire du Grand Autre. Nous pouvons chercher à tomber amoureux de nous-mêmes (stade narcissique) avec le risque de se tromper sur notre véritable valeur et d'agacer les autres. C'est une autre valeur de Dieu (après le Paradis, celui qui nous aime infiniment).
4) Le Déni, qui nous permet d'entretenir les leurres que nous nous faisons sur nous-mêmes, est une force majeure de la psyché humaine. Le déni dédouble le monde réel en un autre monde fantasmatique qui vient se superposer au premier et l'occulte.
5) La négativité et la mort nous constituent et elles sont un point où le réel lui-même achoppe. Ce n'est donc pas par hasard que l'homme fuit dans l'idéal narcissique ou d'un autre monde, mais bien parce qu'il est un être fondamentalement métaphysique. Jeté dans le sens, il doit se déchiffrer (en tant qu'être désirant par exemple) et assumer à la fois sa part d'ombre (son être pour la mort, son néant) et sa part de lumière (le réel et la construction positive d'un Paradis sur terre).
Grégor- Digressi(f/ve)
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Re: La Chute
Petite incise récréative : [si l'on avait des yeux tout autour de la tête, devant/derrière n'existeraient pas] .
Ma question sera simple: Est-ce bien ce qui nous manque qui fait de nous des humains ?
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La vie est belle!
maraud- Digressi(f/ve)
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Re: La Chute
Nope, pas d'accord. Il n'y a rien de cela dans la Genèse.Grégor a écrit:L'homme se retrouve à devoir assumer le Paradis qu'il doit construire à la force de ses bras (c'est un des sens de l'extrait de la Genèse).
Dieu dit : "Eh bien, par ta faute, le sol est maintenant maudit. Tu auras beaucoup de peine à en tirer ta nourriture pendant toute ta vie ; il produira pour toi épines et chardons. Tu devras manger ce qui pousse dans les champs ; tu gagneras ton pain à la sueur de ton front, jusqu'à ce que tu retournes à la terre dont tu as été tiré."
Il n'est pas question de faire de ce sol maudit un nouveau Paradis. Au contraire, d'ailleurs, ce serait contrevenir aux décisions divines.
En revanche, il est question de retrouver le Paradis après notre mort, oui. Très différent. Car cela indique que le Paradis est un autre monde, un monde différent du monde réel dans lequel se déroule notre existence et où nous avons été jetés.
Dès lors :
La construction d'un Paradis sur terre ne relève pas du réel. Elle relève plutôt d'un "dédoublement entre le monde réel et un monde fantasmatique" dont tu parlais antérieurement.Ce n'est donc pas par hasard que l'homme fuit dans l'idéal narcissique ou d'un autre monde, mais bien parce qu'il est un être fondamentalement métaphysique. Jeté dans le sens, il doit se déchiffrer (en tant qu'être désirant par exemple) et assumer à la fois sa part d'ombre (son être pour la mort, son néant) et sa part de lumière (le réel et la construction positive d'un Paradis sur terre).
Par conséquent, est-ce la "part de lumière" de l'homme ? Ou est-ce un "déni" ?
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...que vont charmant masques et bergamasques...
Bergame- Persona
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Re: La Chute
Je ne suis pas sûr Bergame.
À la fac, on avait vu que ce type de récit était étiologique. C'est-à-dire qu'il explique quelque chose de difficile à comprendre pour un être humain, ici : pourquoi faut-il travailler la terre pour pouvoir se nourrir ? Ou plus généralement, pourquoi le monde n'est-il pas fait pour nous ?
C'est aussi le préjugé fondamental que relève Spinoza dans l'Appendice du De Deo.
Or, mon hypothèse, c'est que la Religion renverse le problème.
Elle pense un Dieu tout puissant qui a fait le monde pour nous.
Mais la question me semble plutôt pourquoi avons-nous le désir d'un monde fait pour nous et d'un père (le Grand Autre) pour nous donner un nom (une reconnaissance). Dieu répond à quelque chose de symptomatique en nous.
Ce désir d'un monde fait pour nous remonte peut-être à la toute petite enfance et le nom justement à la sortie hors de ce milieu insouciant et à la naissance en tant que conscience de soi. Naître en tant que conscience de soi consiste aussi à se reconnaître à travers le regard des autres et au besoin très fort de reconnaissance.
Enfin, il y a peut-être une issue à la conscience de soi, qui est sans doute mortifère, d'où l'image de Narcisse qui se noie, parce qu'en réalité le reflet ultime de nous-mêmes n'est pas un étant parmi d'autres étants, mais une ouverture au monde, une possibilité d'être et aussi bien ne n'être plus. Donc ce qui nous fige en tant qu'étant, c'est notre mort et cette image est souvent idéalisée et sublimée pour nourrir notre besoin de reconnaissance et d'amour. On se voit dans le miroir de la mort en tant qu'être métaphysique mais aussi bien cette image trompeuse et embellie de nous-mêmes, nous masque le vrai travail d'Homme.
Cette issue est de devenir adulte et d'assumer notre participation au Tout, à la société, au regard des autres. Mais encore faut-il que le projet de notre société reflète le désir métaphysique en l'Homme. C'est-à-dire un besoin spirituel. Le plus bel exemple qui me vienne est peut-être L'Antigone de Sophocle.
Je ne suis pas d'accord en revanche avec la fin de ton propos.
Construire un Paradis sur terre est le projet humaniste par excellence et je crois que le triomphe des Lumières a en grande partie réalisé ce projet pour nous.
Si nous échouons ce sera par manque de science et de compréhension de notre univers. C'est là le projet positif auquel je souscris avec quelques nuances.
L'une de ces nuances est justement l'aspect métaphysique de l'Homme. À cause de celui-ci les êtres humains sont tiraillés par la négativité et ne peuvent pas entièrement souscrire aux lois objectives du meilleur fonctionnement possible (celui que leur prescrirait la raison). Bien sûr on ne connaît pas encore parfaitement la machine "homme" et des progrès scientifiques devraient nous aider à mieux la contrôler. Mais qui aidera la partie spirituelle en nous ? Je crois que cette part de nous, à mesure qu'elle dénoue ses déterminismes, cesse de leur être assujétie (comme en cure psychanalytique). Donc c'est assez différent des autres domaines ontiques qui eux restent noués à leurs chaînes.
Cette faille en nous, notre rapport au temps et peut-être la blessure de sa naissance (naissance en tant qu'être nommé) est je crois incurable. Notre désir de reconnaissance est insatiable. Mais il peut être rendu inoffensif et être sublimé par l'art, l'amitié, l'amour et tout simplement l'art de vivre (le charme, la gaité, les bonnes manières etc.)
À la fac, on avait vu que ce type de récit était étiologique. C'est-à-dire qu'il explique quelque chose de difficile à comprendre pour un être humain, ici : pourquoi faut-il travailler la terre pour pouvoir se nourrir ? Ou plus généralement, pourquoi le monde n'est-il pas fait pour nous ?
C'est aussi le préjugé fondamental que relève Spinoza dans l'Appendice du De Deo.
Or, mon hypothèse, c'est que la Religion renverse le problème.
Elle pense un Dieu tout puissant qui a fait le monde pour nous.
Mais la question me semble plutôt pourquoi avons-nous le désir d'un monde fait pour nous et d'un père (le Grand Autre) pour nous donner un nom (une reconnaissance). Dieu répond à quelque chose de symptomatique en nous.
Ce désir d'un monde fait pour nous remonte peut-être à la toute petite enfance et le nom justement à la sortie hors de ce milieu insouciant et à la naissance en tant que conscience de soi. Naître en tant que conscience de soi consiste aussi à se reconnaître à travers le regard des autres et au besoin très fort de reconnaissance.
Enfin, il y a peut-être une issue à la conscience de soi, qui est sans doute mortifère, d'où l'image de Narcisse qui se noie, parce qu'en réalité le reflet ultime de nous-mêmes n'est pas un étant parmi d'autres étants, mais une ouverture au monde, une possibilité d'être et aussi bien ne n'être plus. Donc ce qui nous fige en tant qu'étant, c'est notre mort et cette image est souvent idéalisée et sublimée pour nourrir notre besoin de reconnaissance et d'amour. On se voit dans le miroir de la mort en tant qu'être métaphysique mais aussi bien cette image trompeuse et embellie de nous-mêmes, nous masque le vrai travail d'Homme.
Cette issue est de devenir adulte et d'assumer notre participation au Tout, à la société, au regard des autres. Mais encore faut-il que le projet de notre société reflète le désir métaphysique en l'Homme. C'est-à-dire un besoin spirituel. Le plus bel exemple qui me vienne est peut-être L'Antigone de Sophocle.
Je ne suis pas d'accord en revanche avec la fin de ton propos.
Construire un Paradis sur terre est le projet humaniste par excellence et je crois que le triomphe des Lumières a en grande partie réalisé ce projet pour nous.
Si nous échouons ce sera par manque de science et de compréhension de notre univers. C'est là le projet positif auquel je souscris avec quelques nuances.
L'une de ces nuances est justement l'aspect métaphysique de l'Homme. À cause de celui-ci les êtres humains sont tiraillés par la négativité et ne peuvent pas entièrement souscrire aux lois objectives du meilleur fonctionnement possible (celui que leur prescrirait la raison). Bien sûr on ne connaît pas encore parfaitement la machine "homme" et des progrès scientifiques devraient nous aider à mieux la contrôler. Mais qui aidera la partie spirituelle en nous ? Je crois que cette part de nous, à mesure qu'elle dénoue ses déterminismes, cesse de leur être assujétie (comme en cure psychanalytique). Donc c'est assez différent des autres domaines ontiques qui eux restent noués à leurs chaînes.
Cette faille en nous, notre rapport au temps et peut-être la blessure de sa naissance (naissance en tant qu'être nommé) est je crois incurable. Notre désir de reconnaissance est insatiable. Mais il peut être rendu inoffensif et être sublimé par l'art, l'amitié, l'amour et tout simplement l'art de vivre (le charme, la gaité, les bonnes manières etc.)
Grégor- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 14/04/2022
Re: La Chute
Un point de vue chrétien sur le péché originel dans la Bible.
https://mauricezundel.com/04-15-06-2017-conference-revelation-de-dieu-comme-presence-interieure/
Maurice Zundel a écrit:Il est éclatant, n’est-ce pas, éclatant pour nous, que le récit de la Genèse touchant ce que l’on appelle le péché originel, que ce récit ne peut pas être retenu par des chrétiens, sans une modification essentielle.
Il est, de toute évidence, que le récit de la Genèse qui vous présente un maître tout-puissant, réalisant un monde dont il n’a aucun besoin d’ailleurs, et y suscitant des présences humaines qu’il a tirées du limon de la terre, en leur insufflant un esprit de vie, qui les a placées au centre d’un jardin merveilleux, en leur interdisant l’usage de certains fruits, précisément pour affirmer sa domination sur eux, qui d’ailleurs, leur annonce le châtiment le plus grave en cas de transgression et qui leur inflige, effectivement, ce châtiment, après la transgression, il est évident que ce Dieu-là n’a pas le même visage que le Christ en agonie.
Le Christ en agonie n’apparaît nullement comme un maître qui donne des ordres, qui annonce des sanctions et qui les applique. Il apparaît comme la victime du mal. Le mal prend un sens, essentiellement différent, en face du Christ en agonie et en face du Dieu de la Genèse. Dans la Genèse, le mal est une désobéissance à une règle extérieure à l’homme, promulguée par une puissance qui est en dehors de l’homme. Dans le jardin de l’agonie, le mal est une blessure d’amour faite à Quelqu’un qui en meurt, pour celui-là même qui la lui inflige.
C’est à un niveau tellement différent, que tout le problème change d’aspect, et qu’on voit bien finalement que, sous ce titre ou plutôt cette rubrique de péché originel, ce qui est essentiel, c’est la proclamation de l’innocence de Dieu. Il est victime du mal, depuis le commencement du monde jusqu’à la fin et qu’il s’agit précisément d’épargner, si d’ailleurs, on a le bonheur de l’avoir rencontré.
https://mauricezundel.com/04-15-06-2017-conference-revelation-de-dieu-comme-presence-interieure/
Vanleers- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 4214
Date d'inscription : 15/01/2017
Re: La Chute
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Cette faille en nous, notre rapport au temps et peut-être la blessure de sa naissance (naissance en tant qu'être nommé) est je crois incurable. Notre désir de reconnaissance est insatiable. Mais il peut être rendu inoffensif et être sublimé par l'art, l'amitié, l'amour et tout simplement l'art de vivre (le charme, la gaité, les bonnes manières etc.)
À ce propos particulier, Grégo, on pourrait ajouter la loterie génétique et culturelle, qui ne garantit évidemment pas le gain du gros lot à tous les humains de la terre.
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Cette faille en nous, notre rapport au temps et peut-être la blessure de sa naissance (naissance en tant qu'être nommé) est je crois incurable. Notre désir de reconnaissance est insatiable. Mais il peut être rendu inoffensif et être sublimé par l'art, l'amitié, l'amour et tout simplement l'art de vivre (le charme, la gaité, les bonnes manières etc.)
À ce propos particulier, Grégo, on pourrait ajouter la loterie génétique et culturelle, qui ne garantit évidemment pas le gain du gros lot à tous les humains de la terre.
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Le matérialisme scientifique est une philosophie.
Le matérialisme scientifique n’est autre que la philosophie logiquement appropriée à l’activité scientifique.
Au nom de l'art, de la science et de la philosophie, ainsi soit-il.
Saint-Ex- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2878
Localisation : Deux-Montagnes, près d'Oka
Date d'inscription : 01/07/2023
Re: La Chute
Les Juifs ont été plus malins, plus intelligents, plus efficaces. Ils ne modifient en rien la teneur ni l'esprit de leur livre saint. Ils considèrent aujourd'hui que ce livre n'est ni plus ni moins qu'un récit, un roman, une fiction, mais ce récit, ce roman, cette fiction a une propriété phénoménale : il rassemble.Vanleers a écrit:Un point de vue chrétien sur le péché originel dans la Bible.Maurice Zundel a écrit:Il est éclatant, n’est-ce pas, éclatant pour nous, que le récit de la Genèse touchant ce que l’on appelle le péché originel, que ce récit ne peut pas être retenu par des chrétiens, sans une modification essentielle.
Il rassemble tellement bien que même les athées sont reçus à la synagogue s'ils respectent l'ordre qui y est établi.
Et pendant ce temps-là
La Méditerranée
Qui se trouve à deux pas
Joue avec les galets
Les églises sont vides car Dieu est mort et que ce sont nous, esprits libres, qui l'avons tué, et que, avec l'arrivée d'une autre religion, l'Islam, nous sommes pris du regret de ce meurtre ...
La solution est entre les mains des esprits libres de culture musulmane. Ils leur faudra commettre un jour le meurtre d'Allah pour que le monde soit libérés, voire guéris du poison que constituent les religions des au-delà, des arrières-mondes et du surnaturel-surnaturant-surnaturé ...
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Saint-Ex- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2878
Localisation : Deux-Montagnes, près d'Oka
Date d'inscription : 01/07/2023
Re: La Chute
Puisque tu vas maintenant chercher des référence du côté de la psychanalyse, Gregor, te répondre devient... délicat. Je dis toujours qu'il faut se méfier de la psychologie, c'est une mauvaise fille, qui en dit toujours bien davantage qu'on ne voudrait.
Néanmoins, nous discutons, n'est-ce pas ? Je réponds donc, comme dans toute discussion -avec ma subjectivité.
Si Descartes a pu concevoir l'homme comme un royaume dans un royaume, si Marx a pu penser que l'homme, par l'outil, façonnait, transformait le monde à son image, comment nous, pourrions-nous ne pas prendre conscience que le monde résiste ? Que le monde n'est pas à notre main, qu'il ne nous a pas été donné ?
Alors dans nos sociétés, en tombe-t-il jamais vraiment ?
Dès lors, bien sûr, les citoyens de ces pays peuvent croire que le monde est fait pour eux. C'est-à-dire : Ils en ont la possibilité cognitive, puisque leur existence se déroule effectivement au sein de sociétés où tout est conçu et construit pour les préserver de la violence, de la guerre, de la maladie, et même autant que possible de tout désagrément et autre frustration. En somme, tout se passe comme si, dans ces Etats, la collectivité prenait le relais des parents pour continuer à entretenir le nid. Autrement dit, dans tes termes : "Nos sociétés reflètent le projet métaphysique de l'homme." Mais de nouveau, était-ce le projet des Lumières ? Disons que c'est en tout cas une question qui me paraît bien intéressante.
Mais toujours est-il que :
Et corollairement :
Or :
Voila en tout cas tout mon "humanisme" à moi.
Néanmoins, nous discutons, n'est-ce pas ? Je réponds donc, comme dans toute discussion -avec ma subjectivité.
Est-ce vraiment difficile ? Qui croit donc que le monde a été fait pour l'homme ? Et en particulier : Qui donc peut le croire aujourd'hui, alors que nous sommes témoins des conséquences de l'aliénation de la biosphère par l'humanité ?Grégor a écrit:Je ne suis pas sûr Bergame.
C'est-à-dire qu'il explique quelque chose de difficile à comprendre pour un être humain, ici : pourquoi faut-il travailler la terre pour pouvoir se nourrir ?
Si Descartes a pu concevoir l'homme comme un royaume dans un royaume, si Marx a pu penser que l'homme, par l'outil, façonnait, transformait le monde à son image, comment nous, pourrions-nous ne pas prendre conscience que le monde résiste ? Que le monde n'est pas à notre main, qu'il ne nous a pas été donné ?
Je répète encore une fois : Ce n'est pas ce que dit la Genèse. Elle dit que Dieu a créé le monde, certes, et qu'il a créé Adam et Eve également. Mais, sauf erreur, elle ne dit pas que Dieu a créé le monde pour Adam et Eve. Au contraire, le passage de la Genèse que tu as cité explique que Dieu a jeté Adam et Eve ainsi que leur descendance dans un monde où règnent dureté, souffrance, et où les hommes devront gagner leur survie par le travail.Or, mon hypothèse, c'est que la Religion renverse le problème.
Elle pense un Dieu tout puissant qui a fait le monde pour nous.
Je serais davantage d'accord avec cela, au moins en ce sens : C'est l'enfant qui croit que le monde lui est donné, qu'il a été construit pour lui. Et il n'a pas complètement tort, parce que ses parents ont effectivement bâti un nid protecteur et confortable pour l'accueillir et l'élever. Mais ce qu'ignore l'enfant, aussi longtemps du moins qu'il est au nid, c'est que dehors, le monde est... autre. S'il y a chute, c'est lorsqu'il tombe du nid.Mais la question me semble plutôt pourquoi avons-nous le désir d'un monde fait pour nous et d'un père (le Grand Autre) pour nous donner un nom (une reconnaissance). Dieu répond à quelque chose de symptomatique en nous.
Ce désir d'un monde fait pour nous remonte peut-être à la toute petite enfance et le nom justement à la sortie hors de ce milieu insouciant et à la naissance en tant que conscience de soi.
Alors dans nos sociétés, en tombe-t-il jamais vraiment ?
Que fut le projet des Lumières ? A priori, disons "explicitement", ce fut de sortir les hommes de "l'état de minorité" dans lequel les institutions politiques et religieuses les maintenaient. En somme, leur conférer la liberté, l'autonomie et la responsabilité d'adultes (pour continuer à filer notre métaphore). Or, il semble que ce projet ait plutôt dérivé vers la construction d'un monde où les individus soient au contraire relativement pris en charge, administrés, gérés, en échange de leur participation (politique et militaire) et de leur force de travail. Jusqu'à même le point que connaissent aujourd'hui les pays occidentaux où la participation comme le travail semblent se dissoudre au profit de la proclamation de Droits "inaliénables" à la prise en charge par la collectivité.Construire un Paradis sur terre est le projet humaniste par excellence et je crois que le triomphe des Lumières a en grande partie réalisé ce projet pour nous.
Dès lors, bien sûr, les citoyens de ces pays peuvent croire que le monde est fait pour eux. C'est-à-dire : Ils en ont la possibilité cognitive, puisque leur existence se déroule effectivement au sein de sociétés où tout est conçu et construit pour les préserver de la violence, de la guerre, de la maladie, et même autant que possible de tout désagrément et autre frustration. En somme, tout se passe comme si, dans ces Etats, la collectivité prenait le relais des parents pour continuer à entretenir le nid. Autrement dit, dans tes termes : "Nos sociétés reflètent le projet métaphysique de l'homme." Mais de nouveau, était-ce le projet des Lumières ? Disons que c'est en tout cas une question qui me paraît bien intéressante.
Mais toujours est-il que :
Bien évidemment, je ne vois pas du tout le fait de "devenir adulte" comme toi. Pour moi, devenir adulte, c'est quitter le nid.Cette issue est de devenir adulte et d'assumer notre participation au Tout, à la société, au regard des autres. Mais encore faut-il que le projet de notre société reflète le désir métaphysique en l'Homme. C'est-à-dire un besoin spirituel.
Et corollairement :
Ici s'exprime ce qui, selon moi, se dissimule au fond de toute doctrine Humaniste : Créer , par l'éducation, la science, les arts, les renforts de la spiritualité, de la psychanalyse même pourquoi pas, un Homme nouveau.L'une de ces nuances est justement l'aspect métaphysique de l'Homme. À cause de celui-ci les êtres humains sont tiraillés par la négativité et ne peuvent pas entièrement souscrire aux lois objectives du meilleur fonctionnement possible (celui que leur prescrirait la raison). Bien sûr on ne connaît pas encore parfaitement la machine "homme" et des progrès scientifiques devraient nous aider à mieux la contrôler.
Or :
Il n'y a aucune fatalité, et là est la liberté. Il me semble qu'on la conquiert non pas en tentant de s'élever au rang d'Homme (pourquoi ? pour qui ?), mais au contraire en s'assumant en tant qu'humain. De toutes façons, vulgaire tissu ou toile de maitre, tout est voué à la destruction. D'ici là, il faut, simplement, vivre, et du mieux qu'on puisse.Cette faille en nous, notre rapport au temps et peut-être la blessure de sa naissance (naissance en tant qu'être nommé) est je crois incurable. Notre désir de reconnaissance est insatiable.
Voila en tout cas tout mon "humanisme" à moi.
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