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Notre compréhension du monde doit-elle être complexe - devoir scolaire

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Message par Rêveur Dim 25 Oct 2020 - 1:10

J'ai relu ce devoir-ci et il est pas si mal. Alors si vous avez un peu de temps libre, peut-être... Je vous partagerai peut-être aussi un autre que j'ai fait à propos de Descartes et Bergson, et spécifiquement l'Essai sur les données immédiates de la conscience.
 Je n'étais pas sûr d'où le placer, mais "Post-contemporains" est une bonne place, et puisqu'il porte sur la pensée complexe, particulièrement vue à travers Edgar Morin, alors pourquoi pas cette section.
 Ce n'est pas un travail complètement sérieux, je veux dire, c'est surtout une suite de réflexions sur ce même sujet, même si j'y apporte bel-et-bien une certaine réponse. De nombreuses ressources sont employées, et ce devoir ouvre de ce fait beaucoup de perspectives, et c'est là, je pense, son intérêt (ainsi que son message, aussi vague et progressible celui-ci soit-il).

Notre compréhension du monde moderne doit-elle être complexe ?

 
Il faut être absolument moderne.
Point de cantiques : tenir le pas gagné.
Arthur Rimbaud, Adieu, Une saison en enfer
 
C’est entendu : nous n’avons pas le choix que d’être modernes. Si être moderne en effet, c’est appartenir “à notre temps”, alors nous sommes tous modernes. On peut s’échapper spatialement, mais non temporellement. Celui-là même qui prétendrait s’échapper de tout ce que la modernité représente, ne manquerait pas de le faire à partir de la modernité, pour des raisons qui seraient apparues à un homme moderne. Autrement dit, quelle que soit notre attitude face à la modernité, le premier mouvement doit être de l’assumer.
Mais cela implique de comprendre la modernité, de savoir où nous nous situons. Et c’est devenu quelque chose de très compliqué. En effet, l’exponentialité de la courbe de croissance de la population mondiale se retrouve dans l’essentiel des domaines humains. Notre espace commun s’est ainsi considérablement augmenté depuis les grandes découvertes d’une part (et l’exploration et la colonisation qui y ont succédé, en incluant donc l’exploration marine, l’exploration des pôles et, bien entendu, l’exploration spatiale, qui n’en est qu’à ses débuts), et la mondialisation et multipolarisation de la scène politique internationale. Mais cet espace commun, c’est aussi l’ensemble de nos connaissances actuelles et leur cadre global, qui de même s’est considérablement enrichi, de façon accélérée depuis la révolution scientifique. Et ce déploiement de la pensée s’est réalisé en débordant constamment nos cadres antérieurs de pensée, ainsi évidemment avec la révolution copernicienne, mais non moins avec la découverte de la physique quantique, que nous ne parvenons pas encore à comprendre1. – Et ce ne sont là que deux exemples.
En un mot, la modernité est complexe. Or, qu’est-ce que la complexité, sinon ce qui résiste à notre effort de compréhension ? Mais si nous vivons dans la modernité, que nous devons comme telle l’assumer, et agir responsablement comme modernes, nous avons besoin de comprendre la modernité. Dès lors, il faudrait que nous parvenions à faire évoluer notre faculté de compréhension elle-même pour la rendre complexe, afin de la rendre par là capable d’appréhender notre monde. Voilà la voie la plus simple et rapide pour comprendre l’exhortation de certains contemporains, en particulier Edgar Morin2, à nous convertir à la pensée complexe, présentée comme une nécessité, une idée de raison en quelque sorte, pour la modernité – et en particulier pour les philosophes, voués à être des esprits totaux. À cet égard, il s’agit là d’une demande majeure et qu’il nous faut considérer sérieusement.
Mais quelques problèmes se posent à l’analyse de cette notion. D’abord, elle peut apparaître triviale. En effet, si la modernité en elle-même implique la complexité, est-ce bien utile de promouvoir celle-ci ? Or si l’on considère son Introduction à la pensée complexe, E. Morin paraît davantage nous dire qu’il faut penser complexe, que comment. L’essentiel de son discours consiste à faire d’elle un principe premier, tout en déclinant la notion. Il s’agira donc de comprendre le contenu positif et non trivial de la pensée complexe.
Mais avant ça, on peut étendre l’accusation de trivialité, et remarquer que ce n’est pas simplement dans la modernité elle-même qu’est renfermée la complexité. Qu’est-ce en effet que com-prendre, sinon (étymologiquement) prendre avec ? Il s’agit ainsi d’une part de prendre avec soi (sujet) l’objet de notre connaissance, c’est-à-dire de l’attraper par nos facultés. Mais on peut aussi dire qu’il s’agit de prendre ensemble ce qui dans l’objet est ensemble. Si en effet je veux étudier, par exemple, une bactérie, je dois passer par un ensemble de médiations, tant techniques que gnoséologiques (un champ de culture, un microscope, la méthode d’utilisation de celui-ci, etc.). Tout cela est nécessaire : pour réaliser mon étude, et comprendre ce que je veux comprendre, je dois prendre ensemble tout ce qui est nécessaire à celle-ci. Or, si l’on analyse à nouveau la notion de complexité en s’appuyant sur l’étymologie, on trouve qu’elle caractérise ce qui est tressé (plecto) ensemble, fait de différents éléments imbriqués. Il faut reconnaître que cela rejoint notre intuition de ce qu’est la complexité. Par exemple, si un exercice de mathématique est complexe, c’est parce qu’il requerra beaucoup d’opérations, et que celles-ci seront de différentes natures, et il faudra les trouver, en cherchant ainsi de différents côtés. Or donc, si un complexe est un ensemble d’éléments imbriqués (liés) ensemble, et si comprendre c’est appréhender un ensemble d’éléments différents et les lier ensemble, alors on voit comment com-prendre, c’est toujours comprendre un com-plexe. Et dès lors, l’exhortation à la pensée complexe ne serait rien d’autre qu’une exhortation à la compréhension (de notre monde), ce qui paraît soudain bien moins pertinent et novateur.
Le monde est toujours un complexe, et s’il évolue, si, plus spécifiquement, notre monde humain évolue, s’enrichit, et par là devient plus complexe, chaque génération a de fait un effort supérieur à fournir pour comprendre son monde. Autrement dit, la modernité est simplement la condition humaine, et ce depuis le début de l’humanité. Il faudra donc montrer ce que notre modernité a, pour ainsi dire, de particulièrement moderne, et à travers là, de radicalement nouveau. À travers cette étude, nous pourrons démarquer les problèmes spécifiques de notre (compréhension du) monde moderne et d’en quoi le besoin de pensée complexe se fait sentir. Nous pourrons dès lors établir ce qu’est la pensée complexe, avec ses concepts-clefs. Enfin, il s’agira de mettre à jour si et en quoi la pensée complexe répond mieux à ces problèmes, et en quoi elle se distingue véritablement par rapport à notre modèle commun par défaut, que nous caractériserons comme « la pensée simple ».



1 « I think I can safely say that nobody understands quantum mechanics », Richard Feynman, Lecture at Cornell University, Nov. 1964 (mais on peut sans doute considérer que cette citation est encore d’actualité)
2 L’idée de « pensée complexe » est spécifiquement la sienne ; en revanche, on peut la retrouver implicitement dans de nombreuses réflexions et habitudes contemporaines, par exemple notre attirance pour le paradoxal et la transdisciplinarité (ces deux concepts sont étudiés plus bas).

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Message par Rêveur Dim 25 Oct 2020 - 1:19

Caractériser la modernité

La modernité est notre lieu de vie. Il ne serait a priori pas exagéré de dire que l’habitat est un marqueur particulier, à la fois de l’humanité et de la modernité. Par celui-ci, l’homme crée un monde, le sien, et ce faisant, se crée lui-même, comme créateur, propriétaire et habitant de ce monde. Ce monde est alors amené à s’étendre, de la grotte ou autres habitations rudimentaires où l’homme laisse ses premières traces, mais des traces encore très limitées, aux mégalopoles et autres Reich de mille ans, qui en imposent et manifestent très clairement que l’homme est ici, voire a été par ici (pour le meilleur et pour le pire, donc, ce qui est le propre de l’homme), en passant par les premières maisons, les villages, les villes, les agglomérations. Cela étant, on peut dès lors se demander ce que l’humanité et la modernité ont de si spécifique, si ce trait, de construire son lieu de vie, est partagé d’une part par les insectes sociaux1, d’autre part par les premiers hommes.
On peut donner deux réponses. La première, c’est qu’en disant que l’homme a transposé dans son milieu de vie des valeurs, connaissances et, plus généralement, représentations symboliques, et que l’homme moderne en a transposées davantage, on n’indique pas une différence de degré (ce que paraît suggérer le mot « davantage »), mais de nature. Car si, d’un habitat à l’autre, la fonction même en est changée (de simple abri à « domicile » – cadre de vie, lieu dont on sait qu’on peut le retrouver la nuit, propriété assurée par l’État, etc.), ce que cet habitat représente et est (en tant que représentation, mais qui a place en tant que telle dans la réalité ; ainsi, une maison est telle que les hommes n’y rentrent pas, si l’idée leur en prend, et en ce sens la construction d’une maison altère leurs comportements, ce qui tient de la réalité, bien que cet effet soit dû à la représentation qu’ont les hommes de ce qu’est une maison), il faut bien dire qu’ils n’ont pas la même nature. Si l’on peut parler d’habitat dans les deux cas, c’est que d’une part la nature de l’habitat pour les premiers hommes (lieu où premièrement dormir et qui protège des conditions climatiques) se retrouve dans celle de l’habitat moderne (tout en n’en étant qu’une partie), d’autre part cela permet de relier le passé au présent, et il y a de fait fondamentalement continuité d’un bout à l’autre du processus (il faut une progression graduelle : notre ancêtre qui construit une hutte ne peut imaginer un gratte-ciel).
La deuxième consiste à introduire la notion de globalité. Celle-ci est proposée en conclusion de l’épisode sur l’habitat de la série sur la modernité de la chaîne Passé sauvage sur YouTube : “c’est bien cette notion de globalité, de concevoir sa maison en pensant à ce qui se trouve autour, qui est une démarche que l’on peut qualifier de moderne.”2 Si l’on reprend notre exemple (extrême) de la hutte et du gratte-ciel, on admettra qu’on peut facilement concevoir une hutte isolée3, dans n’importe quel lieu (tant qu’il y a des matériaux pour en construire), mais qu’à l’inverse on ne trouvera jamais un gratte-ciel hors d’une ville ou plus largement d’infrastructures environnantes. Qui construit un gratte-ciel a besoin que celle-ci soit approvisionnée en ressources, que des institutions et des fonctionnaires en assurent la sécurité et le cadre légal (il faut éviter qu’on la cambriole), et ainsi de suite. Les tribus deviennent villages, les villages villes et les villes agglomérations et mégalopoles. L’exemple de la métropole de Singapour4 permettant d’imaginer la conquête sur la mer, on en vient, à terme, à imaginer une agglomération unique mondiale, qui irait continûment d’un bout à l’autre du globe, comme c’est déjà le cas d’Ibaraki à Fukuoka au Japon5. L’image nous en est présentée dans la fiction avec la ville-planète de Trantor6.
Il n’est pas hors de propos de passer par la fiction, car c’est là souligner un aspect important de la modernité, qui là encore enrichit la réflexion par variation. L’homme moderne, ainsi, vit dans des étendues imaginaires. Ce monde global et symbolique qui est le sien, est foncièrement imaginaire ou abstrait. Bien entendu, cet aspect était déjà abordé dans ce concept de symbolisme, mais il faut le compléter. Les bâtiments et autres parties de notre monde humain existent avec et à travers leurs représentations symboliques, c’est un premier point. Un deuxième point consiste dans la représentation du monde lui-même. Dans la célèbre fable des casseurs de pierres attribuée à Charles Péguy, ce dernier interroge trois tailleurs de pierre, en leur demandant ce qu’ils font. Le premier répond qu’il casse des pierres, le deuxième qu’il fait son travail, et le troisième qu’il bâtit une cathédrale. On assiste là à la progression de la représentation de l’homme dans son monde. On aurait envie de penser qu’avec la progression de la civilisation, on tende vers la dernière vision. De fait, celle-ci, et même celle du deuxième tailleur de pierres, n’a rien d’évidente. Les concepts invoqués auraient été incompréhensibles à notre lointain ancêtre vivant dans une hutte. L’homme s’imagine dans un monde, et celui-ci s’étend, de la tribu primordiale à l’univers, dans tous ses amas de galaxies. Or, ce monde qui est d’abord celui de notre représentation sensible, finit par ne plus exister que dans notre tête. Dans le village encore, on peut (re)connaître tout le monde. Cela devient impossible dans une ville. Et tandis que dans celle-ci, on dispose au moins de la place publique, de la mairie, de l’école, ou d’autres lieux où l’on peut plus ou moins raisonnablement supposer avoir été comme tous les autres, quand bien même ce ne serait pas au même moment, cela devient impossible, à nouveau, dans la grande mégalopole, qui multiplie les universités et même les mairies (la ville même de Paris en a 20, et c’est sans compter celles du reste de la métropole). La représentation commune, le contenu de ce qui fait de nous une même communauté, devient de plus en plus abstrait. On finit par ne plus même entrer dans la cathédrale mais simplement en connaître l’existence, en guise d’unique lien avec le tailleur de pierre. Benedict Anderson en vient à parler de communautés imaginaires dans son livre éponyme7 pour parler des nations. Ce qui leur a donné une réalité historiquement, selon lui, est essentiellement8 le développement capitaliste de la presse. Ce fut une manière pour les Français de découvrir (prendre conscience de ce) qu’ils avaient des millions de compatriotes, qui se levaient comme eux pour lire le journal avec le café le matin, avant de partir travailler9.
Ce déploiement des nationalités sur Terre, à peu près depuis le XVIIIe siècle (mais c’est aussi un mouvement continu qui remonte à plus loin, et qui s’est manifesté chaque fois qu’un pays s’est constitué en existant dans l’esprit d’au moins une personne – le monarque), peut être vu comme un mouvement d’ouverture et de fermeture, tout autant que la lumière comme onde ou particule. La mondialisation comme phénomène global inclut le phénomène qui lui est conjoint et par là consubstantiel de repli national (et on pourrait y inclure les mouvements régionalistes). Elle a ouvert les pays et autres sphères humaines, les uns à côté des autres, et par là leur a donné la possibilité malgré elle de se fermer (ce qui, hors d’un cadre mondialisé, n’a finalement pas de sens). En ce sens, la modernité tend à produire son contraire. On pourrait donner d’autres exemples qui le montrent. Les Lumières ont produit le Romantisme (et les anti-Lumières), le capitalisme a produit le communisme, et lui-même l’anticommunisme, et ainsi de suite. Ce point doit être gardé à l’esprit.
En considérant ces sphères humaines, en particulier les États, comme des systèmes, l’ouverture et la fermeture prennent une importance capitale. La notion de système, et de système ouvert, fermé ou isolé, désigne en thermodynamique un corps confiné selon une séparation donnée dans un certain espace, qui soit a une interaction matérielle et énergétique avec son milieu (système ouvert), soit n’a que cette dernière interaction (système fermé), soit n’a aucune interaction (système isolé). Or, dans ce dernier cas, le second principe de la thermodynamique s’applique, en établissant que l’entropie de ce système doit augmenter irrémédiablement. L’entropie est le niveau d’uniformité de l’état de la matière (en particulier l’uniformité thermique). Ce concept de système est sorti du champ exclusif des sciences dures pour finalement intéresser les sciences humaines. Or, en considérant les sociétés humaines, les États, mais aussi entités supranationales, jusqu’à la communauté internationale, on pourrait considérer, analogiquement, qu’une certaine forme d’entropie doit se produire s’ils s’isolent : de fait, on peut interpréter ainsi la relative uniformisation culturelle ou architecturale du monde occidental. Là encore, la modernité, dans sa complexité (celle de la mondialisation, qui forme par définition un complexe), tend à produire de l’uniforme, en un certain sens du simple (le contraire du complexe). Les déchets, autre produit symptomatique de la modernité, peuvent être interprétés ainsi (l’entropie est une déperdition d’énergie utile, ou gaspillage d’énergie). L’occident a pris l’habitude d’expédier ses déchets ailleurs, mais à mesure que les pays qui les reçoivent sont plus intégrés à la communauté internationale, et que l’on considère plus sérieusement les océans comme notre environnement, que le sixième continent pollue, cette non-solution devient un vrai-problème. Autrement dit, notre monde est confronté à ses limites, et tend à devenir un système (relativement) isolé, soumis à l’entropie (sous des formes analogues à l’entropie thermodynamique). C’est dans une perspective proche que Z. Bauman a caractérisé la vie moderne comme liquide. Cette liquidité, c’est l’accélération de l’évolution du monde, le caractère glissant de la pente, dû à cette accélération, qui fait qu’on y perd vite l’équilibre, et que l’objet de consommation devient vite obsolescent (donc un déchet), horizon qui peut devenir jusqu’à celui de l’homme. Autrement dit, la modernité, dans son caractère accéléré et complexe même, produit du lent et du simple.10 On peut encore considérer le village des sables du roman d’Abé Kōbō comme une approche de cette même perspective entropique. Les villageois sont condamnés à une éternelle lutte contre un élément intermédiaire et par essence fluide, contre lequel ils n’ont d’autre choix que de kidnapper des passants (d’ouvrir le système), ce qui ne fait pourtant que retarder la victoire du sable.11
Voilà encore une autre caractéristique, cruciale, de la modernité, que ce gouffre entre l’individu et le phénomène global. Au début du 1er tome de Fondation, le personnage (alors) principal, Gaal, provincial arrivé sur Trantor, explore celle-ci, et cherche à obtenir une vue d’ensemble, mais finalement n’y parvient pas vraiment. L’horizontal n’est que métal, et en-dessous des couches visibles il y en a d’autres, et ainsi à plusieurs niveaux. Personne ne peut appréhender vraiment une mégalopole, dans tous ses niveaux d’interaction (réelle, symbolique, économique...), dans tous ses détails. Si l’on monte au sommet de la Tour Eiffel, on aura un aperçu global de Paris, mais où les détails se dissoudront d’une telle façon que c’est à peine si on pourra dire qu’on a « vu Paris ». Dès lors, cette production de l’esprit humain, ce monde qu’il a créé et qui lui échappe, qu’il ne peut plus appréhender, devient, dans les mots de Günther Anders, la mégamachine. Celui-ci, dans Nous, fils d’Eichmann, avait fait du décalage, à savoir ce fait que « notre monde, pourtant inventé et édifié par nous, est devenu si énorme, de par le triomphe de la technique, qu’il a cessé, en un sens psychologiquement vérifiable, d’être encore réellement nôtre. Qu’il est devenu trop pour nous. »12, et du « caractère machinique [...] de notre monde actuel »13, les deux « racines du monstrueux », ce monstrueux étant la Shoah, mais aussi en particulier la bombe atomique. Ces deux racines se rejoignent. Ce décalage, c’est celui entre les « infimes segments » et le « processus d’ensemble »14, tel qu’il a été mis en place par le principe de division du travail15, lui-même produit ou requis en fin de compte du principe de la machine, qui est celui de « performance maximale »16, qui, par essence, est sans limite, infini. Il se pousse donc naturellement au bout de lui-même, ce qui implique la mobilisation de chaque élément dans le processus global, en tant que « co-machinique » au tout, qui est machine. Le monde étant entraîné dans ce processus, qui s’auto-engendre (ainsi par la concurrence entre les parties), « devient machine »17, ce qui est la thèse fondamentale de G. Anders, et qui recoupe l’analyse que nous avons développée.18
Ne reste plus qu’à mentionner un élément, avant de voir comment la pensée complexe prétend aborder la situation (en fait, cela découlera assez naturellement de ce qui a été dit). Il s’agit de revenir sur les conditions qui ont rendu possible ou mené à cette machinisation du monde. Günther Anders en indique une de façon expresse : la division du travail. C’est bien elle, en effet, qui introduit ou en tout cas pousse à son paroxysme la rupture entre le travail (individuel), le processus global et le résultat du travail. Aux deux extrémités du maillage, on retrouve l’individu (salarié et consommateur), mais au milieu, nous avons affaire à un faisceau de médiations, qui n’est appréhendable que par le chef d’orchestre qui le met en place (ainsi Richard et Maurice McDonald), et in fine uniquement comme équations mathématiques, estimations ou généralités (Jeff Bezos ne peut avoir qu’une idée très abstraite du travail réel de l’ensemble de ses employés à travers le monde). Cette division du travail a été particulièrement théorisée et mise en pratique comme méthode par Ford ; cependant, on peut remonter l’idée à Adam Smith ou même, sans doute plutôt, à la division des disciplines et champs de connaissance – on pourrait dire, au passage de la philosophie aux sciences.19 Cette division était encore abstraite et peu développée jusqu’au Moyen-Âge : durant l’Antiquité, on distinguait entre le prêtre, le guerrier et le paysan ou artisan (souvent liés ensemble), et on retrouve encore cette division dans les États généraux. Mais vers la Renaissance, on a commencé à séparer de plus en plus les disciplines, et à considérer qu’il ne fallait pas être trop dispersé, mais qu’il fallait se concentrer sur son propre champ de compétence. Cette séparation des disciplines, cette distinction précise de chacune d’entre elles, a d’ailleurs contribué au formidable essor scientifique et technique de l’époque moderne. L’envers de ce processus est ce décalage que décrit Anders. Qui fait, pour revenir sur nos images précédentes, que nous ne nous distinguons plus si évidemment, à certains égards, de la fourmi, de l’abeille qui n’a pas vu la ruche dans sa tête avant de la construire, ou du tailleur de pierres qui se contente de tailler des pierres.



1 Nous y reviendrons.
2 Home sweet home – La Modernité #2, 18:13-18:42. Dans cette série, la complexité de la notion de modernité, la difficulté à la définir, est une idée centrale.
3 Dans ce même épisode est souligné que les huttes d’il y a ans étaient déjà pensées dans une logique globale. Mais l’échelle est différente, et il y a une différence de nature entre une tribu primitive et une mégalopole. Par ailleurs, la tribu ne s’étend pas très loin. Enfin, un point qui les distingue est souligné plus bas.
4 Sujet du film de Yeo Siew Hua, Les Etendues imaginaires (A land imagined), qui prend place dans un terre-plein singapourien, qui gagne constamment sur la mer, par le ciment, et où travaille une diaspora d’immigrés asiatiques (on trouve des situations similaires au Moyen-Orient). Bien entendu, ce n’est qu’un exemple.
5 Ce qu’on appelle la mégalopole japonaise ou Corridor du Tōkaidō.
6 Planète capitale de l’empire galactique dans le Cycle de Fondation, d’I. Asimov. Au 1er tome, éd. folio SF, trad. J. Rosenthal et P. Gindre, p. 24, elle est ainsi décrite : « Le développement régulier et ininterrompu de la planète avait fini par aboutir au stade ultime de l’urbanisation : une seule et unique cité recouvrant les quelque deux cents millions de kilomètres carrés de la surface de Trantor. »
7 Imagined communities ; le livre est traduit en français sous le titre L’imaginaire national.
8 C’est une cause qui se signale particulièrement dans le faisceau des facteurs impliqués, même si bien entendu elle demeure insuffisante pour une explication complète.
9 Il va de soi que c’est dépassé aujourd’hui (l’offre médiatique est plurielle, la consommation en s’ancrant s’est déritualisée, etc.) ; mais c’est ainsi historiquement que les nationalités se seraient construites. Il leur fallait, quoi qu’il en soit, une activité simultanée commune, accompagnée de représentations communes et d’une conscience commune.
Aujourd’hui, le développement d’internet a donné de la réalité à la communauté mondiale.
10 « Quand tout le monde tient le beau pour beau, alors apparaît le laid. » Dao De Jing, II (天下皆知美之為美,斯惡已)
11 Une dernière référence permet de mettre en relation désordre (la compréhension usuelle du concept d’entropie) et déchet. C’est le concept de kipple, qu’on trouve dans Do Androids Dream of Electric Sheep?, Orion books, p. 52-53. À cette lecture, la proximité avec l’entropie est évidente. Or, l’idée que le kipple, c’est ce qu’on trouve dans un appartement abandonné et même usuellement chez soi quand on n’est plus actif (bref quand on ne range pas) assure le lien avec le désordre.
12 G. Anders, Nous, fils d’Eichmann, éd. Rivages poche, trad. S. Cornille et P. Ivernel, p. 51
13 Ibid., p. 89
14 Ibid., p. 90
15 La référence évidente est celle des Temps Modernes de Chaplin.
16 Op. cit. p. 91
17 Ibidem, p. 96
18 Sur la machinisation et robotisation, voir Humans need not apply, CGP Grey, YouTube. En français, on trouve la vidéo Pourquoi votre travail va disparaître ? 3/5, qui cite d’ailleurs, voire traduit simplement dans de nombreux passages, CGP Grey (qui à cet égard notamment est meilleure). Passer le passage inutile 1:08-1:32.
19 Bien entendu, on peut aussi remonter jusqu’à la révolution du néolithique, ce qui montre encore que la modernité est toujours à la fois une radicale nouveauté et une redite.

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Message par jean tardieu Dim 25 Oct 2020 - 1:51

Ca me fait beaucoup penser à la médiologie de Régis Debray.

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Message par Rêveur Dim 25 Oct 2020 - 1:59

La pensée complexe

     À partir de tout ce qui a été dit, on peut dégager trois grandes raisons pour lesquelles se convertir à la pensée complexe. La 1ère est la plus évidente. Nous avons vu de nombreuses notions et sphères qui caractérisent la modernité, et qui la caractérisent comme complexe : son empilement de médiations (qui se superposent les unes aux autres au sein même de notre réalité la plus quotidienne), le caractère exponentiel et accéléré de ses évolutions, le décalage que cette superposition de médiations (dans le cadre de la division du travail et de l’essor technologique), dans un cadre accéléré et performatif, génère sur l’individu (tant le travailleur que le consommateur), le caractère abstrait et monstrueux (en tout cas imposant) du monde humain et de ses œuvres, et enfin la machinisation qui en est la synthèse. Sans oublier que la modernité a tendance à produire son contraire, à de multiples niveaux. Toutes indiquent que la modernité est complexe, que le monde moderne et les sphères humaines modernes sont complexes et difficiles à appréhender, et donc nous avons besoin d’élever notre compréhension, de la rendre elle-même complexe.
La 2e est en quelque sorte un corollaire : c’est qu’au fond, la modernité constitue une opportunité pour penser complexe, et par là penser plus justement, plus largement, de façon plus riche. Il est important de souligner les problèmes causés par la modernité, ses failles et contradictions, et ainsi de suite, mais il ne faut pas oublier dans le même temps ce que la modernité nous offre, ses promesses et ses réalités. Ainsi en particulier, nous avons, d’une manière qui est sans précédent dans l’histoire, une possibilité très augmentée et facilitée de nous ouvrir, de multiples façons : de découvrir d’autres cultures, d’autres modes de pensée, de vie, et ce faisant de mieux nous découvrir nous-mêmes1. Et quand on insiste sur les médiations qui s’interposent entre l’individu et son monde, il faut avoir à l’esprit que les valeurs, morales, humanistes, culturelles, etc., font partie des médiations les plus importantes et effectives. Or, quoi qu’on pense de la modernité, si l’on fait un retour sur l’histoire humaine, depuis nos ancêtres primitifs jusqu’à nous, en passant par les civilisations égyptienne (grande, fastueuse, mais aussi esclavagiste, et ne pouvant encore tracer que des ébauches en guise de moralité et autres valeurs), chinoise (antique), romaine, arabe (médiévale), etc., il faut bien reconnaître qu’on trouve une graduelle évolution anthropologique, non sans accidents, vers plus de moralité, plus de liens sociaux, etc., et ainsi vers une vie qui a plus de valeur. Cet approfondissement graduel, par ailleurs, de la moralité, de la complexité socio-culturelle et de la technologique humaines, tout en donnant plus de valeur au monde en général, augmente par ailleurs sans cesse la possibilité du meilleur et du pire, et d’un meilleur et d’un pire à des niveaux sans cesse plus évolués. Cela fait ainsi plusieurs décennies, depuis Hiroshima, que l’espèce humaine est capable de s’auto-détruire. Plutôt qu’en conclure à la malédiction moderne, il s’agit plutôt de veiller à nous donner les moyens d’éviter le pire et à profiter de (et optimiser) ce que la modernité nous offre – on peut certes y voir une lapalissade ou en tout cas une déclaration gratuite et de bonne foi, mais d’une part ça n’en est pas moins une vérité, d’autre part on trouvera du moins dans ce travail, dans les ressources qu’il suggère – et ailleurs – des éléments pour mettre ce point en pratique.
Or donc, la raison la plus importante en faveur de la pensée complexe tient à ce même principe (à nouveau évoqué plus haut) que la modernité produit son contraire, et plus spécifiquement que la modernité complexe produit (et par ailleurs présuppose) le simple, au sens de simplifiant, et les échoués de la modernité (qui glissent sur son cadre liquide, ou sont avalés par les sables). La pensée complexe, c’est alors l’exigence humaine, morale et intellectuelle de comprendre notre modernité, ce qui implique de le faire sur un mode complexe, pour rattraper la réalité. Par là, elle prétend éviter que la modernité, que notre monde nous échappe, et que des individus lui échappent.
À partir de là, nous pouvons caractériser la pensée complexe par cinq concepts-clefs : globalité, transdisciplinarité, ouverture, altérité, paradoxe.2
Le plus évident est l’exigence de penser global3, puisqu’il faut rattraper la réalité, éviter à tout prix d’être des fourmis, ou des tailleurs de pierres qui ignorent qu’ils bâtissent des cathédrales. Nous sommes donc invités à nous informer, à récolter la connaissance qui est plantée partout sur le vaste champ commun quasiment libre d’accès qu’est internet (on peut ajouter les autres médias), bref à trouver dans la modernité (internet) à la fois l’antidote aux problèmes qu’elle pose (en particulier donc le décalage entre l’individu et le global), et par ailleurs, une fin en soi (se cultiver, découvrir toute la production artistique et scientifique de l’humanité, etc.).
Puisque notre monde est fait de cercles de cercles4, nous devons nous pencher sur ces différents cercles. Se contenter d’un seul cercle est alors à rejeter. C’est manquer le tout, soit en en retranchant des parties, soit en réduisant celles-ci à une autre – en faisant dès lors perdre ce qu’elle disait de radicalement et irréductiblement singulier. C’est un thème majeur chez E. Morin, évoqué notamment au début du Paradigme de complexité5, à la fin du Dessin et dessein complexes6 et dans L’humain et la trinité bio-socio-anthropologique7. La question se ramène à celle déjà évoquée de la division du travail, tant intellectuel que physique – en fin de compte la division du monde humain (caractéristique de la modernité). C’est ce principe qu’on peut qualifier de [i]transdisciplinarité. Il faut que les disciplines et autres sphères humaines communiquent entre elles (il ne faut ni la séparation ni la réduction), il faut créer des ouvertures. Il faut dépasser la disciplinarité par la transdisciplinarité : « Si, effectivement, l’esprit humain ne peut appréhender l’ensemble énorme du savoir disciplinaire, alors il faut changer, soit l’esprit humain, soit le savoir disciplinarisé. »8
Comme dans ce travail, la notion d’ouverture chez E. Morin est liée à celle de système (d’abord comme concept de la thermodynamique). Il en parle en particulier dans Le dessin et le dessein complexes9. E. Morin accorde à la théorie systémique le triple crédit d’avoir conçu une notion complexe, un tout « qui ne se réduit pas à la « somme » de ses parties constitutives »10, d’avoir conçu cette notion sous forme ambigüe11, et enfin « de se situer à un niveau transdisciplinaire »12 (en effet, depuis la thermodynamique elle s’est étendue jusqu’à avoir des applications en biologie, théorie de l’information, sociologie ou philosophie). Or donc un système est un tout qui est autre que la somme de ses parties, et s’il est ouvert, il est en relation avec son environnement, tout en restant en équilibre à travers ces relations (sinon il cesserait d’être un système). Le modèle-type est le vivant. L’organisme vivant se coupe de la réalité (chez l’arbre, au niveau de l’écorce, chez l’animal, de la peau), mais maintient des ouvertures par lesquelles il interagit avec son milieu. Sans fermeture ou sans ouverture, il ne peut se maintenir en vie. La vie même implique ouverture et fermeture. Ainsi, la notion de système ouvert, à la fois sert à conceptualiser l’ouverture transdisciplinaire, et en donne un exemple.
Cette ouverture, c’est l’ouverture à son autre, à l’altérité. On peut poser là une autre caractéristique de la pensée complexe. Nous avons vu que la modernité générait naturellement ses contraires. Elle le fait malgré elle (produisant des accidents, des déchets), mais la pensée complexe permet d’en prendre conscience, et de le poser en principe à la fois nécessaire et vertueux. On peut donner un exemple. Puisqu’il ne faut pas être des fourmis (qui construisent des fourmilières sophistiquées sans vraiment le savoir), il serait tentant d’être, à rebours, cigale. Or, de fait, si on fait retour sur l’histoire humaine, on pourrait considérer que, précisément, cette dichotomie entre la cigale et la fourmi est constitutive de l’humanité et de son évolution. Si l’on admet que le but que peut viser l’humanité est d’atteindre au loisir au sens noble du terme, c’est-à-dire au temps libre consacré à soi et à son enrichissement culturel, relationnel etc., il faut reconnaître que notre but est d’être cigale : mais puisque le travail est une des conditions fondamentales de la constitution de ce loisir, et de son contenu (sans avoir rien produit dans son loisir, ce dernier devient abstrait et vide), il faut admettre que la cigale a besoin de la fourmi pour être cigale. Or, on peut considérer que de même, la fourmi a besoin de la cigale pour être cigale. Car l’évolution de nos modes de production, de compréhension du monde, etc., est venue le plus souvent, pour la plus grande part de notre histoire, de la classe des nobles, de la gentry, de ceux qui tels les Grecs philosophes ou Descartes rentier ont du temps libre. L’anti-manichéisme est aussi un versant de l’appel à l’altérité. Pour finir, mettre en évidence cette complexité, et l’altérité, et bousculer nos modes de pensée simplifiant, relève du paradoxe. Celui-ci est une vertu fondamentale pour accéder à la pensée complexe.



1 On peut le comprendre selon un mode hégélien : après le moment de la négation (de l’altérité), vient le moment final du retour à soi-même.
2 Parce que cette présentation est l’aboutissement de ce travail (sa caractérisation de la modernité) et parce qu’on ne peut réduire la pensée complexe à l’approche d’E. Morin, cette liste ne vient pas de lui. Autrement, on aurait pu par exemple reprendre ses trois principes dans Introduction à la pensée complexe op. cit., Le paradigme de complexité, Trois principes, p. 98-101 : le principe dialogique (la représentation double d’une même réalité, comme pour la lumière – onde et particule) ; le principe de récursion organisationnelle (le principe de récursion est typiquement celui de boucle de rétroaction positive ; plus largement, il s’agit des situations où l’effet ou produit à son tour agit sur la cause ou condition) ; le principe hologrammatique (Morin cite Pascal : « Je ne peux pas concevoir le tout sans concevoir les parties et je ne peux pas concevoir les parties sans concevoir le tout. »). Une façon de défendre notre présentation serait de la signaler comme « plus simple » (n’invoquant pas de concepts particulièrement complexes ; évidemment c’est aussi une faille), et comme plus large.
3 C’est le titre d’un livre d’E. Morin, qui reprend globalement son propos d’Introduction à la pensée complexe.
4 Pour parler comme Hegel
5 3e partie de son Introduction à la pensée complexe. Voir en particulier la (sous-)partie Le paradigme de simplicité., p. 79-82, éd. du Seuil.
6 2e partie de l’Introduction... Voir la sous-partie Pour l’unité de la science – et les suivantes – à partir de la page 69. L’image des cercles dans des cercles y est employée.
7 1ère partie de Penser global.
8 Introduction…, p. 70
9 2e partie d’Introduction...
10 Ce qui rejoint son principe d’hologrammatisme. Celui-ci est exposé à plusieurs reprises, notamment dans Penser global, et expliqué au début de la 1ère partie, éd. Champs essais, p. 13.
11 C’est un point qui n’est pas clair, et même suspect. Nous y reviendrons plus bas.
12 Op. cit., p. 29

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Message par Rêveur Dim 25 Oct 2020 - 2:06

La pensée simple

Si l’on cherche un antonyme pour la pensée complexe, on pense à la pensée simple. Ce faisant, on rejoint E. Morin qui désigne par le mot « paradigme de simplicité » celui que le paradigme de complexité vise à dépasser1. Or, celui-ci aurait bien à répondre au projet de la pensée complexe. Elle peut le faire en suivant les cinq points que nous avons mis en avant, puis en soulevant un point plus général.
En raison de l’importance de Descartes dans la pensée contemporaine (particulièrement française) et dans la formation de la modernité (avec ses exigences méthodiques et sa constitution de la science moderne), et du fait que l’exigence méthodique qu’on qualifie de cartésienne, et les principes défendus par Descartes, s’accordent bien au paradigme de simplicité tel qu’il est présenté par E. Morin et plus largement tel qu’on l’imagine (et tel qu’on l’applique usuellement, consciemment ou pas), on pourra considérer le cartésianisme comme une incarnation de la pensée simple. Du reste, E. Morin le suggère : « On peut diagnostiquer, dans l’histoire occidentale, la domination d’un paradigme qu’a formulé Descartes. »2
D’abord, quant à la globalité (et la critique est plus générale), celle-ci peut ressembler, pour un cartésien, à la prétention de la philosophie (en particulier, mais aussi d’autres sciences ayant le même défaut) de s’attaquer d’emblée aux questions difficiles (critique récurrente chez Descartes, notamment dans les Règles pour la direction de l’esprit), qui font comme quelqu’un qui voudrait « parvenir, d’un seul bond, du pied jusqu’au faîte de quelque maison, en dédaignant l’escalier destiné à cet usage ». Or, dans sa prétention à la globalité, la pensée complexe ne commet-elle pas précisément cette erreur de considérer la maison entière en faisant abstraction des pièces ? À s’attaquer d’emblée à l’intégralité de la question, la pensée complexe risque de s’en tenir à des généralités, à être imprécise, et à se trouver incapable d’apprécier l’ensemble, dont la connaissance dépend de celle des parties (ce qui n’implique pas qu’elle s’y réduise).
De là découle une critique de la transdisciplinarité. À force de s’attaquer à la séparation entre les disciplines, notamment d’après leurs effets, on risque de manquer ce en quoi elles sont productives. En outre, la transdisciplinarité qui irait remettre en cause la disciplinarité scierait la branche sur laquelle elle est assise, puisque la communication entre les disciplines implique qu’il y ait des disciplines. Pour finir, il serait injuste d’accuser la pensée simple, le cartésianisme, d’avoir voulu réduire la connaissance humaine à un ensemble de disciplines séparées, puisque dès Descartes (au XVIIe siècle), il est dit, dans la toute première des Règles pour la direction de l’esprit : « on a donc cru qu’il en était de même pour les sciences [que pour les arts], et, en les distinguant l’une de l’autre à raison de la diversité de leurs objets, on a pensé qu’il fallait les étudier chacune à part, en laissant toutes les autres de côté. En quoi l’on s’est assurément trompé. »3. Si on considère l’ensemble de cette œuvre, on pourra dire qu’il faut d’abord rigoureusement séparer les différentes parties d’une question, en voyant leur connexion les unes aux autres, et progresser des unes aux autres, en faisant un effort pour embrasser l’ensemble de la question et rapprocher notre compréhension de celle-ci d’une intuition (la plus) simple (possible). Dans ces deux points se retrouve une certaine forme de transdisciplinarité (parce que les questions impliquent souvent des connaissances de disciplines différentes4, parce qu’un esprit intéressé à la connaissance scientifique doit viser à l’ensemble des connaissances, et parce qu’il faut le plus qu’on peut ramener la compréhension d’une question à une intuition simple5), mais elle implique la discipline, c’est-à-dire le rejet de toute compréhension vague et imprécise (il faut se discipliner), et la séparation et l’ordonnancement des différents tenants d’une question (y compris donc, pour l’esprit scientifique, des différentes disciplines scientifiques). Il faut noter, enfin, que la séparation des disciplines fut un des principaux versants de la méthode scientifique, et donc fut aux origines de ses réussites. Etant donné ce qu’elle nous a apporté, il s’agit, au risque de se répéter, de ne pas scier la branche sur laquelle nous sommes juchés (comme sur les épaules d’un géant).
On peut dire à peu près la même chose de l’ouverture et de l’altérité. La pensée simple rappellera que l’ouverture implique une fermeture, qu’il n’y a pas de porte s’il n’y a pas de mur. Si l’on considère l’universalisme de Zhao Tingyang6, nous pourrons le juger doublement, si ce n’est fautif, du moins suspect. D’une part parce qu’il paraît vouloir d’emblée s’attaquer à un problème qui est au fond l’un des problèmes majeurs pour la pensée (« Je travaille à une théorie philosophique dont le Tianxia est le cœur » « Je crois que le système Tianxia constitue aujourd’hui une référence, qui, moyennant des améliorations conséquentes, pourrait devenir la clef de voûte d’un système global pour le monde et pour une paix éternelle et universelle »7), ce qui est déjà une entreprise louable mais douteuse. D’autre part, en imposant l’universalité contre les particularités, en recherchant une certaine forme d’uniformité8 ou conformité à un même modèle, l’ouverture universelle peut rendre au fond toute ouverture vide, en ne laissant plus d’altérité à laquelle s’ouvrir. À cet égard, il nous faut apprendre la leçon de l’Éloge des frontières de Régis Debray9. Par ailleurs, en admettant que « le monde en tant que monde n’existe pas. […] Le monde dans lequel nous vivons à ce jour n’est qu’un monde au sens physique – la Terre »10, il faut remarquer que la remarque peut être faite contre le système Tianxia, dans son inclusivité totale : « cela signifie que le monde entier est en dedans et n’a pas d’en dehors, le monde n’est donc que tout inclusif et n’a pas d’extériorité »11. Or, ce qui permet à une réalité de s’identifier comme telle et comme une, c’est précisément qu’elle est elle-même et qu’elle est autre que son autre. R. Debray pense d’ailleurs qu’il faudrait peut-être que des extraterrestres arrivent pour que les humains se connaissent vraiment comme humains12. Autrement dit, dans sa recherche de globalité et d’ouverture, la pensée complexe prétend en théorie préserver l’altérité, mais semble en pratique prête à l’abandonner, et finalement l’ouverture avec elle (de la même façon que la transdisciplinarité avec la discipline).
Pour finir, il faut être suspect envers le recours au paradoxe. Car il semble souvent qu’on ait souvent affaire à un recours, et non pas à un dévoilement13. Prétendre penser complexe ou paradoxal est toujours tentant, de même qu’il est plus tentant de s’attaquer à des questions difficiles et obscures que s’attaquer à l’évidence14. En nous exhortant à penser complexe, on risque de nous pousser à prendre le pli du discours artificiellement obscur et pseudo-paradoxal. Le discours paradoxal en ce sens est celui dont la vertu annoncée, explicitement ou implicitement, est de nier l’opinion commune. Celui qui se tient peut se fantasmer « seul contre tous ». C’est ce que font souvent par exemple les défenseurs de la mémoire de l’eau et de l’homéopathie, ainsi le Pr. Montagnier qui déclarait : « Je crois qu’un jour prochain, [Jacques Benveniste] sera complètement réhabilité. Je pense que c’est une affaire [celle de la mémoire de l’eau] aussi importante que l’affaire Galilée. »15. Sans se positionner sur cette affaire, il faut du moins reconnaître que c’est une position dangereuse, mais également séduisante. Or, c’est le rôle de la discipline de la pensée que de nous mettre en garde contre de telles sirènes. Par ailleurs, il faut remarquer qu’on trouve un discours très proche chez E. Morin, quand il déclare « On peut être le saint Jean-Baptiste du paradigme de complexité (sic.) et annoncer sa venue sans en être le Messie. »16. Sous une expression de modestie (et d’autant plus en tant que tel), il faut reconnaître qu’on a là affaire à une manifestation d’orgueil : ce n’est clairement pas rien que d’être (saint !) Jean-Baptiste. De même : « Notre seule ambition sera de franchir le Rubicon »17 « Ne vous moquez pas trop des Icare de l’esprit. […] Ils aimeraient nous sortir de la préhistoire de l’esprit humain. »18 « On m’accablera jusqu’à la mort, je le sais (ma mort et leur mort) pour les innocentes vérités que je profère ici même (sic.). Mais il faut que je les dise » « Car rien n’est plus facile que d’expliquer une chose difficile à partir de prémisses simples admises à la fois par le locuteur et l’écouteur, rien de plus simple que de poursuivre un raisonnement subtil sur des voies comportant les mêmes aiguillages et les mêmes systèmes de signaux. Mais rien de plus difficile que de modifier le concept angulaire, l’idée massive et élémentaire qui soutient tout l’édifice intellectuel. »19 Or, d’une part il n’est pas certain que s’engager sur la voie difficile soit ce qu’il y ait de pertinent, d’autre part il est en fait très douteux que le plus difficile soit d’expliquer le complexe par le simple. Quand on chercher à expliquer un fait complexe, en ne s’autorisant que des principes simples et évidents, et une progression méthodique rigoureuse, c’est alors que celle-ci est lente et difficile, et néanmoins notre connaissance sera plus assurée que si nous avions postulé des principes ad hoc, par exemple. Il est facile de présenter un paradoxe et de montrer en quoi ses deux versants se tiennent, mais autrement plus difficile d’expliquer d’où vient le nœud et soit lequel des deux est vraiment juste, soit en quoi, précisément, la question est mal posée. D’un côté c’est ce qu’E. Morin fait quand il dit : « On ne peut pas dire : ou bien croissance ou bien décroissance. Mais : croissance et décroissance, ce qui veut dire : concevoir ce qui doit croître et ce qui doit décroître. Ce qui doit croître, c’est une économie écologisée [etc.] »20. De l’autre, on peut d’un autre côté lui reprocher de déménager un problème contemporain complexe, mais sur lequel il y a bien une disjonction, car il est absurde de prétendre qu’il faut une croissance et une décroissance du PIB (or quand on parle de croissance aujourd’hui, certes c’est souvent vaguement, mais in fine on parle bien du PIB), vers un terrain où il peut poser des affirmations certes justes mais relativement truistiques et qui nous sortent en partie de la question.
Dès lors, le tenant de la pensée simple inviterait comme Descartes à l’étude des mathématiques, qui inculque ces principes. Le mathématicien est celui qui s’attaque à des problèmes difficiles, complexes, et cherche à les résoudre : et sa résolution est d’autant plus juste et belle qu’elle est simple, c’est un principe fondamental en mathématique. Or, au fond, c’est bien cela que nous recherchons quand nous voulons rattraper le monde complexe et faire en sorte que l’homme s’y retrouve : c’est une façon de dire qu’il faut trouver du simple dans le complexe. Celui-ci est l’objectif, celui-là le point de départ et le chemin. On pourrait dès lors ainsi lister (de façon non exhaustive) les exigences de la pensée simple (qui se rejoignent les unes les autres) : c’est la discipline, l’humilité, la modération21 et le rasoir d’Occam (qui, en l’occurrence, fait partie de l’objectif : le bon mathématicien, de même d’ailleurs que le bon pédagogue, une fois atteint ce qu’il cherchait, le rend accessible – et vérifiable. On pourrait appeler ce dernier principe « simplicité », mais cela créerait une ambiguïté.).



1 Introduction à la pensée complexe, Le paradigme de complexité, p. 79
2 Ibid. p. 103
3 AT, X, 360
4 Voir la Règle VIII
5 Ce qui est une façon de rendre sa compréhension globale, mais en étant toujours (et même, davantage) précise.
6 Auteur de Tianxia, tout sous un même ciel
7 Du Ciel à la Terre, La Chine et l’Occident, éd. Les Arènes, p. 55
8 Il s’en défend certes, cf. ibid., p. 97 : « J’espère que cette idée de rationalité relationnelle atténuera votre inquiétude à propos de l’universalisme. L’universalisme relationnel n’exige que des relations universellement efficaces mais n’empiète pas sur la multipolarité des cultures. »
9 Par exemple Éloge des frontières, folio : « La matière n’a ni sac ni peau. Seule la cellule a une membrane. […] C’est en se dotant d’une couche isolante, dont le rôle n’est pas d’interdire, mais de réguler l’échange entre un dedans et un dehors, qu’un être vivant peut se former et croître. »
10 Tianxia, tout sous un même ciel, Les éditions du cerf, p. 225
11 Ibid., L’histoire du concept de Tianxia, L’inclusion totale, p. 86
12 Op. cit., p. 46 : « Face à l’alien d’une autre galaxie… »
13 Le paradoxe consiste à mettre en évidence un nœud, ou un pli de la pensée. Par exemple, le paradoxe de Saint-Pétersbourg montre les nœuds et difficultés que pose la notion d’espérance de gain. De même par exemple le paradoxe du marteau impossible à soulever pour l’omnipotence, et celui de Fermi pour l’existence d’une civilisation extraterrestre.
14 Voir notamment le début de la Règle III de Descartes, et AT, X, 376. On peut aussi croiser avec Un sage est sans idée, de François Jullien, où la sagesse (chinoise) est présentée notamment comme celle qui parle de l’évidence, de l’immanence.
15 https://www.youtube.com/watch?v=CioPltEbGCA ; voir aussi par exemple https://www.huffingtonpost.fr/entry/lhomeopathie-nest-pas-mon-seul-recours-mais-je-refuse-quon-supprime-mon-choix_fr_5d1c5cdfe4b082e55371ffd2
16 Introduction…, op. cit., p. 104
17 Ibid. p. 51
18 Ibid. p. 134
19 Ibid. p. 75-76.
20 Penser global, éd. Champ essais, p. 81
21 Voir notamment la Règle VIII et les 1ère et 3e maximes de la morale provisoire (Discours de la méthode, 3e partie)

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Message par Rêveur Dim 25 Oct 2020 - 2:12

Le simple et le complexe

                Le tenant de la pensée complexe, en retour, n’est pas sans réponse. Quant à la globalité, il faut signaler qu’E. Morin lui-même reconnaît qu’il faut autant rejeter le holisme que le réductionnisme1. Et au fond, c’est évident si on considère ce que demande l’exigence de complexité, à savoir plonger dans la complexité du sujet, et ne réduire celle-ci d’aucune manière. Certes, la pensée simple n’aura pas tort, en demandant qu’on rende le complexe simple, mais ce qu’il faut rejeter, c’est la simplification, au sens de simplification artificielle. C’est sans doute ce qui est visé (en tout ce qui peut légitimement l’être) quand E. Morin parle de la voie facile qui consiste à s’appuyer sur des prémisses simples et éléments admis par le locuteur : l’astronome de l’antiquité peut alors prétendre expliquer le ciel et les astres, à partir des quatre éléments, selon donc une explication simpliste et fausse. Descartes lui-même n’échapperait pas au reproche : ses théories physiques, censées être rigoureuses, cartésiennes, sont dépassées aujourd’hui, pour ne pas dire fausses2. Or celles-ci s’appuyaient de fait sur la méthode cartésienne, et son exigence de partir d’éléments simples. C’est ainsi que dans la Règle IX, en disant : « Ainsi par exemple, supposons que je veuille examiner s’il existe quelque puissance naturelle etc. »3, Descartes prétend qu’on peut expliquer le magnétisme par des principes déjà connus. On peut certes remarquer qu’en somme, Descartes a sans doute péché contre la simplicité ou l’humilité, en écrivant les Principes de la philosophie IV. CXCIX-CC : « Il n’y a aucun phénomène de la nature dont l’explication ait été omise dans ce traité. » « Ce traité ne contient aucun principe qui ne soit universellement admis », qu’en somme le Descartes âgé a (curieusement) manqué de la prudence du jeune Descartes des Règles. Mais il ne faut pas manquer que c’est pour des raisons qui relèvent elles-mêmes de la pensée simple.
Autrement dit, de même que, comme nous l’avons mis en évidence plus haut, la complexité peut être détournée contre elle-même (et retournée contre elle-même aussi en guise de remède), de même la simplicité. Et il en va de même pour la transdisciplinarité. Car certes on peut la justifier à partir de Descartes même, cependant, d’une part il est vrai que nous manquons aujourd’hui de transdisciplinarité et que l’on peut le ramener à la pensée simple, d’autre part on peut raisonnablement dire que Descartes est réductionniste. Or, l’image même qu’il en donne, de l’arbre des sciences qui a la métaphysique pour racines, montre que ce réductionnisme s’égare, puisque les racines d’un arbre croissent au cours de sa vie. Descartes (de la « maturité », plutôt que celui des Règles) a prétendu pouvoir clore la science de son vivant, et n’a pas vu que c’était impossible (ou à tout le moins irraisonnable) ou que c’était présomptueux, en un sens qui trahit la pensée simple. En outre, un faisceau d’éléments sérieux, notamment l’émergence et le théorème d’incomplétude de Gödel, tendent à nous montrer que c’est de fait impossible d’aller au bout de la science. – Peut-être la prétention (apparente) de Zhao Tingyang ou John Rawls d’apporter une réponse définitive quant à la politique (et de même quant à d’autres domaines etc.) est-elle en ce sens « présomptueuse ». Or, sur ce point, la complexité, dans sa reconnaissance de la complexité du monde, est un remède.
De même pour les autres points. La meilleure réponse à apporter est qu’ils présentent des risques de déviances de la pensée complexe, mais ne portent pas contre celle-ci en elle-même. Certes, ce n’est pas à dire que les points ne sont pas à considérer, puisque de même que le mérite de l’exigence de pensée complexe est particulièrement de mettre en évidence les failles, non pas de la pensée simple, mais de son application, de ce que l’esprit humain tend à comprendre de son exigence, de même pour les remarques faites. La pensée complexe nous montre que l’esprit doit dépasser ses stades antérieurs et, pour reprendre l’expression de Hegel, se faire soi-même dans son autre. C’est ainsi qu’elle dépasse4 la pensée simplifiante (au sens d’E. Morin : celle de l’artificiellement simple), ou même peut-être plus justement, que la pensée simple, par elle, dépasse la pensée simplifiante : de même la pensée complexe doit dépasser le stade du pseudo-paradoxal (et d’autres dérives, notamment ceux qui au fond relèvent eux-mêmes du simplifiant). Ce qui n’est pas éliminer la simplicité, comme le dit E. Morin : « La première [illusion] est de croire que la complexité conduit à l’élimination de la simplicité. La complexité apparaît certes là où la pensée simplifiante défaille, mais elle intègre en elle tout ce qui met de l’ordre, de la clarté, de la distinction, de la précision dans la connaissance. »5. Simplement, il s’agit d’aller au bout de cette idée, et ainsi de voir que ce qu’il dit juste après : « Alors que la pensée simplifiante désintègre la complexité du réel etc. » ne s’applique pas à la pensée simple (et donc pas même au paradigme cartésien – dans son idéalité), mais seulement à sa forme dérivée, dont certes on peut considérer que la pensée complexe les évite mieux, plus clairement et efficacement, que la pensée simple. Car si l’on ne pouvait pas parler du paradigme cartésien dans son idéalité, on ne le pourrait alors pas plus de la pensée complexe, et ce qu’il en dit (« intègre en elle tout etc. ») ne tiendrait plus.
Il faut bien garder à l’esprit que la pensée complexe ne manque pas d’être simplifiante, figée, si elle s’érige en précepte indépassable et dont découle toute pensée, et la méthode. Or, la pensée simple, quant à elle, paraîtrait plus légitime à le viser. Toute méthode doit, d’une certaine façon, être simple. La complexité paraît relever essentiellement de l’exigence, de la vertu. D’une certaine façon, le simple est spatial, le complexe est temporel6. Ou encore, au sens de François Jullien7, la rigueur de la simplicité relèverait de la philosophie, la vertu de complexité de la sagesse – et ne peut complètement se dire. Celle-ci en particulier nous avertit contre la prétention à la complétude. E. Morin nous prévient : « La seconde illusion est de confondre complexité et complétude. » (Op. cit.). Le théorème d’incomplétude de Gödel et le concept d’émergence nous permettent de nous garder de la tentation de complétude – ce qui n’empêche pas de chercher à s’en approcher, ce qui est une exigence de la pensée complexe. Le monde évolue continuellement, et chaque état du monde émerge en étant irréductible au précédent. Le penseur complexe le garde constamment à l’esprit, et prétend « seulement » évoluer avec le monde pour n’être pas mis de côté par lui, et pour rattraper ceux qui vont être laissés de côté. La complexité est son horizon, ce qu’il vise, le simple est sa voie, le sentier dans lequel il se tient. On retrouve un balancement qu’on peut repérer dans la notion de juste milieu8, chez Hobbes entre vivacité de l’imagination et orientation fixe (steady) en direction de quelque but donné (Leviathan, VIII, §2), chez Nietzsche (Par-delà bien et mal) chez qui la volonté forte correspond à une passion maîtresse d’un grand nombre de passions9, enfin chez Bergson entre la tension et l’élasticité (Le rire, puf, p. 14).
Notre compréhension du monde est simple quant à l’homme, complexe quant au monde ; comme le but est que l’homme se rende capable, et le soit, de comprendre le monde, notre compréhension du monde doit se rendre complexe quant à l’homme, et simple quant au monde, sans trahir le fond irréductible et nécessaire de simplicité de l’homme et complexité du monde.



1 Par exemple Introduction…, p. 72 : « le réductionnisme a toujours suscité par opposition un courant « holistique » etc. »
2 Pour la plupart, même s’il a par exemple correctement décrit la réfraction de la lumière.
3 AT, X, 402, trad. J. Brunschwig
4 Aufhebung
5 Introduction…, p. 11
6 Au sens de la durée ; il s’agit évidemment d’une référence à Bergson.
7 Un sage est sans idée ; en n’étant bien sûr que partiellement adéquat dans cette référence.
8 中庸 (confucianisme), Aristote, et F. Jullien op. cit. Le juste milieu est un équilibre à maintenir constamment, entre des extrêmes, qu’il faut constamment trouver (pour pouvoir se tenir au milieu, au centre).
9 Ainsi, le dernier homme est mou et ne se dirige pas, et l’Allemand est balourd (chez Hobbes, il serait dull)

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Message par Rêveur Dim 25 Oct 2020 - 2:13

Voilà.

jean tardieu a écrit:Ca me fait beaucoup penser à la médiologie de Régis Debray.

C'est-à-dire ? Je ne connais pas ce concept. Tu peux développer ?
- Tu noteras que Régis Debray est présent dans cette dissertation.

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Message par Vanleers Dim 25 Oct 2020 - 9:50

A Rêveur

Je n’ai pas lu votre texte.
J’y ai simplement recherché les occurrences de « modèle » et « informatique ».
Les systèmes complexes ne peuvent pas être étudiés comme les systèmes simples dont on comprend le fonctionnement lorsqu’on connaît la loi générale à laquelle ils obéissent et les conditions initiales.
Ceci n’est plus possible avec un système complexe dont on ne peut connaître les propriétés qu’en construisant un modèle, souvent informatique, et en faisant des simulations.
Un exemple typique (et amusant) de système complexe est le Jeu de la vie de  Conway.
Seul un modèle informatique permet de mettre en évidence les propriétés étonnantes de cet automate cellulaire (par exemple, que c’est une machine de Turing)

« Adieu la simplicité » écrit Henri Atlan dans un article intéressant en :

http://ipubli-inserm.inist.fr/bitstream/handle/10608/5005/MS_2002_6-7_764.html

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Message par jean tardieu Dim 25 Oct 2020 - 10:27

Rêveur a écrit:
C'est-à-dire ? Je ne connais pas ce concept. Tu peux développer ?

Ce que je pourrais t'en dire serait forcément incomplet, et éventuellement faux.
Aussi je préfère t'aiguiller sur Wikipédia. Ne me dis pas que tu n'aimes pas lire. Notre compréhension du monde doit-elle être complexe - devoir scolaire 4017359721

https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9diologie#:~:text=La%20m%C3%A9diologie%20est%20une%20th%C3%A9orie,ensemble%20de%20chercheurs%2C%20les%20m%C3%A9diologues.


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Message par jean tardieu Lun 26 Oct 2020 - 0:17

Rien n'a jamais été simple et ne le sera jamais qu'en apparence. La complexité s'étend à l'infini et le seul moyen de compréhension à notre portée consiste à tenter de rendre aussi simple que possible le complexe. On peut parier que le cerveau humain aura atteint ses limites en matière d'équilibre psychique avant que d'être au bout de la complexité, ne serait-ce que parce que cette dernière doit s'appréhender dans sa globalité simultanée pour être efficiente et que nous ne sommes conscients que d'une chose à la fois.
D'autre part, dans quelle mesure ne faut-il pas s'inquiéter d'une sur-sollicitation de nos capacités mentales par une complexité galopante, exponentielle, qui aurait pour effet de multiplier les dérangements mentaux, par exemple par suite de la prise de contrôle de nos activités par l'IA. Comment réagirions-nous à une suite exponentielle de mesures dont nous ne comprendrions plus les finalités ...?

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Message par Rêveur Lun 26 Oct 2020 - 16:37

jean tardieu a écrit:Ne me dis pas que tu n'aimes pas lire. Notre compréhension du monde doit-elle être complexe - devoir scolaire 4017359721
Non, en effet... Mais d'un autre côté, n'oublions pas que sur un forum de philo aussi, nous écrivons et lisons. - Et puis j'ai de toute façon de quoi lire en général, j'ai pas forcément besoin de toi, ne t'inquiète pas. - Si tu peux mettre en mots quels liens tu fais, quel rapport tu traces entre la médiologie et ce que j'ai écrit, voilà qui m'intéresse, et pas juste ce qu'est la médiologie selon Debray.
Bon, j'irai jeter un coup d'oeil quand j'aurai le temps.

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Message par kercoz Lun 26 Oct 2020 - 17:05

Si le sujet ne concerne que le titre du fil, c'est un sujet passionnant. Si l' on t'a imposé de passer par E. Morin, ça l'est moins et c'est dommage. Le terme "complexe" a pris un sens bien précis accolé à "système". Sens qui exclue l'aspect littéraire, ce que Morin a fait. Il est probable qu'il se soit nourrit de cybernétique, mais c'est bien dommage d'avoirs séjourné aux US ds les années 70, ou l' on trouvait des colloques sur la th. du Chaos et sur les systèmes non linéaire, pour n'en trouver mot dans ses écrits. Dans sa 2e ed de son intro à la pensée complexe, il utilise un tas de page d'intro, a tenter de justifier une antériorité sur le concept de la complexité. Comme j'étais tres déçu par ses écrits aux titres alléchants pour qui vient de découvrir le sujet en passant par Gleick, Ekeland, Prigogine, Poincaré et Laskar,  en tombant sur un truc littéraire ou l' on cherche en vain une consistance, ...je ne peux etre objectif..Castoriadis est bien plus consistant.
Je vais sans doute encore te décevoir, mais si tu veux approcher un peu du réel par la complexité, c'est du coté des recherches sur les systèmes non linéaires qu'il faut chercher....Il y a d'ailleurs matière à philo et c'est accessible à bac +0,5 en passant par Gleick.
De plus ce type est difficile à attaquer, ..Libertaire, communiste et tres engagé, résistant, pote à Mitterand....., aussi bardé de titres que Raout
Déja le ridicule ou il se mit en investissant un village breton durant un an avec une centaine de "spécialistes" ..Plodémet en 1967 pour disséquer les habitants lui a laissé une casserole.....mais comme je te dis, je ne suis pas tres objectif..en tout cas un boulot sur la complexité d' Edgard, c'est tres courageux.

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Message par Rêveur Lun 26 Oct 2020 - 17:19

kercoz a écrit:Si le sujet ne concerne que le titre du fil, c'est un sujet passionnant. Si l' on t'a imposé de passer par E. Morin, ça l'est moins et c'est dommage.

 On ne m'a rien imposé du tout.
 En fait, ces "devoirs scolaires" que je poste sont des dissertations à sujet libre lié au cours. En l'occurrence c'était pour un cours de philosophie pratique sur la modernité...sur la bioéthique, la vie liquide de Baumann, etc., c'était pas un cours très clair. Alors comme j'avais d'autres sujets compliqués, pour celui-ci, je me suis dit, je vais pas être complètement sérieux et précis sur absolument tout, je vais m'autoriser plus de "lyrisme", et je vais prendre un thème général, ouvert (comme le complexe). Mais le devoir a l'avantage d'ouvrir à pas mal de perspectives différentes, j'ai mis des ressources variées, qui peuvent attirer la curiosité (d'ailleurs il y a bien une centaine de notes de bas de page). En fonction de ce qu'on y cherche, je crois que la lecture peut en être intéressante pour certains (à son niveau, bien sûr, ce n'est que du Rêveur).
 Si toi tu préfères lire du scientifique (enfin je crois, mais il y a des moments où subitement les maths t'intéressent moins, donc je ne suis pas sûr d'avoir tellement cerné tes intérêts, pour ainsi dire), et que tu n'aimes pas le littéraire et les "logorrhées", alors c'est sûr que ce devoir n'est pas forcément fait pour toi. Mais de toute façon c'est toi qui vois.
 Est-ce que ce devoir porte sur la complexité de Morin, oui on peut le dire, mais pas exclusivement. Pour donner une idée, Morin doit constituer environ 20% des ressources du devoir. En fait je l'avais tourné spécialement sous cet angle d'abord (la pensée complexe, particulièrement chez Morin), et j'ai été un peu refroidi en lisant Morin (que je ne connaissais jusqu'alors que de loin) et en voyant le caractère vague et en même temps grandiloquent et pseudo-paradoxal de beaucoup de ses propos (j'ai fait une recension de ses passages "je suis Saint Jean-Baptiste" dans les deux livres sur lesquels je me suis appuyé). Au fond je suis plutôt d'accord sur les exigences de complexité qu'il dresse et sur les concepts qu'il met en avant, par exemple celui de boucle de rétroaction positive, mais je ne suis pas sûr que lui-même comprenne bien ce qu'il avance, et il a tendance, me semble-t-il, à en parler de façon un peu simpliste et magique. À davantage dire que la pensée complexe c'est génial plutôt qu'à l'expliciter concrètement, etc. Du reste ça a nourri mon devoir, notamment la partie La Pensée Simple.
 Du reste, il est possible que je n'aie critiqué là qu'un Morin de surface et que je connaisse mal sa pensée plus profonde. Je l'ai peu lu, au fond. Mais mes critiques n'en portent pas moins. Car ce qui m'intéresse, ce n'est pas tellement Morin, c'est la pensée complexe, et puis la pensée magique et pseudo-paradoxale, etc., et tout ce que j'aborde dans ce devoir. D'ailleurs je recite un peu Morin à la fin.

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Message par jean tardieu Lun 26 Oct 2020 - 18:22

J'ai pensé en te lisant à la médiologie, de loin, dans la mesure où cette dernière ambitionne de mettre en lien les innovations techniques et scientifiques et leur devenir sur les modes de culture. Par exemple je me souviens de l'un des premiers numéros des "carnets de médiologie" qui traitait de "la bicyclette et la femme" et que j'avais trouvé un peu neuneu. Mais par la suite j'ai mieux apprécié.
Mais c'est surtout le style de ton travail qui m'a fait penser à Régis Debray. C'est un type très discret, qui ne fait pas parler de lui mais qui sonde bien les idées. Je me souviens lui avoir apporté mon soutien lors d'une querelle que lui avait cherchée Bernard-Henry Lévy qui rameutait tous les intellectuels français afin de (sic) "l'excommunier" de la pensée. Ce qui m'avait outré. S'en était suivie une correspondance où il m'initia justement à la médiologie.
Pour ce qui est d'Edgard Morin, il me semble qu'il s'écoute un peu trop parler et je m'explique assez mal sa notoriété : il ne laissera pas de trace.

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Message par kercoz Lun 26 Oct 2020 - 18:48

Rêveur a écrit:cours de philosophie pratique sur la modernité......... la vie liquide de Baumann, etc., ..........
 Si toi tu préfères lire du scientifique ..... sur les concepts qu'il met en avant, par exemple celui de boucle de rétroaction positive, mais je ne suis pas sûr que lui-même comprenne bien ce qu'il avance, et il a tendance, me semble-t-il, à en parler de façon un peu simpliste et magique. À davantage dire que la pensée complexe c'est génial plutôt qu'à l'expliciter concrètement, etc.......... Car ce qui m'intéresse, ce n'est pas tellement Morin, c'est la pensée complexe, et puis la pensée magique et pseudo-paradoxale, etc.,

Je ne savais pas que le concept de "société liquide" était lié à Bauman( que je ne connaissais pas). C'est un concept bien imagé tres  bien vu qui rapporte la réalité de la modernité. Ce concept est aussi directement lié à la complexité des systèmes.
En gros, ramener l' individu à la brique sociétale (alors que la brique était le groupe social et non l' individu qui n'existe pas seul) autorise un gain de productivité énorme pour une société néo-libérale. Zyzek à bien montré celà dans son bouquin "réabiliter l' intolérance". Les structures sociales résiduelles sont une résistance à l'économie optimisée ( mobilité, interchangeabilité, etc).
L' éthologie montre que le groupe humain est formaté, (si l' on veut optimiser l' individu), pour fonctionner sur des groupes restreints et donc sur des groupes de groupes et non sur une hypertrophie de groupe avec une individualisation qui anonymise l' individu.
La boucle de rétroaction positive est une grande découverte de la cybernétique .....mais bien insuffisante comparée aux équations différentielles qui gèrent les systèmes non linéaires....En court, la  boucle de rétroaction est un feed back qui renvoit une part du résultat en variable d'entrée ....au risque du "larsen".......La th. du Chaos ou les équa non linéaire accepte les équa différentielle irrationneles  qui utilise AUSSI la rétroaction, mais sans attendre la fin de l'équation, des le début des itérations ( je ne sais pas si c'est clair !)

Il faut lire Gleick "Le Chaos", journaliste scientifique ds un grand journal US.  Il présente cette théorie de façon, ludique en présentant l' histoire de sa re-découverte.....Des étudiants qui vont faire tourner des équa diff sur les ordis de leurs copains, la nuit dans un immeuble de l' université ...et finissent avec le Nobel.
Les chercheurs qui cherchent en regardant des heures, allongés, les nuages ou les tourbillons d' un cours d'eau après une petite chute ....
Un peu de pub..regarde les commentaires...La poésie à portée de main:
https://www.babelio.com/livres/Gleick-La-Theorie-du-chaos--Vers-une-nouvelle-science/2430

Un des articles qui m'a le plus surpris et plu : le  gars passe devant une boutique ou une marionnette, gymnaste sur une barre fixe tourne sans arret....qqs tours ds un sens, 2 dans l' autre, 5 dans le premier ..etc ....Il note les séries et ne trouve aucune logique rationnelle ...sauf qu'il n' y a jamais plus de 5 tours de même sens . Il essaie de comprendre et ne parvient pas à imaginer le mécanisme aléatoire ..
Il rentre dans la boutique pour étudier le mécanisme. Il tombe sur un système de roue sur laquelle sont accrochés des récipients qui sont remplis qd ils passent en haut. Mais ces récipients sont percés et se vident en tournant. (Il faudrait un dessin).
C'est ce genre de délire qui ont alimenté les recherches sur le Chaos.

En court, tel que je l'ai compris:
Les scientifiques qui ont besoin de travailler sur un phénomène, notamment vivant ou cosmologique, modélisent ce phénomène en équations relatant ce qu'ils perçoivent. En règle général, ils aboutissent tres vite à des équa de type différentielles non intégrables et ingérables ...le matheux consulté va bricoler des équa approchants mais linéarisées agrémentées de quelques rétroactions correctives.....
Le truc génial des redécouvreur du "Chaos", c'est de ne pas refuser les équa diff ....et de les faire tourner sur les nouveaux ordis ...Ils ont débuté avec la HP antique un peu performante !.... En faisant tourner l'équa diff par itérations, et en modifiant les variables et/ou les constantes, ils se sont aperçu que les solutions aboutissaient dans des zones restreintes de l'espace des possibles ...: Les fameux "attracteurs"...C'est mieux que rien!
La cerise c'est que ces espaces avaient de la gueule (voir la couverture du livre de Gleick).

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