Les invraisemblances de La Princesse de Montpensier
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Les invraisemblances de La Princesse de Montpensier
Les invraisemblances de La Princesse de Montpensier
Les invraisemblances des récits de Madame de Lafayette sont notoires et débattues depuis la parution de La Princesse de Clèves. La Princesse de Montpensier présente également des invraisemblances, d'une telle importance qu'elles ne peuvent pas être tues ni ignorées. Vers la fin de l'histoire, la Princesse de Montpensier, aidée du Comte de Chabannes, reçoit tard le soir son amant, le Duc de Guise, dans sa chambre, alors que son mari, le Prince de Montpensier, est toujours dans la maison.
Pour dénouer dramatiquement et moralement l'histoire, en séparant les amants et en punissant l'amour illicite, Lafayette trouve des moyens pour alerter le mari. Malheureusement, ces moyens sont invraisemblables. Le mari entend l'amant et le comte traverser discrètement le pont du jardin qui donne sur la chambre de la princesse : « Cependant, quelque peu de bruit qu'ils eussent fait en passant sur le pont, le Prince de Montpensier, qui par malheur était éveillé dans ce moment, l'entendit ». Il est invraisemblable d'entendre des pas feutrés sur un parterre à l'extérieur en étant enfermé à l'intérieur.
Pour rendre plus vraisemblable la scène, Lafayette déclare que l'appartement du prince donne sur ce même parterre. D'un point de vue architectural, une telle configuration est impensable, car cela voudrait dire que les chambres sont voisines, ce qui serait contraire à l'intimité supposée par des chambres séparées. Mais si tel était le cas, la princesse ne recevrait pas son amant alors que son mari est dans la pièce à côté. Même si l'on imagine une pièce intermédiaire entre les deux appartements, la princesse recevrait-elle son amant en le faisant passer devant l'appartement de son mari ? L'idée du pont du jardin semblait suggérer une entrée discrète, sinon une rencontre illicite serait totalement improbable et trop risquée.
Lafayette rend la scène plus vraisemblable en suggérant que la princesse comptait sur le sommeil de son mari (la scène se passe à minuit), « qui par malheur était éveillé dans ce moment ». Mais il demeure invraisemblable que la princesse fasse passer son amant devant l'appartement de son mari, car, qu'il dorme ou non, le bruit des pas extérieurs (que l'auteur juge audible) pourrait très bien le réveiller et l'alerter.
La plus grande invraisemblance de ce dénouement est que la princesse veuille voir son amant en présence de son ami le comte : « il ne put se résoudre à être témoin de leur conversation, quoique la princesse lui témoignât le souhaiter ». Il est d'abord invraisemblable que la princesse, connaissant les sentiments du comte à son égard, veuille lui infliger le spectacle de sa rencontre avec son amant, invraisemblable ensuite qu'elle ne veuille pas d'intimité avec son amant, et que tout en ayant l'audace et l'impudence de recevoir son amant chez elle alors que son mari est dans la maison, soit trop pudique pour voir son amant seule ! Invraisemblable, enfin, que la princesse ne veuille que parler à son amant ! On reconnaît bien dans ce passage les attitudes contradictoires et invraisemblables des héroïnes de Lafayette, qui sont en même temps des diablesses possédées par l'amour interdit et des saintes nitouche.
La princesse, décidée contre toute vraisemblance à voir son amant en présence de son ami, comme si cela lui importait plus que le reste, insiste jusqu'à faire enrager le comte : « la Princesse de Montpensier, qui avait quelque honte de se trouver seule avec le Duc de Guise, pria plusieurs fois le comte d'entrer dans sa chambre. Il s'en excusa toujours et, comme elle l'en pressait davantage, possédé de rage et de fureur, il lui répondit si haut qu'il fut ouï du Prince de Montpensier ». Il s'agit bien du passage le plus invraisemblable de la littérature : une femme seule avec son amant, qui risque tout pour le voir, insiste « plusieurs fois » pour que son ami, un soupirant qu'elle a repoussé, assiste à leur entretien, et le « presse » jusqu'à l'excéder ! Pour se donner bonne conscience, la princesse aurait pu éventuellement demander une fois à son ami de rester avec elle, mais le premier refus la déculpabiliserait et la persuaderait de rester seule avec son amant. Lafayette dit que la princesse avait « quelque honte à se trouver seule avec le Duc de Guise ». Or « quelque honte » signifie une petite honte, une honte facilement surmontable. Si Lafayette avait écrit que la princesse avait « honte » ou « grande honte », cela aurait pu justifier son insistance à ne pas rester seule avec son amant, mais en la circonstance la scène est invraisemblable.
Ces deux moyens invraisemblables (le bruit des pas et la rage du comte provoquée par l'héroïne) conduisent au dénouement dramatique de l'histoire : les amants sont séparés (le Duc de Guise s'enfuit), l'infidélité de la princesse et l'abus de confiance du Comte de Chabannes, ami du Prince de Montpensier, sont révélés. Ce dénouement est dramatique et non tragique, parce que l'héroïne a péché volontairement, alors que le héros tragique faute involontairement.
Pour dénouer dramatiquement et moralement l'histoire, en séparant les amants et en punissant l'amour illicite, Lafayette trouve des moyens pour alerter le mari. Malheureusement, ces moyens sont invraisemblables. Le mari entend l'amant et le comte traverser discrètement le pont du jardin qui donne sur la chambre de la princesse : « Cependant, quelque peu de bruit qu'ils eussent fait en passant sur le pont, le Prince de Montpensier, qui par malheur était éveillé dans ce moment, l'entendit ». Il est invraisemblable d'entendre des pas feutrés sur un parterre à l'extérieur en étant enfermé à l'intérieur.
Pour rendre plus vraisemblable la scène, Lafayette déclare que l'appartement du prince donne sur ce même parterre. D'un point de vue architectural, une telle configuration est impensable, car cela voudrait dire que les chambres sont voisines, ce qui serait contraire à l'intimité supposée par des chambres séparées. Mais si tel était le cas, la princesse ne recevrait pas son amant alors que son mari est dans la pièce à côté. Même si l'on imagine une pièce intermédiaire entre les deux appartements, la princesse recevrait-elle son amant en le faisant passer devant l'appartement de son mari ? L'idée du pont du jardin semblait suggérer une entrée discrète, sinon une rencontre illicite serait totalement improbable et trop risquée.
Lafayette rend la scène plus vraisemblable en suggérant que la princesse comptait sur le sommeil de son mari (la scène se passe à minuit), « qui par malheur était éveillé dans ce moment ». Mais il demeure invraisemblable que la princesse fasse passer son amant devant l'appartement de son mari, car, qu'il dorme ou non, le bruit des pas extérieurs (que l'auteur juge audible) pourrait très bien le réveiller et l'alerter.
La plus grande invraisemblance de ce dénouement est que la princesse veuille voir son amant en présence de son ami le comte : « il ne put se résoudre à être témoin de leur conversation, quoique la princesse lui témoignât le souhaiter ». Il est d'abord invraisemblable que la princesse, connaissant les sentiments du comte à son égard, veuille lui infliger le spectacle de sa rencontre avec son amant, invraisemblable ensuite qu'elle ne veuille pas d'intimité avec son amant, et que tout en ayant l'audace et l'impudence de recevoir son amant chez elle alors que son mari est dans la maison, soit trop pudique pour voir son amant seule ! Invraisemblable, enfin, que la princesse ne veuille que parler à son amant ! On reconnaît bien dans ce passage les attitudes contradictoires et invraisemblables des héroïnes de Lafayette, qui sont en même temps des diablesses possédées par l'amour interdit et des saintes nitouche.
La princesse, décidée contre toute vraisemblance à voir son amant en présence de son ami, comme si cela lui importait plus que le reste, insiste jusqu'à faire enrager le comte : « la Princesse de Montpensier, qui avait quelque honte de se trouver seule avec le Duc de Guise, pria plusieurs fois le comte d'entrer dans sa chambre. Il s'en excusa toujours et, comme elle l'en pressait davantage, possédé de rage et de fureur, il lui répondit si haut qu'il fut ouï du Prince de Montpensier ». Il s'agit bien du passage le plus invraisemblable de la littérature : une femme seule avec son amant, qui risque tout pour le voir, insiste « plusieurs fois » pour que son ami, un soupirant qu'elle a repoussé, assiste à leur entretien, et le « presse » jusqu'à l'excéder ! Pour se donner bonne conscience, la princesse aurait pu éventuellement demander une fois à son ami de rester avec elle, mais le premier refus la déculpabiliserait et la persuaderait de rester seule avec son amant. Lafayette dit que la princesse avait « quelque honte à se trouver seule avec le Duc de Guise ». Or « quelque honte » signifie une petite honte, une honte facilement surmontable. Si Lafayette avait écrit que la princesse avait « honte » ou « grande honte », cela aurait pu justifier son insistance à ne pas rester seule avec son amant, mais en la circonstance la scène est invraisemblable.
Ces deux moyens invraisemblables (le bruit des pas et la rage du comte provoquée par l'héroïne) conduisent au dénouement dramatique de l'histoire : les amants sont séparés (le Duc de Guise s'enfuit), l'infidélité de la princesse et l'abus de confiance du Comte de Chabannes, ami du Prince de Montpensier, sont révélés. Ce dénouement est dramatique et non tragique, parce que l'héroïne a péché volontairement, alors que le héros tragique faute involontairement.
Kokof- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 07/03/2019
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