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Idéologie & Utopie(2)

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Message par Invité Dim 21 Oct 2007 - 20:34

Seconde partie


Habermas

Habermas resitue l'ego transcendantal comme ce qui porte la synthèse de l'objet au moyen de la productivité d'un travailleur matérialisée dans son travail. La synthèse n'est plus celle d'une conscience (Kant), mais celle d'une activité : le travail (Marx). L'idéologie n'interviendrait qu'au niveau des rapports de production, comme une distorsion qui affecte la praxis. Notons que pour Habermas, la praxis englobe ce qu'il appelle l'action instrumentale et le complexe de l'action médiatisée par des symboles.

Sa théorie de l'idéologie est une critique, guidée par deux idées directrices :

1- L'intérêt, concept anthropologique, est en même temps un concept transcendantal au sens kantien du terme. C'est donc la condition de possibilité d'un certain type d'expérience. A chaque science correspond un intérêt. Par exemple, l'intérêt pour la domination est typique des sciences empiriques.

2- Il existe trois intérêts qui conditionnent trois types de science :
    a- l'intérêt instrumental ou techno-instrumental (sciences empiriques)
    b- l'intérêt historico-herméneutique (sciences morales)
    c- l'intérêt critique (sciences sociales critiques).
Chaque intérêt est transcendantal au sens où il implique une forme spécifique de validité
    1- Vérification/infirmation.
    2- Narration.
    3- Distinction critique entre situations humaines réelles et situations réifiées.

Pour étayer la thèse selon laquelle les distorsions idéologiques gangrènent le processus de communication, Habermas transpose le modèle psychanalytique freudien dans la critique de l'idéologie. L'idée est de construire, sur le plan de la critique de l'idéologie, l'équivalent de la relation analytique (patient / thérapeute) en psychanalyse. Habermas voit en ce transfert de concepts un traitement possible des processus de réification, de distorsion et d'ex-communication.
L'exemple-type est que la lutte des classes n'engendre pas seulement des conflits de forces mais aussi des ruptures au sein même du processus de communication entre êtres humains. Le processus par lequel les différentes classes deviennent étrangères les unes aux autres à cause de leur langage est précisément ce qu'Habermas nomme ex-communication. Cette pathologie de la communication ne touche pas seulement les outils linguistiques, elle s'étend aux systèmes symboliques au travers desquels chaque agent de classe regarde et appréhende les autres.

Le problème réside en ce que le résultat positif de la relation analytique (l'auto-compréhension de soi ou reconnaissance) reste un idéal régulateur pour la critique de l'idéologie, qui ne dispose pas d'équivalent de la relation analytique.
C'est là que Ricœur intervient en posant l'hypothèse selon laquelle l'utopie pourrait jouer ce rôle.


Geertz

Pour Geertz, le concept de culture est de nature sémiotique : l'analyse du phénomène culturel consiste en une interprétation à la recherche de sens. L'étude de la culture se porte vers les motifs de nos actions en tant qu'ils s'expriment dans des signes. Il en ressort que l'action est de nature symbolique, et s'analyse à partir de symboles fondamentaux. La thèse centrale de Geertz est que la culture consiste en un programme d'organisation des processus sociaux et psychologiques, tout comme les systèmes génétiques constituent les plans selon lesquels est réglé l'organisation des processus organiques.
Il soutient qu'il existe un versant positif de la tropologie, c'est-à-dire des procédés rhétoriques. Ils n'auraient donc pas pour seule fonction de dissimuler ou de tromper.
Le versant positif de la rhétorique, et du même coup de l'idéologie, serait sa fonction intégrative.
Geertz en spécifie trois points :

    1- A la base, il y a une médiation symbolique de l'action sociale qui participe de la constitution de l'être humain.

    2- La fonction intégrative de l'idéologie précède sa fonction de distorsion de la communication. Il existe une rhétorique originaire de la communication.

    3- Le phénomène idéologique émerge dans les cultures postérieures aux Lumières, là où la fonction intégrative côtoie un conflit des cultures autour d'idéaux de base qui conditionnent le modèle de vie en société. Dans cette optique, le rôle constituant de l'idéologie réside, à travers le temps et l'espace, en la préservation de l'identité d'une communauté.



II - L’Utopie

Mannheim (utopie)

La recherche de Mannheim autour de l'utopie se déroule en trois grandes étapes :

1- La recherche de critères de l'Utopie.
En premier lieu, l'utopie représente une forme de non-congruence avec la réalité. Elle est orientée vers l'avenir/le futur.
Ensuite, l'utopie est "situationellement transcendante", c'est-à-dire que contrairement à l'idéologie elle connote un certain dynamisme, elle est constamment en voie d'actualisation. L'utopie peut d'ailleurs, par certains côtés, s'apparenter à la facette prospective de l'identité d'un groupe, c'est-à-dire à ses attentes, ses projets, son devoir-être en quelque sorte.

2- La mise en place d'une sociologie de l'Utopie dont la priorité est de forger un concept général d'Utopie à partir d'une diversité d'utopies particulières qui semblent au premier abord irréductible à une telle tentative d'universalisation.

3- L'étude d'un certain "désir dominant", plus éprouvé, ressenti, que pensé, et qui organise la vie de l'esprit. De là naît le concept d'une mentalité utopique, d'un Geist, c'est-à-dire d'un complexe de facteurs qui régule la vie intellectuelle et sentimentale de l'être.


Récapitulation des acquis et Synthèse (Saint-Simon – Fourier – Ricœur)


L'idéologie connaît 3 moments :

1- La distorsion, introduite par Marx : Une classe dominante exprime sa domination au travers d'idées qui constituent l'idéologie dominante d'une époque. La distorsion est en cela systématique, elle touche la société en son ensemble. Cette forme de distorsion est découverte au moyen du concept de l'intérêt de classe, de l'attitude du soupçon.
Althusser intervient à ce niveau en utilisant un schème d'explication causal pour mettre au jour le processus de distorsion. Il utilise pour ce faire le paradigme de l'édifice réglé par l'efficace de la base en dernière instance. En d'autres termes, il tente d'expliquer le tout en termes de superstructure et d'infrastructure liées par une relation d'efficacité.

2- La légitimation, à laquelle on parvient en mettant en lumière la prétention à la légitimité de toutes les formes de domination, ainsi que le fossé qui sépare la revendication au pouvoir des gouvernants et la croyance des gouvernés en la légitimité de ce même pouvoir politique.

3- L'intégration, à laquelle on accède par l'attitude conciliante de l'entretien et non plus de la critique. C'est le stade originaire de la symbolisation à travers lequel nous prenons connaissance du cadre constitutif et symbolique de l'idéologie. Les distorsions et les légitimations s'inscrivent dans ce champ.


De sa discussion avec Saint-Simon et Fourier, Ricœur dégage les trois fonctions de l'utopie :

1- L'utopie comme revendication / proposition d'une alternative critique. L'utopie a beau ne pas être congruente avec le réel, elle tente toutefois de se réaliser en démasquant, dans un premier temps, la plus-value de croyance en la légitimité du pouvoir(l'idéologie). Par la suite elle propose une alternative de pouvoir ou une alternative au pouvoir : soit être dirigé par de bon gouvernants (les meilleurs, les plus sages, vertueux, savants, etc.), soit ne pas être gouverné du tout ("Ni maîtres, ni esclaves"). C'est l'ordre de la raison ou l'anarchisme des passions(cf. Fourier).

2- L'utopie comme fantasmagorie / fuite dans l'imaginaire.
A ce stade, l'utopie est si irréalisable qu'elle s'apparente à la folie. Ce faisant, poursuivre un tel rêve revient à fuir le réel dans l'imaginaire, espace sans contrainte qui donne un caractère presque pathologique à ce genre d'utopie.

3- L'utopie comme exploration du possible / prise de conscience de l'étrangeté du réel.
La lecture d'une utopie provoque une remise en question du temps présent. Ce qui a pour conséquence immédiate de modifier notre vision du monde : celui-ci ne paraît plus aussi stable, figé et indépassable qu'avant. La curieuse étrangeté du monde grandit à mesure que nous prenons conscience de la possibilité d'un changement radical et probable de notre quotidien. C'est l'expérience de "l'être-nulle part" de l'utopie, que l'on peut associer dialectiquement au Dasein, l'"être-là" de Heidegger. Et également, à l'épochè husserlien dans la mesure où tous deux se vivent comme une mise entre parenthèses mentales du monde.


Conclusion

Idéologie et Utopie présentent donc chacune trois niveaux opératoires, qui s'énoncent comme suit, de la couche superficielle de surface aux profondeurs fondamentalement signifiantes :
    1. Le niveau pathologique / négatif
    2. Le niveau en relation au pouvoir politique
    3. Le niveau constitutif / positif.
Ricœur nous propose donc de mettre en relation dialectique les différents aspects, apparemment antagonistes, des deux notions. Cela fait, nous disposons d'une structure régulatrice où l'utopie corrige les aspects pathologiques de l'idéologie, et vice-versa, sur fond de la structure symbolique de la vie sociale.

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