“La compréhension augmente le bien-être”
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“La compréhension augmente le bien-être”
Hayek soutient que l’homme “is as much a rule-following animal as a purpose seeking one” (Hayek, 1973). Plus précisément, il soutient que, lorsqu’un citoyen suit certaines règles de conduite, il le fait, non pas parce qu’il sait qu’elles permettent de produire un ordre social désirable, mais parce qu’il est né dans une communauté culturelle qui est composée de ces règles – règles qui ont prévalu parce qu’elles ont permis la réalisation d’un ordre social plus désirable que les autres règles qui ont été essayées. Cependant, les citoyens qui suivent ces règles très souvent ne comprennent pas quels sont leurs avantages.
Prenons, par exemple, le cas des règles de conduite qui ont permis l’émergence du capitalisme concurrentiel – l’éthique de la propriété privée, le respect de la propriété d’autrui, le respect des promesses, des contrats, etc. Hayek explique que, pendant longtemps, les hommes ont accepté d’obéir à ces règles en dépit du fait qu’ils ne les comprenaient pas. Il parle de “the influence of the various religious creeds and (…) traditions and superstitions which made men submit to those forces by an appeal to his emotions rather than his reason” (“Scientism and the study of society”, 1944). Mais à l’époque moderne, en raison de l’influence grandissante du rationalisme cartésien ou constructiviste, comme l’appelle Hayek (et le déclin corrélatif des diverses croyances et superstitions religieuses), les citoyens – certainement pas toute la population mais une part importante de la population – préféreraient obéir à des règles de conduite dont ils peuvent voir l’utilité. Et donc, lorsque les citoyens obéissent à des règles éthiques dont ils ne comprennent pas, ou peu, les avantages, leur préférence pour ce qui est compréhensible n’est pas satisfaite. Comme pour tout autre type de préférence, on peut dire que le bien-être des citoyens serait plus élevé si cette préférence était satisfaite. Si les citoyens comprenaient pourquoi ils doivent observer les règles du capitalisme concurrentiel ou de la catallaxie – si les citoyens étaient capables de voir la connexion causale entre l’observation de ces règles et les avantages dont ils bénéficient – l’observation de ces règles n’occasionnerait pas une perte de bien-être. Toute chose étant égale par ailleurs, la compréhension augmente le bien-être, tandis que le manque de compréhension diminue le bien-être.
Voici trois citations de Hayek à propos des inconvénients du manque de compréhension.
“If people in general do not appreciate what they owe to catallaxy and how far they are even dependent on it for their very existence, and if they often bitterly resent what they regard as its injustice, this is so because they have never designed it and therefore do not understand it” (“The atavism of social justice”, 1976).
“But the fact that our morals are not the result of man’s supreme intelligence discovering that they were better, but were the result of a process of cultural selection, explains why we all so much dislike them” (“Our moral heritage”, 1983).
“The morality that makes the extended order possible has not been invented by us, and has never been understood by us; and therefore we hate it” (“Our moral heritage”, 1983).
J’ai l'intuition que l’on pourrait utiliser ces citations importantes de Hayek pour légitimer une analyse économique du bien-être qui intégrerait l'idée de compréhension des citoyens. Je pense que Habermas est une bonne piste de lecture, car c'est un “philosophe de la compréhension”, mais je cherche aussi d’autres philosophes ou, mieux encore, économistes qui pourraient alimenter ma réflexion sur ce thème qui me paraît important.
Merci pour vos pistes.
Prenons, par exemple, le cas des règles de conduite qui ont permis l’émergence du capitalisme concurrentiel – l’éthique de la propriété privée, le respect de la propriété d’autrui, le respect des promesses, des contrats, etc. Hayek explique que, pendant longtemps, les hommes ont accepté d’obéir à ces règles en dépit du fait qu’ils ne les comprenaient pas. Il parle de “the influence of the various religious creeds and (…) traditions and superstitions which made men submit to those forces by an appeal to his emotions rather than his reason” (“Scientism and the study of society”, 1944). Mais à l’époque moderne, en raison de l’influence grandissante du rationalisme cartésien ou constructiviste, comme l’appelle Hayek (et le déclin corrélatif des diverses croyances et superstitions religieuses), les citoyens – certainement pas toute la population mais une part importante de la population – préféreraient obéir à des règles de conduite dont ils peuvent voir l’utilité. Et donc, lorsque les citoyens obéissent à des règles éthiques dont ils ne comprennent pas, ou peu, les avantages, leur préférence pour ce qui est compréhensible n’est pas satisfaite. Comme pour tout autre type de préférence, on peut dire que le bien-être des citoyens serait plus élevé si cette préférence était satisfaite. Si les citoyens comprenaient pourquoi ils doivent observer les règles du capitalisme concurrentiel ou de la catallaxie – si les citoyens étaient capables de voir la connexion causale entre l’observation de ces règles et les avantages dont ils bénéficient – l’observation de ces règles n’occasionnerait pas une perte de bien-être. Toute chose étant égale par ailleurs, la compréhension augmente le bien-être, tandis que le manque de compréhension diminue le bien-être.
Voici trois citations de Hayek à propos des inconvénients du manque de compréhension.
“If people in general do not appreciate what they owe to catallaxy and how far they are even dependent on it for their very existence, and if they often bitterly resent what they regard as its injustice, this is so because they have never designed it and therefore do not understand it” (“The atavism of social justice”, 1976).
“But the fact that our morals are not the result of man’s supreme intelligence discovering that they were better, but were the result of a process of cultural selection, explains why we all so much dislike them” (“Our moral heritage”, 1983).
“The morality that makes the extended order possible has not been invented by us, and has never been understood by us; and therefore we hate it” (“Our moral heritage”, 1983).
J’ai l'intuition que l’on pourrait utiliser ces citations importantes de Hayek pour légitimer une analyse économique du bien-être qui intégrerait l'idée de compréhension des citoyens. Je pense que Habermas est une bonne piste de lecture, car c'est un “philosophe de la compréhension”, mais je cherche aussi d’autres philosophes ou, mieux encore, économistes qui pourraient alimenter ma réflexion sur ce thème qui me paraît important.
Merci pour vos pistes.
Régis- Digressi(f/ve)
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
C'est rigolo de prendre connaissance d'une analyse qui repose sur Hayek et qui se donne pour objectif de "légitimer une analyse économique du bien-être".
Mais avant de chercher à légitimer quoique ce soit, tu devrais à mon sens réfléchir aux implications de ce que tu énonces ici, Régis.
Je commence par une, toute simple.
Tu dis : Les citoyens ne comprennent pas les avantages des règles qu'ils suivent. Ils les suivent sans comprendre, seulement parce qu'ils sont nés dans une communauté culturelle qui les prescrit.
Tu ajoutes même, suivant en cela Hayek : Puisqu'ils ne comprennent pas ces règles, les citoyens les haïssent.
C'est d'ailleurs extraordinaire, je trouve, que Hayek aille jusqu'à écrire à la 1ère personne : "We all so much dislike them !", "we hate it !" Apparemment, il faut comprendre que cet ordre social capitaliste, tout le monde le hait.
Et néanmoins, tu dis qu'il s'agit d'un ordre social "désirable" ?
Donc question : Désirable pour qui ? Apparemment, et si on en croit Hayek lui-même, cet ordre social n'est pas désiré, par personne, pas même par lui ! Et néanmoins il serait désirable ? Pour qui, exactement ?
Mais avant de chercher à légitimer quoique ce soit, tu devrais à mon sens réfléchir aux implications de ce que tu énonces ici, Régis.
Je commence par une, toute simple.
Tu dis : Les citoyens ne comprennent pas les avantages des règles qu'ils suivent. Ils les suivent sans comprendre, seulement parce qu'ils sont nés dans une communauté culturelle qui les prescrit.
Tu ajoutes même, suivant en cela Hayek : Puisqu'ils ne comprennent pas ces règles, les citoyens les haïssent.
C'est d'ailleurs extraordinaire, je trouve, que Hayek aille jusqu'à écrire à la 1ère personne : "We all so much dislike them !", "we hate it !" Apparemment, il faut comprendre que cet ordre social capitaliste, tout le monde le hait.
Et néanmoins, tu dis qu'il s'agit d'un ordre social "désirable" ?
Donc question : Désirable pour qui ? Apparemment, et si on en croit Hayek lui-même, cet ordre social n'est pas désiré, par personne, pas même par lui ! Et néanmoins il serait désirable ? Pour qui, exactement ?
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
Merci Bergame pour ta réponse. :)Bergame a écrit:C'est rigolo de prendre connaissance d'une analyse qui repose sur Hayek et qui se donne pour objectif de "légitimer une analyse économique du bien-être".
Je ne crois pas qu'il soit surprenant de partir d'une analyse de Hayek pour légitimer une analyse économique du bien-être. En effet, Hayek lui-même s'est efforcé de défendre le capitalisme concurrentiel sur un terrain utilitariste (le terme utilitarisme est à prendre au sens-large, pas au sens de l'utilitarisme de l'acte, dont Hayek est un illustre critique) : pour Hayek, le capitalisme concurrentiel est un régime supérieur aux autres notamment parce qu'il maximise les chances d'un individu pris au hasard d'avoir ses fins satisfaites.
Ce que pense Hayek, c'est que le capitalisme concurrentiel est un régime beaucoup plus productif que les autres du fait qu'il repose sur un système de prix de marché, qui permet à la division sociale du travail de s'adapter au jour le jour à l'évolution des conditions locales (les besoins quotidiens des ménages et des entreprises, l'état des ressources, les méthodes de production disponibles…). Hayek soutient que cette capacité d'adaptation permet aux membres des sociétés capitalistes de bénéficier du meilleur niveau de vie. En outre, le capitalisme concurrentiel produit ce que les personnes veulent, puisque c'est un système dans lequel chacun est libre de dépenser son revenu comme il le souhaite, sans avoir à se mettre d'accord avec le reste de la population. C'est pour ces deux raisons (productivité, donc abondance matérielle, et liberté de choix) que Hayek dit de l'ordre capitaliste que c'est un ordre désirable.Bergame a écrit:Mais avant de chercher à légitimer quoique ce soit, tu devrais à mon sens réfléchir aux implications de ce que tu énonces ici, Régis.
Je commence par une, toute simple.
Tu dis : Les citoyens ne comprennent pas les avantages des règles qu'ils suivent. Ils les suivent sans comprendre, seulement parce qu'ils sont nés dans une communauté culturelle qui les prescrit.
Tu ajoutes même, suivant en cela Hayek : Puisqu'ils ne comprennent pas ces règles, les citoyens les haïssent.
C'est d'ailleurs extraordinaire, je trouve, que Hayek aille jusqu'à écrire à la 1ère personne : "We all so much dislike them !", "we hate it !" Apparemment, il faut comprendre que cet ordre social capitaliste, tout le monde le hait.
Et néanmoins, tu dis qu'il s'agit d'un ordre social "désirable" ?
Donc question : Désirable pour qui ? Apparemment, et si on en croit Hayek lui-même, cet ordre social n'est pas désiré, par personne, pas même par lui ! Et néanmoins il serait désirable ? Pour qui, exactement ?
Régis- Digressi(f/ve)
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
Je comprends bien tout cela, je te demande juste comment tu appréhendes et peut-être expliques la contradiction sus-mentionnée : Hayek, d'un côté, énonce donc que le système capitaliste est désirable, et de l'autre déclare que lui-même le déteste.
Parce que, que les citoyens soient ignorants des bienfaits du capitalisme et que c'est la raison pour laquelle ils ne l'aiment pas -dit Hayek, d'ailleurs-, admettons-le. Mais Hayek lui-même, en bon économiste, il les connaît ces bienfaits, n'est-ce pas ? -de fait, c'est lui-même qui les énonce ! Pourquoi donc déclare-t-il : "We hate it" ?
Parce que, que les citoyens soient ignorants des bienfaits du capitalisme et que c'est la raison pour laquelle ils ne l'aiment pas -dit Hayek, d'ailleurs-, admettons-le. Mais Hayek lui-même, en bon économiste, il les connaît ces bienfaits, n'est-ce pas ? -de fait, c'est lui-même qui les énonce ! Pourquoi donc déclare-t-il : "We hate it" ?
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
Je ne crois pas qu'il faille attacher beaucoup d'importance à ce "we", car je pense que Hayek utilise ici la première personne comme synonyme de "la plupart des gens". Une autre réponse possible à ta question, c'est que Hayek était socialiste (comme son professeur et directeur de thèse, Wieser) jusqu'à la fin des années 1920. Par exemple, il est intéressant de constater qu'il était très critique du mode de vie new-yorkais dans des lettres envoyées à sa famille au début des années 1920 (http://www.libertylawsite.org/2014/12/02/hayek-in-new-york/).Bergame a écrit:Parce que, que les citoyens soient ignorants des bienfaits du capitalisme et que c'est la raison pour laquelle ils ne l'aiment pas -dit Hayek, d'ailleurs-, admettons-le. Mais Hayek lui-même, en bon économiste, il les connaît ces bienfaits, n'est-ce pas ? -de fait, c'est lui-même qui les énonce ! Pourquoi donc déclare-t-il : "We hate it" ?
Régis- Digressi(f/ve)
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
C'est ce qui m'agace avec Hayek, un économiste tout à fait respectable -du moins aussi longtemps qu'on considère l'économie comme une discipline respectable- mais qui, dans ses écrits, ne pouvait manifestement s'empêcher de verser dans la rhétorique la plus futile. Et étrangement, ses thuriféraires ont le même défaut.
Hayek utilise la 1ère personne du pluriel comme le fait un politicien lambda, afin de s'inclure dans "le peuple", de se présenter comme un homme du commun. L'une des lignes de force du discours de Hayek était en effet de présenter le capitalisme comme populaire, comme correspondant aux attentes et aux intérêts de l'ensemble des individus. Et en même temps, il devait bien se confronter au constat que, précisément, le capitalisme n'était pas populaire.
Alors que fait-on dans ces cas-là ? On élabore une théorie à propos des attentes et des besoins de l'Homme générique, et on constate qu'en pratique, les hommes réels n'adoptent pas le comportement prédit par la théorie. Que fait-on ? Dans les sciences physiques ou naturelles, lorsque l'empirie contredit la théorie, on révise la théorie. Pas dans les sciences sociales. Dans les sciences sociales, on a un concept-bouche-trou : La rationalité. Alors on dit : "Voila, ma théorie est valable pour les hommes rationnels. Et si les hommes réels n'adoptent pas le comportement prédit par ma théorie, c'est qu'ils ne sont pas (encore) rationnels. Leur esprit est obscurci par les passions qui leur masquent à eux-mêmes leurs intérêts réels. Mais éduquez-les, expliquez-leur, qu'ils comprennent, que leur esprit s'éveille à la lumière, et vous verrez qu'eux aussi, ils aimeront le capitalisme, car c'est le système qui, objectivement, est le meilleur." Hayek a usé et abusé de cette rhétorique, dans ses multiples déclinaisons.
Et alors, donc, ce qui est drôle, c'est que, manifestement, lorsqu'on apprécie Hayek, on a tendance à verser dans le même travers. Ici, ton interprétation du texte de Hayek lui-même est juste honteuse, Régis. Tu lis que Hayek, dans les années 20, est critique du mode de vie américain, et tu conclus qu'à cette époque, il est socialiste ? Relis bien, Régis, la critique que Hayek formule dans ce texte, elle n'est pas d'obédience socialiste, mais aristocratique. Ce que Hayek critique ici, c'est l'égalitarisme (supposé !) des Etats-Unis, la société de masse, bref une critique "à la" Tocqueville ou Ortega Y Gasset.
Certains disent en effet que Hayek, dans sa jeunesse, eut quelques sympathies pour les Fabiens, ça arrive quand on est jeune. Mais il est surtout un pur produit de la grande bourgeoisie impériale du "Monde d'hier". Qui, en bon idéologue, prétendait parler au nom du peuple, bien entendu.
Hayek utilise la 1ère personne du pluriel comme le fait un politicien lambda, afin de s'inclure dans "le peuple", de se présenter comme un homme du commun. L'une des lignes de force du discours de Hayek était en effet de présenter le capitalisme comme populaire, comme correspondant aux attentes et aux intérêts de l'ensemble des individus. Et en même temps, il devait bien se confronter au constat que, précisément, le capitalisme n'était pas populaire.
Alors que fait-on dans ces cas-là ? On élabore une théorie à propos des attentes et des besoins de l'Homme générique, et on constate qu'en pratique, les hommes réels n'adoptent pas le comportement prédit par la théorie. Que fait-on ? Dans les sciences physiques ou naturelles, lorsque l'empirie contredit la théorie, on révise la théorie. Pas dans les sciences sociales. Dans les sciences sociales, on a un concept-bouche-trou : La rationalité. Alors on dit : "Voila, ma théorie est valable pour les hommes rationnels. Et si les hommes réels n'adoptent pas le comportement prédit par ma théorie, c'est qu'ils ne sont pas (encore) rationnels. Leur esprit est obscurci par les passions qui leur masquent à eux-mêmes leurs intérêts réels. Mais éduquez-les, expliquez-leur, qu'ils comprennent, que leur esprit s'éveille à la lumière, et vous verrez qu'eux aussi, ils aimeront le capitalisme, car c'est le système qui, objectivement, est le meilleur." Hayek a usé et abusé de cette rhétorique, dans ses multiples déclinaisons.
Et alors, donc, ce qui est drôle, c'est que, manifestement, lorsqu'on apprécie Hayek, on a tendance à verser dans le même travers. Ici, ton interprétation du texte de Hayek lui-même est juste honteuse, Régis. Tu lis que Hayek, dans les années 20, est critique du mode de vie américain, et tu conclus qu'à cette époque, il est socialiste ? Relis bien, Régis, la critique que Hayek formule dans ce texte, elle n'est pas d'obédience socialiste, mais aristocratique. Ce que Hayek critique ici, c'est l'égalitarisme (supposé !) des Etats-Unis, la société de masse, bref une critique "à la" Tocqueville ou Ortega Y Gasset.
Certains disent en effet que Hayek, dans sa jeunesse, eut quelques sympathies pour les Fabiens, ça arrive quand on est jeune. Mais il est surtout un pur produit de la grande bourgeoisie impériale du "Monde d'hier". Qui, en bon idéologue, prétendait parler au nom du peuple, bien entendu.
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Bergame- Persona
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
Ce qui me manque, pour profiter pleinement du débat, c'est la "compréhension". Je ne vois pas en quoi elle consiste.
Je ne parle pas de Hayek, que je ne connais que de nom.
Je lis bien "la compréhension des citoyens" (dans un message), je ne saisis pas quelle compréhension au sens : compréhension de quoi d'abord, et par ailleurs ce qu'on appelle "comprendre" ici.
Les citoyens, ou Hayek, ou "nous", n'aimons pas le capitalisme, bon d'accord. Je ne m'en serais pas douté, mais si Hayek le dit, ça doit être vrai. Mais ceci en vertu (ou malgré le fait que) ,nous "comprenons" ?
Dans quel sens "comprenons"nous ce que par ailleurs nous haïssons ?
Je ne parle pas de Hayek, que je ne connais que de nom.
Je lis bien "la compréhension des citoyens" (dans un message), je ne saisis pas quelle compréhension au sens : compréhension de quoi d'abord, et par ailleurs ce qu'on appelle "comprendre" ici.
Les citoyens, ou Hayek, ou "nous", n'aimons pas le capitalisme, bon d'accord. Je ne m'en serais pas douté, mais si Hayek le dit, ça doit être vrai. Mais ceci en vertu (ou malgré le fait que) ,nous "comprenons" ?
Dans quel sens "comprenons"nous ce que par ailleurs nous haïssons ?
Courtial- Digressi(f/ve)
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
Hayek ne présente jamais le capitalisme concurrentiel comme un système objectivement meilleur que les autres. Il est trop “viennois” – au sens du Cercle de Vienne – pour parler d'objectivité dans le domaine des valeurs. Hayek considère, à la suite de Weber et d'autres, que la science en elle-même ne peut jamais prouver ce qui est meilleur ; mais s'il existe un accord entre les citoyens sur les fins (en l'occurrence : haut niveau de vie et liberté de choix), c'est la connaissance scientifique qui permet de savoir quel système économique est le meilleur pour atteindre ces fins. Sa thèse, c'est que le capitalisme concurrentiel est le meilleur système, non pas objectivement, mais pour satisfaire les fins ou les intérêts subjectifs des citoyens. Ce que veut dire Hayek, c'est que, si les citoyens n'aiment pas ce système, ce n'est pas parce que leurs intérêts réels leur sont masqués (en effet, ils savent qu'ils préfèrent l'abondance à la pauvreté, la liberté de choix à la coercition, etc.) ; c'est plutôt parce qu'ils n'ont pas conscience de la connexion causale entre le fonctionnement de ce système et la satisfaction de leurs intérêts réels. En raison de cette ignorance, beaucoup de citoyens croient, à tort nous dit Hayek, qu'il leur serait possible de se débarrasser du capitalisme concurrentiel tout en continuant à jouir de ses avantages (haut niveau de vie et liberté de choix).Bergame a écrit:(…) Hayek utilise la 1ère personne du pluriel comme le fait un politicien lambda, afin de s'inclure dans "le peuple", de se présenter comme un homme du commun. L'une des lignes de force du discours de Hayek était en effet de présenter le capitalisme comme populaire, comme correspondant aux attentes et aux intérêts de l'ensemble des individus. Et en même temps, il devait bien se confronter au constat que, précisément, le capitalisme n'était pas populaire.
Alors que fait-on dans ces cas-là ? On élabore une théorie à propos des attentes et des besoins de l'Homme générique, et on constate qu'en pratique, les hommes réels n'adoptent pas le comportement prédit par la théorie. Que fait-on ? Dans les sciences physiques ou naturelles, lorsque l'empirie contredit la théorie, on révise la théorie. Pas dans les sciences sociales. Dans les sciences sociales, on a un concept-bouche-trou : La rationalité. Alors on dit : "Voila, ma théorie est valable pour les hommes rationnels. Et si les hommes réels n'adoptent pas le comportement prédit par ma théorie, c'est qu'ils ne sont pas (encore) rationnels. Leur esprit est obscurci par les passions qui leur masquent à eux-mêmes leurs intérêts réels. Mais éduquez-les, expliquez-leur, qu'ils comprennent, que leur esprit s'éveille à la lumière, et vous verrez qu'eux aussi, ils aimeront le capitalisme, car c'est le système qui, objectivement, est le meilleur." Hayek a usé et abusé de cette rhétorique, dans ses multiples déclinaisons. (…)
Pour résumer, Hayek affirme effectivement que les citoyens ne sont pas rationnels. Mais, dans sa pensée, cette affirmation veut dire que les citoyens ignorent quel moyen leur permet de satisfaire au mieux leurs intérêts. Elle ne veut pas dire que les citoyens ignorent quels sont leurs intérêts réels.
Il se peut que tu aies raison ; la critique formulée ici par Hayek est peut-être plus d’obédience aristocratique que socialiste. Merci pour cette piste. Ce qui m'intéresse surtout, toutefois, c'est que, à ma connaissance, plus jamais Hayek ne reprendra ensuite une telle critique du capitalisme analysée comme une société de masse. Ne peut-on pas émettre l'hypothèse qu'il ne reformulera plus une telle critique parce que sa compréhension du fonctionnement du capitalisme a augmenté, entre temps ? Cela permettrait d'expliquer pourquoi Hayek établit un lien de causalité entre le manque de compréhension de ce système et le fait qu'il est détesté.Bergame a écrit:(…) Et alors, donc, ce qui est drôle, c'est que, manifestement, lorsqu'on apprécie Hayek, on a tendance à verser dans le même travers. Ici, ton interprétation du texte de Hayek lui-même est juste honteuse, Régis. Tu lis que Hayek, dans les années 20, est critique du mode de vie américain, et tu conclus qu'à cette époque, il est socialiste ? Relis bien, Régis, la critique que Hayek formule dans ce texte, elle n'est pas d'obédience socialiste, mais aristocratique. Ce que Hayek critique ici, c'est l'égalitarisme (supposé !) des Etats-Unis, la société de masse, bref une critique "à la" Tocqueville ou Ortega Y Gasset.
Certains disent en effet que Hayek, dans sa jeunesse, eut quelques sympathies pour les Fabiens, ça arrive quand on est jeune. Mais il est surtout un pur produit de la grande bourgeoisie impériale du "Monde d'hier". Qui, en bon idéologue, prétendait parler au nom du peuple, bien entendu.
Régis- Digressi(f/ve)
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
La thèse de Hayek, c'est que les citoyens haïssent les institutions du capitalisme, les perçoivent plus comme un fardeau que comme un avantage, parce qu'ils sont incapables de voir la connexion causale entre le fonctionnement de ces institutions et les avantages dont ils bénéficient (à savoir, haut niveau de vie et liberté de choix).Courtial a écrit:Les citoyens, ou Hayek, ou "nous", n'aimons pas le capitalisme, bon d'accord. Je ne m'en serais pas douté, mais si Hayek le dit, ça doit être vrai. Mais ceci en vertu (ou malgré le fait que) ,nous "comprenons" ?
Dans quel sens "comprenons"nous ce que par ailleurs nous haïssons ?
Régis- Digressi(f/ve)
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
C'est très intéressant ce que tu dis, et il faudrait voir si c'est la traduction fidèle de ce que dit Hayek dans un ou plusieurs textes.
En effet, si je lis en prenant rigoureusement à la lettre ce que tu dis, de deux choses l'une :
Ou bien c'est incroyablement méprisant. Les citoyens, ces cons, sont incapables de voir ce qui crève les yeux. Seul le spécialiste sait.
Ou bien c'est à atténuer. Certes, les citoyens voient bien quelques avantages à la société capitaliste, mais seulement ceux qui se voient, justement. Les avantages invisibles leur sont cachés.
Dans les deux cas, ce qui est en jeu et qui échappe aux citoyens, c'est un lien de causalité. Entre le système capitaliste et la qualité de la vie. Mais cela devrait il me semble susciter immédiatement une interrogation : et quand la vie est pourrie? Que devient le lien de causalité alors? L'immortel spécialiste serait-il incapable de le voir? Ou bien se mettrait-il à haïr le capitalisme?
Je m'étonne que ne soit pas vue par lui (si toutefois ton résumé est fidèle, ce que je crois) une idée toute simple : c'est que le haut niveau de vie quand on est pauvre ça n'est pas spécialement réjouissant et que la liberté de choix dans les mêmes conditions économiques c'est un leurre.
Si donc c'est cela qui vaut la peine de défendre la société capitaliste, seuls quelques riches ont raison de défendre cette société. Les autres ne sont pas forcément les imbéciles, mais seulement les humbles. Mais il est clair que von Hayek n'en fait pas partie.
En effet, si je lis en prenant rigoureusement à la lettre ce que tu dis, de deux choses l'une :
Ou bien c'est incroyablement méprisant. Les citoyens, ces cons, sont incapables de voir ce qui crève les yeux. Seul le spécialiste sait.
Ou bien c'est à atténuer. Certes, les citoyens voient bien quelques avantages à la société capitaliste, mais seulement ceux qui se voient, justement. Les avantages invisibles leur sont cachés.
Dans les deux cas, ce qui est en jeu et qui échappe aux citoyens, c'est un lien de causalité. Entre le système capitaliste et la qualité de la vie. Mais cela devrait il me semble susciter immédiatement une interrogation : et quand la vie est pourrie? Que devient le lien de causalité alors? L'immortel spécialiste serait-il incapable de le voir? Ou bien se mettrait-il à haïr le capitalisme?
Je m'étonne que ne soit pas vue par lui (si toutefois ton résumé est fidèle, ce que je crois) une idée toute simple : c'est que le haut niveau de vie quand on est pauvre ça n'est pas spécialement réjouissant et que la liberté de choix dans les mêmes conditions économiques c'est un leurre.
Si donc c'est cela qui vaut la peine de défendre la société capitaliste, seuls quelques riches ont raison de défendre cette société. Les autres ne sont pas forcément les imbéciles, mais seulement les humbles. Mais il est clair que von Hayek n'en fait pas partie.
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euthyphron- Digressi(f/ve)
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
Ok, je note que tu n'es pas trop dogmatique, Régis. on doit pouvoir donc discuter.
Quant à Weber, il était proche de l'école historique allemande et, dans le cadre du Methodenstreit, un adversaire de l'école autrichienne -dont Hayek, en revanche, se réclame.
C'est-à-dire plus précisément que, bien entendu, toute science est réductionniste, toute science constitue son objet. L'économie a elle aussi constitué son objet, qu'on peut appeler du vocable facile "homo oeconomicus". Pourquoi pas ? Ce qui devient, au sens propre, "monstrueux", c'est quand on part du principe que les hommes, les vrais hommes, les hommes réels, ne sont pas autre chose que des "homo oeconomicus", ces espèces de pantins à ressort. Bref, quand l'économie prétend outrepasser son domaine de connaissance. Hayek, qui a écrit des essais sur à peu près tout, est un très bon représentant de cette tendance.
Weber fut professeur d'économie. Mais il était aussi juriste de formation, l'essentiel de ses travaux étaient historiques, et il fut l'un des fondateurs de la sociologie. Lui ne faisait certainement pas cette erreur de réduire l'homme à une seule dimension.
Attention à tes références : Es-tu sûr qu'il existe un lien (autre que géographique) entre Hayek et le Cercle de Vienne ?Régis a écrit:Hayek ne présente jamais le capitalisme concurrentiel comme un système objectivement meilleur que les autres. Il est trop “viennois” – au sens du Cercle de Vienne – pour parler d'objectivité dans le domaine des valeurs. Hayek considère, à la suite de Weber et d'autres, que la science en elle-même ne peut jamais prouver ce qui est meilleur
Quant à Weber, il était proche de l'école historique allemande et, dans le cadre du Methodenstreit, un adversaire de l'école autrichienne -dont Hayek, en revanche, se réclame.
Et voila, à gros traits, pourquoi : Weber ne croyait pas du tout qu'il existait un accord entre les citoyens sur les fins. Bien au contraire, il partait du principe méthodologique que chaque individu poursuit des fins qui lui sont propres. Et il trouvait parfaitement "monstrueux" -c'est le terme (traduit) qu'il emploie- ce réductionnisme hypocrite qui consiste, d'un côté, à prétendre respecter méthodologiquement la liberté humaine, et de l'autre, à présupposer néanmoins que tous les hommes veulent la même chose.mais s'il existe un accord entre les citoyens sur les fins (en l'occurrence : haut niveau de vie et liberté de choix), c'est la connaissance scientifique qui permet de savoir quel système économique est le meilleur pour atteindre ces fins.
C'est-à-dire plus précisément que, bien entendu, toute science est réductionniste, toute science constitue son objet. L'économie a elle aussi constitué son objet, qu'on peut appeler du vocable facile "homo oeconomicus". Pourquoi pas ? Ce qui devient, au sens propre, "monstrueux", c'est quand on part du principe que les hommes, les vrais hommes, les hommes réels, ne sont pas autre chose que des "homo oeconomicus", ces espèces de pantins à ressort. Bref, quand l'économie prétend outrepasser son domaine de connaissance. Hayek, qui a écrit des essais sur à peu près tout, est un très bon représentant de cette tendance.
Weber fut professeur d'économie. Mais il était aussi juriste de formation, l'essentiel de ses travaux étaient historiques, et il fut l'un des fondateurs de la sociologie. Lui ne faisait certainement pas cette erreur de réduire l'homme à une seule dimension.
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Bergame- Persona
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
Ce qui est surprenant c'est qu'une analyse du bien- être doive ( essentiellement ) être économique. Economique au sens où où elle se ramène à la consommation d objets ou de services produits (versus naturels / non produits par l 'activité "industrieuse" humaine ), la liberté ne fonctionnant que par rapport à ces objets là.( Je redis en substance ce ce que dit Bergame au dessus )regis a écrit:Je ne crois pas qu'il soit surprenant de partir d'une analyse de Hayek pour légitimer une analyse économique du bien-être.
Les hommes de peu sont très capables de voir la connexion causale entre le fonctionnement de ces institutions et les avantages dont ils ne bénéficient pas (à savoir, haut niveau de vie et liberté de choix).
Avantages qu'ils ne désirent d ailleurs pas nécessairement dans les termes exhaussés/ encensés par le capitalisme .( hyper richesse matérielle, consommation sans retenue et hyper individualisme des choix ).
Ils voient donc très bien qu'ils ne peuvent pas tous être hyper-riches et bien que ne le souhaitant pas il voit que le système qui tend à valoriser l 'hyper-richesse conduit à dévaloriser d 'autres modes de vie, voire à les rendre impossibles.
C'est un gros désavantage que de ne pouvoir choisir d 'être modérément et raisonnablement riche et cela rapporté à la situation des autres et/ ou de la planète, situations qui ne peuvent laisser indifférent.
Conclusion Hayek plait aux riches et moins au pauvres... il plait aux individualistes inconséquents et moins aux altruistes prévoyants .
hks- Digressi(f/ve)
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
Si ce jugement est juste, cela revient à dire que von Hayek n'est qu'un idéologue.hks a écrit:Conclusion Hayek plait aux riches et moins au pauvres... il plait aux individualistes inconséquents et moins aux altruistes prévoyants .
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
Bergame a écrit:Weber ne croyait pas du tout qu'il existait un accord entre les citoyens sur les fins. Bien au contraire, il partait du principe méthodologique que chaque individu poursuit des fins qui lui sont propres. Et il trouvait parfaitement "monstrueux" -c'est le terme (traduit) qu'il emploie- ce réductionnisme hypocrite qui consiste, d'un côté, à prétendre respecter méthodologiquement la liberté humaine, et de l'autre, à présupposer néanmoins que tous les hommes veulent la même chose.
En bon rousseauiste, j'ose prétendre que les hommes peuvent prétendre à un accord sur une fin, établissant ensemble leur société, qui ne peut être fondée que sur la volonté générale.
En revanche, je crois que la société ne doit s'occuper que d'elle-même, que des rapports sociaux permettant aux citoyens de vivre ensemble de la manière qu'ils jugent globalement bonne ; son action doit s'arrêter où commence l'individu, avec sa liberté propre. La société n'a pas pour vocation de choisir le mode de vie des individus, ce qu'ils feront dans leur intimité, dans leur temps libre*. Cela la concerne uniquement s'ils choisissent d'agir de telle manière qu'ils contracteront avec d'autres individus. Autrement dit, la volonté d'association (d'<< action sociale >>) précède l'intervention de la société.
Les hommes peuvent vouloir une même chose, ou plutôt une même manière de faire et d'attribuer des choses, en contractant ensemble, mais ils ne pourront jamais vouloir la même vie, à moins qu'on ne les ait conditionnés.
En un sens, ma pensée est le contraire de celle de Hayek : je me permets une reconnaissance, tant de l'homme libre, que d'une société ayant un sens* ; lui, ainsi que tous ceux qui prônent la guerre économique, ne verrait plutôt dans la société qu'un agrégat de rivaux qui, tout en se << battant >> (économiquement), assurent (inconsciemment) un ordre qui peut profiter à chacun (mais pas à tous), et dans l'homme une partie de ce tas, qui ne vit qu'en arrachant - que pour arracher - sa part à ses congénères - un homo œconomicus, comme vous dites, Bergame..
Voilà ce qu'est le capitalisme, ce qu'est le monde économique.
En fait, la véritable nature de notre modèle est la tyrannie de l'individu par l'individu, ce qui ressemble à un progrès par rapport à la prétention de tyrannie de l'individu par l'ensemble, du totalitarisme.
*Mon souhait d'une société qui ne s'occupe que d'elle-même et laisse aux hommes leur liberté et leur temps libre (qu'il faudrait optimiser progressivement, dans une perspective d'émancipation) peut sembler empêcher les traditions etc. Je réponds :
1) Ces traditions sont acceptables quand elles forgent l'univers des enfants. Le monde est plus beau et riche de cette manière, non ? De toute manière, il est impossible de ne pas imposer à l'enfant un environnement social auquel il n'a pu consentir, parce qu'il faut bien d'abord qu'il naisse, apprenne à vivre, puis apprenne à vouloir. Le tout est d'éviter (je dis bien << éviter >> ; cela dépend du contexte, et il y a des règles sociales universelles qu'il est bon de donner aux enfants et de leur demander de respecter) d'imposer à l'enfant des engagements sur le long terme. Par exemple, si j'ai été baptisé tout petit et ne le regrette pas, je ne souhaite pas faire baptiser aussi jeunes mes éventuels enfants, préférant leur laisser le choix. Je considère d'ailleurs que c'est parfaitement naturel dans une société laïque. Autrement, on impose à l'enfant une autre société que le pays, qu'il lui sera difficile de quitter (lisez Le prix à payer, de Joseph Fadelle, sur le parcours terrible d'un musulman converti au christiannisme qui doit fuir sa famille et sa vie aristocratique et luxueuse pour un exil d'une douzaine d'années durant lesquelles il est pourchassé par ses frères, et fait l'objet d'une fatwa).
2) Ces traditions sont des invitations pour des communautés, plutôt que pour le plaisir d'individus isolés. Elles proposent une manière de vivre ensemble, choisie par tous. Le tout est qu'elles permettent à leurs membres de les quitter s'ils le souhaitent.
...Ma défense est loin d'être parfaite, mais j'ai le sentiment d'avoir raison sur cette dernière partie...
Régis a écrit:Hayek soutient que cette capacité d'adaptation permet aux membres des sociétés capitalistes de bénéficier du meilleur niveau de vie. En outre, le capitalisme concurrentiel produit ce que les personnes veulent, puisque c'est un système dans lequel chacun est libre de dépenser son revenu comme il le souhaite, sans avoir à se mettre d'accord avec le reste de la population. C'est pour ces deux raisons (productivité, donc abondance matérielle, et liberté de choix) que Hayek dit de l'ordre capitaliste que c'est un ordre désirable.
Vous soutenez régulièrement, avec Hayek, que les hommes se sont entendus sur ces deux buts : haut niveau de vie et liberté de choix.
J'ose l'affirmer : je ne souhaite ni l'un ni l'autre.
Le haut niveau de vie.
On sait qu'il n'est pas viable à long terme, du moins en l'état - nous nous en sortirons après avoir compris que nous devons renoncer à nos prétentions d'hyper-consommation, de croissance économique comme fin première etc.
Et qu'est-ce vraiment que ce << niveau de vie >> ? Saurions-nous juger véritablement de la valeur des vies ? Une vie d'Occidental riche est-elle nécessairement meilleure que celle d'un individu du Tiers-monde plus pauvre ?
Ce haut niveau de vie est une chimère que brandit l'Occident depuis longtemps et qui a permis la contamination rapide du monde à un même idéal désidéalisé. Ceux qui l'ont adopté, pour la plupart, ont vite été désenchantés. Parce que ce haut niveau de vie est toujours par rapport au niveau de vie des autres, il s'agit toujours d'un esprit de compétition ; et il n'y a pas que des gagnants, forcément. Cela a été évoqué plus haut dans ce fil.
Le niveau de vie ne se définit que par rapport aux critères des Occidentaux qui l'ont institué, toujours selon cette morale :
Travailler plus pour gagner plus.
Osons lui en confronter une autre, plus intelligente et émancipatrice :
Consommer moins pour travailler moins.
La liberté de choix.
Je pense, avec euthyphron (plus haut), que c'est un leurre.
La liberté de choix est l'aveu d'un abandon à un modèle qui régit nos vies pour nous assurer confort et sécurité. La seule liberté qu'on nous y propose est de choisir entre fromage et dessert.
La liberté de choix est de plus conditionnée par des méthodes de manipulation qui n'ont rien à envier aux meilleurs (c'est-à-dire aux pires) propagandistes ; c'est uniquement avec cette pollution intellectuelle et attentionnelle, avec cet entretien de l'avarice, de l'envie et de la gourmandise des hommes (trois péchés capitaux !), que se maintient notre << totalitarisme douceâtre >>, pour reprendre le titre d'une nouvelle de Werber.
Notre modèle ne se fonde donc pas uniquement sur les réels désirs des hommes, puisqu'il faut en créer des artificiels pour qu'il subsiste.
Mais l'artifice est habile ; en fait, le modèle s'auto-légitime.
Là où l'erreur est manifeste, c'est dans la crise écologique actuelle : pour que la production d'énergie renouvelable augmente (notons que c'est une grave erreur de penser que ce qui est en cause est la faiblesse de cette production ; c'est en fait l'importance de la consommation d'énergie non renouvelable), au sein de notre modèle, il faut y investir en << créant >> immédiatement de nouveaux marchés (en créant des désirs...pour montrer à nouveau que la prétendue liberté de choix est biaisée). Ça n'a strictement rien changé au problème (c'est même pire, puisque, il faut le rappeler, pratiquement aucune << énergie renouvelable >> n'est entièrement propre, voire entièrement renouvelable), mais ça ressemble à de l'action efficace.
Bergame a écrit:Tu lis que Hayek, dans les années 20, est critique du mode de vie américain, et tu conclus qu'à cette époque, il est socialiste ? Relis bien, Régis, la critique que Hayek formule dans ce texte, elle n'est pas d'obédience socialiste, mais aristocratique. Ce que Hayek critique ici, c'est l'égalitarisme (supposé !) des Etats-Unis, la société de masse, bref une critique "à la" Tocqueville ou Ortega Y Gasset.
Curieusement, le commentaire sur le site abonde plutôt dans le sens de Régis :
I think Hayek was still a left-winger when he wrote these letters.
Dernière édition par Rêveur le Mer 13 Mai 2015 - 12:30, édité 1 fois
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
Ambrose Bierce a écrit:Société : système ingénieux pour obtenir des profits individuels sans responsabilité individuelle.
C'est pour cela que je dis que la société, dans notre modèle, n'a pas de sens.
Ce modèle permet de laisser les acteurs se confronter violemment (économiquement), parce qu'ils permettent ainsi inconsciemment un modèle global qui intéresse ceux qui le conçoivent. Voilà ce que donne notre refus des devoirs sociaux, si je puis dire, sous prétexte de liberté : un mensonge.
Un jour, alors que je me trouvais à mon (ancienne) école et y méditais, j'ai remarqué de l'agitation autour de moi : des groupes devaient terminer des projets d'équipe. Parmi eux, un groupe s'était intéressé au transformisme. Ils en discutaient tranquillement, et ne s'intéressaient à la question éthique qu'occasionnellement, comme si c'était un simple détail.
...Oh pardon, je m'égare...
Hum, un autre groupe discutait de finances. Ils avaient pris un compte sur la Bourse et un élève expliquait à un autre comment optimiser ses rendements.
J'ai pensé : voilà ceux qui nous dirigent, voilà ceux qui décident de la situation de personnes vivant dans la précarité, de la situation d'une usine et son éventuelle fermeture : des petits jeunes qui apprennent à...hum...gagner de l'argent...pour eux...enfin, à << générer du profit >> - là, ça fait déjà plus sérieux !
Le monde comme un jeu vidéo !
Et c'est ce modèle que la gauche actuelle - comme la droite, comme beaucoup de partis en fait - revendique ! Bravo!, dira Emmanuel Macron, voilà des jeunes qui ont de l'ambition, prêts à devenir millionnaires ! Voilà des jeunes prêts à se battre pour gagner du pognon et le dilapider en consommant n'importe quoi comme des moutons, en le faisant plus que les autres, en étant toujours les meilleurs !
Valorisons le risque qu'ils prennent en achetant diverses actions parmi les plus risquées (il a défendu cette valeur au cours d'une interview) ! C'est beau, des jeunes qui choisissent la difficulté << joueur international >> dans leur jeu vidéo ! Bravo ! Bravo !
Le loto, voilà ce qu'est l'idéal socialiste actuel ! Au nom de la défense de l'égalité des chances, on offre à chacun son ticket, qui lui permettra d'obtenir une île avec son yacht et son jacuzzi et ses cigares et ses majordomes, ou de finir à la rue.
Les détenteurs de Rêves Euromillion, voilà les héros, les Stakhanov de la France soumise à l'idéal capitaliste !
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
Désolé, je m'emporte un peu trop facilement sur ces sujets...
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
bien dit euthyphron, est idéologique ce qui n'est pas de gauche .euthyphron a écrit:Si ce jugement est juste, cela revient à dire que von Hayek n'est qu'un idéologue.hks a écrit:Conclusion Hayek plait aux riches et moins au pauvres... il plait aux individualistes inconséquents et moins aux altruistes prévoyants .
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
lesourire01 a écrit:bien dit euthyphron, est idéologique ce qui n'est pas de gauche .
Voilà qui est idéologique...
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
Là dessus et pour ne revenir à Hayek, une petite mise au point.
Tout d'abord je tiens à dire à Régis que si violente que ce soit ma charge contre Hayek (et apparemment je ne suis pas le seul) que, cher Régis, je n'ai rien contre toi qui est le messager courageux et clair par dessus le marché (c'est le cas de le dire ).
Mais donc, en attendant une éventuelle rectification je retire de tout cela l'idée que pour Hayek la misère n'existe pas (ou n'est qu'un épiphénomène) et que les gens qui critiquent le capitalisme le font par inconscience : ils ne se rendent pas compte que tous les bienfaits de leur vie, ils les doivent non à Dieu mais au capitalisme.
C'est tellement énorme, absurde, insupportable de prétention, bref con, que ce n'est pas possible, ça doit cacher quelque chose.
Eh bien oui il suffit de remettre le discours à l'endroit. Cela donne "il faut croire que les méfaits du capitalisme sont compensés par ses bienfaits", ce qui n'est pas très fut-fut mais effectivement très utile à l'approbation du système (belle tautologie).
Un discours qu'il faut remettre à l'endroit pour en obtenir la signification c'est ce qu'on appelle un discours idéologique, et ce n'est donc pas une question de savoir s'il est de droite ou de gauche.
Tout d'abord je tiens à dire à Régis que si violente que ce soit ma charge contre Hayek (et apparemment je ne suis pas le seul) que, cher Régis, je n'ai rien contre toi qui est le messager courageux et clair par dessus le marché (c'est le cas de le dire ).
Mais donc, en attendant une éventuelle rectification je retire de tout cela l'idée que pour Hayek la misère n'existe pas (ou n'est qu'un épiphénomène) et que les gens qui critiquent le capitalisme le font par inconscience : ils ne se rendent pas compte que tous les bienfaits de leur vie, ils les doivent non à Dieu mais au capitalisme.
C'est tellement énorme, absurde, insupportable de prétention, bref con, que ce n'est pas possible, ça doit cacher quelque chose.
Eh bien oui il suffit de remettre le discours à l'endroit. Cela donne "il faut croire que les méfaits du capitalisme sont compensés par ses bienfaits", ce qui n'est pas très fut-fut mais effectivement très utile à l'approbation du système (belle tautologie).
Un discours qu'il faut remettre à l'endroit pour en obtenir la signification c'est ce qu'on appelle un discours idéologique, et ce n'est donc pas une question de savoir s'il est de droite ou de gauche.
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euthyphron- Digressi(f/ve)
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
Merci pour ta réponse.euthyphron a écrit:C'est très intéressant ce que tu dis, et il faudrait voir si c'est la traduction fidèle de ce que dit Hayek dans un ou plusieurs textes.
En effet, si je lis en prenant rigoureusement à la lettre ce que tu dis, de deux choses l'une :
Ou bien c'est incroyablement méprisant. Les citoyens, ces cons, sont incapables de voir ce qui crève les yeux. Seul le spécialiste sait.
Ou bien c'est à atténuer. Certes, les citoyens voient bien quelques avantages à la société capitaliste, mais seulement ceux qui se voient, justement. Les avantages invisibles leur sont cachés.
Dans les deux cas, ce qui est en jeu et qui échappe aux citoyens, c'est un lien de causalité. (…)
Effectivement, ce qui échappe aux citoyens, selon Hayek, c'est un lien de causalité.
Voici, par exemple, ce qu'il écrit dans La Route de la Servitude (1944).
”… and while for the immediate improvement liberalism had to rely largely on the gradual increase of wealth which freedom brought about, it had constantly to fight proposals which threatened this progress. It came to be regarded as a ‘negative’ creed because it could offer to particular individuals little more than a share in the common progress – a progress which came to be taken more and more for granted and was no longer recognised as the result of the policy of freedom”.
La même idée est développée dans The Constitution of Liberty (1960).
”If there is to be any clarity in the discussion of liberty, its definition must not depend upon whether or not everybody regards this kind of liberty as a good thing. It is very probable that there are people who do not value the liberty with which we are concerned, who cannot see that they derive great benefits from it, and who will be ready to give it up to gain other advantages.”
On peut consulter, enfin (mais la liste n'est pas exhaustive), un discours prononcé en 1976, The Atavism of Social Justice, dans lequel Hayek utilise le terme de catallaxie pour désigner en fait le marché.
”If people in general do not appreciate what they owe to catallaxy and how far they are even dependent on it for their very existence, and if they often bitterly resent what they regard as its injustice, this is so because they have never designed it and therefore do not understand it.”
Concernant la pauvreté qui n'est pas réjouissante, Hayek prétend que, avant le développement du capitalisme concurrentiel, la pauvreté existait davantage encore (thèse difficilement contestable), mais elle donnait beaucoup plus souvent lieu à la mort ; tandis que, à l'époque moderne, les personnes pauvres sont en meilleure situation que les pauvres des autres sociétés, qui eux étaient condamnés à mort. Sa thèse, c'est que le capitalisme a multiplié les pauvres, parce qu'il a multiplié la taille de la population en réduisant considérablement le taux de mortalité.
Régis- Digressi(f/ve)
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
J'avoue que je ne suis pas sûr du lieu conceptuel entre Hayek et le Cercle de Vienne, mais ce dont je suis presque sûr, c'est que Hayek, étudiant dans les années 1920, a été influencé par ce milieu intellectuel. La distinction entre les jugements de valeur et les jugements de fait chère aux positivistes logiques est une chose acquise pour Hayek.Bergame a écrit:Attention à tes références : Es-tu sûr qu'il existe un lien (autre que géographique) entre Hayek et le Cercle de Vienne ?
Quant à Weber, il était proche de l'école historique allemande et, dans le cadre du Methodenstreit, un adversaire de l'école autrichienne -dont Hayek, en revanche, se réclame.
Concernant Weber, voici ce que dit Hayek dans un discours prononcé en 1962 à l'Université de Freiburg.
“In this I will not dwell longer than necessary on the much discussed problem which arises here in the first instance and which I cannot wholly pass over, even though I have nothing new to say about it: the role of value judgments in the social sciences in general and in the discussion of questions of economic and social policy in particular. It is now almost fifty years since Max Weber stated the essentials of this issue, and if one now re-reads his careful formulations one finds little that one wishes to add.”
Et un peu plus loin :
“It is of course an elementary duty of intellectual honesty to distinguish dearly between connections of cause and effect, on which science is competent to pronounce, and the desirability or undesirability of particular results. Science as such has of course nothing to say on the relative values of ultimate aims.”
Tes propos sur Weber m'intéressent au plus haut point. Peux-tu me donner la référence du passage où Weber qualifie de “monstrueux” la tendance à présupposer que tous les hommes veulent la même chose ?Bergame a écrit:Et voila, à gros traits, pourquoi : Weber ne croyait pas du tout qu'il existait un accord entre les citoyens sur les fins. Bien au contraire, il partait du principe méthodologique que chaque individu poursuit des fins qui lui sont propres. Et il trouvait parfaitement "monstrueux" -c'est le terme (traduit) qu'il emploie - ce réductionnisme hypocrite qui consiste, d'un côté, à prétendre respecter méthodologiquement la liberté humaine, et de l'autre, à présupposer néanmoins que tous les hommes veulent la même chose.
C'est-à-dire plus précisément que, bien entendu, toute science est réductionniste, toute science constitue son objet. L'économie a elle aussi constitué son objet, qu'on peut appeler du vocable facile "homo oeconomicus". Pourquoi pas ? Ce qui devient, au sens propre, "monstrueux", c'est quand on part du principe que les hommes, les vrais hommes, les hommes réels, ne sont pas autre chose que des "homo oeconomicus", ces espèces de pantins à ressort. Bref, quand l'économie prétend outrepasser son domaine de connaissance. Hayek, qui a écrit des essais sur à peu près tout, est un très bon représentant de cette tendance.
Je pense que c'est sur ce point que la thèse de Hayek peut être facilement contestée. Il n'est pas du tout sûr que l'ensemble de la population, si on lui demandait de se prononcer sur la plus grande désirabilité de certaines conséquences par rapport à d'autres, se prononcerait en faveur des conséquences produites par un système capitaliste. “Il n'est pas du tout sûr” est même un euphémisme. Les désirs sont trop hétérogènes pour qu'il existe un accord unanime sur les conséquences d'un système économique plutôt que celles d'un autre.
Je ne suis pas d'accord, en revanche, pour reprocher à Hayek un réductionnisme économique, puisque Hayek reconnaît que des gens peuvent juger la poursuite du progrès économique secondaire par rapport à d'autres objectifs éthiques, telles que la solidarité ou une distribution plus juste de la richesse. Il soutient cependant que la poursuite de ces objectifs aurait pour conséquence non seulement d'appauvrir la population (argument économique), mais de réduire la liberté individuelle (argument moral) (liberté au sens de Hayek, bien sûr). Cela n'enlève rien toutefois à ce que j'ai écrit ci-dessus : on peut très fortement douté du caractère unanimiste d'un système capitaliste. Hayek parle à la place des citoyens.
Régis- Digressi(f/ve)
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
Régis a écrit: Les désirs sont trop hétérogènes pour qu'il existe un accord unanime sur les conséquences d'un système économique plutôt que celles d'un autre.
Les désirs sont les comportements les plus facile à manipuler.
https://www.youtube.com/watch?v=ExOiPZnEP-4&feature=youtu.be
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kercoz- Digressi(f/ve)
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
à kercoz
Il y a pour René Girard, dans l'imitation d' autrui, une servitude involontaire.
C' est se faire manipuler qui est le désir.( le mimétisme )
Le pire est que selon René Girard
Sur le plan individuel, les hommes se haïssent parce qu'ils s'imitent. Le mimétisme engendre la rivalité, mais en retour la rivalité renforce le mimétisme.
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9sir_mim%C3%A9tique
Il est néanmoins observable que des sphères de désirs semblant hétérogènes cohabitent.
Mais comment se fait- il qu'en dépit de l' imitation tendancielle, soit produite aussi une pluralité de désirs différents?
Il faut que dans l'entre- deux se glissent des créations originales de désir (imitables ensuite).
N' est-il pas souhaitable de favoriser cette créativité? ... dans le sens de l'individualisation du désir.
Position opposée à : conforter l'uniformisation tendancielle ?
Il y a pour René Girard, dans l'imitation d' autrui, une servitude involontaire.
C' est se faire manipuler qui est le désir.( le mimétisme )
Le pire est que selon René Girard
Sur le plan individuel, les hommes se haïssent parce qu'ils s'imitent. Le mimétisme engendre la rivalité, mais en retour la rivalité renforce le mimétisme.
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9sir_mim%C3%A9tique
Il est néanmoins observable que des sphères de désirs semblant hétérogènes cohabitent.
Mais comment se fait- il qu'en dépit de l' imitation tendancielle, soit produite aussi une pluralité de désirs différents?
Il faut que dans l'entre- deux se glissent des créations originales de désir (imitables ensuite).
N' est-il pas souhaitable de favoriser cette créativité? ... dans le sens de l'individualisation du désir.
Position opposée à : conforter l'uniformisation tendancielle ?
hks- Digressi(f/ve)
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
hks a écrit:
N' est-il pas souhaitable de favoriser cette créativité? ... dans le sens de l'individualisation du désir.
Position opposée à : conforter l'uniformisation tendancielle ?
Trop de choses et trop chaud ( je suis au sud de Bx !) pour développer une réponse ce soir.
Juste pour cette phrase....
Ne pas souhaiter la créativité, c'est provocateur ...pourtant il faut se rappeler qu ' en éthologie, la créativité est un caractère propre aux especes sociales, résultant de leur spécificité "nidipare" ( surprotection du groupe). Que ce caractère chez les autres espèces, s' il permet une possibilité d'adaptation envers l' environnement ( moindre rigidité comportementale) et donc la survie, ....est strictement équilibré par une rigidité comportementale entre individus. Cet équilibre a assuré la durabilité de ces especes depuis des millénaires.
C'est le concept de "Néoténie"....le problème chez nous, c'est que depuis peu il dérive complètement. Bien que cette augmentation de créativité peu sembler positive et impressionnant, il comporte des risques et des dégats collatéraux. Un simple exemple est l' augmentation de la dépendance au système et à l' acceptation de la destruction structurelle originelle. Ces "risques" ne sont ni perçus ni envisagés.
Pour le mimétisme voir le chapitre " Bande anonyme " de K.Lorenz. J' ai actuellement qqs poussins ou je peux observer un comportement mimétique permanent qui participe à leur socialisation, en lien étroit avec une hierarchisation qui elle s'appuie surtout sur l' agressivité et son inhibition.
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TIMSHEL
kercoz- Digressi(f/ve)
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Re: “La compréhension augmente le bien-être”
certes c'est provocateur... mais surtout à contre courant de la réalité.Ne pas souhaiter la créativité, c'est provocateur ...
hks- Digressi(f/ve)
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