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RÉFLEXION SUR LA QUESTION DE LA PHILOSOPHIE - I -

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Message par victor.digiorgi Mer 27 Nov 2013 - 23:17

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RÉFLEXION SUR LA QUESTION DE LA PHILOSOPHIE - I -

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La vraie philosophie se moque de la philosophie.
Blaise Pascal

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La philosophie continue d'exercer une vraie fascination. L'assurance qu'elle affiche, le respect diffus qu'elle voue, indifféremment, à tous les écrits philosophiques, l'arrogance dont elle ose se prévaloir en regard des autres disciplines, qu'elle juge de haut, cette façon habile de justifier son statut, tout ça dissimule une opération naïvement mystificatrice.

Le rayonnement qu'elle a pu connaître et l'espèce de dévotion qu'on lui porte, elle les doit à son histoire, plus précisément à quelques grands moments dûment accrédités de son passé que l'historiographie officielle et dominante a retenu et qui sont devenus les figures canoniques et emblématiques de la philosophie, Platon, Aristote, Descartes, Rousseau, Kant et toute la tradition mise en pâture dans l'enseignement scolaire et universitaire. Cette philosophie fonctionne comme une institution. Elle impose un certain langage et une certaine mentalité. Ce dispositif constitue à lui seul déjà tout un programme.

C'est une philosophie qui parle, et qui parle beaucoup. Bavarde et narrative, à l'imagination féconde, elle ne parvient plus aujourd'hui à produire que les étapes empiriques de son propre développement. Fixé en un aimable rituel, le traitement que l'enseignement inflige à la philosophie sur les pratiques pédagogiques de nos chers professeurs et sur le fonctionnement institutionnel de leur discipline.

On réfléchit, on cause, on se promène dans le musée des Grands Penseurs. On ne pense pas. On spécule. C'est-à-dire qu'on détourne le regard des problèmes pratiques. La philosophie des classes terminales doit demeurer toute verbale, toute mentale.

L'enseignement distribué dans les classes de philosophie se réduit à un encyclopédisme culturel qui entretient l'illusion d'une véritable pratique philosophique, alors qu'il sert exclusivement à distiller une philosophie exsangue. Une philosophie pour professeurs. Faute de pouvoir philosopher, on brandit un squelette de philosophie qui est une menace à peine voilée au novice et à l'impétrant : pour pouvoir penser les problèmes actuels, il faut procéder à l'étude des grands philosophes. Les grandes questions, celles qui sont les plus urgentes et qui concernent directement notre temps, ils ne peuvent trouver un éclairage nouveau que par un retour au passé. Tous les problèmes, passés ou présents, sont des problèmes philosophiques et ne concernent en conséquence que la philosophia perennis.

Il y a derrière ce malentendu quelque chose de plus grave, c'est-à-dire un retrait, une fuite devant le réel, qui est une dérobade devant la situation générale : la philosophie, et singulièrement la philosophie universitaire, est en décomposition. Jadis reine des sciences qui représentait les authentiques intérêts de la raison, mise à la diète spéculative depuis des siècles, la philosophie n'est plus qu'une ombre, qu'un corps dévertébré. Être philosophe aujourd'hui, c'est avoir le choix entre être éclectique (une bouchée de Platon, une bouchée d'Aristote …), se spécialiser dans la pratique d'un petit métier (logique, éthique, histoire de l'art …) ou faire l'étude des philosophes du passé.

Ceux qui se sont transformés en spécialistes, en acquérant une indépendance quasi totale, ont décidé de quitter le navire (« les rats quittent le navire »). Les autres essaient désespérément de le sauver du naufrage.

Misère de la philosophie …

La philosophie, jadis « discipline de couronnement », a connu son heure de gloire, mais elle s'est depuis longtemps éclipsée devant la science, la nouvelle diva venue remplacer l'ancienne. Rares sont les philosophes qui osent l'admettre : les maîtres n'ont plus rien à dire à leurs étudiants, et le message de l'université se révèle étonnamment creux.

L'essentiel de son propos a été confisqué par les historiens, qui on réduit la philosophie à une « histoire descriptive », d'une banalité nivelante, qui en forme le compendium : Une philosophie passée, conçue en fonction de certains problèmes et d'une certaine vision du monde, et alors que ces problèmes et cette vision n'existent plus pour nous, sera exposée comme si c'était une doctrine contemporaine. L'histoire de la philosophie, de nos jours, elle ne cherche plus ce que veut dire une doctrine, elle n'étudie plus que sa manière de le dire. C'est une histoire descriptive, et il est curieux de constater qu'à une époque où les sciences historiques veulent cesser d'être événementielles, l'histoire de la philosophie redevienne, au contraire, événementielle, et ne fournit plus guère que la bibliothèque rose de la pensée.

On ne veut pas savoir d'une doctrine si elle est « vraie » ou si elle est « fausse », ce qui intéresse, c'est ce que tel ou tel auteur a dit, et comment il l'a dit. Cette façon d'interpréter la philosophie aboutit à une sorte de compromis où règne le plus misérable éclectisme. Tout se trouve désormais dans le legs conceptuel des auteurs qui ont parlé de l'Être, de la Nature, de l'Âme ou de Dieu. Cela crée l'illusion d'une intense activité intellectuelle, alors qu'en vérité la légitimation après laquelle elle court, la philosophie l'emprunte à sa propre fondation. La question se pose : la philosophie, de nos jours, peut-elle se borner à n'être qu'une simple paraphrase ?

Le rôle qu'elle jouait jadis et qui est le rôle traditionnel de la philosophie : affronter les grandes questions, celles qui concernent directement notre présent et notre avenir, susciter l'engagement et la lucidité critique, militer pour la défense des valeurs et le courage philosophique, ce rôle ne soulève plus ni l'ardeur ni l'enthousiasme des pontifes et s'est effacé au profit des révérences (des références) aux textes et à la tradition. Après avoir affirmé que la philosophie est une affaire vitale, c'est la position de repli. La grande vocation de la philosophie, préparer la jeunesse à affronter le réel, à s'inscrire authentiquement dans le concret, on le voit, n'anime plus nos philosophes fonctionnaires, qui ont depuis longtemps cessé d'y croire.

Le champ de la philosophie se réduit comme peau de chagrin. La science évolue, alors que la philosophie piétine et patine, ruminant les mêmes problèmes qu'elle est incapable de résoudre. Les « spécialistes  » ont déserté, chacun a pris soin d'aménager son petit coin pour se consacrer à ce qui l'intéresse. Défendre une certaine idée de la philosophie, pour eux, c'est s'occuper à des petits travaux qui bien souvent n'ont rien à voir avec ses exigences. Il nous faut d'ailleurs et d'ici peu d'autres sécessions : les « petits métiers » attirent de plus en plus d'adeptes, sous-alimentés par la pauvreté de la discipline et désireux de fuir le bavardage.

Dans ces conditions, que reste-t-il de la philosophie, quel est le dernier recours pour ceux qui veulent faire de la philosophie sans trop s'engager ? Réponse : S'appuyer sur une doctrine bien définie (platonisme, thomisme, marxisme, structuralisme, psychanalyse) ou se cantonner dans l'histoire de la philosophie, ce qui dénote un même cynisme et une même désillusion qui consiste encore à mimer la philosophie.

Répéter et perroqueter les autres, vouer une culture aux morts et à la mémoire, soumettre de jeunes esprits en cours de fabrication à un éclectisme débridé et ravageur, c'est distiller un enseignement toxique et désaxé qui ne peut conduire qu'à l'égarement ou à la confusion. Est-ce la façon de nourrir des intelligences fraîches avides de connaissances que de les soumettre à la pauvreté d'un enseignement dissolvant ?

L'arbitraire d'un enseignement soumis à une tradition fabriquée qui fait de l'histoire de la philosophie la seule philosophie sérieuse dénote l'impossibilité actuelle d'administrer la philosophie.

En philosophie, les auteurs sont devenus plus importants que les problèmes (et les questions elles-mêmes plus importantes que les réponses …). Alors posons-nous la question : que reste-t-il de la philosophie quand la seule légitimation après laquelle elle court, c'est à sa fondation même qu'elle l'emprunte ?

La philosophie doit abandonner sa superbe, au lieu de plastronner, et laisser la parole aux sciences en acceptant de se livrer au jeu de l'erreur et de la vérité. La philosophie peut toujours continuer à donner du vibrato à des doctrines et à des auteurs vieillis, mais elle ne peut plus ignorer les faits.

Dans la culture moderne, seule la philosophie n'a pas fait sa révolution …

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Au nom de l'ART, de la SCIENCE et de la PHILOSOPHIE. (Ainsi soit-il.)
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