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Apprendre à mourir ?

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Message par euthyphron Ven 22 Nov 2013 - 18:24

Je serais intéressé de savoir comment les uns ou les autres comprenez "apprendre à mourir". Car enfin, mourir c'est facile, il n'y a rien à faire ça vient tout seul.
Du coup l'on considère qu'apprendre à mourir c'est se libérer de la peur de la mort, s'entraîner à faire bonne figure, ne pas emmerder ceux qui restent avec ses jérémiades, etc. Apprendre à être digne devant le malheur, et par extension la mort, considérée comme un grand malheur.
Ceci ne me convient pas. L'enseignement socratique est loin de considérer la mort comme un grand mal, et l'épicurisme non plus. Apprendre à mourir voudrait-il alors dire apprendre à regarder la mort comme une vaste blague? Peut-être, mais cela ne peut que rejailir sur la vie, dont la mort serait par hypothèse un épiphénomène rigolo.

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Message par victor.digiorgi Ven 22 Nov 2013 - 19:02

euthyphron a écrit:Je serais intéressé de savoir comment les uns ou les autres comprenez "apprendre à mourir". Car enfin, mourir c'est facile, il n'y a rien à faire ça vient tout seul.
Du coup l'on considère qu'apprendre à mourir c'est se libérer de la peur de la mort, s'entraîner à faire bonne figure, ne pas emmerder ceux qui restent avec ses jérémiades, etc. Apprendre à être digne devant le malheur, et par extension la mort, considérée comme un grand malheur.
Ceci ne me convient pas. L'enseignement socratique est loin de considérer la mort comme un grand mal, et l'épicurisme non plus. Apprendre à mourir voudrait-il alors dire apprendre à regarder la mort comme une vaste blague? Peut-être, mais cela ne peut que rejailir sur la vie, dont la mort serait par hypothèse un épiphénomène rigolo.
Je suppose pour ma part que ceux qui se posent la question d'apprendre à mourir veulent parler de Démocrite, qui, fatigué des misères de son temps et de toutes les souffrances du monde, parla me semble-t-il de planter un arbre, de le regarder pousser, de débiter ses planches, de les voir sécher et de s'en faire un cercueil dans lequel il irait prendre sa place dans la terre, c'est-à-dire dans le cosmos.

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Message par baptiste Sam 23 Nov 2013 - 0:02

Paul Diel prétend que la lecture littérale de la chute est une erreur. Que signifie l’arbre de la connaissance ? Pourquoi ses fruits sont défendus ? Comment justifier que la faute d’un seul retombe sur l’humanité de générations en générations ? Comment une faute minime justifie-t-elle une punition aussi grave ? Pour lui il s’agit d’un récit mythique, comme il en existait beaucoup au Moyen-Orient, tout dans ce récit est symbole, Dieu créateur et juge uni dans un seul symbole celui du mystère de la vie qui inclus celui de l’existence, la responsabilité de l’homme à l’égard de ses propres intentions, la responsabilité du choix entre le juste et le faux...

Pour le judaïsme et le christianisme, l'histoire est le lieu par excellence de la révélation divine : Dieu s'y révèle à travers son acte créateur initial et ses interventions pour sauver l'humanité par médiateurs interposés (Noé et le Déluge, Abraham, Moïse et l'Exode, les prophètes, Jésus). Cette valorisation de l'histoire correspond bien entendu à une interprétation théologique de celle-ci, considérée comme une " histoire sainte ". La double opposition mise en place par la philosophie grecque entre mythe et raison d'une part, entre récits fabuleux et vérité historique d'autre part, permettait de valoriser la Bible en soulignant son caractère essentiellement historique : la Bible dit vrai car elle parle de faits historiques, au contraire des mythes. Ce n’est finalement qu’une récupération de l’histoire parmi d’autres.

La mort n’est pas l’essentiel dans la chute.

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Message par euthyphron Sam 23 Nov 2013 - 11:26

victor.digiorgi a écrit:
Je suppose pour ma part que ceux qui se posent la question d'apprendre à mourir veulent parler de Démocrite, qui, fatigué des misères de son temps et de toutes les souffrances du monde, parla me semble-t-il de planter un arbre, de le regarder pousser, de débiter ses planches, de les voir sécher et de s'en faire un cercueil dans lequel il irait prendre sa place dans la terre, c'est-à-dire dans le cosmos.
Cette anecdote me paraît intéressante en effet. "Apprendre à mourir" signifierait alors apprendre à vivre sa vie dans son lien dialectique avec la mort. "Qui sait si mourir n'est pas vivre ni si vivre n'est pas mourir?" Je cite de mémoire un passage du Gorgias où Socrate convoque un subtil amateur de mythes, qui serait sicilien, et manfestement pythagoricien, pour combattre la conception de la vie défendue par Calliclès.
courtial a écrit:Je ne retrouve pas dans le texte de la Genèse la mention du fait que la mortalité est la punition du péché. Je croyais bien l'y avoir lue, pourtant. Adam devra mourir parce qu'il a péché : mais où trouve-t-on cela ?
Je n'ai pas le texte sous les yeux, mais il me semble qu'il est question de la mort dans le dialogue entre Eve et le serpent qui précède le péché. Dieu aurait menacé de mort, le serpent dit à Eve qu'elle ne mourra pas.
Ceci me paraît manifester, si besoin est, le caractère mythique du récit de la Genèse. Il n'y a guère que quelques fondamentalistes absolus pour en défendre la vérité littérale, et encore je ne sais s'il en existe vraiment, mais je suppose que oui. Le paradoxe est que la tradition chrétienne ignore la notion de mythe, sauf appliquée à ce qui lui est étranger, alors qu'elle repose sur des récits qui pour certains ne sont pas à prendre au sens littéral, pour d'autres si. Il y a là à mon sens une clef pour son interprétation.

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Message par Courtial Sam 23 Nov 2013 - 20:35

euthyphron a écrit:Je serais intéressé de savoir comment les uns ou les autres comprenez "apprendre à mourir". Car enfin, mourir c'est facile, il n'y a rien à faire ça vient tout seul.
Du coup l'on considère qu'apprendre à mourir c'est se libérer de la peur de la mort, s'entraîner à faire bonne figure, ne pas emmerder ceux qui restent avec ses jérémiades, etc. Apprendre à être digne devant le malheur, et par extension la mort, considérée comme un grand malheur.
Ceci ne me convient pas. L'enseignement socratique est loin de considérer la mort comme un grand mal, et l'épicurisme non plus. Apprendre à mourir voudrait-il alors dire apprendre à regarder la mort comme une vaste blague? Peut-être, mais cela ne peut que rejailir sur la vie, dont la mort serait par hypothèse un épiphénomène rigolo.
Eh bien, je suppose que si l'on rétablit l'ensemble de la phrase, qui porte que "philosopher, c'est apprendre à mourir", il y a une ligne significative : l'objet de la philosophie étant la méditation de la vérité éternelle, inchangeable, de l'Etre immobile, on peut comprendre la vie du sage comme une méditation de la mort (qu'est-ce que cela veut dire ne pas bouger, ne pas changer, etc. sinon être mort ?), en sorte qu'on corrigera Sénèque : c'est cum doctrinam, vita est quasi mortis imago qu'il aurait dû dire.
On peut le décliner en néo-platonicien si tu préfères (le client est roi) : penser, c'est détacher l'âme du corps, se séparer du sensible. C'est donc une préfiguration de la mort, où l'âme sera, en effet, détachée du corps.
Montaigne s'appuie sur ce genre de références dans son Essai, puisqu'il y en a un entièrement consacré à cette citation (je vous sortirai le lieu exact plus tard, pour l'instant, je me prépare mentalement pour le match : quand on rencontre l'Afrique du sud, on ne peut pas disperser son énergie avec des futilités).

Ca ne m'intéresse pas beaucoup, c'est pourquoi j'avais mentionné que je préferais laisser de côté cet aspect platonico-augustino-chrétien pour interroger plutôt la place d'une réflexion sur la mort, sa nécessité (ou au contraire sa futilité, ou son caractère illusoire, etc.).
"Apprendre à mourir", dans un sens moins littéral, c'est se préparer à l'idée de la mort.
Y a-t-il des préparatifs et lesquels ? Et qui servent à quoi, puisque, à l'évidence, il n'y a pas de risque d'échec.
J'ai évoqué Marc-Aurèle, en particulier, parce qu'il insiste en permanence sur la nécessité de se rappeler tous les jours, toutes les minutes que nous allons mourir. Il a des phrases très frappantes là-dessus : tu es déjà presque mort, la différence qu'il y a entre toi et un mort est tellement minime que cela ne vaut pas la peine d'en parler, etc. Pense-toi d'abord comme un "futur cadavre", comme dirait Cohen (ceci pour faire plaisir à Poussbois... Poupousse, si tu nous entends...Chez Cohen, c'est surtout accentué vers la nécessité de la modestie : arrête de péter plus haut que ton pauvre cul, arrête de te prendre pour quelque chose, t'es rien, t'es déjà mort).
Dans son esprit (et celui du stoïcisme en général), cela a surtout une signification morale, et d'une exhortation à l'exigence éthique : comme "en toutes choses il faut considérer la fin", une vie se juge surtout à sa fin, ce qui revient à dire que nous devrons dorénavant considérer chacun de nos actes comme s'il était le dernier : je ne voudrais tout de même pas être saisi d'un coup par la mort alors que je suis en train de faire une saloperie, et que l'on dise, à ceux qui interrogeront : alors, il faisait quoi, Courtial, au moment de sa mort ? Eh bien, il était en train de molester un enfant, ou de raconter un gros bobard, ou de vendre de la drogue.
Il m'est donc fermement déconseillé de faire des conneries en me disant que c'est un moment, que c'est pas grave, que je rattraperai le coup après, parce qu'il n'y aura peut-être pas d'après.
A Saint-Germain-des-prés comme partout ailleurs.

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Message par victor.digiorgi Sam 23 Nov 2013 - 22:26

Courtial a écrit:l'objet de la philosophie étant la méditation de la vérité éternelle, inchangeable, de l'Etre immobile
HEIN ?? Ah ben ça alors ! C'est ÇA, la philosophie ? Tu m'inquiètes ...

Courtial a écrit:(pour l'instant, je me prépare mentalement pour le match : quand on rencontre l'Afrique du sud, on ne peut pas disperser son énergie avec des futilités).
Ouf ! J'ai eu peur pour toi, mon brave ami ! ...

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Message par baptiste Sam 23 Nov 2013 - 23:36

Courtial a écrit:
J'ai évoqué Marc-Aurèle, en particulier, parce qu'il insiste en permanence sur la nécessité de se rappeler tous les jours, toutes les minutes que nous allons mourir. Il a des phrases très frappantes là-dessus : tu es déjà presque mort, la différence qu'il y a entre toi et un mort est tellement minime que cela ne vaut pas la peine d'en parler, etc. .

Il y a deux temps différent dans la manière de considérer la mort, celui vague où elle n’est que possibilité et celui où elle s’annonce comme inéluctable à brève échéance, je n’ai pas souvenir de personnes ayant abordé les deux temps de la même manière. Marc-Aurèle avait de quoi l’envisager de la seconde manière. L’assassina de largement la moitié de ses prédécesseurs par leurs gardes avait de quoi entretenir chez lui la conscience de la précarité de l’existence humaine.
Mais question inverse, avez-vous jamais imaginé l’horreur que serait une vie sans fin ?



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Message par poussbois Sam 23 Nov 2013 - 23:49

Courtial a écrit:
Pense-toi d'abord comme un "futur cadavre", comme dirait Cohen (ceci pour faire plaisir à Poussbois... Poupousse, si tu nous entends...Chez Cohen, c'est surtout accentué vers la nécessité de la modestie : arrête de péter plus haut que ton pauvre cul, arrête de te prendre pour quelque chose, t'es rien, t'es déjà mort).
Bien sûr que je vous entends, je participe peu, mais je lis beaucoup, pas tout ni tous, mais je lis. Pour Cohen, je te fais confiance, pour l'humilité. "Pense-toi comme un futur cadavre", sortie de son contexte, ça me semble toutefois être plus que de la simple humilité, et se rapprocher vers une forme de vision mortifère. C'est effectivement une position bizarrement assez catho et proche de l'ascèse stoïcienne qui accorde tant de place à la mort qu''on se demande un peu si la vie n'est finalement pas réduite à son pendant obligatoire mais encombrant.

Que je sois un futur cadavre, j'en suis persuadé, encore faudra-t-il toutefois valider le fait qu'on puisse envisager notre propre mort... mais je ne pense pas être réductible à cet état qui sera certainement définitif pour mon entourage, mais relativement anecdotique vis-à-vis de l'ensemble de ma vie. Donc, je préfère des philosophes comme Thoreau qui ne dit rien de grandiloquent sur la vie et la mort, mais qui cherche, en tant que vivant, à se rapprocher de la vie :

Thoreau dans Walden a écrit:I went to the woods because I wished to live deliberately, to front only the essential facts of life, and see if I could not learn what it had to teach, and not, when I came to die, discover that I had not lived. I did not wish to live what was not life, living is so dear; nor did I wish to practise resignation, unless it was quite necessary. I wanted to live deep and suck out all the marrow of life, to live so sturdily and Spartan-like as to put to rout all that was not life, to cut a broad swath and shave close, to drive life into a corner, and reduce it to its lowest terms, and, if it proved to be mean, why then to get the whole and genuine meanness of it, and publish its meanness to the world; or if it were sublime, to know it by experience, and be able to give a true account of it in my next excursion.

Je suis parti dans les bois car je souhaitais vivre avec mesure, me confronter uniquement à l'essentiel de la vie, et vérifier si je pouvais apprendre ce que cela avait à m'enseigner, et ne pas découvrir, à l'heure de ma mort, que je n'avais pas vécu. Je ne désirais pas vivre ce qui n'était pas la vie, elle est si précieuse ; je ne voulais pas moins me résigner, sauf si cela s'avérait nécessaire. Je souhaitais vivre intensément et sucer toute la moelle de la vie, mener une vie spartiate et vigoureuse et mettre en déroute tout ce qui n'était pas la vie, à grand coup de rasoir, couper ces pans inutiles, cerner cette vie dans un coin et la réduire à sa plus simple expression, et si cela s'avérait mauvais, apprendre de ce mal dans sa totalité et sa vérité et le diffuser au monde entier ; ou si cela s'avérait sublime, en avoir fait l'expérience sensible et être capable d'en rendre compte de façon authentique lors des voyages suivants.
Voila une philosophie de la vie qui n'oublie pas la mort, sans la mettre en avant. Tout cela n'est que de la mesure. Un empereur romain comme le dit Baptiste, ne peut pas mettre le curseur au même niveau qu'un transcendantaliste américain.  

L'horreur d'une vie sans fin, oui. C'est ce dont je parlais un peu rapidement au début de ce fil, il me semble. La mort ne peut pas être futile ni dérisoire. Elle l'est dans le cadre d'une pensée tronquée, égocentrée. Mais elle ne peut pas l'être si on considère la stérilité et l'horreur potentielle effectivement d'une vie sans fin. Le petit livre de Barjavel sur une immortalité contagieuse est de fait cauchemardesque.

Ce que j'aime dans Thoreau, c'est que la connaissance (pas la conscience, il n'en parle pas) de sa propre fin, lui donne le prix de la vie et l'énergie pour en découvrir les ressorts. En somme, il construit sa vie pour elle-même. Il n'apporte pas d'intérêt particulier à la mort qui est dans ses livres quelque chose d'assez naturel et très mécanique : les oiseaux meurent de froid l'hiver car la source de nourriture et d'énergie qu'ils cumulent dans la journée ne leur permet pas de lutter efficacement contre le froid. Par contre, il écrit des textes magnifiques sur leurs chants durant la belle saison. Il a une vue pour cela très "campagnarde" de la mort. Elle est là, présente, si on fait trop d'erreurs, on meurt, c'est ce qui fait le prix de la vie et nous permet de nous en émerveiller.

On n'a pas parlé de sublime dans cette réflexion sur la vie et la mort. C'est peut-être via ce sentiment de terrassement devant quelque chose qui nous dépasse que cette conscience de la vie et de la mort peut apparaître et définir notre relation à notre projet intime.

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Message par victor.digiorgi Dim 24 Nov 2013 - 0:23

baptiste a écrit:avez-vous jamais imaginé l’horreur que serait une vie sans fin ?
Simone de Beauvoir fait de cette horreur le centre de son petit roman de jeunesse intitulé « Tous les hommes sont mortels ».

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Message par victor.digiorgi Dim 24 Nov 2013 - 0:31

poussbois a écrit: Le petit livre de Barjavel sur une immortalité contagieuse est de fait cauchemardesque.
Oui, c'est vrai.

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Cela dit, oui aussi, le point de vue de Thoreau sur la question de la mort est saine.

Y faut vraiment n'avoir rien à foutre de sa tête ou de ses dix doigts pour être travaillé par la mort ...

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Message par quid Dim 24 Nov 2013 - 0:39

Concernant le texte de Montaigne. Il lève effectivement une distinction qui n'est pas soulignée dans le texte de Heidegger ; Le fait qu'il y a un chemin naturel vers la mort.

Pour Heidegger, au travers de l'expérience de mort des autres, on projette l'expérience de sa propre mort, de sa propre disparition ; donc l'ultime bout du chemin, qui ne peut-être dépassé.

Mais le texte de Montaigne, nous signale le côté naturel de cette inéluctabilité. Bien qu'a priori saisissant, la considération de la mort, la fin de toute chose pour nous, n'en reste pas moins partie intégrante de notre être-au-monde, de notre rapport au monde, de notre appréhension du monde. Et finalement, c'est bien l'éternité qui nous est un concept étranger.

Il le met en exergue par les signes de notre décrépitude, interpellant sur les implications d'une continuation à vivre dans cette déchéance, qui peut être souffrance morale et souvent physique. Il reçoit en quelque sorte comme une grâce cette délivrance obligée, de notre obstination à vivre malgré l'affliction. L'affliction de la vieillesse est alors quelque peu ambiguë dans son texte : « Est-ce une aide ou est-ce la cause ? ». C'est en fait plus une justification continue et générale, la vie n'est que relative à la mort ; on est toujours plus ou moins vivant ; La résolution finale étant qu'on ne peut vivre si l'on est mort, ou qu'il est normal de mourir sous le joug de l'altération continue de ce qui fait que l'on soit vivant et de notre désir de vivre.
Donc, si le miroir de la mort des autres nous met face à notre propre absence, le miroir de notre « déchéance » nous alerte sur le rapprochement de l'inéluctable, l'actualise, lui donne une réalité et une proximité.

Une autre considération. Comment justifier la disparition des autres sinon par sa propre disparition ? Ou alors, il faudrait être capable de justifier sa propre disparition, afin de justifier toutes les disparitions. Je pense que Montaigne ne justifie pas la disparition, il en prend seulement acte et trouve que la vie porte en elle les moyens de sa mort.

Euthyphron a écrit:Je serais intéressé de savoir comment les uns ou les autres comprenez "apprendre à mourir". Car enfin, mourir c'est facile, il n'y a rien à faire ça vient tout seul.
Courtial a écrit:"Apprendre à mourir", dans un sens moins littéral, c'est se préparer à l'idée de la mort.
Y a-t-il des préparatifs et lesquels ? Et qui servent à quoi, puisque, à l'évidence, il n'y a pas de risque d'échec.
La dessus je ne sais pas, mais j'ai l'impression que si tout le monde y passera, il y a peut-être possibilité de rater sa mort. Ou plus exactement de ne pas la réussir. Et cette réussite se ferait de son vivant et serait personnelle, un genre d'approche sereine. Je n'ai rien de précis en tête.
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Message par victor.digiorgi Dim 24 Nov 2013 - 1:05

quid a écrit:Pour Heidegger, au travers de l'expérience de mort des autres, on projette l'expérience de sa propre mort, de sa propre disparition ; donc l'ultime bout du chemin, qui ne peut-être dépassé.
C'est peut-être une chose parfaitement ressentie par Heidegger, mais cette chose, cette expérience projeté de ma propre mort, je ne la vois nulle part en général et pas au travers de l'expérience de la mort des autres en particulier. Et pourtant des morts, j'en ai vus ...

Par contre, je peux parfaitement imaginer les tourments possibles des derniers instants de ma vie, mais sans plus ni moins d'acuité que si je ne devais pas en mourir, ce qui me permet de bien planifier mon suicide pour éviter soigneusement les tourments possibles de mes derniers instants, mais sans plus ni moins de soucis que s'il s'agissait d'une anesthésie précédent une simple opération de l'appendicite.

quid a écrit:Mais le texte de Montaigne, nous signale le côté naturel de cette inéluctabilité. Bien qu'a priori saisissant, la considération de la mort, la fin de toute chose pour nous, n'en reste pas moins partie intégrante de notre être-au-monde, de notre rapport au monde, de notre appréhension du monde. Et finalement, c'est bien l'éternité qui nous est un concept étranger.
Curieusement, il n'y a pas plus familier pour moi que le plus parfait sentiment d'éternité totale !

Il ne s'agit évidemment pas de nier le fait que je serais mort un jour pour les autres, cependant, sans métaphysique, sans artifice verbal, sans pensée justificative, sans argumentation, sans explications, je puis assurer chacun ici que je suis parfaitement éternel. Je me demande d'ailleurs comment il se fait qu'il y ait si peu de monde se voyant indubitablement éternel comme moi. J'avancerais peut-être que cela est peut-être dû à un état matériel, biologique, physiologique, neurologique provoqué par une sorte de mutation génétique ayant peut-être un rapport avec une certaine idée de la démence en tant qu'anormalité particulière émergeant d'un prolongement de l'évolution naturelle. Le cerveau est le dernier avatar de l'évolution. Il y a en conséquence de bonnes raisons de penser qu'il se cherche encore, qu'il est encore loin d'avoir atteint sa maturité ...

(surtout le mien ... Apprendre à mourir ?  - Page 2 852124971  ... ).

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Message par quid Dim 24 Nov 2013 - 1:33

à victor.

Si j'envisage également les possibilités de l'existence du côté de l'éternité, pour ma part j'ai besoin d'en être convaincu, ne serait-ce que par recoupement d'expériences et de projections mentales.
En fait le côté possible sous forme de différentes hypothèses ou points de vue, pourquoi pas, le côté indubitable ne peut provenir que d'une expérience intime de cristallisation. Et même si cette expérience revêt l'habit de la certitude, elle ne dit pas si c'est pour son propre bien ou pour son propre mal. Mais si en plus cette expérience se pare de la plus grande joie, que demander de plus sinon de ne surtout pas sortir de cette certitude ; personne ne nous le souhaiterait.
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Message par Courtial Dim 24 Nov 2013 - 3:39

victor.digiorgi a écrit:
Courtial a écrit:l'objet de la philosophie étant la méditation de la vérité éternelle, inchangeable, de l'Etre immobile
HEIN ?? Ah ben ça alors ! C'est ÇA, la philosophie ? Tu m'inquiètes ...

Courtial a écrit:(pour l'instant, je me prépare mentalement pour le match : quand on rencontre l'Afrique du sud, on ne peut pas disperser son énergie avec des futilités).
Ouf ! J'ai eu peur pour toi, mon brave ami ! ...

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Oui, bon, on s'est fait taper, d'accord. Mais respecte notre deuil, sois un peu charitable.

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Message par Courtial Dim 24 Nov 2013 - 4:08

baptiste a écrit:Il y a deux temps différent dans la manière de considérer la mort, celui vague où elle n’est que possibilité et celui où elle s’annonce comme inéluctable à brève échéance, je n’ai pas souvenir de personnes ayant abordé les deux temps de la même manière.
Je profite de cette remarque pour en venir à Jankélévitch, sur lequel j'avais promis quelques indications.
La référence est : V. Jankélévitch, La mort, Flammarion 1966 (moi j'ai l'édition de 1977, je suppose que c'est le même texte, y a peut-être des ajouts ou retranchements, je l'ignore).
C'est un pavé (mais qui se lit bien) et je ne vais pas tout résumer, je vais me contenter de ce que l'on peut voir sur "le temps qui reste", comme on dit.
Janké commence par interroger surtout sur cette chose : on est sûr qu'on va mourir. La question qui se pose est la nature de cette "certitude". Et là on se trouve déjà très mal pour la légitimer. Je ne sais pas que je vais mourir comme je sais que 2+2 font 4, certainement pas.
On pourra y revenir mais supposons cet obstacle surmonté. On en trouve un second :on est sûr qu'on va mourir mais personne ne sait quand. Ce qui est une deuxième difficulté. Certitude du fait, incertitude de l'heure.

On peut donc déjà déployer des figures sur ces données.
Voici les quatre possibles :

- La mort est certaine, mais l'heure incertaine (mors certa hora incerta. Janké est toujours dans les Pères de l'Eglise, il parle latin comme eux, sauf qu'il est complètement athée). Evoqué plus haut : faîtes gaffe, elle pourrait arriver plus vite que vous ne croyez. Ou l'inverse : allons-y gaiment, c'est toujours repoussé à plus tard. Procrastination thanatologique, si j'ose.

- La mort est certaine, son heure aussi, mais nous ne la connaissons pas (mors certa, hora certa sed ignota). Conception destinale : en fait, l'heure de notre mort est déjà fixée, mais nous l'ignorons. Superstition, talismans et toute la lyre...

- La mort est certaine et l'heure certaine (mors certa hora certa) C'est le Dernier Jour d'un condamné de Victor Hugo : celui qui sait que son heure est fixée à 5 heures demain matin, etc.

- La mort est incertaine et l'heure incertaine (mors incerta hora incerta) Ce qui se passe là, c'est que l'incertitude de l'heure rejaillit sur l'incertitude du fait. Après tout, puisqu'il n'est jamais nécessaire que je meure aujourd'hui,ni non plus demain, pourquoi ne pas le repousser indéfiniment ? En sorte qu'il n'est plus du tout sûr que je meure.

Naturellement, il faut développer, dans tous les cas, les conséquences éthiques. Chacun le sait : si les médecins me disent : "vous n'en avez plus que pour 6 mois", je ne vais pas me comporter comme un type en pleine forme et qui prend un crédit sur 20 ans, etc.

Pour Jankélévitch, qui est, comme j'ai dit, un athée, la seule attitude possible est la quatrième, c'est-à-dire la plus intenable. Je cite de mémoire (dommage, parce que lui aussi est un grand styliste, si c'est inexact), il dit je crois que la déraisonnable chimère se révèle plus vraie que l'absurde vérité.

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Message par victor.digiorgi Dim 24 Nov 2013 - 4:53

Courtial a écrit:
victor.digiorgi a écrit:
Courtial a écrit:l'objet de la philosophie étant la méditation de la vérité éternelle, inchangeable, de l'Etre immobile
HEIN ?? Ah ben ça alors ! C'est ÇA, la philosophie ? Tu m'inquiètes ...

Courtial a écrit:(pour l'instant, je me prépare mentalement pour le match : quand on rencontre l'Afrique du sud, on ne peut pas disperser son énergie avec des futilités).
Ouf ! J'ai eu peur pour toi, mon brave ami ! ...

.
Oui, bon, on s'est fait taper, d'accord. Mais respecte notre deuil, sois un peu charitable.
Je compatis, mon vieux. Je compatis.

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Message par victor.digiorgi Dim 24 Nov 2013 - 5:00

Courtial a écrit:on est sûr qu'on va mourir.
Ah non, moi, je suis sûr du contraire. Ou alors je me dis qu'il faudrait que quelqu'un me prouve que je suis mortel.

Et je ne demande cependant cette preuve à personne, parce que ça serait tenter le diable.

On pourrait me tuer pour avoir raison !

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Message par poussbois Dim 24 Nov 2013 - 12:28

Tu es donc dans la limite de ce que propose Jankélévitch.

Courtial, à part ce livre sur la mort (ou peut-être est-ce ce livre qui m'intéressera !), aurais-tu un avis sur une bonne entrée en matière pour Jankélévitch. J'ai écouté une partie de ses conférences enregistrées, lu quelques extraits, articles, mais malgré un a priori très positif sur ce bon homme, je n'ai jamais pris le temps de le lire sérieusement. On peut même dire que je me suis pris d'affection pour le personnage : voix chuintante, petit gabarit et visage impassible, mais d'une grande qualité d'élocution et de persuasion avec un véritable humour. Un philosophe musicien et d'une apparente désinvolture, humble devant son travail mais intransigeant devant ses adversaires, ceux qui dénigrent la philosophie, qu'il avait une grande capacité à cerner tout en ne répondant jamais à leurs questions.

Courtial a écrit:
Janké commence par interroger surtout sur cette chose : on est sûr qu'on va mourir. La question qui se pose est la nature de cette "certitude". Et là on se trouve déjà très mal pour la légitimer. Je ne sais pas que je vais mourir comme je sais que 2+2 font 4, certainement pas.
On pourra y revenir mais supposons cet obstacle surmonté.
Je sais que ce n'est pas ce que tu as envie de développer, mais moi c'est ce point qui me pose problème ; car d'après moi, c'est de la nature de cette certitude que va découler les choix que nous ferons dans la liste proposée par Jankélévitch;
Effectivement, on ne peut pas penser la mort, on peut parler "à propos" de la mort (Jankélévitch encore). On retrouve avec cette notion de néant, l'absurdité de la vie présentée par Camus.
On peut apprendre que 2x2=4 et en faire l'expérience, avoir un évaluation de ce que cela apporte. Pour la mort, tout d'abord, personne ne peut nous apprendre à mourir sur la base de son expérience, et nous sommes dans l'incapacité de voir quel conclusion on pourra en tirer, quel expérience... J'ai vu mourir, j'ai fait mourir, j'ai accompagné ma grand-mère sur son lit de mort, et alors ? Je reste néanmoins un débutant, et je ne suis pas sûr que cela m'apprenne quoi que ce soit sur ma mort.

La mort est toujours hors sujet dans une discussion. Les accidents terribles qui nous font perdre l'usage d'une partie de nos facultés ont cet aspect définitif de la mort, mais nous faisons l'expérience de ses conclusions. Pas pour la mort.

Ionesco, le roi se meurt a écrit:
Marguerite
"Il s'imagine qu'il est le premier à mourir."
Marie
"Tout le monde est le premier à mourir."
A partir de là, peut-on imaginer que les pensées qui permettent un espoir post-mortem, une foi religieuse, sont celles qui vont être le plus perméables aux acceptions "la mort est certaine", sans pour autant avoir une véritable idée de ce qu'elle va être. Il faut alors des arrières-mondes pour donner la moindre consistance à la mort. Dans le cas contraire,il y a un mystère indépassable et si on accepte ce mystère, l'acception "la mort est incertaine" prend beaucoup plus de place dans notre réflexion, même si la mort donne son sens à la vie.

Andreiev, les sept pendus, a écrit:
— Eh bien, comment va-t-il ?(note : ils parlent de Vassili, un des 7 condamnés qui vient de monter dans le wagon)
— Mal ! répondit Moussia, en chuchotant. Il est déjà mort. Dis-moi, Werner, y a-t-il vraiment une mort ?
— Je ne sais pas, Moussia, mais je crois que non ! répondit Werner d’un ton grave et pensif.
— C’est ce que je pensais ! Et lui ? J’ai souffert à cause de lui, dans la voiture ; il me semblait que je voyageais à côté d’un mort.
— Je ne sais pas, Moussia. Peut-être la mort existe-t-elle encore pour quelques-uns. Plus tard, elle n’existera plus du tout. Pour moi, par exemple, la mort a existé, mais maintenant, elle n’existe plus.
Les joues un peu pâlies de Moussia s’enflammèrent :
— Elle a existé pour toi, Werner ? Pour toi ?
— Oui, mais plus maintenant. Comme pour toi !
(extrait lu par Jankélévitch lors d'une conférence)


Ce qui intéresse Epicure, dans le cadre d'une pensée matérialiste et pour lutter contre les superstitions, c'est la relation du corps à la pensée. Avec la fin du corps, événement objectif, vérifiable et mesurable, il est concevable d'envisager la fin de la pensée.
Mais quelle relation la pensée a-t-elle avec la pensée elle-même ? Comment envisager une auto-réflexion ? Miroir contre miroir, il ne reste qu'une image à l'infini qui reste inconcevable. Même Epicure est bien obligé d'admettre que cette fin, cette séparation, doit retenir toute notre attention pour construire une vie.

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Message par quid Dim 24 Nov 2013 - 13:47

poussbois a écrit:
Andreiev, les sept pendus, a écrit:
— Eh bien, comment va-t-il ?(note : ils parlent de Vassili, un des 7 condamnés qui vient de monter dans le wagon)
— Mal ! répondit Moussia, en chuchotant. Il est déjà mort. Dis-moi, Werner, y a-t-il vraiment une mort ?
— Je ne sais pas, Moussia, mais je crois que non ! répondit Werner d’un ton grave et pensif.
— C’est ce que je pensais ! Et lui ? J’ai souffert à cause de lui, dans la voiture ; il me semblait que je voyageais à côté d’un mort.
— Je ne sais pas, Moussia. Peut-être la mort existe-t-elle encore pour quelques-uns. Plus tard, elle n’existera plus du tout. Pour moi, par exemple, la mort a existé, mais maintenant, elle n’existe plus.
Les joues un peu pâlies de Moussia s’enflammèrent :
— Elle a existé pour toi, Werner ? Pour toi ?
— Oui, mais plus maintenant. Comme pour toi !
(extrait lu par Jankélévitch lors d'une conférence)
On peut se poser la question dans ce texte, de la place de la condamnation à mort (il s'agit bien de condamnés à mort?).
Car si pour les bourreaux, ceux qui condamnent, la mort n'existe pas, en quoi rime une condamnation à mort ?
Plusieurs possibilités :
1 – Ils condamnent à mort pour que celui qui est condamné soit puni, lui qui croit à la mort. C'est comme si on le privait de gâteau définitivement. C'est une vengeance, car au final, le condamné n'aura aucune occasion de se corriger.
2 – Ils condamnent de manière à supprimer du monde la gêne occasionné par le condamné. C'est juste une question d'hygiène.

Dans le second cas, il y a quand même la notion de gêne. Ce peut être un encombrement, des préjudices ou des souffrances occasionnés. L'élimination pourrait alors être la solution unique ? Non, car il faut mettre en perspective la souffrance engendrée par la privation de la personne qu'on envisage d'éliminer. Qu'est qui pourrait alors justifier une condamnation à mort ? Le fait que la personne provoque une gêne et que le bénéfice qu'on en retirerait à l'éliminer serait supérieur à celui de le conserver.

Une constatation : c'est que la manière d'appréhender la mort individuellement et collectivement a une incidence sur notre manière de vivre. La croyance en l'éternité également.
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Message par poussbois Dim 24 Nov 2013 - 14:47

Oui, tout à fait d'accord sur ta dernière phrase, c'est pile dans le sujet de Courtial il me semble.

Pour la justification de la condamnation à mort, tu oublies l'exemplarité. Ce servir de la peur de la mort comme contrainte sociale pour brider nos instincts les plus réprouvés par la loi.

Par contre, petit aparté, il est curieux de voir que les pays qui appliquent le plus la peine de mort recouvrent à peu près tous les systèmes politiques envisageables :
1- Iran : dictature religieuse
2- Chine : dictature communiste athée
3- Irak : démocratie imposée militairement
4- Arabie Saoudite : monarchie
5- Etats Unis d'Amérique : démocratie libérale
6- Yemen : république autoritaire

Difficile de trouver une unité politique parmi toutes ces nations qui appliquent la peine de mort.

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Message par quid Dim 24 Nov 2013 - 17:26

poussbois a écrit:
Pour la justification de la condamnation à mort, tu oublies l'exemplarité. Ce servir de la peur de la mort comme contrainte sociale pour brider nos instincts les plus réprouvés par la loi.
Oui, l'exemplarité quant à la peine de mort mériterait réflexion. Son efficacité, notamment en considération d'une conception éloigné de la mort ; la mort c'est ce qui arrive aux autres comme d'autres événements. Egalement le côté extrême et définitif d'une telle peine ; celle où il n'y plus matière à discuter, pas de retour possible, l'autorité du dernier mot qui joue de ce côté définitif.

Mais sur le commentaire du texte, je me mettais dans le contexte du texte, ou il semble que l'on soit en présence d'une conception majoritairement acceptée de l'insignifiance et l'inexistence de la mort :
Andreiev, les sept pendus a écrit:Je ne sais pas, Moussia. Peut-être la mort existe-t-elle encore pour quelques-uns. Plus tard, elle n’existera plus du tout. Pour moi, par exemple, la mort a existé, mais maintenant, elle n’existe plus.
Dans ce cas l'exemplarité n'aurait de signification qu'envers une conception de peur de la mort majoritaire, ou envers tous les quelques cas minoritaires ayant peur de la mort. La privation de gâteau n'est exemplaire que pour ceux qui aiment le gâteaux.

Mais en fait j'ai ma réponse. Seul le second cas de mes éventualités est valable :
quid a écrit:2 – Ils condamnent de manière à supprimer du monde la gêne occasionné par le condamné. C'est juste une question d'hygiène.
Car on est en présence de sept condamnés et qu'un seul a manifesté la crainte de la mort. Les autres ne sont donc condamnés que par hygiène et non en vertu d'un exemple, d'une réparation ou d'une vengeance. C'est la raison d'être de la condamnation à mort dans ce contexte.
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Message par euthyphron Dim 24 Nov 2013 - 17:30

Si philosopher est apprendre à mourir, pourquoi exécuter les criminels ne serait-il pas une manière de leur apprendre à vivre? Apprendre à mourir ?  - Page 2 3184188294 Apprendre à mourir ?  - Page 2 2528771386

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Message par victor.digiorgi Dim 24 Nov 2013 - 20:03

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Tout ça posé, il reste la doctrine de l'Éternel Retour nietzschéen, qui est une excellente façon de tuer la mort (dixit Nietzsche).

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Message par Courtial Dim 24 Nov 2013 - 20:09

poussbois a écrit:Courtial, à part ce livre sur la mort (ou peut-être est-ce ce livre qui m'intéressera !), aurais-tu un avis sur une bonne entrée en matière pour Jankélévitch. J'ai écouté une partie de ses conférences enregistrées, lu quelques extraits, articles, mais malgré un a priori très positif sur ce bon homme, je n'ai jamais pris le temps de le lire sérieusement. On peut même dire que je me suis pris d'affection pour le personnage : voix chuintante, petit gabarit et visage impassible, mais d'une grande qualité d'élocution et de persuasion avec un véritable humour. Un philosophe musicien et d'une apparente désinvolture, humble devant son travail mais intransigeant devant ses adversaires, ceux qui dénigrent la philosophie, qu'il avait une grande capacité à cerner tout en ne répondant jamais à leurs questions.
Je reviendrais plus tard sur les autres éléments de ton intervention (je ne peux pas y répondre maintenant, il faut que je les rumine).
Pour Janké, son livre sur la mort est une bonne approche. Il y a aussi un très bon livre sur L'ironie.
Mais la meilleure introduction est celle que tu mentionnes : les documents radiophoniques. Je n'ai pas réussi à trouver sur le Net sa magnifique conférence sur la Tentation (qui existe, je l'ai eue jadis en cassette audio - c'est peut-être à cela que tu fais allusion, si tu peux mettre les liens (de celle-là ou d'autres par toi connues) je pense que cela ferait bien plaisir à nos amis. C'est jubilatoire, de le suivre. Non seulement l'intonation, mais l'humour omniprésent, l'érudition éblouissante en latin, en grec, etc. , pas de l'érudition de frime mais complètement intégrée, incarnée, c'est vraiment magnifique.

En ce qui concerne le bonhomme lui-même, j'ai des souvenirs.
J'étais en fac au moment où il enseignait encore (à la Sorbonne) et plusieurs de nos professeurs nous incitaient à aller l'écouter (il était à Paris I, moi à Paris IV, mais c'était le même lieu, géographiquement, et il n'y avait pas, comme maintenant, des appariteurs et des flics dans tous les sens, on allait où on voulait).
Il fallait aller l'écouter parce qu'il était le seul à enseigner sa philosophie. Tous les autres étaient des historiens. Ils récitaient brillamment Montaigne ou Kant, Spinoza ou Nietzsche, mais ils récitaient. Lui, il enseignait du Jankélévitch.
Evidemment, comme un con (je dois à cette expérience - et à quelques autres -  une compréhension précise de ce qu'est un petit con) je n'y suis pas allé. J'ai donc raté l'occasion de voir un vrai philosophe enseignant sa philosophie.
Pourquoi ? Parce que Jankélévitch avait fait un geste insupportable pour moi. Il avait été persécuté, lui et toute sa famille, par les Nazis (une partie importante de sa famille a été gazée) et il avait rayé d'un trait de plume, en mesure de rétorsion philosophique, tout ce qui était allemand. Pas seulement les nazis, hein, mais les Allemands. Qui étaient un monde qu'il connaissait excellement : il a fait une thèse sur Schelling, son père est le traducteur de Freud, de Hegel, etc., donc, la Deutschtum, il connaissait ça par coeur.  Mais il a dit non à tout, donc y compris à Mozart, à Beethoven, à Nietzsche, à Thomas Mann, aux nazis (ou préfigurateurs du nazisme) et aux anti-nazis, à tout, tout tout tout ce qui était allemand. Même les Juifs allemands, hein (Husserl, Benjamin, Heine, etc.).
Ses écrits sont absolument deutschenrein (vides d'Allemands), sauf peut-être une allusion à Kant de temps à autre.
(Pour cet aspect-là, lire son livre, l'Imprescriptible. Tout est dans le titre, mais le livre est bref, on peut le lire utilement. Il y explique que, même s'il venait l'idée aux Allemands de demander pardon, pour lui, la réponse serait : non. Je ne vous pardonne pas, jamais).

J'ai juste une petite pièce de consolation (par rapport à mon attitude petit prétentiard) : j'ai sauvé la vie de Jankélévitch.
Je n'étais pas à la Bastille, le 10 mai 1981, en revanche je suis allé le 21 au Panthéon quand Mitterrand a remonté la rue Soufflot pour aller honorer Jaurès, Moulin, etc. Les flics avaient vidé la rue et mis des barrières sur les trottoirs pour dégager la chaussée pour le cortège. Or, que vois-je (c'était une heure avant l'arrivée de Tonton à peu près) à un moment au milieu de la rue ? Un viellard manifestement complètement paumé (que j'ai immédiatement reconnu comme Jankélévitch, ce n'était pas difficile. Le voir ne m'a pas surpris non plus, il a toujours été un homme de gauche), essayant de sortir de ce traquenard et incapable d'escalader les barrières pour revenir sur le trottoir.
J'ai l'honneur de faire partie des 4 ou 5 personnes qui l'ont attrapé pour le hisser par-dessus les barrières et le sortir de cet embarras. La performance n'est pas physique, il faisait 1 mètre 50 et 28 kilos, c'était seulement un vieux sac d'os, j'ai dit après aux autres que l'on venait de porter Jankélévitch, ce qui n'a éveillé dans leur esprit aucune lueur, mais bon, il me doit la vie et j'aimerais que l'on s'en souvienne et que l'on m'en remercie davantage qu'on a fait jusqu'ici.

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Message par poussbois Lun 25 Nov 2013 - 9:05

Ce qui est remarquable avec la nouvelle d’Andreiev citée par Jankélévitch, c’est l’effet miroir qu’il y a entre les sept condamnés et le ministre, celui qu’ils devaient assassiner et qui au début de l’histoire, prévenu par ses services de police de  l’attentat « demain à une heure de l’après-midi, Excellence », tombe dans une angoisse morbide profonde :
Ce n’est pas mourir qui est terrible, c’est de savoir qu’on va mourir. Il serait tout à fait impossible à l’homme de vivre s’il connaissait l’heure et le jour de sa mort avec une certitude absolue. Et ces idiots qui me préviennent : […] « À une heure de l’après-midi, Excellence ! » lui avaient dit ces aimables crétins. On l’en avait informé seulement parce que sa mort était conjurée ; et cependant, il était terrifié rien qu’en apprenant l’heure où elle aurait été possible. Il admettait qu’on le tuerait une fois ou l’autre, mais ce ne serait pas le lendemain….. ce ne serait pas le lendemain, et il pouvait dormir tranquille, comme un être immortel.  
Avant l’annonce de l’attentat, le juge sait qu’il doit mourir (maladie des reins), prochainement, mais il n’en croit rien, car il survit malgré l’avis médical autorisé. Il est de fait immortel jusqu’à cette annonce d’attentat qui va saper cette confiance. Amusant quand on sait que ce § vient au début de la nouvelle et que c’est précisément ce que vont souffrir les condamnés, dans les mêmes proportions, mais avec pour eux la certitude de leur fin. L’angoisse et la terreur de la mort sont donc déconnectées de la certitude pour Andreiev. Pour lui, il suffit de s’en approcher suffisamment pour en ressentir la morsure. Ce qui compte n’est plus la certitude, mais la proximité.

Très probablement, cette nouvelle a été source d’inspiration pour Jankélévitch pour sa catégorisation de notre position par rapport à la mort. Andreiev se sert de sa galerie de personnage pour développer les différentes positions face à la mort. Comme toute crucifixion, nos saints héros sont tout d’abord accompagnés de deux criminels.
L’idiot qui n’a qu’une très vague conscience de sa mort. Comme tout animal, il reste fixé sur la vie qu’il veut garder et défendre « il ne faut pas me pendre ! ». Lui n’est pas dans le cadre d’une certitude/incertitude fasse à la date de sa mort, il n’a presque pas accès à cette notion de mort et défend sa vie contre ce qui le terrorise.
Le Tzigane, rebelle et bravache, dans un premier temps occupe la totalité de ses capacités à échapper à cette situation. Il méprise la prison, cherche une solution de fuite et se moque des soldats. Il se raccorchera à ses croyances pour passer le cap, car la mort n'est finalement que cela.
Tania qui à force de s’oublier, oublie même son propre destin pour ne plus souffrir modestement et avec une simple tristesse que du destin de ses compagnons.
Serge, le personnage que j’ai trouvé le plus attachant, qui cède temporairement à l’angoisse de la superposition de la vie et de la mort (mort certaine et date certaine) mais  qui face à ce choix choisi la vie avec bonheur.
Moussia, petite fiancée de la mort, qui a peur de la donner mais se rejouie de la recevoir et qui comme Serge, confronté à la même angoisse de la confrontation et du choix se tourne vers la mort presque avec délectation.
Le pauvre Vassili qui sombre dans le chaos de cette superposition impossible, irréalisable et qui va le terrasser alors qu’il était prêt à se sacrifier pour la cause. La perte de sa liberté de choisir sa mort l’a détruit. Pour lui, la liberté conditionnait sa capacité à comprendre et assumer la mort.
Et enfin Werner, dont on ne sait s’il faut envier et épouser la philosophie. La mort qu’il a dû administrer l’a dégoutté de la vie, alors que la mort qu’il va subir l’en réconcilie. Il est le seul à voir la vie et la mort ensemble, comme s’il n’y avait pas de distinction nette. Il est le seul à faire cette superposition sans angoisse, sans terreur, mais avec une illumination sacrée qui lui permettra de redécouvrir l’amour et l’amitié. La liberté perdue de Vassili, il la retrouve lui dans cette intime compréhension qui le débarrassera de a misanthropie et lui permettra de rejoindre le monde des hommes.

Ce petit ouvrage que je ne connaissais pas du tout est absolument brillant tant dans sa qualité littéraire que dans ce qu’il est possible d’en retirer comme réflexion sur une fin de vie annoncée. J’aurais été tenté d’en retirer des citations toutes les deux pages, mais outre que je suis un handicapé de la prise de note, il est également plus intéressant d’en découvrir la teneur au-delà des faibles illustrations que je pourrais en faire.

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Message par baptiste Lun 25 Nov 2013 - 9:51

euthyphron a écrit:Je serais intéressé de savoir comment les uns ou les autres comprenez "apprendre à mourir". Car enfin, mourir c'est facile, il n'y a rien à faire ça vient tout seul.
Du coup l'on considère qu'apprendre à mourir c'est se libérer de la peur de la mort, s'entraîner à faire bonne figure, ne pas emmerder ceux qui restent avec ses jérémiades, etc. Apprendre à être digne devant le malheur, et par extension la mort, considérée comme un grand malheur.
Ceci ne me convient pas. L'enseignement socratique est loin de considérer la mort comme un grand mal, et l'épicurisme non plus. Apprendre à mourir voudrait-il alors dire apprendre à regarder la mort comme une vaste blague? Peut-être, mais cela ne peut que rejaillir sur la vie, dont la mort serait par hypothèse un épiphénomène rigolo.
J'ai mis du temps à te répondre parce que cela fait référence à quelque chose de très personnel,  il y a un cas que tu ignores dans ton propos, un cas nouveau. La médecine moderne à une puissance de diagnostic bien supérieure à sa capacité de guérison. Il lui arrive de dire à des personnes encore jeunes et en apparente "bonne santé", vous êtes atteinte d'une maladie incurable qui vous emportera d'ici 5 à 6 ans sans que nous ne puissions rien y faire.
Nous avons bien conscience de notre état de mortel mais vivons comme si nous ne l'ignorions, nous l'ignorons parce que l'échéance est improbable, à partir du moment ou cette échéance nous est annoncée, apprendre à mourir c'est alors simplement apprendre à vivre et la raison n'est pas toujours suffisante pour répondre à toutes les questions.

La bible dit, un jour viendra où vous devrez mourir, puis être descendu dans une fosse et là devenir la proie des vers qui vous couvriront tout entier. Pour vêtement, dit Isaïe, tu n'auras que les vers du tombeau (Isaïe 14, 11). Nobles et gens du peuple, princes et sujets, tous subiront le même sort. A peine sortie du corps avec le dernier souffle de vie, l'âme ira dans son éternité et il ne restera plus au corps qu'à se réduire en poussière. Vous enlèverez l'esprit qui les anime et ils retourneront dans leur poussière (Psaume 103, 29). Voila qui devrait plaire à Bergamme, l'égalité absolue perplexe 

Ces considérations sont proches de ce que nous enseigne la science qui décrit la mort comme un phénomène naturel, la réorganisation de la matière et l' énergie dans un espace spécifique. La désintégration d’un système physico-chimique complexe qui fonctionnait de façon unifiée et cohérente.  

Alors la mort c'est quoi? La mort de l’autre, celui que je connais et qui compte pour moi, c’est l’absence, la douleur parfois écrasante. Lévinas parle de la «culpabilité du survivant», «une culpabilité sans faute et sans dette, une vérité une responsabilité confiée," (dans Dieu, la mort et le temps),d’où l’importance du deuil comme lieu de mémoire et de la ritualisation de la mort.

Alors ma mort c'est quoi? Ma mort c'est l'extinction du Moi, c'est Descartes "Je" ne pense plus, "Je" ne suis plus, ce n'est que ça mais c'est aussi "tout" ça", se préparer à mourir c'est alors apprendre à vivre, vivre avec l'évidence de l'échéance, certains se ruent dans le divertissement Pascalien d'autres choisissent de faire face, non mourir ce n'est pas nécessairement facile lorsque l'on sait l'échéance.

baptiste
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