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Weber, épistémologie

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Message par Bergame Mer 23 Oct 2013 - 14:34

Courtial a écrit:
Bergame a écrit:"Le Savant et le Politique" de Weber,
J'en profite pour t'interviouver sur Weber, auteur que je connais très mal (j'ai lu plusieurs trucs sur lui, mais fort peu de lui).
J'ai vu dans ma dernière visite en librairie une édition récente du Savant et le Politique. J'ai un peu été surpris en feuilletant, cela ne ressemble pas à l'édition Plon que j'ai lue, je ne sais pas si tu vois de laquelle je parle. J'ai aussi une édition (j'ai la flemme de chercher maintenant) de l'Ethique protestante.... qui me fait la même impression : texte sans queue ni tête, faux bouquin.
D'où la question : c'est Weber qui est comme ça, ou alors c'est l'édition française de ses textes qui est une vraie catastrophe ? Ou seulement moi pas à la page ?
Si tu peux nous faire un petit topo, avec des conseils précis ... ? (Et à la portée du peuple, si possible. Je ne doute pas qu'il y ait des éditions universitaires excellentes et absolument hors de prix, hein...).
Tu parles de la traduction du "Savant et Politique" par Colliot-Thélène, à La Découverte, non ? Celle de Plon, c'est celle de Freund avec préface d'Aron ?
Bon, je n'ai pas comparé les deux. Il ne devrait pas y avoir énormément de différences, en tout cas, Freund et Colliot-Thélène, chacun à leur époque, n'étant pas les moins bons connaisseurs de Weber, ni les plus mauvais interprètes (j'ai eu la chance d'avoir C-T dans mon jury, et je suis assez en accord généralement avec elle -et elle plutôt avec moi, s'est-il donc avéré, au moins dans une certaine mesure Weber, épistémologie 2101236583  ).

En revanche, pour l'Ethique, là il vaut mieux prendre la traduction de JP Grossein, chez Gallimard-Tel, sans discussion.

Maintenant, il y a sans doute Weber lui-même, aussi, oui. Ils sont nombreux à fustiger le manque de structure de ses textes, l'apparent chaos. Mais en fait -c'est une des thèses que je défends à son propos- la pensée de Weber est très structurée. Pas dans le sens où c'est bien organisé, par chapitres, etc. mais dans le sens où il y a une grille de lecture sous-jacente, grille dont il a lui-même livré les secrets dans ses deux essais épistémo-méthodologiques : Les termes, chez Weber, sont des concepts, et ils ont été dûment définis, de manière univoque, de même que les articulations entre ces concepts.
Je pense que les multiples interprétations viennent (en partie) du fait que les sociologues sont en quelque sorte habitués à penser en termes de "réel social" : Il y a un réel existant, que les théories tentent de décrire, ne serait-ce que de manière approchée. Je prétends que Weber procède complètement différemment. Pour lui, l'empirie est un fleuve héraclitéen. La méthode, ça consiste à construire un ensemble de concepts, logiquement agencés, qui forment des petites hypothèses conséquentes, des grilles de lecture en somme, que l'on compare ensuite à l'empirie. L'idée générale n'étant pas que la théorie puisse enserrer ni refléter l'empirie, ni même s'en approcher ! mais qu'elle va au contraire nous servir à repérer des régularités empiriques comme autant de dérivations par rapport à la théorie.
En somme, le rationnel, chez Weber, est le plus immédiatement compréhensible. C'est pour cela qu'il est utile, à la construction des hypothèses (ou mieux dit, des heuristiques). Mais l'empirie n'est pas rationnelle, elle déborde infiniment le rationnel, et les régularités empiriques (= sociologiques) sont à identifier dans cet espace infini qui se développe tout autour du cadre. Ainsi, une hypothèse sociologique, pour Weber, n'est jamais à vérifier, mais à réfuter. Et cette réfutation doit entrainer la constitution d'une nouvelle hypothèse qui elle-même, etc. On est bien chez Kant, ou ce que Popper appelait du "rationalisme critique".

Tout ça pour dire que ce qui est déterminant, chez Weber, c'est de repérer la récurrence des concepts, et les articulations entre eux. Car c'est à partir de ces heuristiques idéaltypiques que Weber appréhende et explique le social. Par conséquent, rien ne vaut une lecture des originaux. En second choix, C-T et Grossein -qui partagent peu ou prou cette idée et/ou m'ont mis personnellement sur cette voie- sont (à mon avis bien sûr) les plus intéressants traducteurs.


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Message par Courtial Sam 26 Oct 2013 - 2:48

Bergame a écrit:En somme, le rationnel, chez Weber, est le plus immédiatement compréhensible. C'est pour cela qu'il est utile, à la construction des hypothèses (ou mieux dit, des heuristiques). Mais l'empirie n'est pas rationnelle, elle déborde infiniment le rationnel, et les régularités empiriques (= sociologiques) sont à identifier dans cet espace infini qui se développe tout autour du cadre. Ainsi, une hypothèse sociologique, pour Weber, n'est jamais à vérifier, mais à réfuter. Et cette réfutation doit entrainer la constitution d'une nouvelle hypothèse qui elle-même, etc. On est bien chez Kant, ou ce que Popper appelait du "rationalisme critique".

Tout ça pour dire que ce qui est déterminant, chez Weber, c'est de repérer la récurrence des concepts, et les articulations entre eux.
OK, donc l'empirie et tout ça. Et l'irrationnalité de l'empirie (décrétée d'où ? L"empirie" est irrationnelle, bon OK : décret divin, je suppose ? ) aussi bien. Ca doit être Dieu qui a décidé que l'empirie n'était pas rationnelle. Dans son entendement divin, il doit savoir aussi ce qu'est l'empirie et d'où il sort qu'elle n'est pas rationnelle.
Mais ni l'un ni l'autre ne sont à notre portée.
Mais donc, le côté foutoir est voulu ?
Ce n'est pas une illusion induite par les traductions comme je le craignais, mais seulement un effet de l'irrationalité de l'empirie ? Qui doit sans doute légitimer l'irrationalité du bouquin ?
Bon, alors je vais devoir le lire comme ça. Il devait prendre le thé tous les matins avec Calvin et Luther, pour être plongé comme ça dans l'empirie, Weber. Les gens du Mayflower, il devait tellement les connaître de façon empirique qu'il ne pouvait en parler que de manière bordélique, faut croire. Il était tellement embarqué avec eux qu'il ne voyait plus que "l'empirie" ?
Bon, on va essayer de cheminer avec cela et j'irais voir les éditions que tu suggères.
En plus, si ta copine T-C confirme que c'est le bordel parce que c'est l'empirie, je ne vais pas non plus m'y opposer. Et je t'envie, car lorsque j'ai eu  à affronter ce genre de personnes (pour la soutenance de mon DEA, par exemple), je n'ai pas pu du tout me soutenir de "l'empirie" pour justifier le bordel : euh, oui, c'est un peu n'importe quoi, mais c'est juste à cause de l'empirie. C'est pas moi qui suis confus, c'est juste "l'empirie".
Je n'ai pas essayé, ça n'aurait pas passé devant mon publi

Je ne savais pas que Tel Gallimard avait produit ces livres, ils font d'habitude un excellent travail et j'irai voir.

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Message par Bergame Sam 26 Oct 2013 - 16:46

Courtial a écrit:OK, donc l'empirie et tout ça. Et l'irrationnalité de l'empirie (décrétée d'où ? L"empirie" est irrationnelle, bon OK : décret divin, je suppose ? ) aussi bien. Ca doit être Dieu qui a décidé que l'empirie n'était pas rationnelle. Dans son entendement divin, il doit savoir aussi ce qu'est l'empirie et d'où il sort qu'elle n'est pas rationnelle.
Mais ni l'un ni l'autre ne sont à notre portée.
Mais donc, le côté foutoir est voulu ? etc.
Je ne comprends pas ce qui te hérisse. Tu me pose une question, j'essaie de te répondre -en plus, c'est mon interprétation, et je te rassure, elle est minoritaire. En particulier, si C-T et Grossein m'ont mis sur cette voie, et si C-T connaît mes travaux et les a plutôt défendus à l'occasion, je te rassure à nouveau : Elle ne les endosse pas.

Mais il n'y a rien là d'infamant, me semble-t-il. Selon Weber lui-même, en tout cas, il s'agit juste de deux positions épistémologiques différentes. L'une qu'il appelle "scolastique" qui affirme que le réel est rationnel et qu'il existe donc une correspondance entre le concept et le réel quitte à ce que celle-ci soit encore inconnue. Et l'autre qu'il appelle "kantienne" et qui affirme, comme je le disais, que l'empirie est représentable sous forme d'un ensemble extensivement et intensivement infini. Dans cette perspective, ce n'est pas que le réel nous soit insaisissable, mais qu'en tant que tel, si j'ose dire, il est appréhendable par l'intuition. En fait, l'explication est psychologique, chez Weber. Là, je te rassure une dernière fois, je suis presque iconoclaste -mais au moins je ne me cache pas derrière une soi-disant "psychologie rationnelle" à la Elster qui, pour moi, est une contradiction dans les termes.

Je ne vois pas trop ce qu'il pourrait y avoir là de si difficile. Je ne prétends pas que cette position épistémologique soit la meilleure. Je prétends qu'elle constitue une alternative. Dieu n'a peut-être pas voulu que l'empirie ne soit pas rationnelle, mais pourquoi aurait-il voulu qu'elle soit rationnelle ?
Et j'aimerais beaucoup que tu critiques cette position si tu veux bien -en fait, j'aimerais beaucoup en discuter. Moi, avec mon background, elle m'apparaît défendable, mais je ne sais pas jusqu'à quel point.


[quote="victor.digiorgi]On sous-estime aussi le cricket de la horde d'origine, qui, comme je le signale souvent, règle tous les rapports entre tous les crickets de la terre. La compassion et l'entre-aide économique, ce n'est pas dans la nature humaine. [/quote]C'est pourtant le propre de la horde qu'une communauté d'intérêts et la solidarité entre ses membres.

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Message par neopilina Sam 26 Oct 2013 - 19:13

à Bergame,

J'essaye de suivre ton échange avec Courtial dans le fil " Vos livres ", il y a quelques jours j'ai même lu sa fiche Wikipédia.
Quitte à exprimer une compréhension quasi-nille, je me jette.
Pourquoi postuler que l'empirie est soi rationnelle ou irrationnelle ? En bon expérimentateur, la prendre comme elle vient.
Nous sommes des animaux sociaux, nous savons tous, tout ce qu'il y a de plus empiriquement mais radicalement, sans que cela soit formalisé donc, que la dite empirie ne l'est pas tant que ça, dés le moment où il est question de sociologie. Alors, de façon sans doute réductrice, je ne comprends pas pourquoi Weber se complique les choses comme tu le décris.

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Message par Bergame Dim 27 Oct 2013 - 13:31

Donc, j'ai déplacé la discussion à laquelle tu fais référence, et fusionné.

Weber ne se complique pas les choses, il analyse. Que le réel soit rationnel, c'est la position épistémologique non seulement de la philosophie de la connaissance classique, mais également de la physique classique (au moins jusqu'à la physique quantique). L'idée est simple, elle est que l'esprit humain peut accéder au réel en soi. Soit parce que c'est Dieu qui a créé à la fois le monde et l'homme donc qu'ils ont une origine commune, soit parce que le monde est structuré mathématiquement et que l'esprit humain est lui aussi structuré mathématiquement, soit même parce qu'il n'y a rien en-dehors de ce que les sens de l'homme peuvent percevoir -ce qui conduit à une convergence entre empirisme et idéalisme-, etc.

L'idée de Weber -comme de la génération des intellectuels germaniques à laquelle il appartient, disons néo-kantienne- c'est que Kant a proposé une toute autre manière de comprendre cette articulation entre l'homme et l'univers. L'empirie est donc un fleuve héraclitéen, un perpétuel devenir (Geschehen) n'est-ce pas, extensivement et intensivement infini, tandis que les sens de l'homme sont limités. Par conséquent, il n'a jamais accès qu'à une fraction de l'empirie, une fraction qui, plus est, en quelque sorte "cristallisée", "pétrifiée" à instant T. Et c'est sur cette "saisie" dans l'empirie que s'appliquent les compétences de traitement de l'homme, sa rationalité si tu veux. Ce qui a plusieurs implications :
- D'abord que toute production intellectuelle résulte toujours d'une "sélection" dans l'empirie. C'est-à-dire que le chercheur sélectionne irréductiblement certains faits à l'exclusion de l'infini. Deux question sont alors : Quel est le degré de conscience qui préside à cette sélection ? Et qu'est-ce qui l'oriente ? En particulier, la réflexion ouvre sur l'articulation entre la sélection des faits et les "valeurs".
- Ensuite, que l'empirie dépasse toujours infiniment la connaissance, et qu'il en sera éternellement ainsi. L'idée que la connaissance de l'homme puisse un jour couvrir l'univers n'y a simplement pas de sens. De même d'ailleurs qu'une connaissance des choses en soi, dans leur essence, ou que sais-je. Par conséquent, conduit à une représentation de l'homme comme se définissant non par ses capacités, ses potentialités, mais par ses limites.

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Message par hks Dim 27 Oct 2013 - 14:24

à bergame

La méthode, ça consiste à construire un ensemble de concepts, logiquement agencés, qui forment des petites hypothèses conséquentes, des grilles de lecture en somme, que l'on compare ensuite à l'empirie. L'idée générale n'étant pas que la théorie puisse enserrer ni refléter l'empirie, ni même s'en approcher ! mais qu'elle va au contraire nous servir à repérer des régularités empiriques comme autant de dérivations par rapport à la théorie.
C' est une méthode qui a bien sûr des qualités évidentes.

Le problème est que les concepts ne naissent pas de rien.
Ils naissent d'une  expérience pré-scientifique, on a une idée floue ( vague )  issue du repérage de certaines régularités.

C'est en tant qu'expérience  pré-scientifique  qu'il ne faut pas la négliger .  Pourquoi  s' intéresse-t- on par exemple à  la démocratie ? Il y a les données  pré-scientifiques, le repérage de certaines régularités et puis le concept (wéberien )... certes.
Mais pourquoi s 'est- on intéressé à cet ensemble de régularités là plutôt qu' à d autres ?
 Je veux dire que l'objet élu par la science n'est  pas élu neutralement. Dans le flot héraclytéen je repère certaines régularités et je m'y intéresse. Pourquoi ?
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Message par neopilina Dim 27 Oct 2013 - 14:31

Ca va franchement mieux.
Comme hks : ce fleuve héraclitéen, j'entends je crois bien, il a probablement suscité la réaction éléate, ce n'est pas du chaos, je veux dire, du pur hasard. Tu devines ma position ( Cette Chose " saisie", " cristallisée ", c'est l'Etant, etc. ): je pense qu'il est possible, d'atteindre, le Sens profond d'une chose, le dit Sens fut-il Fruit du Sujet, de savoir, dans une mesure significative : au point de croire au progrès, individuel et collectif. Toute connaissance positive est un Fruit critique, grâce à ce Lien a priori entre le Sujet et Son Monde, et donc parce que le monde s'avère intrinsèquement intelligible ( Pas besoin du Dieu leibnizien que tu évoques. ).

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Message par Bergame Dim 27 Oct 2013 - 15:20

hks a écrit:Je veux dire que l'objet élu par la science n'est  pas élu neutralement.
Clairement. C'est ce que j'entends par ma première implication. En particulier, Weber a hérité des travaux de Rickert sur l'articulation entre la connaissance et les valeurs, "valeurs" comprises comme orientant la sélection.
A partir de là, d'ailleurs, une autre question importante est : Quelle est l'origine de ces valeurs ? La (une) réponse de Weber est que les valeurs sont au moins partiellement d'origine culturelle, qu'il existe des "aires" culturelles différenciées. D'où (entre autres) son intérêt pour l'histoire comparée des religions et, surtout, l'articulation très particulière qu'il esquisse entre l'attitude religieuse (la religiosité) et les groupes sociaux. Je peux développer cela si ça intéresse.

neo a écrit:au point de croire au progrès, individuel et collectif.
C'est effectivement une autre implication de la position de Weber : Le concept de progrès n'y a plus de sens. Si l'empirie est un infini, alors que signifie l'idée que la connaissance progresse ? On ne progresse pas sur l'infini, j'ai déjà eu l'occasion de défendre cette idée.

La meilleure métaphore que j'ai trouvée est celle d'une droite sur laquelle tu délimites un segment. Ce segment représente la connaissance humaine. Or, dans le temps long, on peut considérer, bien sûr que le segment s'est accru. Il devient plus grand. Mais de part et d'autre du segment, la droite est infinie, et le sera perpétuellement. En quoi la croissance du segment peut-elle être alors considérée comme un "progrès" ?

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Message par neopilina Dim 27 Oct 2013 - 16:30

Bergame a écrit:La meilleure métaphore que j'ai trouvée est celle d'une droite sur laquelle tu délimites un segment. Ce segment représente la connaissance humaine. Or, dans le temps long, on peut considérer, bien sûr que le segment s'est accru. Il devient plus grand. Mais de part et d'autre du segment, la droite est infinie, et le sera perpétuellement. En quoi la croissance du segment peut-elle être alors considérée comme un "progrès" ?
Bien sûr que cette droite est infinie. Mais a contrario, ce que je sais aujourd'hui est plus important que ce que je savais il y a 20 ans, ce qui, expressément, m'a permis d'y voir beaucoup plus clair, et d'être en Paix a priori. Ce qui n'est pas rien. Tu peux bien me dire que tout savoir est relatif, que la dite droite est infinie, etc, la dite différence entre les deux segments, peut être littéralement vitale.
Et puis, on oublie toujours de le rappeler, mais il y a une différence entre celui qui acquiert une connaissance et celui qui est entièrement une chose ayant entièrement entérinée cette connaissance. Il y a là, même dans le meilleur des cas, un facteur temps incompressible, une résistance du Sujet qui est autre, parce qu'il actualise des " connaissances " autres, ontogéniques. La reconquête se fait, si j'ose dire, neurone par neurone, c'est comme laver un linge très sale avec un très mince filet d'eau.

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Message par hks Dim 27 Oct 2013 - 21:56

à bergame

C'est effectivement une autre implication de la position de Weber : Le concept de progrès n'y a plus de sens. Si l'empirie est un infini, alors que signifie l'idée que la connaissance progresse ? On ne progresse pas sur l'infini, j'ai déjà eu l'occasion de défendre cette idée.
 D' accord avec toi. C'est pour cela que sont  distinguées de toute antiquité  la philosophie et la science.

Quand l' infini métaphysique est lié à l'infini physique alors il y a problème. et depuis toujours c'est le problème celui de Zenon etc...

Car en science , il apparait  que même sur un projet infini quelques vérités finies s 'élaborent en toute certitude. ( ce que dit neopilina au dessus ).
Il faudrait être sceptique en métaphysique ( ce que ne suis pas mais  ce que  maints scientifiques sont ) mais aussi sceptique en science!

Le problème est  de concilier l'infini métaphysique et l'infini physique. Une droite métaphysique infinie ne peut être segmentée. En revanche une droite métaphysique infinie ne peut exister sans être segmentée. Ce qui veut dire le passage à l'existence dans des états du monde précis.
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Message par neopilina Dim 27 Oct 2013 - 22:35

Zénon, empiriquement, avait tranché, avec les arguments cinématiques, on sait tous qu'Achille rattrapera la tortue, que la flèche n'est pas immobile, etc, c'est Aristote qui formalise explicitement la solution : la distinction entre infini en puissance et infini en acte ( Je ne parle pas ici des 3 premiers fragments de Zénon, qui exigent une définition uniquement métaphysique de l'Etant, à la suite du poème de Parménide. ). Aristote comprend parfaitement la critique éléate : pas le moindre petit traité pour les mathématiques, métaphysiquement disqualifiées par la crise des irrationnels, la critique éléate.

Si on écarte le problème de ce qu'il est désormais convenu d'appeler la singularité initiale, et c'est toujours à ce jour le seul cas recensé, où à cause du si efficace, universel, principe de cause à effet, on tombe dans un traquenard où il semblerait que l'on a un authentique infini en acte, soit par itération à l'infini de la cause ou avec un univers qui a toujours existé sous une forme ou une autre, ce qui revient au même, l'éléatisme récuse tout infini en acte : l'univers est en expansion, et même, cette expansion s'accélère, c'est prouvé et récompensé par le prix Nobel de physique de 2012. Quant à doter cette première cause, ce " premier moteur ", d'une barbe anthropomorphique, si ça ne s'avérait pas parfaitement tragique, je reprendrais bien volontiers le bon mot de Xénophane sur les Dieux des ânes.

Quant aux infinis de toutes sortes, Non-Être, néant, les nombres irrationnels, mathématiques, géométriques, et autres, ils sont toujours déjà Uns de par et pour les Sujets qui les génèrent, les conçoivent. De ce point de vue, des Etants parmi d'autres. Qui disparaissent avec les Sujets qui les ont conçus.


Dernière édition par neopilina le Jeu 31 Oct 2013 - 12:30, édité 1 fois

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Message par hks Dim 27 Oct 2013 - 22:51

on déborde un peu de Weber. Je n'ai pas parlé d' infinis métaphysiques ( au pluriel ). J' ai un peu de mal à te suivre. Si je pars de la divisibilité ( on a des segments) je ne retrouve pas l'infini. Or j' ai une idée de l'infini qui n'est pas l'idée de réitération à l'infini de segments finis.
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Message par neopilina Dim 27 Oct 2013 - 23:03

Des infinis métaphysiques, il y en aura toujours bien plus qu'un : le Tien plus le Mien, pour ne s'en tenir qu'à la distinction cogitesque, Weber, épistémologie 4017359721  .
Et la segmentation à l'infini de la droite infinie ne sera toujours possible, qu'en puissance.



Dernière édition par neopilina le Jeu 31 Oct 2013 - 12:34, édité 1 fois

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Message par hks Lun 28 Oct 2013 - 10:09

Des infinis métaphysiques, il y en aura toujours bien plusqu'un
bon passons, on n'est pas sur la même longueur d' onde.
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Message par neopilina Lun 28 Oct 2013 - 12:19

hks a écrit:
Des infinis métaphysiques, il y en aura toujours bien plusqu'un
bon passons, on n'est pas  sur la même longueur d' onde.
C'est clair, mais cela ne doit pas empêcher de comprendre celle de l'Autre ! pc  .
Un de ses quatre j'ouvrirais un " De l'être ", chez " Parménide ", " forcément ", pour moi.

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Message par neopilina Jeu 31 Oct 2013 - 13:06

Saisi par un affreux doute, j'ai vérifié : c'est le prix Nobel de physique de 2011 qui récompense la démonstration de l'accélération de l'expansion de l'univers, et non pas le 2012, comme je l'avais dit donc acte. J'ai édité au dessus.
Et en même temps j'ai précisé mon propos quant au problème du si efficace principe de cause à effet, sauf dans le cas, et un seul, celui de la " singularité initiale ", de la première cause.

Extrait Futura-Science :

Nobel de physique 2011 : expansion accélérée de l'univers

Le prix Nobel de physique 2011 va aux découvreurs de l’expansion accélérée de l’univers, révélée par l’étude des supernovae SN Ia. Véritable bombe dans le domaine de la cosmologie lors de sa découverte en 1998, l’expansion accélérée de l’univers fait probablement appel à une physique nouvelle, clé aussi bien de la naissance de l’univers observable que de son destin.

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Message par hks Jeu 31 Oct 2013 - 14:24

Je vois que ça t' intéresse tout ça. Moi pas trop .
bref ...
j'ai vu "Gravity"... en 3D ... non mais j' en parle parce que ça a un rapport.
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Message par neopilina Jeu 31 Oct 2013 - 14:37

hks a écrit:Je vois que ça t' intéresse tout ça. Moi pas trop .
Et bien plus qu'il n'y parait ici. Mais on peut ouvrir des sujets scientifiques. Ca m'intéresse : je me suis toujours tenu, même à mon humble niveau, informé de ces choses là. J'aime bien philosopher, et ce au mieux, au sein du monde que je comprends, visualise, de façon significative, correctement, scientifiquement dit. Idem pour le vivant, et même encore plus, je suis un naturaliste acharné. Dans tous les formulaires de forums, pour loisirs, passions, etc, je dis invariablement: " Nature et philosophie ".
Mais donc pour ça, spécifiquement, je fréquente d'autres forums.

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Message par neopilina Jeu 31 Oct 2013 - 15:04

P.S. Pour être complétement honnête à la suite de la petite digression au dessus, que tu as amené en évoquant mon vieux pote Zénon, en toute inadvertance, ma " machine " intérieure s'est remise en route, à propos des infinis.  cool-1614...  , Weber, épistémologie 13039808 , ça fume en fait !

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Message par hks Jeu 31 Oct 2013 - 19:41

ok neo
l 'astro physique c est un autre sujet

Faudra en revenir à Weber sur ce fil .( à tout le moins sur l épistémologie de la sociologie ). Je ne dis pas que je soit bien qualifié.
Mais je vois Weber quand même historien quelque part. Quelle est la distinction entre l' histoire et la sociologie ? Les deux sciences semblent s 'interpénétrer chez Weber. ( je demande à bergame puisqu' il connait Weber mieux que moi )
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Message par Bergame Ven 1 Nov 2013 - 11:09

Posons donc la question ainsi : Que signifie l'idée selon laquelle Weber est un sociologue ? Weber est juriste de formation, sa charge d'enseignement la plus notable fut une chaire d'économie, la plupart de ses travaux publiés sont des travaux d'histoire (en particulier d'histoire des religions) et il n'aura le temps d'occuper la chaire de sociologie créée spécialement pour lui que quelques mois, avant de décéder.

Donc déjà, rien qu'en disant cela, on voit le problème : Quelle est la part de sociologie là-dedans ? Evidemment, la réponse va dépendre 1) de ce qu'on entend par "sociologie", 2) de ce qu'on entend par "sociologie wébérienne".

Par exemple, une réponse consiste à dire que les travaux d'histoire de Weber n'en sont pas ; ce sont des travaux de sociologie historique. Pas pareil. Où se situe la différence ? Hé bien, nous dit-on, Weber travaille sur des grands tableaux, des longues périodes, des "constellations" historiques (le capitalisme, le protestantisme, la bureaucratie, etc.) tandis que les historiens travaillent sur de petites séquences, des faits. Ce qui ne signifie pas que Weber était un dilettante, évidemment pas ! Au contraire, il était reconnu par les plus grands historiens germaniques de son temps comme un égal ! Mais lui s'efforçait de synthétiser son immense culture historique afin d'en retirer un sens, un sens spécifiquement sociologique, tandis que, disons-le sans le dire, les historiens ont tendance à se perdre dans l'analyse et des détails qui n'intéressent que les spécialistes.
Voila donc une première réponse, qu'on trouve même parfois sous la plume de gens qui, pourtant, connaissent parfaitement Braudel et consorts.

Une seconde réponse possible (qui n'est pas exclusive de la première) consiste à dire que Weber a initié la spécialisation de la sociologie par thématique. En fait, nous dit-on alors, les travaux de Weber sont des travaux de sociologie des religions (Hindouisme et Bouddhisme, etc.), ou des travaux de sociologie économique (par exemple l'Ethique Protestante, à l'évidence il s'agit d'une recherche sur l'origine du capitalisme !), ou encore des travaux de sociologie politique (la "Sociologie de la Domination"), de sociologie juridique (la "sociologie du Droit"), etc. Les tenants de cette thèse (souvent des "individualistes méthodologiques") affirment que Weber a conçu une méthodologie pour la sociologie, puis en a appliqué les principes à différentes portions du réel social, aboutissant ainsi à une sociologie à la fois empirique (quoique rationaliste, mais ça n'est pas incompatible, disent-ils) et spécialisée. Pour faire court, je dirais qu'à mon sens, leur compréhension de la méthodologie wébérienne est aux antipodes de ce Weber exposait. Précisons que, dès lors, et pour répondre à ta question, l'articulation entre sociologie et histoire est escamotée : Weber fait de la sociologie, pas de l'histoire.

Et donc, il y a ma réponse -en toute humilité Weber, épistémologie 2101236583  - très minoritaire : Weber pensait la sociologie comme la science sociale générique, ou plus exactement comme la discipline en deça des sciences sociales. Celle qui pense et définit les objets -c'est-à-dire les concepts- qu'utilisent les autres sciences sociales. Ca mériterait énormément plus d'éclaircissements, bien sûr, mais on peut s'en faire une bonne idée rien qu'en lisant le début du chapitre d'Economie et Société consacré à l'économie : Weber tente de donner une définition univoque aux concepts utilisés par les économistes, y compris les concepts les plus basiques -capital, etc.- et dont ils n'aperçoivent pas toujours que les uns et les autres les utilisent avec des significations différentes. Pour moi, ça a un sens très précis, que je pourrai éventuellement développer : Weber voit là quelque chose d'absolument essentiel, et il le voit -à mon avis- parce qu'il conçoit les sciences sociales comme des disciplines conceptuelles, et non pas comme des disciplines empiriques -du moins pas au sens où la plupart des économistes pensent naïvement -j'ose !- l'économie.
Dès lors, l'articulation sociologie / histoire devient centrale, et complexe. Disons-le ainsi : Si les objets sont des concepts, alors ils prennent leur sens au regard d'un environnement culturel -ou non. Et ce sens, d'ailleurs, a pu évoluer dans le temps -ou non. Et a pu évoluer de manière différenciée selon les environnements culturels -ou non.

Mais même du côté des sociologues, cette interprétation se heurte à beaucoup de résistances. Pour beaucoup de raisons, parmi lesquelles j'en retiendrai trois :
- D'abord, les sociologues souffrent d'un manque de reconnaissance institutionnelle (et envient d'ailleurs beaucoup, à cet égard, les économistes). La stratégie qu'ils tentent d'appliquer pour pallier à cet état de fait consiste à présenter la sociologie comme une science "sérieuse" et "utile", donc à la penser comme une discipline empirique, spécialisée, etc.
- Ensuite, parce que, pour un sociologue moyen, si j'ose dire, la conception de la sociologie comme une science sociale générique, c'est pas Weber, c'est Durkheim. Et que le sociologue moyen pense les deux grands fondateurs de la sociologie comme opposés sur à peu près tout.
- Enfin, vu l'état de la sociologie, la prétention à en faire une science sociale générique, ayant donc en quelque sorte une prééminence sur les autres, semble du dernier ridicule. Précisément, c'était éventuellement une prétention énonçable à l'époque où Durkheim et ses boys tenaient le haut du pavé de la vie intellectuelle en France, quoique, précisément, cette prétention ait beaucoup fait contre Durkheim et contre la sociologie dans son ensemble au cours des décennies suivantes -les autres disciplines y ayant évidemment beaucoup résisté. Mais dans tous les cas, cela apparaît parfaitement incongru aujourd'hui.

Cela étant dit, et en ce qui me concerne, les querelles institutionnelles sont une chose, les textes en sont une autre. Moi, ce qui m'intéresse, et à mon petit niveau, c'est de comprendre Weber, le reste n'est pas de mon ressort.

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Message par hks Ven 1 Nov 2013 - 14:39

merci bergame

Je ne connais pas bien Weber
Disons que j'ai sous les yeux  "économie et société"  (Agora ).
Si tu as cette édition de poche  on peut continuer  ...

je lis page  51 sur la campagne de 1866 ... mais comment peut- on savoir  comment chacun d' eux aurait agi dans le  cas d'une rationalité  idéale en finalité ?
Pourquoi est- il nécessaire de comparer avec une idéal- type de  comportement rationnel pour comprendre les comportements réels ? Ça me semble un détour inutile .
En fait je pense cela impossible ( à tout le moins  hasardeux ).
Car comment penser cet idéal -type de comportement  rationnel , c' est à dire connaissant tout de la situation, alors que de fait jamais il n'existe pas de telles situations.
Il n'y a pas de tels comportements observables.
Comment peut -on les imaginer et imaginer ce que pourrait être une telle rationalité ? Qui serait ,si j' ose dire, la rationalité de Dieu.
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Message par Bergame Ven 1 Nov 2013 - 19:37

Hé ben. Ca, c'est de la question. Ca me fait plaisir.

L'"action rationnelle en finalité", ça fait pompeux et obscur. En fait, c'est assez simple. C'est tout simplement le bon vieux comportement intentionnel, orientée par la volonté subjective, en vue d'une fin conçue a priori (et plus ou moins consciemment).

Commençons par la question sous-jacente : Qu'est-ce que l'explication en sciences sociales ? (je mets de côté pour l'instant la question de la distinction "compréhension" / "explication").
Prenons par exemple l'histoire : Qu'est-ce que l'explication en histoire ? Est-ce que l'histoire est simplement une collection de faits sans liens les uns avec les autres ? Non, bien entendu : Il y a des séries causales, en histoire. Les faits historiques adviennent parce qu'ils sont le résultat d'une multitude de causes qui les font advenir. "Expliquer", en histoire, comme dans les autres disciplines, c'est donc retrouver les causes d'un fait déterminé.

Ceci dit, il y a en gros deux manières d'envisager l'explication en histoire, une méthode qui considère que les faits historiques sont le résultat de décisions, d'actions d'individus déterminés ; et une autre méthode qui envisage des relations causales entre objets plus complexes : Des cultures, des civilisations, des peuples, etc. Supposons un historien qui utilise la première méthode (et qu'on pourra donc appeler un "intentionnaliste" ou un "individualiste méthodologique") pour expliquer la défaite autrichienne en 1866, il dira par exemple : D'un côté, et parce qu'il ne connaissait pas le terrain, Benedek manoeuvra de telle et telle manière, voulant atteindre tel objectif, tandis que, de son côté von Moltke prit telle et telle décision (par exemple d'utiliser les voies ferrées pour acheminer plus vite ses troupes, si je ne me trompe). C'est l'ensemble de ces décisions, "mauvaises" chez Benedek, et "bonnes" chez Moltke, qui détermina ultimement la victoire à Sadowa. Tu vois ce que je veux dire ? A la question : "Pourquoi et/ou comment von Moltke a-t-il pris le dessus sur les autrichiens à Sadowa ?", une manière classique de répondre sera typiquement de regarder les décisions prises et les actions correspondantes initiées par les principaux protagonistes, et d'envisager l'importance et la validité de ces actions au regard du résultat final. Lorsqu'on fait cela, on explique un fait (historique, économique, sociologique, etc.) par référence à l'action rationnelle en finalité des individus impliqués.

Cette méthode est typiquement celle utilisée en micro-économie et, en fait, c'est de là qu'elle nous vient. Comment expliquer les résultats de telle entreprise sur tel marché ? On réduit l'entreprise à son (éventuellement ses) décideur(s), et on retrouve leurs décisions ainsi que les actions correspondantes qu'ils ont initiées. Ex., au hasard : Ils ont su choisir le bon canal de distribution, investi telle somme sur la publicité, qu'ils ont choisi d'investir dans la presse spécialisée plutôt que dans la TV, plus généraliste, etc. etc. Et c'est pour toutes ces raisons qu'ils ont performé sur ce marché.

Donc tu vois que ce n'est pas du tout un détour inutile, au contraire, c'est la méthode la plus simple et la plus communément usitée en sciences sociales. Et même, d'ailleurs, dans la vie quotidienne. Supposons que tu cherches à expliquer le comportement de tel individu X à un tiers, que vas-tu dire ? Tu vas commencer par dire quel était le but que X poursuivait, puis tu vas relater les actions que X a réalisées pour atteindre cet objectif. Ce faisant, tu n'auras pas fait autre chose que d'exposer un comportement rationnel en finalité, celui de X.

Dis-moi déjà si des choses restent obscures pour toi à ce stade, et si tu veux, je continue ensuite sur ce qui fait la spécificité de la méthodologie wébérienne.

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Message par hks Sam 2 Nov 2013 - 0:02

C'est tout simplement le bon vieux comportement intentionnel, orientée par la volonté subjective, en vue d'une fin conçue a priori (et plus ou moins consciemment).
Oui bien sûr.

Mais ma question portait sur  l'information  supposée  complète.

Expliquer la défaite de Napoléon par ses prises de décision est indispensable. Mais Il est  impossible de se figurer comme idéal- type  l' activité mentale d' un empereur en général connaissant toutes les données de la bataille.
Si Napoleon  fait une erreur d' appréciation cela se voit.
On peut ajouter que s'il avait mieux su telles et telles choses que nous savons il n'aurait pas fait cette erreur.
Mais c'est un ajout  qui n ' empêche pas en première instance de  voir les décisions qu'il a prise et les effets.
Je veux dire que par exemple  savoir ce qu'un joueur d' échec à raté par ce qu'il n' a pas vu, n' explique pas le coup qu'il a joué.

Ce que je dis va donc dans le sens de ton explication d' une méthode pas spécialement wébérienne. Et je m'interroge donc sur  la spécificité de Weber.
( si tu as la même édition que moi tu peux me renvoyer à telle ou telle page)
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Message par Bergame Sam 2 Nov 2013 - 10:56

D'accord. Alors la méthode précédente comporte certaines difficultés.

D'abord, notons que l'explication en histoire est nécessairement rétrospective : Les faits ont déjà eu lieu, et on cherche à retrouver la ou les causes qui ont déterminé leur avènement.
Ensuite, notons également qu'un fait historique est multi-déterminé. Par exemple, à Sadowa, admettons (pour l'instant) que les décisions de Moltke aient eu leur importance dans le résultat final, mais peut-être également que les décisions des généraux de division, au cœur de la bataille, ont été déterminantes. Et peut-être qu'à un moment donné, le comportement exemplaire d'un simple soldat a galvanisé son régiment, ce qui a permis l'occupation d'un point stratégique, occupation qui s'est révélée déterminante dans le déroulement de la bataille. Sans parler des causes plus situationnelles, telles qu'une plus grande discipline du côté prussien, une fatigue moindre due à l'utilisation des voies ferrées, etc. etc. Bref, un fait historique est multi-déterminé, et l'ensemble des causes effectivement impliquées pourrait être infini.

Ce qui signifie que -comme on le disait dans un post précédent- l'explication en histoire consiste toujours en un choix : On choisit (plus ou moins consciemment) telle ou telle cause, à l'exception de la multitude de causes impliquées. De plus, la pondération des causes est impossible : En réalité, comment savoir si telle cause a eu davantage d'importance dans le résultat final que telle autre ? On ne peut jamais que le supposer. Et même : Comment savoir si telle cause a eu effectivement une importance déterminante dans le résultat final ? Par exemple, la discipline de l'armée prussienne et la supériorité de son équipement étant ce qu'elles étaient, peut-être qu'elle aurait vaincu à Sadowa, même si un autre chef que Moltke l'avait dirigée et avait, par conséquent, pris des décisions différentes. En somme, une explication, en histoire, est toujours une reconstruction a posteriori.

Maintenant, envisageons plus précisément la méthode décrite précédemment, puisqu'elle a quelques implications spécifiques. En particulier, elle implique de considérer l'individu comme rationnel. "Rationnel", ça veut dire ici :
- Se représentant nettement les objectifs, finaux et intermédiaires
- Choisissant les bons moyens afin d'atteindre ces objectifs
- Disposant de toutes les informations nécessaires pour réaliser ces choix.

Le problème est celui-ci : Lorsqu'on reconstruit la cause d'un évènement historique en faisant référence aux décisions d'un acteur, on fait comme si cet acteur avait effectivement su se représenter nettement les objectifs, avait choisi les bons moyens, et disposé de toutes les informations nécessaires pour prendre ses décisions. Ce n'est pas seulement qu'on choisit cette cause à l'exception de la multitude infinie des autres, c'est que, du coup, on est amené à concevoir cet individu comme effectivement rationnel, et comme ayant pris les bonnes décisions.
Or, on n'en sait rien, en fait, s'il a pris les bonnes décisions. Ce qui nous le fait dire est simplement que nous cherchons une cause à une succession d'évènements et que nous avons choisi cette cause à l'exception de toutes les autres. Mais par exemple, si ça se trouve, Moltke a pris des décisions parfaitement crétines. Si ça se trouve, choisir de transporter les troupes par voie ferrée, à cette époque, était un risque important au regard (je dis n'importe quoi) de la qualité des trains, et ça aurait pu tout aussi bien foirer. Ou si ça se trouve, ok, l'utilisation des trains c'était une bonne décision, mais pour le reste, pour tout le reste, Moltke a pris des décisions parfaitement stupides. Si ça se trouve, c'est la discipline de l'armée prussienne et son équipement supérieur qui ont décidé de la victoire, rien à voir avec Moltke. Si ça se trouve, la décision d'un simple soldat à un moment donné de la bataille a été bien plus déterminante au regard de son issue que toutes les décisions de Moltke. Mais parce que nous avons choisi cette dernière cause à l'exception de toutes les autres, et parce que nous la mettons en relation avec le résultat final (la victoire), nous faisons de Moltke un homme rationnel, bien informé, et ayant pris les bonnes décisions. En somme nous reconstruisons un Moltke rationnel et fin décideur tout autant que nous avons reconstruit la série causale des évènements qui mène, disons-nous, à la victoire de Sadowa.

Et dans ce cas-là, qu'avons fait ? Rien d'autre qu'une explication ad hoc, comme il existe ce que Popper appelait des théories ad hoc, càd des théories où l'explanans est la seule preuve en faveur de l'explanandum. En somme, nous avons postulé que Moltke était un homme rationnel, et c'est ce postulat que nous avons présenté comme cause de l'évènement que nous prétendions expliquer. Bref, nous avons construit notre propre cause.
Car qui dit que Moltke était un homme rationnel ? Qui dit qu'il a pris les bonnes décisions ? Qui dit -je répète- que la victoire à Sadowa, en fait, n'a pas été obtenue malgré ses décisions stupides ?

Voila déjà l'exposé du problème. Est-ce que tu as des objections ?

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