Langue et nation
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Langue et nation
Il fut une époque en France où l’ennemi de la nation se reconnaissait à son parler régional. L’époque de la Révolution française. La mise en place de l’unité linguistique dans notre pays fut longue et n’a abouti qu’à une époque relativement tardive, vers le début du 20ème siècle. A l’heure de la Révolution, le morcellement dialectal de la France apparaît comme une série de vilaines tâches sur la carte idéale d’un territoire réuni par le culte de la patrie. De l’été 1789 à l’été 1792, l’euphorie d’un peuple libéré et assuré de son bonheur crée des conditions favorables à la tolérance des langues régionales. Mais à la fin de l’été 1792 le vent tourne avec l’instauration de la 1ère Terreur. C’est la période des perquisitions surprises dans les maisons, des arrestations abusives de citoyens soupçonnés (parfois sur simples rumeurs) de monarchisme, de l’arrestation du roi et de sa famille qui seront exécutés quelques mois plus tard. La tension devient frénétique. Les révolutionnaires hystériques lavent les rues de Paris avec du sang humain. C’est les trois Massacres de Septembre de 1792. Les mêmes horreurs sont perpétrées à Versailles, à Reims et à Orléans. Toujours en septembre, la France doit affronter les armées austro-prussiennes qui ont envahi ses frontières Est. Bientôt, elle se trouve également en guerre au Nord contre l’Angleterre et au Sud contre l’Espagne. Attaqué de toute part et déchiré de l’intérieur, le pays est saisi d’un délire paranoïaque : les fédéralistes fous et les traitres monarchistes sont partout ! Ils complotent avec les tyrans qui nous font la guerre pour renverser la Révolution ! Ce sont des vers qui infestent le sein de nos chères campagnes ! La guerre de Vendée ne tarde pas à éclater, horreur inqualifiable, et le Comité de Salut Public est instauré, amenant avec lui le régime de la Grande Terreur, qui porte bien son nom. C’est sûr, l’ennemi se terre dans les régions. Il profite de l’ignorance du peuple, de sa division linguistique et il utilise les langues locales pour faire avancer sa cause perfide ! Le sort des langues régionales est donc scellé. La période de tolérance est terminée. Désormais, elles seront forcément suspectes, elles seront forcément des menaces pour le culte inconditionnel de la patrie.
LANGUES RÉGIONALES, LANGUES DE TYRANS
Dans la fièvre patriotique, le nationalisme linguistique s’affirme aisément et un principe simple s’impose : parler français, c’est prouver sa loyauté à la patrie. Ceux qui s’expriment dans une autre langue font preuve d’ingratitude envers ceux qui ont mené la Révolution, à savoir les Parisiens (qui, eux, parlent français). Ils refusent également de comprendre la Déclaration. Pire encore, ils sont des traitres à la cause nationale. En 1794, un certain Nègre, « contrôleur des Etapes » à Perpignan, laisse éclater sa haine des langues régionales dans une lettre adressée au Comité d’Instruction Publique : "Entourés de Nations Barbares ou avilies par la servitude, dont le langage peint si bien les mœurs corrompus, tous nos départements frontières s’expriment comme elles. (…) Même langage, mêmes habits, mêmes usages, mêmes vices que chez les puissances voisines, tout m’a fait quelquefois douter si j’étois au milieu de mes compatriotes. (…) Ah ! qu’il n’existe plus cet abus, il outrage et la nature et la raison. N’ayons tous qu’une même voix, habitant la même patrie, jouissant des mêmes biens, vivant sous les mêmes loix, ne formant qu’une seule famille, parlons tous le même langage. (…) demandez aux Représentants du peuple français de décréter que tout citoyen de quelle contrée qu’il soit natif, dans quelle partie de la République qu’il soit, centrale ou frontière, ne parlera plus que français, à moins d’être regardé comme ami ou allié des Tyrans qui nous font la guerre." (1) La question des langues avait été l’une des premières soumises à la Convention Nationale alors que celle-ci venait à peine de naître en septembre 1792. La demande d’anéantir, même par la force, ces langues régionales était sous-entendue. Le rapport Lanthenas, présenté à la Convention dans la cadre d’un décret sur l’enseignement, le laisse entendre : "(…) partout où les communications sont gênées par des idiomes particuliers, qui n’ont aucune espèce d’illustration, et ne sont qu’un reste de barbarie des siècles passés, on s’empressera de prendre tous les moyens nécessaires pour les faire disparaître le plus tôt possible." (2) Heureusement, la Convention se montre réticente à prendre des mesures extrêmes sur la question linguistique, d’autant plus que le morcellement dialectal n’est qu’un point dans sa longue liste de problèmes.
Dans un contexte de guerre extrêmement instable et inflammable, où la moindre rumeur de complot contre-révolutionnaire tournait à la psychose, les langues régionales sont perçues comme des dangers. Elles sont considérées comme les instruments des ennemis de la Révolution. On les décrivait déjà comme des restes de la féodalité, des moyens sinistres pour les tyrans monarchistes et ecclésiastiques d’autrefois de maintenir le peuple divisé (ce qui est totalement faux). Maintenant, on ajoute qu’elles permettent aux contre-révolutionnaires fédéralistes et monarchistes de monter des cabales contre la patrie et de répandre le poison de leurs idées dans les campagnes. On peut encore trouver les rapports accablants envoyés à la Convention par les représentants locaux. Sur le basque, on lit : "Le fanatisme domine [dans les Pyrénées-Atlantiques] ; peu de personne savent parler français ; les prêtres basques et autres mauvais citoyens ont interprété à ces infortunés habitants les décrets comme ils ont eu intérêt". Sur le breton : "Ils [les ravages du fanatisme] sont d’autant plus difficiles à étouffer que, dans les cantons les plus fanatisés, on ne peut y faire entendre le langage de la raison. Les mouvements séditieux sont occasionnés par les dispositions contre-révolutionnaires d’une grande partie des habitants des campagnes, que la différence de langage empêche de pouvoir éclairer." Et ainsi de suite... Si bien qu'au nom du progrès et de la lutte contre les tyrans, on continue de demander la destruction de ces voix du passé. Dans la Chronique de Paris de novembre 1792, on lit : "Le Bas-Breton, le Basque, etc. sont des idiômes plus étrangers à la majorité des Français, que le chinois et le turc. Cette bigarrure dans le langage pouvait être tolérée sous l’ancienne division de la France en provinces, et dans un temps où l’ignorance du peuple avait un grand objet d’utilité pour le gouvernement, mais aujourd’hui, où loin de craindre les lumières, le premier intérêt de l’Etat est de les propager, il faut bannir du territoire de la république toute autre langue que celle que l’on parle à la Convention nationale. La multitude des idiômes et des paroles est un obstacle très puissant à la rapidité des communications. Beaucoup de Français n’entendent nos lois, que lorsqu’elles sont traduites en un informe langage. Comment connaîtraient-ils leurs droits s’ils ignorent la langue dans laquelle la Déclaration est écrite ? On a rappelé à la Convention nationale l’existence d’une loi, qui ordonne la traduction des décrets en allemand, en patois, etc. Cette mesure est bonne pour le moment actuel ; mais il en est une qui doit entrer dans le plan d’instruction publique et en faire d’abord un article important : c’est la destruction absolue des idiômes et des patois."(3)
UNE HAINE PARTICULIÈRE CONTRE QUATRE LANGUES
Toutes les langues régionales suscitent la suspicion mais quatre d’entre elles sont stigmatisées avec une férocité particulière. Il s’agit du basque, du breton, du corse et de l’alsacien. Ces langues vont être les cibles du redoutable rapporteur du Comité de Salut Public, Bertrand Barère, qui ne connaît rien aux langues mais qui sait parfaitement manier les formules pour crucifier ses cibles : "Parmi les idiomes anciens, (…) nous avons observé (…) que l'idiome appelé bas-breton, l'idiome basque, les langues allemande et italienne ont perpétué le règne du fanatisme et de la superstition, assuré la domination des prêtres, des nobles et des praticiens, empêché la révolution de pénétrer dans neuf départements importants, et peuvent favoriser les ennemis de la France. (…) Le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton ; l'émigration et la haine de la République parlent allemand [l’alsacien] ; la contre-révolution parle l'italien [le corse], et le fanatisme parle le basque. Cassons ces instruments de dommage et d'erreur. (…) D'ailleurs, combien de dépenses n'avons-nous pas faites pour la traduction des lois des deux premières assemblées nationales dans les divers idiomes parlés en France ! Comme si c'était à nous à maintenir ces jargons barbares et ces idiomes grossiers qui ne peuvent plus servir que les fanatiques et les contre-révolutionnaires !"(4) Cette détestation irrationnelle, teintée de snobisme parisien, vient de ce que ces langues sont les plus éloignées du dialecte francien (le dialecte d'Ile de France). Ce sont langues limitrophes, proches des langues de pays ennemis et souvent parlées des deux côtés de la frontière. Des langues dangereuses parce qu'elles font la jonction avec l'étranger et le despote. Des langue marginales sur le territoire, marginalisées dans les opinions.
À MORT LE LATIN !
Si les langues régionales sont regardées comme les instruments des ennemis, le latin, langue de culte de l'église catholique, l'est tout autant. L'anti-latinisme combat sur deux fronts, d'abord pour soutenir le divorce d'avec l'église, ensuite pour réformer l'enseignement. Il y a unanimité pour cesser d'enseigner en latin. En revanche, on se dispute pour savoir si le latin doit être enseigné en tant que langue. Pour la première fois, cette langue est désacralisée, reléguée derrière le français qui entérine-là son hégémonie politique. La hiérarchie s'inverse. Le peuple a imposé sa voix contre la vieille culture. Dans un livre au titre très inspiré (Idées patriotiques sur la méthode et l’importance d’une éducation nationale pour assurer la régénération de la France), l’avocat révolutionnaire Raymond de Varennes, charge violemment l’enseignement du latin : "Après dix années de principes latins, de thèmes latins, de vers latins, de discours latins, d’arguments latins, de lectures et de traductions d’auteurs latins, ils [les écoliers] reviennent chez eux gonflés et bouffis de latin inintelligible, et très ignorants sur tout le reste… Nos collèges, nos universités, nos instituteurs particuliers, imbus de leurs petits principes locaux et d’usage, sont… insuffisants pour former la jeunesse. Sous le joug de leur férule, l’esprit se noie dans des questions oiseuses qu’il ne comprend pas, s’émousse sur des langues mortes qu’il oublie promptement, se monte sur des thèses échafaudés sur le pédantisme, qui l’égarent ; et si sa mémoire s’exerce, c’est pour y classer des poèmes latins, que le plus studieux écolier ne saurait traduire."(5) Les députés hésitent beaucoup à supprimer l'enseignement du latin en arguant qu'il conserve, malgré tout, le prestige de la culture classique. Les réformistes chevronnés leur répondent que c'est une souffrance inutile pour les élèves, que de toute façon, ils ne parviennent jamais à maîtriser cette langue et qu'elle sert surtout de vecteur à l'arrogance des universitaires. Le vrai problème est que beaucoup de députés sont de formation classique incluant le latin. Ils ont donc des scrupules à dénigrer leurs propres origines intellectuelles.
Quoi qu'il en soit, on est d'accord sur l'essentiel : le peuple a besoin d'une instruction en français. Il faut mettre la langue de la liberté et de la raison dans la bouche des Français. Les articles 1 et 2 du décret du 7 janvier 1794 disent : "Il sera établi dans dix jours (…) un instituteur de langue françoise dans chaque commune des départements" où on parle bas-breton, basque, allemand et corse, plus le flamand et le catalan ajoutés plus tard. L'article 4 ajoute "Ils [les instituteurs] seront tenus d’enseigner tous les jours la langue françoise et la Déclaration des droits de l’homme alternativement à tous les jeunes citoyens des deux sexes, que les pères, mères et tuteurs sont obligés d’envoyer dans les écoles publiques." Ce projet d'instruction générale sera un échec pour deux raisons : les régions manquent cruellement d'instituteurs qualifiés en français et les élèves ne viennent jamais (les parents ont besoin d'eux). On ne baisse pas les bras, le Comité d'Instruction Publique, censé propager la lumière du français sur toute la nation, entend défendre les belles idées par lesquelles Condorcet avait lié langue et citoyenneté : "Il est important, pour le maintien del’égalité réelle, que le langage cesse de séparer les hommes en deux classes" ou "celui qui ne parle point sa langue de manière à pouvoir exprimer ses idées, qui n'écrit pas de manière à être lu sans dégoût ; celui-là est nécessairement dans une dépendance individuelle, dans une dépendance qui rend nul ou dangereux pour lui l'exercice des droits du citoyen." (Rapport à l’Assemblée, 1793)
LA FRANCE A BESOIN D’ÊTRE FRANCISÉE
L’abbé Grégoire, homme d’église mais révolutionnaire, va sérieusement se pencher sur la question de la situation linguistique en France. Il lance une vaste enquête pour établir un état des lieux linguistique du territoire. Il envoie une quarantaine de questions "relatives au patois et aux mœurs des gens de la campagne" à un certain nombre d’informateurs installés dans les régions françaises. Par exemple : « L'usage de la langue française est-il universel dans votre contrée ? Y parle-t-on un ou plusieurs patois ? », « A-t-il beaucoup de mots pour exprimer les nuances des idées et les objets intellectuels ? », « A-t-il beaucoup de termes contraires à la pudeur ? Ce que l'on doit en inférer relativement à la pureté ou à la corruption des mœurs ? ». L’un des correspondants lui répond sur les bénéfices de la destruction des patois : "L’effet de la destruction du patois serait d’élever l’âme, de réunir les cœurs, d’éclairer les esprits; comme l’effet du patois est de dégrader l’âme par une des distinctions qui placent le pauvre au-dessous du riche, de conserver dans les campagnes une ignorance qui met sans cesse les hommes aux prises avec l’erreur et la fourberie, d’empêcher entre les hommes la communication des sentiments et des pensées, de traiter facilement de leurs intérêts, de diviser les département, les districts et les communes en autant de peuples différents. Le détruire serait travailler pour l’établissement de l’égalité, donner de grandes facilités à l’instruction publique, unir en un seul cœur comme en un seul peuple tous les Français."(6) Les informateurs sélectionnés par Grégoire sont complices de ses opinions idéologiques ou ne veulent pas lui déplaire. Ce sont aussi des gens instruits pas suffisamment en contact avec la population pour fournir des réponses conformes à la réalité. De plus la distribution des questionnaires est très inégale puisque l’abbé interroge surtout le Midi, la Bretagne, la Flandre et l’Est. La région parisienne et les régions limitrophes ne sont pas concernées car il estime que l’écart entre les langues d’Oïl de ces régions était trop peu important pour qu’on en requiert une représentation. Clairement, cette enquête sert de prétexte à l’élaboration d’une politique de répression.
A l’issu de son enquête, il délivre, en juin 1794, un rapport au titre explicite "Sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française". Ce rapport, encore disponible sur le site de l’Assemblée Nationale, présente une première statistique très approximative, mais intéressante, de la diffusion du français : "On peut assurer sans exagération qu'au moins six millions de Français, surtout dans les campagnes, ignorent la langue nationale ; qu'un nombre égal est à peu près incapable de soutenir une conversation suivie ; qu'en dernier résultat, le nombre de ceux qui la parlent n'excède pas trois millions, et probablement le nombre de ceux qui l'écrivent correctement est encore moindre."(7) Cette diversité linguistique est jugée indigne de la France car "avec trente patois différents, nous sommes encore, pour le langage, à la tour de Babel, tandis que, pour la liberté, nous formons l'avant-garde des nations." L’unification linguistique, entreprise "qui ne fut pleinement exécutée chez aucun peuple, est digne du peuple français (…) qui doit être jaloux de consacrer au plutôt, dans une République une et indivisible, l'usage unique et invariable de la langue de la liberté." Il développe l’argument du maintien de l’égalité sociale grâce à l’unité linguistique puisque l’ignorance de la langue nationale par certains fera renaître cette aristocratie qui, sous couvert de le protéger, insultait le peuple autrefois et que "par le fait, entre deux classes séparées s'établira une sorte de hiérarchie". Pour éviter que cette diversité linguistique fragmente un seul peuple en trente, il propose des solutions plutôt lucides comme des bulletins de météorologie en français pour les agriculteurs, l’usage d’enseignes en français dans les rues, la célébration des fêtes nationales en français dans les villages, etc. Il dérape en proposant d'interdire le mariage à ceux qui ne parlent pas français.
LA PROVINCE HUMILIÉE
Cette situation de rejet est très mal vécue par les provinciaux. Les critiques et les suspicions des Parisiens les atteignent dans la sincérité de leur amour pour la patrie. Depuis l’Alsace, la Société des Amis de la Constitution de la ville de Ribeauviller répond à la Convention sur le procès qui est fait aux Alsaciens de parler allemand et de trahir ainsi la nation : "Nous ne parlons pas la langue nationale ? Mais suffit-il de parler français pour être bons républicains ? (…) Et suffit-il de parler Allemand pour être contre-révolutionnaire ? Les fidèles habitans des Départements du haut et bas Rhin, qui sont morts les armes à la main, qui ont massacrés [sic] les vils satellites des Despotes – nous-mêmes enfin qui outre les travaux de la fenaison et de la récolte, avons continué à envoyer chaque décade un sixième de nos concitoyens faire la garde pénible des bords du Rhin dégarnis de Troupes ; (…) en sommes nous moins bons républicains parce que nous parlons encore en partie la langue allemande ? (…) Nous ne parlons pas la langue nationale ! Mais nous employons tous les moyens possibles pour l’apprendre ; nos sociétés populaires discutent les intérrêts de la République dans les deux langues ; nos instituteurs du peuple lui addressent la parole au Temple de l’Etre suprême chaque Décadi successivement dans les deux langues (…). Citoyens Représentans, que faut-il faire de plus pour mériter votre approbation et l’amour de nos frères, dits nous le ; rien de ce qui peut contribuer au Salut de la République n’est étranger à la Société populaire de Ribeauviller ; vous connaîtrez sans doute des républicains plus éloquens, mais vous n’encompterez pas de plus fidèles que les habitans du Département du haut-Rhin. Salut et Fraternité." (8 )
UNE FAILLITE POLITIQUE
La Révolution française a cru que l’unité linguistique pouvait s’obtenir instantanément. Cette utopie avait une pertinence politique et idéologique évidente, mais historiquement, elle allait se heurter à une réalité des usages qui se laisse difficilement manœuvrer. Le projet d’une unité linguistique politiquement décrétée fut une faillite. Il faudra attendre les lois sur l’instruction gratuite et obligatoire de Jules Ferry (1881 et 1882) pour que le français impose, progressivement, son hégémonie. A cela, il faut ajouter le rôle de l’exode rural vers les grandes zones urbaines où la circulation du français était plus importante ; le rôle des guerres qui ont contraint des soldats originaires de différentes régions à employer le français comme langue véhiculaire ; enfin, l’essor des médias de masse qui a largement contribué à répandre un français parisien normalisé, standardisé, lissé de toute variation.
Depuis 1992, la langue française est inscrite dans la Constitution comme seule langue officielle de la République, dans l’article 2 du Titre Ier portant sur "La souveraineté", aux côtés des symboles de la République, confirmant que la France n’a jamais eu une approche fonctionnelle mais politique de sa langue. La France a signé, mais sans la ratifier, la Charte européenne sur la défense des langues régionales ou minoritaires car celle-ci prévoit des clauses qui contreviennent à la suprématie constitutionalisée de la langue française. Le corpus juridique français sur les langues régionales est une véritable jungle : on trouve un amoncellement en pagaille de lois, de décrets, de circulaires, d’arrêtés et de décisions de justice qui peuvent être spécifiques pour chaque région et concerner des codes différents (Code de l’Education, Code rural, Code la consommation, etc.). Ces textes vont dans le sens d’une tolérance pour l’enseignement et l’usage des langues régionales. Cependant, le législateur veille toujours à ce qu’elles n’aient jamais les moyens de concurrencer le français.
Aujourd’hui, la discrimination linguistique porte davantage vers les immigrés qui souhaitent entrer sur le territoire. Que la maîtrise (au moins élémentaire) du français soit obligatoire pour ceux qui souhaitent séjourner en France, ça me semble une évidence. Pour des raisons d'intégration et parce que, d'un point de vue pratique, c'est un énorme handicap de ne pas pouvoir parler français. Mais pourquoi aujourd'hui ? Sans qu’elle fut en cause pendant longtemps, la compétence linguistique est soudainement apparue comme par magie comme un critère incontournable pour prétendre au séjour en France. Historiquement, notre langue n’a jamais été véritablement menacée. Même dans les luttes contre l’influence des langues étrangères, il s’agissait moins de la sauver de l’extinction que de préserver sa pureté de toute pollution étrangère (italienne ou anglaise selon les époques), ce qui n’est pas du tout le même combat. La France a rapidement assimilé langue et nation dans un rôle idéologique et culturel commun de construction identitaire homogène. Cette politique linguistique ferme et très interventionniste a façonné un territoire solidement monolingue, tout en sachant que le monolinguisme reste une exception dans le monde pour un état (la situation la plus répandue est un plurilinguisme plus ou moins institutionnalisé).
(1) cité dans Ferdinand Brunot, 1967, Histoire de la langue française, tome 9 « La Révolution et l’Empire », vol.1 « Le français, langue nationale » Paris, Armand Colin, p. 221
(2) cité dans Brunot, p. 136
(3) cité dans Brunot, p. 159
(4) extrait du rapport Barère au Comité d’Instruction Publique, 1794, en ligne : http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/francophonie/barere-rapport.htm
(5) cité dans Brunot, p. 113
(6) Lettres à Grégoire sur les patois de France (collectif), 1969, Genève, Slatkine, p. 215
(7) Brunot, p. 207
(8 ) Brunot, p. 256-257
LANGUES RÉGIONALES, LANGUES DE TYRANS
Dans la fièvre patriotique, le nationalisme linguistique s’affirme aisément et un principe simple s’impose : parler français, c’est prouver sa loyauté à la patrie. Ceux qui s’expriment dans une autre langue font preuve d’ingratitude envers ceux qui ont mené la Révolution, à savoir les Parisiens (qui, eux, parlent français). Ils refusent également de comprendre la Déclaration. Pire encore, ils sont des traitres à la cause nationale. En 1794, un certain Nègre, « contrôleur des Etapes » à Perpignan, laisse éclater sa haine des langues régionales dans une lettre adressée au Comité d’Instruction Publique : "Entourés de Nations Barbares ou avilies par la servitude, dont le langage peint si bien les mœurs corrompus, tous nos départements frontières s’expriment comme elles. (…) Même langage, mêmes habits, mêmes usages, mêmes vices que chez les puissances voisines, tout m’a fait quelquefois douter si j’étois au milieu de mes compatriotes. (…) Ah ! qu’il n’existe plus cet abus, il outrage et la nature et la raison. N’ayons tous qu’une même voix, habitant la même patrie, jouissant des mêmes biens, vivant sous les mêmes loix, ne formant qu’une seule famille, parlons tous le même langage. (…) demandez aux Représentants du peuple français de décréter que tout citoyen de quelle contrée qu’il soit natif, dans quelle partie de la République qu’il soit, centrale ou frontière, ne parlera plus que français, à moins d’être regardé comme ami ou allié des Tyrans qui nous font la guerre." (1) La question des langues avait été l’une des premières soumises à la Convention Nationale alors que celle-ci venait à peine de naître en septembre 1792. La demande d’anéantir, même par la force, ces langues régionales était sous-entendue. Le rapport Lanthenas, présenté à la Convention dans la cadre d’un décret sur l’enseignement, le laisse entendre : "(…) partout où les communications sont gênées par des idiomes particuliers, qui n’ont aucune espèce d’illustration, et ne sont qu’un reste de barbarie des siècles passés, on s’empressera de prendre tous les moyens nécessaires pour les faire disparaître le plus tôt possible." (2) Heureusement, la Convention se montre réticente à prendre des mesures extrêmes sur la question linguistique, d’autant plus que le morcellement dialectal n’est qu’un point dans sa longue liste de problèmes.
Dans un contexte de guerre extrêmement instable et inflammable, où la moindre rumeur de complot contre-révolutionnaire tournait à la psychose, les langues régionales sont perçues comme des dangers. Elles sont considérées comme les instruments des ennemis de la Révolution. On les décrivait déjà comme des restes de la féodalité, des moyens sinistres pour les tyrans monarchistes et ecclésiastiques d’autrefois de maintenir le peuple divisé (ce qui est totalement faux). Maintenant, on ajoute qu’elles permettent aux contre-révolutionnaires fédéralistes et monarchistes de monter des cabales contre la patrie et de répandre le poison de leurs idées dans les campagnes. On peut encore trouver les rapports accablants envoyés à la Convention par les représentants locaux. Sur le basque, on lit : "Le fanatisme domine [dans les Pyrénées-Atlantiques] ; peu de personne savent parler français ; les prêtres basques et autres mauvais citoyens ont interprété à ces infortunés habitants les décrets comme ils ont eu intérêt". Sur le breton : "Ils [les ravages du fanatisme] sont d’autant plus difficiles à étouffer que, dans les cantons les plus fanatisés, on ne peut y faire entendre le langage de la raison. Les mouvements séditieux sont occasionnés par les dispositions contre-révolutionnaires d’une grande partie des habitants des campagnes, que la différence de langage empêche de pouvoir éclairer." Et ainsi de suite... Si bien qu'au nom du progrès et de la lutte contre les tyrans, on continue de demander la destruction de ces voix du passé. Dans la Chronique de Paris de novembre 1792, on lit : "Le Bas-Breton, le Basque, etc. sont des idiômes plus étrangers à la majorité des Français, que le chinois et le turc. Cette bigarrure dans le langage pouvait être tolérée sous l’ancienne division de la France en provinces, et dans un temps où l’ignorance du peuple avait un grand objet d’utilité pour le gouvernement, mais aujourd’hui, où loin de craindre les lumières, le premier intérêt de l’Etat est de les propager, il faut bannir du territoire de la république toute autre langue que celle que l’on parle à la Convention nationale. La multitude des idiômes et des paroles est un obstacle très puissant à la rapidité des communications. Beaucoup de Français n’entendent nos lois, que lorsqu’elles sont traduites en un informe langage. Comment connaîtraient-ils leurs droits s’ils ignorent la langue dans laquelle la Déclaration est écrite ? On a rappelé à la Convention nationale l’existence d’une loi, qui ordonne la traduction des décrets en allemand, en patois, etc. Cette mesure est bonne pour le moment actuel ; mais il en est une qui doit entrer dans le plan d’instruction publique et en faire d’abord un article important : c’est la destruction absolue des idiômes et des patois."(3)
UNE HAINE PARTICULIÈRE CONTRE QUATRE LANGUES
Toutes les langues régionales suscitent la suspicion mais quatre d’entre elles sont stigmatisées avec une férocité particulière. Il s’agit du basque, du breton, du corse et de l’alsacien. Ces langues vont être les cibles du redoutable rapporteur du Comité de Salut Public, Bertrand Barère, qui ne connaît rien aux langues mais qui sait parfaitement manier les formules pour crucifier ses cibles : "Parmi les idiomes anciens, (…) nous avons observé (…) que l'idiome appelé bas-breton, l'idiome basque, les langues allemande et italienne ont perpétué le règne du fanatisme et de la superstition, assuré la domination des prêtres, des nobles et des praticiens, empêché la révolution de pénétrer dans neuf départements importants, et peuvent favoriser les ennemis de la France. (…) Le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton ; l'émigration et la haine de la République parlent allemand [l’alsacien] ; la contre-révolution parle l'italien [le corse], et le fanatisme parle le basque. Cassons ces instruments de dommage et d'erreur. (…) D'ailleurs, combien de dépenses n'avons-nous pas faites pour la traduction des lois des deux premières assemblées nationales dans les divers idiomes parlés en France ! Comme si c'était à nous à maintenir ces jargons barbares et ces idiomes grossiers qui ne peuvent plus servir que les fanatiques et les contre-révolutionnaires !"(4) Cette détestation irrationnelle, teintée de snobisme parisien, vient de ce que ces langues sont les plus éloignées du dialecte francien (le dialecte d'Ile de France). Ce sont langues limitrophes, proches des langues de pays ennemis et souvent parlées des deux côtés de la frontière. Des langues dangereuses parce qu'elles font la jonction avec l'étranger et le despote. Des langue marginales sur le territoire, marginalisées dans les opinions.
À MORT LE LATIN !
Si les langues régionales sont regardées comme les instruments des ennemis, le latin, langue de culte de l'église catholique, l'est tout autant. L'anti-latinisme combat sur deux fronts, d'abord pour soutenir le divorce d'avec l'église, ensuite pour réformer l'enseignement. Il y a unanimité pour cesser d'enseigner en latin. En revanche, on se dispute pour savoir si le latin doit être enseigné en tant que langue. Pour la première fois, cette langue est désacralisée, reléguée derrière le français qui entérine-là son hégémonie politique. La hiérarchie s'inverse. Le peuple a imposé sa voix contre la vieille culture. Dans un livre au titre très inspiré (Idées patriotiques sur la méthode et l’importance d’une éducation nationale pour assurer la régénération de la France), l’avocat révolutionnaire Raymond de Varennes, charge violemment l’enseignement du latin : "Après dix années de principes latins, de thèmes latins, de vers latins, de discours latins, d’arguments latins, de lectures et de traductions d’auteurs latins, ils [les écoliers] reviennent chez eux gonflés et bouffis de latin inintelligible, et très ignorants sur tout le reste… Nos collèges, nos universités, nos instituteurs particuliers, imbus de leurs petits principes locaux et d’usage, sont… insuffisants pour former la jeunesse. Sous le joug de leur férule, l’esprit se noie dans des questions oiseuses qu’il ne comprend pas, s’émousse sur des langues mortes qu’il oublie promptement, se monte sur des thèses échafaudés sur le pédantisme, qui l’égarent ; et si sa mémoire s’exerce, c’est pour y classer des poèmes latins, que le plus studieux écolier ne saurait traduire."(5) Les députés hésitent beaucoup à supprimer l'enseignement du latin en arguant qu'il conserve, malgré tout, le prestige de la culture classique. Les réformistes chevronnés leur répondent que c'est une souffrance inutile pour les élèves, que de toute façon, ils ne parviennent jamais à maîtriser cette langue et qu'elle sert surtout de vecteur à l'arrogance des universitaires. Le vrai problème est que beaucoup de députés sont de formation classique incluant le latin. Ils ont donc des scrupules à dénigrer leurs propres origines intellectuelles.
Quoi qu'il en soit, on est d'accord sur l'essentiel : le peuple a besoin d'une instruction en français. Il faut mettre la langue de la liberté et de la raison dans la bouche des Français. Les articles 1 et 2 du décret du 7 janvier 1794 disent : "Il sera établi dans dix jours (…) un instituteur de langue françoise dans chaque commune des départements" où on parle bas-breton, basque, allemand et corse, plus le flamand et le catalan ajoutés plus tard. L'article 4 ajoute "Ils [les instituteurs] seront tenus d’enseigner tous les jours la langue françoise et la Déclaration des droits de l’homme alternativement à tous les jeunes citoyens des deux sexes, que les pères, mères et tuteurs sont obligés d’envoyer dans les écoles publiques." Ce projet d'instruction générale sera un échec pour deux raisons : les régions manquent cruellement d'instituteurs qualifiés en français et les élèves ne viennent jamais (les parents ont besoin d'eux). On ne baisse pas les bras, le Comité d'Instruction Publique, censé propager la lumière du français sur toute la nation, entend défendre les belles idées par lesquelles Condorcet avait lié langue et citoyenneté : "Il est important, pour le maintien del’égalité réelle, que le langage cesse de séparer les hommes en deux classes" ou "celui qui ne parle point sa langue de manière à pouvoir exprimer ses idées, qui n'écrit pas de manière à être lu sans dégoût ; celui-là est nécessairement dans une dépendance individuelle, dans une dépendance qui rend nul ou dangereux pour lui l'exercice des droits du citoyen." (Rapport à l’Assemblée, 1793)
LA FRANCE A BESOIN D’ÊTRE FRANCISÉE
L’abbé Grégoire, homme d’église mais révolutionnaire, va sérieusement se pencher sur la question de la situation linguistique en France. Il lance une vaste enquête pour établir un état des lieux linguistique du territoire. Il envoie une quarantaine de questions "relatives au patois et aux mœurs des gens de la campagne" à un certain nombre d’informateurs installés dans les régions françaises. Par exemple : « L'usage de la langue française est-il universel dans votre contrée ? Y parle-t-on un ou plusieurs patois ? », « A-t-il beaucoup de mots pour exprimer les nuances des idées et les objets intellectuels ? », « A-t-il beaucoup de termes contraires à la pudeur ? Ce que l'on doit en inférer relativement à la pureté ou à la corruption des mœurs ? ». L’un des correspondants lui répond sur les bénéfices de la destruction des patois : "L’effet de la destruction du patois serait d’élever l’âme, de réunir les cœurs, d’éclairer les esprits; comme l’effet du patois est de dégrader l’âme par une des distinctions qui placent le pauvre au-dessous du riche, de conserver dans les campagnes une ignorance qui met sans cesse les hommes aux prises avec l’erreur et la fourberie, d’empêcher entre les hommes la communication des sentiments et des pensées, de traiter facilement de leurs intérêts, de diviser les département, les districts et les communes en autant de peuples différents. Le détruire serait travailler pour l’établissement de l’égalité, donner de grandes facilités à l’instruction publique, unir en un seul cœur comme en un seul peuple tous les Français."(6) Les informateurs sélectionnés par Grégoire sont complices de ses opinions idéologiques ou ne veulent pas lui déplaire. Ce sont aussi des gens instruits pas suffisamment en contact avec la population pour fournir des réponses conformes à la réalité. De plus la distribution des questionnaires est très inégale puisque l’abbé interroge surtout le Midi, la Bretagne, la Flandre et l’Est. La région parisienne et les régions limitrophes ne sont pas concernées car il estime que l’écart entre les langues d’Oïl de ces régions était trop peu important pour qu’on en requiert une représentation. Clairement, cette enquête sert de prétexte à l’élaboration d’une politique de répression.
A l’issu de son enquête, il délivre, en juin 1794, un rapport au titre explicite "Sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française". Ce rapport, encore disponible sur le site de l’Assemblée Nationale, présente une première statistique très approximative, mais intéressante, de la diffusion du français : "On peut assurer sans exagération qu'au moins six millions de Français, surtout dans les campagnes, ignorent la langue nationale ; qu'un nombre égal est à peu près incapable de soutenir une conversation suivie ; qu'en dernier résultat, le nombre de ceux qui la parlent n'excède pas trois millions, et probablement le nombre de ceux qui l'écrivent correctement est encore moindre."(7) Cette diversité linguistique est jugée indigne de la France car "avec trente patois différents, nous sommes encore, pour le langage, à la tour de Babel, tandis que, pour la liberté, nous formons l'avant-garde des nations." L’unification linguistique, entreprise "qui ne fut pleinement exécutée chez aucun peuple, est digne du peuple français (…) qui doit être jaloux de consacrer au plutôt, dans une République une et indivisible, l'usage unique et invariable de la langue de la liberté." Il développe l’argument du maintien de l’égalité sociale grâce à l’unité linguistique puisque l’ignorance de la langue nationale par certains fera renaître cette aristocratie qui, sous couvert de le protéger, insultait le peuple autrefois et que "par le fait, entre deux classes séparées s'établira une sorte de hiérarchie". Pour éviter que cette diversité linguistique fragmente un seul peuple en trente, il propose des solutions plutôt lucides comme des bulletins de météorologie en français pour les agriculteurs, l’usage d’enseignes en français dans les rues, la célébration des fêtes nationales en français dans les villages, etc. Il dérape en proposant d'interdire le mariage à ceux qui ne parlent pas français.
LA PROVINCE HUMILIÉE
Cette situation de rejet est très mal vécue par les provinciaux. Les critiques et les suspicions des Parisiens les atteignent dans la sincérité de leur amour pour la patrie. Depuis l’Alsace, la Société des Amis de la Constitution de la ville de Ribeauviller répond à la Convention sur le procès qui est fait aux Alsaciens de parler allemand et de trahir ainsi la nation : "Nous ne parlons pas la langue nationale ? Mais suffit-il de parler français pour être bons républicains ? (…) Et suffit-il de parler Allemand pour être contre-révolutionnaire ? Les fidèles habitans des Départements du haut et bas Rhin, qui sont morts les armes à la main, qui ont massacrés [sic] les vils satellites des Despotes – nous-mêmes enfin qui outre les travaux de la fenaison et de la récolte, avons continué à envoyer chaque décade un sixième de nos concitoyens faire la garde pénible des bords du Rhin dégarnis de Troupes ; (…) en sommes nous moins bons républicains parce que nous parlons encore en partie la langue allemande ? (…) Nous ne parlons pas la langue nationale ! Mais nous employons tous les moyens possibles pour l’apprendre ; nos sociétés populaires discutent les intérrêts de la République dans les deux langues ; nos instituteurs du peuple lui addressent la parole au Temple de l’Etre suprême chaque Décadi successivement dans les deux langues (…). Citoyens Représentans, que faut-il faire de plus pour mériter votre approbation et l’amour de nos frères, dits nous le ; rien de ce qui peut contribuer au Salut de la République n’est étranger à la Société populaire de Ribeauviller ; vous connaîtrez sans doute des républicains plus éloquens, mais vous n’encompterez pas de plus fidèles que les habitans du Département du haut-Rhin. Salut et Fraternité." (8 )
UNE FAILLITE POLITIQUE
La Révolution française a cru que l’unité linguistique pouvait s’obtenir instantanément. Cette utopie avait une pertinence politique et idéologique évidente, mais historiquement, elle allait se heurter à une réalité des usages qui se laisse difficilement manœuvrer. Le projet d’une unité linguistique politiquement décrétée fut une faillite. Il faudra attendre les lois sur l’instruction gratuite et obligatoire de Jules Ferry (1881 et 1882) pour que le français impose, progressivement, son hégémonie. A cela, il faut ajouter le rôle de l’exode rural vers les grandes zones urbaines où la circulation du français était plus importante ; le rôle des guerres qui ont contraint des soldats originaires de différentes régions à employer le français comme langue véhiculaire ; enfin, l’essor des médias de masse qui a largement contribué à répandre un français parisien normalisé, standardisé, lissé de toute variation.
Depuis 1992, la langue française est inscrite dans la Constitution comme seule langue officielle de la République, dans l’article 2 du Titre Ier portant sur "La souveraineté", aux côtés des symboles de la République, confirmant que la France n’a jamais eu une approche fonctionnelle mais politique de sa langue. La France a signé, mais sans la ratifier, la Charte européenne sur la défense des langues régionales ou minoritaires car celle-ci prévoit des clauses qui contreviennent à la suprématie constitutionalisée de la langue française. Le corpus juridique français sur les langues régionales est une véritable jungle : on trouve un amoncellement en pagaille de lois, de décrets, de circulaires, d’arrêtés et de décisions de justice qui peuvent être spécifiques pour chaque région et concerner des codes différents (Code de l’Education, Code rural, Code la consommation, etc.). Ces textes vont dans le sens d’une tolérance pour l’enseignement et l’usage des langues régionales. Cependant, le législateur veille toujours à ce qu’elles n’aient jamais les moyens de concurrencer le français.
Aujourd’hui, la discrimination linguistique porte davantage vers les immigrés qui souhaitent entrer sur le territoire. Que la maîtrise (au moins élémentaire) du français soit obligatoire pour ceux qui souhaitent séjourner en France, ça me semble une évidence. Pour des raisons d'intégration et parce que, d'un point de vue pratique, c'est un énorme handicap de ne pas pouvoir parler français. Mais pourquoi aujourd'hui ? Sans qu’elle fut en cause pendant longtemps, la compétence linguistique est soudainement apparue comme par magie comme un critère incontournable pour prétendre au séjour en France. Historiquement, notre langue n’a jamais été véritablement menacée. Même dans les luttes contre l’influence des langues étrangères, il s’agissait moins de la sauver de l’extinction que de préserver sa pureté de toute pollution étrangère (italienne ou anglaise selon les époques), ce qui n’est pas du tout le même combat. La France a rapidement assimilé langue et nation dans un rôle idéologique et culturel commun de construction identitaire homogène. Cette politique linguistique ferme et très interventionniste a façonné un territoire solidement monolingue, tout en sachant que le monolinguisme reste une exception dans le monde pour un état (la situation la plus répandue est un plurilinguisme plus ou moins institutionnalisé).
(1) cité dans Ferdinand Brunot, 1967, Histoire de la langue française, tome 9 « La Révolution et l’Empire », vol.1 « Le français, langue nationale » Paris, Armand Colin, p. 221
(2) cité dans Brunot, p. 136
(3) cité dans Brunot, p. 159
(4) extrait du rapport Barère au Comité d’Instruction Publique, 1794, en ligne : http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/francophonie/barere-rapport.htm
(5) cité dans Brunot, p. 113
(6) Lettres à Grégoire sur les patois de France (collectif), 1969, Genève, Slatkine, p. 215
(7) Brunot, p. 207
(8 ) Brunot, p. 256-257
Dernière édition par Ataraxie le Dim 15 Sep 2013 - 18:37, édité 1 fois
Ataraxie- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 18/05/2012
Re: Langue et nation
Très intéressant. Je vois dans cette "inquisition" de l'imposition d'une langue commune, le reflet de craintes.
- De voir échapper la république
- Que la victoire ne soit qu'une bataille en voyant les forces monarchistes se reconstituer
- Que la fièvre passée que l'oubli se fasse
- Que dans cette état de flottement, les séparatismes soit attisés
- Que les pays frontaliers ne voient dans la république, plus l'unité que représentait la monarchie
- Que ces pays voient cela comme une aubaine, et soit tentés d'en profiter
Le temps compte, l'unité doit être sans délai, sans réserve, et visible.
Bien entendu cela est directement lié aux conditions de violence dans lesquelles c'est produite la révolution française. Une révolution constante de fond permet la consolidation de valeurs qui unissent sans être obligé de renier les richesses particulières qui ne vont pas à l'encontre de ces valeurs.
- De voir échapper la république
- Que la victoire ne soit qu'une bataille en voyant les forces monarchistes se reconstituer
- Que la fièvre passée que l'oubli se fasse
- Que dans cette état de flottement, les séparatismes soit attisés
- Que les pays frontaliers ne voient dans la république, plus l'unité que représentait la monarchie
- Que ces pays voient cela comme une aubaine, et soit tentés d'en profiter
Le temps compte, l'unité doit être sans délai, sans réserve, et visible.
Bien entendu cela est directement lié aux conditions de violence dans lesquelles c'est produite la révolution française. Une révolution constante de fond permet la consolidation de valeurs qui unissent sans être obligé de renier les richesses particulières qui ne vont pas à l'encontre de ces valeurs.
quid- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/08/2012
Re: Langue et nation
Bravo Ataraxie !
O.K. quid, mais pas que. On voit bien que la dynamique ainsi enclenchée coure toujours. La dernière personne à avoir parlé nativement le lorrain est morte il y a quelques décennies. Le Francique ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Francique ) survit un peu . L'alsacien se porte mieux. Idem chez les peuples Roms et Yéniches français, grosse perte de vitesse de ces langues.
J'ai commis ça sur un autre forum : "
A propos des yéniches.
Pour les hébraïsmes de leurs langues à socles germaniques, j'applique la rasoir d'Ockham ( " Le plus souvent, la solution d'un problème est la plus simple ", prouvé par le moine Ockham. ) : ayant longtemps stationné pour commencer en Europe centrale et orientale, c'est à dire feu le pays yiddish, avant le glissement en pays rhénans, je m'explique sans problème ces emprunts de marginaux à marginaux ( Je parle de leur sort commun dans cette région. ).
Leur marginalité même au sein du monde romani s'explique assez facilement : ils sont les premiers, de l'Inde, à s'installer directement en Europe orientale et centrale, sans la longue étape persane, moyen orientale, qui caractérise les autres ethnies romanies, donc vers le X siècle, d'où les hébraïsmes, puis, dés le XII ( Attesté par de nombreuses sources, voire avant, il existe des populations yéniches parlant une langue romane tenant son origine des langues gauloises, le welsche, à ne pas confondre avec le rotwelsch, germanique, ce qui explique la répartition actuelle des yéniches français entre Lorraine, Franche-Comté, et piémont alsacien francophone, welschois, que pratique aussi les sédentaires de ce coin, et Alsace germanophone), le déplacement vers l'Ouest, et la fixation ( A cause de la Réforme, les yéniches sont des catholiques romains, et/ou à cause de la Guerre de Trente ans ? ), en pays rhénans, d'où les langues yéniches majoritaires, caractéristiques, à socles de vieux allemands. En tout état de cause, quant les autres arrivent, vagues à partir du XV, les yéniches sont déjà là depuis longtemps, se sentent donc déjà différents, ce qu'illustre la perduration de leurs dialectes, entre autres. De toutes les ethnies dites " nomades ", c'est la plus sédentarisée et celle qui s'est le plus mélangée aux différents locaux ".
Pour info, il faut savoir qu'on ne rattache à rien de connu la langue basque, déjà présente quand les celtes déboulent !
O.K. quid, mais pas que. On voit bien que la dynamique ainsi enclenchée coure toujours. La dernière personne à avoir parlé nativement le lorrain est morte il y a quelques décennies. Le Francique ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Francique ) survit un peu . L'alsacien se porte mieux. Idem chez les peuples Roms et Yéniches français, grosse perte de vitesse de ces langues.
J'ai commis ça sur un autre forum : "
A propos des yéniches.
Pour les hébraïsmes de leurs langues à socles germaniques, j'applique la rasoir d'Ockham ( " Le plus souvent, la solution d'un problème est la plus simple ", prouvé par le moine Ockham. ) : ayant longtemps stationné pour commencer en Europe centrale et orientale, c'est à dire feu le pays yiddish, avant le glissement en pays rhénans, je m'explique sans problème ces emprunts de marginaux à marginaux ( Je parle de leur sort commun dans cette région. ).
Leur marginalité même au sein du monde romani s'explique assez facilement : ils sont les premiers, de l'Inde, à s'installer directement en Europe orientale et centrale, sans la longue étape persane, moyen orientale, qui caractérise les autres ethnies romanies, donc vers le X siècle, d'où les hébraïsmes, puis, dés le XII ( Attesté par de nombreuses sources, voire avant, il existe des populations yéniches parlant une langue romane tenant son origine des langues gauloises, le welsche, à ne pas confondre avec le rotwelsch, germanique, ce qui explique la répartition actuelle des yéniches français entre Lorraine, Franche-Comté, et piémont alsacien francophone, welschois, que pratique aussi les sédentaires de ce coin, et Alsace germanophone), le déplacement vers l'Ouest, et la fixation ( A cause de la Réforme, les yéniches sont des catholiques romains, et/ou à cause de la Guerre de Trente ans ? ), en pays rhénans, d'où les langues yéniches majoritaires, caractéristiques, à socles de vieux allemands. En tout état de cause, quant les autres arrivent, vagues à partir du XV, les yéniches sont déjà là depuis longtemps, se sentent donc déjà différents, ce qu'illustre la perduration de leurs dialectes, entre autres. De toutes les ethnies dites " nomades ", c'est la plus sédentarisée et celle qui s'est le plus mélangée aux différents locaux ".
Pour info, il faut savoir qu'on ne rattache à rien de connu la langue basque, déjà présente quand les celtes déboulent !
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 31/10/2009
Re: Langue et nation
à neopilina :
Oui, je réfléchissais juste à ce qui avait pu conduire à une telle inquisition.
Mais effectivement, les fantômes demeurent et la république française joue peut-être un peu trop la montre. Je ne vois aucun intérêt à rétablir des langues mortes, même si elles ont été assassinées, mais on pourrait tout de même sauvegarder avec plus de ferveur celles qui restent culturellement vivantes, d'autant plus à la vue de ce qu'expose Ataraxie.
Oui, je réfléchissais juste à ce qui avait pu conduire à une telle inquisition.
Mais effectivement, les fantômes demeurent et la république française joue peut-être un peu trop la montre. Je ne vois aucun intérêt à rétablir des langues mortes, même si elles ont été assassinées, mais on pourrait tout de même sauvegarder avec plus de ferveur celles qui restent culturellement vivantes, d'autant plus à la vue de ce qu'expose Ataraxie.
quid- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1080
Date d'inscription : 04/08/2012
Re: Langue et nation
Il y a eu certes des politiques de la langue ( Ataraxie le décrit très bien ). Dans l'éducation nationale il y a toujours un effort sur le latin ( effort vain ). Et puis il y eut un effort sur l' allemand. Effort découragé par la défection des postulants. Les français ignorent l' allemand dans les grandes largeurs.(ignorance crasse il faut le dire) et réciproquement.quid a écrit:]mais on pourrait tout de même sauvegarder avec plus de ferveur celles qui restent culturellement vivantes,
Désolant.
hks- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 11898
Localisation : Hauts de Seine
Date d'inscription : 04/10/2007
Re: Langue et nation
.
Petite remarque, en passant :
.
Lorsqu'un peuple a perdu l'usage de sa langue et ne parle plus que celle du peuple qui l'a vaincu en provoquant la disparition de la sienne, un temps nouveau peut émerger, celui de l'asservissement de la descendance du peuple vaincu par la descendance du peuple vainqueur.
Cet asservissement se produit par la discrimination sonore.
Il n'est l'objet d'aucun débat politique, car il se passe surtout dans le domaine d'un subconscient qui n'est par définition pas évident.
Dans le sud-ouest de la France, où qu'on porte son regard, ou plutôt son oreille, on s'aperçoit que quiconque parle avec un accent hérité de la langue d'Oc et donc un accent trop éloigné de celui d'une présentatrice ou d'un présentateur de télévision trié sur le volet en fonction notamment de son accent venu de la langue d'Oïl n'a pratiquement aucun véritable pouvoir politique, administratif, économique ou financier dans quelque secteur public ou privé que ce soit.
Seules quelques rares exceptions pourraient faire croire le contraire.
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Petite remarque, en passant :
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Lorsqu'un peuple a perdu l'usage de sa langue et ne parle plus que celle du peuple qui l'a vaincu en provoquant la disparition de la sienne, un temps nouveau peut émerger, celui de l'asservissement de la descendance du peuple vaincu par la descendance du peuple vainqueur.
Cet asservissement se produit par la discrimination sonore.
Il n'est l'objet d'aucun débat politique, car il se passe surtout dans le domaine d'un subconscient qui n'est par définition pas évident.
Dans le sud-ouest de la France, où qu'on porte son regard, ou plutôt son oreille, on s'aperçoit que quiconque parle avec un accent hérité de la langue d'Oc et donc un accent trop éloigné de celui d'une présentatrice ou d'un présentateur de télévision trié sur le volet en fonction notamment de son accent venu de la langue d'Oïl n'a pratiquement aucun véritable pouvoir politique, administratif, économique ou financier dans quelque secteur public ou privé que ce soit.
Seules quelques rares exceptions pourraient faire croire le contraire.
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Au nom de l'ART, de la SCIENCE et de la PHILOSOPHIE. (Ainsi soit-il.)
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victor.digiorgi- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2032
Date d'inscription : 23/04/2013
Re: Langue et nation
Et si ce n'était que cela.victor di giorgi a écrit:Dans le sud-ouest de la France, où qu'on porte son regard, ou plutôt son oreille, on s'aperçoit que quiconque parle avec un accent hérité de la langue d'Oc et donc un accent trop éloigné de celui d'une présentatrice ou d'un présentateur de télévision trié sur le volet en fonction notamment de son accent venu de la langue d'Oïl n'a pratiquement aucun véritable pouvoir politique, administratif, économique ou financier dans quelque secteur public ou privé que ce soit.
Seules quelques rares exceptions pourraient faire croire le contraire.
Mais pas un homme politique de premier plan, pas un administrateur de niveau élevé, pas un grand ponte de la médecine ou de la science, pas un acteur important de théâtre ou de cinéma, ou une chanteuse, etc. qui ne parle la langue d'Oil !
Aucun Français de France ne pourrait imaginer par exemple, qu'un grand acteur de théâtre ait un accent provençal ou béarnais, ou alsacien, ou bourguignon, et qu'il nous débite, à la Comédie Française :
Excité d'un désir curieux
Cette nuit je l'ai vue arriver en ces lieux
Belle, sans ornement, dans le simple appareil
D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil
(faîtes l'expérience : lisez ces vers en vous imaginant un grand acteur, soit fantasmé, soit réel : il à l'accent corse, le mec ? )
Oh, certes, on peut être acteur en ayant un accent marseillais : mais on ne jouera que des rôles de Marseillais.
Je crois que j'avais posté une intervention de Bourdieu très marrante (une video vue sur Youtube, je ne la retrouve pas à l'instant), et où il expliquait, qu'il ne supportait pas l'accent du sud-ouest (le sien, avant qu'il n'apprenne à parler pointu), que quand il entendait un intervenant parler avec cet accent là, il avait envie de le gifler (ce n'est peut-être pas "gifler" à la lettre, mais un terme violent du même genre).
Tout le sel étant dans le fait que c'est Bourdieu qui dit cela - c'est-à-dire un type qui a passé une grande partie de son oeuvre à pourfendre ce genre de "réflexes".
Mais il devait s'en consoler en voyant là une preuve de la scientificité de ses théories, puisque l'on voit que sa sociologie s'applique aussi à lui-même.
Scientifique au sens de la réflexivité.
Courtial- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2030
Date d'inscription : 03/07/2008
Re: Langue et nation
A Victor : deux questions, une sérieuse, une pas.
Je commence par la pas sérieuse : comment expliques-tu la grosse différence qu'il y a entre l'accent de Montréal et celui de Quebec et du reste ?
Cela m'avait beaucoup frappé quand j'ai visité la belle province : Québec, ça doit être à 400 bornes de Montréal (autant dire : la porte à côté, la banlieue, au Quebec), et ils ne parlent pas la même langue !
Alors évidemment, j'avais posé des questions (toujours chieur, tu commences à me connaître), et l'on m'avait expliqué en gros que c'étaient pas les mêmes : les Montréalais sont des descendants de Normands essentiellement, et de Bretons, les autres de Charentais, de Vendéens, etc.
Ca m'a pas paru lumineux, comme explication, si tu as mieux en rayon....
Mais je passe à la question sérieuse : il y a une typologie des accents, plus fine que celle que nous avons évoquée, càd en gros l'opposition Nord / Sud. (Accent du nord : sérieux, vrai "Français", accent du sud : pas sérieux, parasite qu'on tolère parce qu'il nous fait rigoler, qu'il nous fait penser aux vacances, etc. ).
Mais au delà de cette grosse opposition,, il y a plus fin : avoir un accent alsacien, par exemple, ne vous met pas dans le même rang d'infériorité que l'accent des Cévennes.
Il n'y a pas que les grandeurs qui ont divers ordres et il y a aussi ceux des indignités. Alsacien, on est inférieur, mais dans un autre ordre.
Mais, tu vas me dire : y a pas de question. J'y viens, j'y viens :
Sais-tu (et comment interprètes-tu, si tu le sais) que l'accent québécois ou, devrais-je dire : l'accent québécoise, occupe une place toute particulière dans les rangs de ces indignités. Je veux dire celui de la débandade ?
J'ai souvent entendu, en France - dans des conversations entre garçons, je dois avouer - qu'on ne pouvait imaginer plus efficace, dans la descente de treuil, faillite du cric, chute brutale du châpiteau, panne générale, gros bug, que l'expérience de pensée suivante :
Imaginez ! Imaginez, je vous l'ordonne !
La plus belle fille et la plus excitante que vous puissiez imaginer - chacun la trouvera, pour lui-même et là où il pourra - qui, toute énamourée, se jette sur vous pour une étreinte et vous déclare sa flamme et son désir.... avec l'accent québécois !
Je commence par la pas sérieuse : comment expliques-tu la grosse différence qu'il y a entre l'accent de Montréal et celui de Quebec et du reste ?
Cela m'avait beaucoup frappé quand j'ai visité la belle province : Québec, ça doit être à 400 bornes de Montréal (autant dire : la porte à côté, la banlieue, au Quebec), et ils ne parlent pas la même langue !
Alors évidemment, j'avais posé des questions (toujours chieur, tu commences à me connaître), et l'on m'avait expliqué en gros que c'étaient pas les mêmes : les Montréalais sont des descendants de Normands essentiellement, et de Bretons, les autres de Charentais, de Vendéens, etc.
Ca m'a pas paru lumineux, comme explication, si tu as mieux en rayon....
Mais je passe à la question sérieuse : il y a une typologie des accents, plus fine que celle que nous avons évoquée, càd en gros l'opposition Nord / Sud. (Accent du nord : sérieux, vrai "Français", accent du sud : pas sérieux, parasite qu'on tolère parce qu'il nous fait rigoler, qu'il nous fait penser aux vacances, etc. ).
Mais au delà de cette grosse opposition,, il y a plus fin : avoir un accent alsacien, par exemple, ne vous met pas dans le même rang d'infériorité que l'accent des Cévennes.
Il n'y a pas que les grandeurs qui ont divers ordres et il y a aussi ceux des indignités. Alsacien, on est inférieur, mais dans un autre ordre.
Mais, tu vas me dire : y a pas de question. J'y viens, j'y viens :
Sais-tu (et comment interprètes-tu, si tu le sais) que l'accent québécois ou, devrais-je dire : l'accent québécoise, occupe une place toute particulière dans les rangs de ces indignités. Je veux dire celui de la débandade ?
J'ai souvent entendu, en France - dans des conversations entre garçons, je dois avouer - qu'on ne pouvait imaginer plus efficace, dans la descente de treuil, faillite du cric, chute brutale du châpiteau, panne générale, gros bug, que l'expérience de pensée suivante :
Imaginez ! Imaginez, je vous l'ordonne !
La plus belle fille et la plus excitante que vous puissiez imaginer - chacun la trouvera, pour lui-même et là où il pourra - qui, toute énamourée, se jette sur vous pour une étreinte et vous déclare sa flamme et son désir.... avec l'accent québécois !
Dernière édition par Courtial le Mar 8 Oct 2013 - 21:16, édité 2 fois
Courtial- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 03/07/2008
Re: Langue et nation
Y'a quelques années une étude médicale dans la Loire, le département, découvre des gènes " inconnus ". On cherche. Dans les ancêtres des " étudiés " on en trouve avec des ancêtres ayant tentés l'aventure au Canada et étant revenus, avé du sang local, genre Inuit ou Indien, .
Les alsaciens maitrisant leur accent réussissent très bien.
Les alsaciens maitrisant leur accent réussissent très bien.
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 31/10/2009
Re: Langue et nation
Oui. Pierre Fresnay était un immense acteur, il a joué, et avè l'assent, un Marius de Pagnol plus Marseillais que n'importe quel Marseillais. Alors qu'il était Alsacien (bien que né à Paris).
Il avait une diction parfaite mais avec quelques bizarreries, pas dans la prononciation, mais dans l'intonation, surtout, dont on m'a dit que c'étaient des traits alsaciens.
Il parlait, paraît-il un anglais excellent au niveau de l'accent (sans avoir de grandes connaissances dans cette langue). Cela avait sans doute un rapport avec ses intonations.
(Il devait surtout avoir une sacrée oreille et je ne serais pas étonné d'apprendre, dans une prochaine lecture, qu'il était doué en musique).
Il avait une diction parfaite mais avec quelques bizarreries, pas dans la prononciation, mais dans l'intonation, surtout, dont on m'a dit que c'étaient des traits alsaciens.
Il parlait, paraît-il un anglais excellent au niveau de l'accent (sans avoir de grandes connaissances dans cette langue). Cela avait sans doute un rapport avec ses intonations.
(Il devait surtout avoir une sacrée oreille et je ne serais pas étonné d'apprendre, dans une prochaine lecture, qu'il était doué en musique).
Courtial- Digressi(f/ve)
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Re: Langue et nation
La reine d'Angleterre parle un français parfait sans accent, et à sa table, les menus sont en français !
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: Langue et nation
Je suis presqu 'arrivé à entendre courtial parler.
magique ! non ?
magique ! non ?
hks- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/10/2007
Re: Langue et nation
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À Courtial :
Pour la différence entre les accents de Montréal et de Québec, je n'ai pas d'explication particulière, sauf celle, logique, de la différenciation par isolation géographique (longtemps, il n'y a pas eu de routes mais qu'une immense forêt entre ces deux villes, et tous les échanges se faisaient uniquement par le Saint-Laurent, qui n'était pas si facilement navigable que ça, surtout l'hiver).
La différence d'accent est plus marquée avec la région du lac Saint-Jean, au bout du fjord du Saguenay, à cause d'une isolation encore plus importante. Mais la plus grande différence, c'est avec le Nouveau-Bruswick et surtout avec la Louisiane qu'on la trouve. Là aussi, c'est sans doute l'absence de communication suivie qui est à l'origine du phénomène. L'isolation entre le Canada et la France, qui a été pratiquement totale pendant des siècles, explique bien la différence très marquée entre les accents français de l'Amérique du Nord et ceux de l'Europe.
Cette différence est très marquée également entre les langues parlées. Voir ci-dessous l'incroyable différence existant entre le québécois et le français « vernaculaires ».
Cela dit, en ce qui concerne indirectement la débandade dont tu parles, les Québécois et les Québécoises riches et cultivés venant passer leurs vacances en France prennent toujours soin de ne s'adresser qu'en anglais au personnel des musées, des salles de concert, des hôtels et des restaurants de leur séjour.
Ils savent bien pour l'avoir déjà subie la réaction méprisante, arrogante, dédaigneuse, hautaine à laquelle leur accent risquerait de les exposer s'ils parlaient français ...
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À Courtial :
Pour la différence entre les accents de Montréal et de Québec, je n'ai pas d'explication particulière, sauf celle, logique, de la différenciation par isolation géographique (longtemps, il n'y a pas eu de routes mais qu'une immense forêt entre ces deux villes, et tous les échanges se faisaient uniquement par le Saint-Laurent, qui n'était pas si facilement navigable que ça, surtout l'hiver).
La différence d'accent est plus marquée avec la région du lac Saint-Jean, au bout du fjord du Saguenay, à cause d'une isolation encore plus importante. Mais la plus grande différence, c'est avec le Nouveau-Bruswick et surtout avec la Louisiane qu'on la trouve. Là aussi, c'est sans doute l'absence de communication suivie qui est à l'origine du phénomène. L'isolation entre le Canada et la France, qui a été pratiquement totale pendant des siècles, explique bien la différence très marquée entre les accents français de l'Amérique du Nord et ceux de l'Europe.
Cette différence est très marquée également entre les langues parlées. Voir ci-dessous l'incroyable différence existant entre le québécois et le français « vernaculaires ».
Cela dit, en ce qui concerne indirectement la débandade dont tu parles, les Québécois et les Québécoises riches et cultivés venant passer leurs vacances en France prennent toujours soin de ne s'adresser qu'en anglais au personnel des musées, des salles de concert, des hôtels et des restaurants de leur séjour.
Ils savent bien pour l'avoir déjà subie la réaction méprisante, arrogante, dédaigneuse, hautaine à laquelle leur accent risquerait de les exposer s'ils parlaient français ...
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victor.digiorgi- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 23/04/2013
Re: Langue et nation
La différence essentielle entre la colonisation anglaise et la colonisation française se trouve dans le fait que les Anglais ne se sont jamais mêlés à la population locale, contrairement aux Français, qui ont tous fondé un jour ou l'autre des familles mixtes. Le métissage Français-Amérindien a été très courant, aux débuts de l'arrivée des Français en Nouvelle France.neopilina a écrit:Y'a quelques années une étude médicale dans la Loire, le département, découvre des gènes " inconnus ". On cherche. Dans les ancêtres des " étudiés " on en trouve avec des ancêtres ayant tentés l'aventure au Canada et étant revenus, avé du sang local, genre Inuit ou Indien, .
Les alsaciens maitrisant leur accent réussissent très bien.
Pratiquement tous les descendants des anglais de la colonisation n'ont aujourd'hui aucune goutte de sang amérindien dans les veines, alors que presque TOUS les descendant des français de l'époque en ont.
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victor.digiorgi- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2032
Date d'inscription : 23/04/2013
Re: Langue et nation
Alors tu ne l'as jamais entendue ...neopilina a écrit:La reine d'Angleterre parle un français parfait sans accent
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victor.digiorgi- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2032
Date d'inscription : 23/04/2013
Re: Langue et nation
à Courtial
Je me souviens de Bachelard ...(pas in vivo mais à l'écoute ) et puis j' entends Michel serres , Hubert Reeves et quelques autres qui ont un accent ... et mains intellectuels anglos saxons qui ont un accent.
J' écoute ce qu'ils disent, pas l' accent. J'entend l' accent (peut- être) mais je ne l'écoute pas.
Je me souviens de Bachelard ...(pas in vivo mais à l'écoute ) et puis j' entends Michel serres , Hubert Reeves et quelques autres qui ont un accent ... et mains intellectuels anglos saxons qui ont un accent.
J' écoute ce qu'ils disent, pas l' accent. J'entend l' accent (peut- être) mais je ne l'écoute pas.
Mais qui use de cette typologie ?il y a une typologie des accents, plus fine que celle que nous avons évoquée,
hks- Digressi(f/ve)
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Localisation : Hauts de Seine
Date d'inscription : 04/10/2007
Re: Langue et nation
Tout à fait : ce qui fait dire à Pierre Asselineau, par exemple (un homme politique français souverainiste, mais hors UMP) que les Anglo-Saxons ont l'apartheid, la ségrégation, dans le sang (si j'ose dire), que le "communautarisme" est pour eux une évidence, etc. Si bien que les questions comme l'immigration, l'intégration, etc. ne peuvent susciter qu'une incompréhension réciproque et totale entre les deux côtés de l'Atlantique (la Grande-Bretagne étant à mettre de l'autre côté).victor.digiorgi a écrit:La différence essentielle entre la colonisation anglaise et la colonisation française se trouve dans le fait que les Anglais ne se sont jamais mêlés à la population locale, contrairement aux Français, qui ont tous fondé un jour ou l'autre des familles mixtes. Le métissage Français-Amérindien a été très courant, aux débuts de l'arrivée des Français en Nouvelle France.neopilina a écrit:Y'a quelques années une étude médicale dans la Loire, le département, découvre des gènes " inconnus ". On cherche. Dans les ancêtres des " étudiés " on en trouve avec des ancêtres ayant tentés l'aventure au Canada et étant revenus, avé du sang local, genre Inuit ou Indien, .
Les alsaciens maitrisant leur accent réussissent très bien.
Pratiquement tous les descendants des anglais de la colonisation n'ont aujourd'hui aucune goutte de sang amérindien dans les veines, alors que presque TOUS les descendant des français de l'époque en ont.
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Toutefois, nous voyons à la lumière de cette discussion que les séparations que les Anglo-Saxons établissent physiquement et institutionnellement (au moins à certaines époques), elles ne sont pas absentes en France, même si ce ne sont pas forcément les mêmes et qu'elles sont souvent plus mentales que matérielles.
Courtial- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2030
Date d'inscription : 03/07/2008
Re: Langue et nation
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Cette incompréhension des questions comme celles de l'immigration et l'intégration est en effet bien réelle entre l'Amérique du Nord (Angleterre comprise, bien d'accord) et l'Europe en général et la France en particulier.
C'est en passant à une sorte d'indifférence culturelle de la part des vainqueurs anglais que la communauté francophone d'Amérique du Nord a pu se développer en évitant de subir l'horreur d'un génocide du genre de la Shoah. Mais cette indifférence a été un moment plutôt conjoncturelle. C'est Wolfe, le vainqueur de Moncalm, qui est intervenu personnellement auprès des Pairs d'Angleterre pour éviter le massacre qui aurait pu être perpétrè sans problème à son époque en Nouvelle France à l'encontre des Français. Au lieu du massacre, une simple allégeance à la monarchie anglaise a été exigée de chaque Français, auquel on a offert de choisir entre cette allégeance ou le retour en France. Il s'en est suivi un départ de toute l'élite française et un asservissement de fait de la population française par les anglais, alliés pour ça avec l'Église catholique chargée par l'Angleterre de contenir toute révolte populaire en cas de problème. Le marché était simple : à l'Église apostolique et romaine le bénéfice de la propriété foncière et de la dime « offerte généreusement » par la population catholique, à l'Angletterre la main d'œuvre bon marché permettant de s'enrichir sur le modèle économique dénoncé bien plus tard par le camarade Marx.
Le cas de coopération, sinon de collaboration le plus emblématique de tout ça, ça a été le refus catégorique de TOUTE la population francophone du Canada d'aller se battre en Europe en 1940 pour les beaux yeux de nations comme l'Angleterre, pays de l'asservissement de fait, et la France, pays de l'oubli de ses citoyens asservis de l'autre côté de l'Atlantique. La mobilisation militaires des francophones du Canada ne s'est accomplies que par la persuasion effectuée dans chaque église par chaque curé pendant chaque sermon de partout au Canada. Il est bon aujourd'hui de savoir que la population francophone du Canada était prête à rejoindre carrément les rangs de l'Allemagne nazie et de l'Italie fasciste par simple dégoût de la façon dont elle avait été traitée par la France d'un oubli littéralement psychanalytique et l'Angleterre de l'hypocrisie d'une douceur camouflant une tyrannie de fer. (Le bruit cours encore aujourd'hui d'une collaboration nazie de certains Québécois ayant aidé pendant la guerre des espions allemands à débarquer de U-Boots et à s'intégrer à la population pour les besoins allemands de renseignements sur les convois de matériel de guerre et de soldats destinés au besoins de l'Angleterre.) Ce n'est qu'après avoir pris conscience de l'abjection nazie et fasciste révélée par des journalistes de guerre francophones que ce sentiment s'est peu à peu estompé puis a disparu chez les Canadiens-Français.
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Cette incompréhension des questions comme celles de l'immigration et l'intégration est en effet bien réelle entre l'Amérique du Nord (Angleterre comprise, bien d'accord) et l'Europe en général et la France en particulier.
C'est en passant à une sorte d'indifférence culturelle de la part des vainqueurs anglais que la communauté francophone d'Amérique du Nord a pu se développer en évitant de subir l'horreur d'un génocide du genre de la Shoah. Mais cette indifférence a été un moment plutôt conjoncturelle. C'est Wolfe, le vainqueur de Moncalm, qui est intervenu personnellement auprès des Pairs d'Angleterre pour éviter le massacre qui aurait pu être perpétrè sans problème à son époque en Nouvelle France à l'encontre des Français. Au lieu du massacre, une simple allégeance à la monarchie anglaise a été exigée de chaque Français, auquel on a offert de choisir entre cette allégeance ou le retour en France. Il s'en est suivi un départ de toute l'élite française et un asservissement de fait de la population française par les anglais, alliés pour ça avec l'Église catholique chargée par l'Angleterre de contenir toute révolte populaire en cas de problème. Le marché était simple : à l'Église apostolique et romaine le bénéfice de la propriété foncière et de la dime « offerte généreusement » par la population catholique, à l'Angletterre la main d'œuvre bon marché permettant de s'enrichir sur le modèle économique dénoncé bien plus tard par le camarade Marx.
Le cas de coopération, sinon de collaboration le plus emblématique de tout ça, ça a été le refus catégorique de TOUTE la population francophone du Canada d'aller se battre en Europe en 1940 pour les beaux yeux de nations comme l'Angleterre, pays de l'asservissement de fait, et la France, pays de l'oubli de ses citoyens asservis de l'autre côté de l'Atlantique. La mobilisation militaires des francophones du Canada ne s'est accomplies que par la persuasion effectuée dans chaque église par chaque curé pendant chaque sermon de partout au Canada. Il est bon aujourd'hui de savoir que la population francophone du Canada était prête à rejoindre carrément les rangs de l'Allemagne nazie et de l'Italie fasciste par simple dégoût de la façon dont elle avait été traitée par la France d'un oubli littéralement psychanalytique et l'Angleterre de l'hypocrisie d'une douceur camouflant une tyrannie de fer. (Le bruit cours encore aujourd'hui d'une collaboration nazie de certains Québécois ayant aidé pendant la guerre des espions allemands à débarquer de U-Boots et à s'intégrer à la population pour les besoins allemands de renseignements sur les convois de matériel de guerre et de soldats destinés au besoins de l'Angleterre.) Ce n'est qu'après avoir pris conscience de l'abjection nazie et fasciste révélée par des journalistes de guerre francophones que ce sentiment s'est peu à peu estompé puis a disparu chez les Canadiens-Français.
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Dernière édition par victor.digiorgi le Jeu 10 Oct 2013 - 19:49, édité 1 fois
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victor.digiorgi- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2032
Date d'inscription : 23/04/2013
Re: Langue et nation
Rôle dont l'Eglise catholique s'est acquittée avec un zèle et une efficacité étonnants.victor di giorgi a écrit:un asservissement de fait de la population française par les anglais, alliés pour ça avec l'Église catholique chargée par les Anglais de contenir toute révolte populaire en cas de problème.
Je ne développe pas parce que cette question a été abordée sur un autre fil, mais ceci confirme les vues les plus négatives de Spinoza comme de Marx (de Voltaire et de tant d'autres) sur les aspects particulièrement mystificateurs et outrageusement oppressifs de la religion.
C'est la raison pour laquelle j'ai de l'indulgence et de la compréhension pour ce qui peut me paraître outrancier chez certains collègues ou amis québécois, en me souvenant qu'ils sont peut-être mieux placés que moi pour en parler. (En clair : je le prends avec plus de nuance ou de distance, mais moi, je n'ai pas été matraqué comme eux par le catholicisme).
Courtial- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2030
Date d'inscription : 03/07/2008
Re: Langue et nation
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Je comprends bien ce que tu dis, Courtial.
Il m'a moi-même fallu pas mal de temps et de discussions avec pas mal de Québécois pour être imprégné de la chose. (Je n'ai débarqué au Québec qu'à l'âge de 35 ans, et à ce moment, j'ignorais tout ou presque de la mentalité réelle du Canadien-Français, et du Canadien-Anglais aussi).
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Je comprends bien ce que tu dis, Courtial.
Il m'a moi-même fallu pas mal de temps et de discussions avec pas mal de Québécois pour être imprégné de la chose. (Je n'ai débarqué au Québec qu'à l'âge de 35 ans, et à ce moment, j'ignorais tout ou presque de la mentalité réelle du Canadien-Français, et du Canadien-Anglais aussi).
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victor.digiorgi- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 23/04/2013
Re: Langue et nation
Bien sûr.hks a écrit:à Courtial
Je me souviens de Bachelard ...(pas in vivo mais à l'écoute ) et puis j' entends Michel serres , Hubert Reeves et quelques autres qui ont un accent ... et mains intellectuels anglos saxons qui ont un accent.
J' écoute ce qu'ils disent, pas l' accent. J'entend l' accent (peut- être) mais je ne l'écoute pas.Mais qui use de cette typologie ?il y a une typologie des accents, plus fine que celle que nous avons évoquée,
Je ne parlais pas des philosophes ou assimilés (Reeves). Mais : acteurs, stars des médias, politiques, bref des métiers de représentation (et d'exposition, médiatique ou autre).
Ce qui te donne la réponse à ta question : en use (de la typologie et aussi des exclusions qu'elle décrète) ceux qui sont dans la représentation, la parution, l'exposition, etc. (Et je répliquais, pour aller dans le même sens, d'ailleurs, à un post de Victor où il parlait plutôt de ce côté "médiatique").
Cela relève d'une attitude de mépris qui a été tellement intériorisée, dans ce genre de lieux, que cela fonctionne de façon particulièrement irréfléchie et comme spontanée.
Il me semble qu'on devrait y réfléchir un peu plus, lorsqu'on s'alarme, aujourd'hui, de la montée du Front National (dans les sondages, le futur "premier parti de France", etc.)
Front National qui prospère beaucoup (cela ne veut pas dire : seulement) dans le Sud de la France. Là où on a un accent.
Il y a beaucoup de petits Blancs qui se disent qu'on fait tout un tintouin parce qu'il n'y a pas assez de Noirs à la télé, que le Cran, la Licra s'insurgent, etc. , que même les présentateurs les plus huppés, les plus chics, ne dédaignent pas de parler un peu rebeu, pour faire genre, mais qu'il n'y a pas de Basques, et que si vous râlez pour cela, on vous traite de fasciste, que vous êtes, pratiquement, un pote de Hitler.
Courtial- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2030
Date d'inscription : 03/07/2008
Re: Langue et nation
Fin du message :
On peut comprendre que ces petits Blancs aient un peu de mal à suivre.
Ils sont ségrégués surtout pour d'autres raisons - en sorte qu'il ne leur suffirait pas de perdre leur accent.
On peut comprendre que ces petits Blancs aient un peu de mal à suivre.
Ils sont ségrégués surtout pour d'autres raisons - en sorte qu'il ne leur suffirait pas de perdre leur accent.
Courtial- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2030
Date d'inscription : 03/07/2008
Re: Langue et nation
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Tant que j'y suis à propos de l'Amérique du Nord française, notons la trajectoire particulière de la population acadienne, qui a peu de rapport avec celle des Québécois.
En effet, pour commencer, la masse des Acadiens est arrivée en Amérique du Nord bien avant celle des Québécois. Les Acadiens en tirent à tort ou à raison un sentiment plus puissant d'appartenance à la Nouvelle France que les Québécois.
Par ailleurs, eux, les Acadiens, ils on subi de plein fouet un génocide de type haulocoste par tuerie généralisée sur le modèle du Rwanda et déportation forcée sur le modèle du Kosovo. Ils appellent ça pudiquement « le grand dérangement » ...
Mais leur réaction a été différente et ils ont par ailleurs moins subi le joug de l'Église. Les Acadiens se sont très vite ralliés au concept républicain, contrairement aux Québécois, qui sont resté attachés au concept monarchique.
Voir les symboles suivants pour s'en rendre compte.
Drapeau du Québec :
(Avec son bleu et ses lys directement hérités du Roy de France, ainsi que sa croix figurant le règne de droit divin de toute monarchie qui se respecte)
https://2img.net/r/ihimg/scaled/landing/809/g38.gif
Drapeau de l'Acadie :
(C'est le drapeau bleu-blanc-rouge de la République française, marqué de Vénus, l'étoile du pêcheur, pour ce peuple longtemps tourné vers la mer)
https://2img.net/r/ihimg/a/img841/1858/pbn.gif
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Tant que j'y suis à propos de l'Amérique du Nord française, notons la trajectoire particulière de la population acadienne, qui a peu de rapport avec celle des Québécois.
En effet, pour commencer, la masse des Acadiens est arrivée en Amérique du Nord bien avant celle des Québécois. Les Acadiens en tirent à tort ou à raison un sentiment plus puissant d'appartenance à la Nouvelle France que les Québécois.
Par ailleurs, eux, les Acadiens, ils on subi de plein fouet un génocide de type haulocoste par tuerie généralisée sur le modèle du Rwanda et déportation forcée sur le modèle du Kosovo. Ils appellent ça pudiquement « le grand dérangement » ...
Mais leur réaction a été différente et ils ont par ailleurs moins subi le joug de l'Église. Les Acadiens se sont très vite ralliés au concept républicain, contrairement aux Québécois, qui sont resté attachés au concept monarchique.
Voir les symboles suivants pour s'en rendre compte.
Drapeau du Québec :
(Avec son bleu et ses lys directement hérités du Roy de France, ainsi que sa croix figurant le règne de droit divin de toute monarchie qui se respecte)
https://2img.net/r/ihimg/scaled/landing/809/g38.gif
Drapeau de l'Acadie :
(C'est le drapeau bleu-blanc-rouge de la République française, marqué de Vénus, l'étoile du pêcheur, pour ce peuple longtemps tourné vers la mer)
https://2img.net/r/ihimg/a/img841/1858/pbn.gif
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victor.digiorgi- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 23/04/2013
Re: Langue et nation
C'est là qu'on voit le vrai philosophe:smile:hks a écrit:à Courtial
Je me souviens de Bachelard ...(pas in vivo mais à l'écoute ) et puis j' entends Michel serres , Hubert Reeves et quelques autres qui ont un accent ... et mains intellectuels anglos saxons qui ont un accent.
J' écoute ce qu'ils disent, pas l' accent. J'entend l' accent (peut- être) mais je ne l'écoute pas.
Hegel cumulait tout : il avait un accent du Sud (souabe, précisément) épouvantable, qui faisait qu'on le comprenait très mal, à Berlin. On a de nombreux témoignages là-dessus. Et en plus, on ne peut pas dire que la doctrine qu'il enseignait fut la plus facile d'accès.
Il a cependant fait une assez jolie carrière universitaire et dans l'histoire de la philosophie.
Courtial- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 03/07/2008
Re: Langue et nation
à courtial
idem de Heidegger.
Mais je suis perplexe. La langue a aussi un fort pouvoir et de renfermement et d' exclusion. Un fort pouvoir d' identification ( régional ou communautaire ).
Il y a maints républicains ( en France ) qui ne comprennent pas ce revival des langues régionales ( qui date d'autour de 1968). Fut un temps j 'eus la velléité d' apprendre le breton ..."mais tu n'es pas breton, c'est ridicule" me disait mon épouse ... ce qu'elle ne disait pas quand j' apprenais le Russe ou l' allemand....
ni même l' hébreu, encore que pour l' hébreu, il y avait un soupçon de la même réticence.( je ne suis pas juif )
Expliquez - moi.
idem de Heidegger.
Je comprends l'indignation d' Ataraxie.Simon HantaÏ a écrit:ma mère était une femme souabe-juive, elle était catholique, elle parlait l'allemand avec le même accent que Heidegger,
Mais je suis perplexe. La langue a aussi un fort pouvoir et de renfermement et d' exclusion. Un fort pouvoir d' identification ( régional ou communautaire ).
Il y a maints républicains ( en France ) qui ne comprennent pas ce revival des langues régionales ( qui date d'autour de 1968). Fut un temps j 'eus la velléité d' apprendre le breton ..."mais tu n'es pas breton, c'est ridicule" me disait mon épouse ... ce qu'elle ne disait pas quand j' apprenais le Russe ou l' allemand....
ni même l' hébreu, encore que pour l' hébreu, il y avait un soupçon de la même réticence.( je ne suis pas juif )
Expliquez - moi.
hks- Digressi(f/ve)
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