TRADUCTOLOGIE - L'épreuve de l'étranger

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Message par Vargas Jeu 6 Sep 2007 - 12:54

L'épreuve de l'étranger

d'Antoine Berman(1984)


Culture et traduction dans l'Allemagne romantique




Historiquement, Les discours sur la traduction la présente soit comme une activité quasi intuitive (les traducteurs eux-mêmes, souvent) et, par conséquent dont la théorisation est vaine car inaccessible aux non pratiquants ; ou bien encore en tant que subordonnée, annexée à une autre discipline, pour cette discipline ( théologie, philosophie, plus récemment sociologie, etc…).
Cette assimilation amène à faire de la traduction un sous-genre, un simple outil (sous-littérature, sous-critique, etc…).

La singularité de ce savoir demeure ensevelie sous le poids des domaines déjà structurée tant que la traduction ne s’évoque pas, ne se donne pas son propre discours.
Or, cette réflexion devient nécessité au XX ème siècle.

C’est à cette évocation manquante que le livre de Berman répond en appelant à la constitution d’une traductologie :
« [cette réflexion] indique la volonté de la traduction de devenir une pratique autonome, pouvant se définir et se situer elle-même, et par conséquent se communiquer, se partager et s’enseigner. »

la traduction est un nouvel objet de savoir qui ne sera plus ignoré.
A la fois démarche, art, expérience, processus, discours, mouvement critique, interprétation, communication, son discours, la traductologie se trouve dans la même situation que ceux de la grammatologie de Derrida, de l’archéologie du savoir de Foucault ou de la poétologie de Beder.

Autonomes, ils travaillent sur des territoires déjà découpés par plusieurs domaines, institutions elle-mêmes déjà constituées.
Comme elles, il s’agit non pas de faire sécession avec ces domaines mais de discuter avec elles.
Elle est par excellence interdisciplinaire.

Car si la littérature est l’espace privilégié de la traduction , historiquement et méthodiquement, la traductologie concerne aussi les textes sacrés, de sciences humaines ou de philosophie.

Ainsi, Berman, suggère que "l’histoire des erreurs de traduction philosophique constitue l’un des chapitres les plus captivants de ce processus."
(Derrida a écrit un livre sur le terme de pharmacon de Platon ; on peut penser à l’aufhebung d’Hegel traduit comme dépassement/relève ou encore à celui de dévoilement/destruction/déconstruction/désobstruction d’Heidegger)

« […]en tant qu’expérience et opération, elle est porteuse d’un savoir sui generis sur les langues, les littératures, les cultures, les mouvements d’échange et de contact, etc… »

***


Berman propose les 4 axes nécessaires à ce projet :

- Histoire de la traduction :

Se dire, c’est aussi pouvoir se conter. Berman, choississant sinon l’héritage au moins les considérations herméneutico-linguistiques de Schleiermacher, inscrit le présent de la traduction comme héritière du statut, de la conception qu’en a fourni l’époque de l’Allemagne romantique, en particulier de Goethe à Von Humboldt. L’épreuve de l’étranger fournit ce premier axe.


Les deux axes suivants seront développés plus longuement dans L’auberge du lointain :

Chaque culture cherche son autosuffisance.
Berman prend pour exemple la culture romaine antique, la classique française ou encore la nord-américaine contemporaine.
Le souci porté aux traductions répond aussi à cette pulsion conquérante.
Or, l’autosuffisance, l’ethnocentrisme entre en contradiction avec la visée éthique du traduire.

Ce conflit, se retrouve à chaque niveau : à celui des théories et des méthodes de traduction, ou à celui de la pratique traduisante et de l’être psychique du traducteur.
Le problème exige que la traduction se fournisse d’une :

- Ethique de la traduction
(au sens large, presque ontologique et non pas au sens normatif)

et d’une

- Analytique de la traduction

Cette éthique implique celle négative de la mauvaise traduction. Comme ce fut le cas en médecine avec les lésions du cerveau, ce sont les défaillances qui aident à comprendre un processus
D’autant plus quand c’est une démarche sui generis, se faisant elle-même.
Ce sont les entités individuelles mais aussi les visées qu’elles se donnent qui sont concernées en premier lieu par cet axe.

A la visée éthique qui est dépassement de la pulsion traduisante s’oppose la visée métaphysique, renommée ensuite platonicienne (du pur langage, de la traduction équivalente parfaite, etc…) ou celle ethnocentrique.


Quant à l’analytique, elle prend en compte les résistances culturelles qui produisent une systématique de la déformation.
Il s’agit de repérer ceux « qui menacent la pratique de la traduction et opèrent de façon inconsciente au niveau de ses choix linguistiques. »

Dans les deux cas, Berman propose un dialogue courtois avec la psychologie et la linguistique (désir, travail, visée, pulsion de traduire deviennent des concepts importants).

D’autre part, « tout texte à traduire présente une systématicité propre que le mouvement de la traduction rencontre, affronte et révèle. »
Il s’agit de donner une parole à cette forme sui generis de critique qu’est la traduction et de saisir le moment qui lui permet d’être processus de potentialisation.

Il s’agit d’étudier les cas de traduction, ce qui est en jeu dans le champs, l’horizon qui les constitue, comme preuves par et dans l’exemple. Le fait est que tout discours sur la traduction est une traduction.
Ricoeur étudiera le même phénomène avec la métaphore.

« La traduction fait pivoter l’œuvre, révèle d’elle un autre versant. »
L’analytique de la traduction doit aider à percevoir ce « décentrement créateur et conscient de lui-même. »


Enfin, le dernier
-Traduction et transtextualité

Il s’inscrit dans le cadre de la théorie littéraire.
le concept de trans ou inter-textualité demande à être dépassé dans son rapport à la traduction pour être relié aux travaux sur les langues et les cultures en général.
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Message par Plus Oultre Sam 5 Avr 2008 - 0:06

Est-ce simplement un plaidoyer pour une "traductologie" ? J'avais cru comprendre que le livre de Berman s'intéressait d'abord aux problématiques de la traduction dans le contexte spatio-temporel limité de l'Allemagne romantique. Y a-t-il cette mise à l'épreuve des faits et cette dimension historique, ou le tout n'est-il "qu"'une approche théorique de la traduction ?

Les questions que posent la traduction sont d'un grand intérêt, et pas seulement d'un point de vue strictement philologique. Il suffit de rappeler que, fondamentalement, qu'on la considère fidèle ou non, elle est toujours productrice de sens. Faire l'histoire des non-réceptions, des mésinterprétations et des contre-sens entre champs culturels/linguistiques différents est à cet égard presque plus stimulant encore que de considérer les cas de passage "harmonieux".

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Message par Vargas Sam 5 Avr 2008 - 1:43

Houlà non ! J'ai du mal m'exprimer.

Il y a d'un part le contexte : la situation, la condition de la traduction qui donne sa coloration de plaidoyer à l'ouvrage.
D'ailleurs depuis L'Epreuve de l'étranger fait vraiment date dans le monde de la traduction.

D'autre part, le sous-titre, et ce dont il est question à longueur de page, c'est bien la traduction dans l'Allemagne romantique.
C'est ce champ historico-culuturel que Berman connait le mieux. Il est donc normal que ce soit dans cette oeuvre, centrale aussi pour lui en tant que personne, q'on trouve une réflexion sur la place de la traduction.

Le plaidoyer ici ne correspond pas tant à un cahier de doléance qu'à une forme de jurisprudence, d'acte déjà pris au sein de la traduction ,mais à faire reconnaître des plus officiellement, et enfin de réflexion à prolonger et de programme à se doter ; dont L'épreuve de l'etranger est la première partie (l'historique), et L'auberge du lointain la seconde (l'analytique et l'éthique, entre autre)

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Message par Plus Oultre Sam 5 Avr 2008 - 10:11

Alors ça doit être passionnant. Je vais me le procurer, merci.

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Message par Vargas Sam 5 Avr 2008 - 10:32

Si tu veux, j'avais fait un petit résumé des différentes parties du livre que je peux poster.

N'hésite pas à me faire partager ce que tu a pensé de l'ouvrage quand tu l'auras lu Wink


Edit : Y clique ici pour l'histoire de la traduction dans l'Allemange romantique


Dernière édition par Vargas le Mer 9 Avr 2008 - 11:08, édité 1 fois

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Message par Plus Oultre Sam 5 Avr 2008 - 11:17

Oui, ça m'intéresse! Je ne sais pas trop quand je pourrais m'y mettre, mais je ferai part de mes impressions, ça peut être intéressant d'en digresser ici Wink

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Message par Plus Oultre Lun 14 Avr 2008 - 20:39

Après lecture : c'est un bon essai, stimulant en tout cas, qui rassemble beaucoup de remarques pertinentes sur la traduction.
Problème : on s'attend à de l'étude de cas, de la confrontation, et on (c'est à dire moi en fait) est un peu déçu... Berman étudie la traduction chez les romantiques moins par souci de mise en pratique, de mise en oeuvre d'un matériau empirique que parce que, précisément, les romantiques allemands ont produit une littérature théorique considérable sur la traduction. Il réfléchit avec, plus qu'il ne réfléchit face à.
On a donc ici une théorique de la traduction (éthique, analytique, etc), une collection des implications de son principe ("l'épreuve de l'étranger") qui n'apprend pas grand chose, finalement, sur la pratique de la traduction.

Autre problème : en tant que littéraire, Berman est naturellement "littéraro-centré". Or, la traduction ne se limite pas à la traduction littéraire, celle des "grands textes", et elle n'est pas tout le temps l'oeuvre d'un Schlegel ou d'un Celan... Il y a à mon sens un oubli du traducteur (un oubli de principe que, pourtant, autant les romantiques que Berman combattent : le traducteur est aussi un créateur) ou une focalisation sur les grands auteurs qui confine à un élitisme qui me semble sans intérêt...

Je voudrais dire aussi tout l'intérêt qu'il y a à lire ce livre, non pas en vue de réfléchir à la traduction, mais tout aussi bien pour passer un moment agréable avec Goethe, Schlegel, Schleiermacher ou Hölderlin. L'intimité de Berman avec le romantisme allemand est frappante, et son érudition, intelligemment déployée, vaut à elle seule le détour.

Pour tout l'aspect historique et sociologique du problème de la traduction (Berman en reste, si l'on veut, aux principes, qui ne sont pas intemporels - et c'est précisément le problème), c'est à dire fonctions de la traduction, sociologie des traducteurs, etc, je conseille ce numéro des Actes de la recherche en sciences sociales, consultable sur Persée (http://www.persee.fr/showIssue.do?issueKey=arss_0335-5322_2002_num_144_1), particulièrement l'article de Pascale Casanova, qui reprend les conclusions de Berman.
Elle y fait aussi le point sur la "traductologie".
De cette intelligente disciple de Pierre Bourdieu (on se dit parfois que c'est assez rare pour être souligné), voire aussi La république mondiale des lettres (1999).

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Message par Vargas Lun 14 Avr 2008 - 23:34

La partie plus pratique se trouve dans la suite de l'Epreuve de l'Etranger : L'Auberge du lointain.
Ce livre-ci présente les différents aspects du projet traductologique, choisit le moment de l'Allemagne romantique pour penser la traduction, parce que c'est le contexte qui a le plus réflechi sur la question, entre autre.
Et donc, il correspond à la partie Histoire de la traduction.
Mais les enjeux (éthique) et la démarche ou méthode (analytique) sont dans le 2ème ouvrage.
Il y est aussi plus question du traducteur, notamment en invoquant le domaine de la psychologie (le concept de travail de traduction, celui de désir).

Sinon, en effet, le point faible reste le fait de ne s'attacher qu'à la traduction dite littéraire.
C'est parce que la traduction a été historiquement réservée longtemps aux grands textes, tout comme l'écriture s'est d'abord développée en fonction de certains domaines, fonctions de société.
En s'attachant à ces fondations, qui sont aussi celles où la question de la traduction est la plus vaste (c'est-à-dire se singularisant le plus), il veut en venir à établir une traductologie qui s'appliquerait à tout type de traduction.

C'est un choix d'orientation de thèse qui s'explique en grande partie par le fait qu'il s'agissait à l'époque de faire reconnaître la particularité, l'autonomie de la traduction.
Et comme toujours, pour cela, il faut en passer par des canons, des autorités, des voies académiques.
Ce n'est que peu après l'édition du livre que la première chaire universitaire de traductologie a d'ailleurs vu le jour en France.

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Message par Plus Oultre Mar 15 Avr 2008 - 10:19

C'est bien de préciser, seulement lui ne le fait pas explicitement... Même s'il a un réel souci (que j'ai apprécié) de dire que la traduction est bien ancrée socialement et historiquement.

Ce qui m'intéresse/m'intrigue davantage c'est cette idée d'une traductologie en tant que discipline.
L'article le plus récent que j'ai pu trouver est une contribution de Pierre Lassave aux Cahiers internationaux de sociologie de 2006. Sur Cairn il est payant... Voici la présentation de l'article, à mon avis utile si l'on veut faire le point :

Le mot « traduction » est à l’honneur : le philosophe Paul Ricœur l’érige en principe éthique, la « traductologie » se pose en nouvelle discipline littéraire et un courant de la sociologie des sciences le prend pour paradigme. Au-delà de ce dernier usage analogique, n’y a-t-il pas place pour une sociologie de la traduction qui ne soit pas seulement une sociographie des traducteurs amateurs ou professionnels, ni même une annexe fonctionnelle de la théorie des champs culturels et de leurs échanges inégaux ? L’événement éditorial que constitue une nouvelle traduction littéraire de la Bible offre ainsi au sociologue matière à associer ses dimensions linguistiques, institutionnelles et relationnelles pour déterminer une « configuration traductive » exemplaire de la rencontre équivoque entre mondes littéraires, médiatiques et religieux en contexte de modernité avancée.
http://www.cairn.info/revue-cahiers-internationaux-de-sociologie-2006-1-p-133.htm

A propos de la volonté d'"autonomisation" de la discipline, Vargas, tu dis :
"Et comme toujours, pour cela"... Tu aurais des exemples d'autres tentatives d'autonomisation récente (réussies ou non) ?
Où est cette chaire de traductologie et qui l'occupe ?
N'est-ce qu'un effet de mode (comme le souligne l'exergue ci-dessus), une sorte de prétention disciplinaire conjoncturelle ?
Y a-t-il une autonomie possible pour une discipline de la traduction ? (là-dessus, je suis mitigé, mais c'est peut-être, justement, parce qu'on a trop l'habitude de considérer la traduction comme quelque chose de purement fonctionnel - vision que Berman démonte allègrement).
La traductologie, ultime avatar de l'obsession "logologique" ou du linguistic turn ?
Propositions en l'air.

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Message par Vargas Mar 15 Avr 2008 - 12:02

Plus Oultre a écrit:A propos de la volonté d'"autonomisation" de la discipline, Vargas, tu dis :
"Et comme toujours, pour cela"... Tu aurais des exemples d'autres tentatives d'autonomisation récente (réussies ou non) ?


Récente, non, je n'en ai pas qui me vienne directement à l'exprit.
Mais si on remonte au XIXème siècle, plusieurs domaines ce sont érigé ainsi.
La littérature comparée, entre autre.

Plus Oultre a écrit:
Où est cette chaire de traductologie et qui l'occupe ?


En fait, aujourd'hui, il y a même une chaire de traductologie en Azerbaidjan, à Montréal et dans la plupart des pays européens, dont l'Allemagne en premier lieu (à l'université de la Sarre, par exemple).
Il y a aussi Louvain, et l'école de Traduction et d'Interprétation de l'université Genève

Le centre européen de traductologie se trouve en France.
Il y a un centre de recherche à Paris III, le CERT à Nanterre (avant c'était le pionnier J-R Ladmiral qui y était professeur et dirigeait le centre. Aujourd'hui, je ne sais pas), et le CERTA à Arras (université d'Artois). Et aussi à Lille et Caen, je crois.
C'est surtout la première qui anime la traductologie universitaire en France.

Plus Oultre a écrit:
N'est-ce qu'un effet de mode (comme le souligne l'exergue ci-dessus), une sorte de prétention disciplinaire conjoncturelle ?

En fait, le problème posé ici vient plus de la branche sociologie de la traduction, sur laquelle il y aurait sûrement des choses à redire :
expliquer un traducteur en fonction de son insertion social, c'est prendre le risque de louper le problème des rapports dynamiques entre 2 cultures, 2 langues.

Mais j'avoue, que je ne me suis pas intéressé à cette sociologie de la traduction qui me parait limitée, bien qu'intéressante.
Elle me semble trop avoir un caractère de vigilance, de déchiffrage au sujet de la personne sociale-traducteur (la "sociographie3 dont parle l'article).
Comme un après-coup décalé au lieu de s'interesser au moment même de la traduction.

Plus Oultre a écrit:
Y a-t-il une autonomie possible pour une discipline de la traduction ? (là-dessus, je suis mitigé, mais c'est peut-être, justement, parce qu'on a trop l'habitude de considérer la traduction comme quelque chose de purement fonctionnel - vision que Berman démonte allègrement).
La traductologie, ultime avatar de l'obsession "logologique" ou du linguistic turn ?
Propositions en l'air.

Le risque existe vraiment, oui.
C'est pour ça que Berman, bien qu'il s'inscrive dans le projet herméneutico-linguistique de Schleiermacher tente de dépasser cette échelle.
Et d'où l'appel à une alliance intelligente avec avec les autres domaines : sociologie, critique littéraire, psychologie, linguistique, etc...
L'enjeu, c'est que chacun ne fasse pas son truc dans son coin, mais participe à une cohésion, à un projet d'ensemble pour qu'on ne se retrouve pas encore avec une floppée de pseudo-domaines.

La traduction a longtemps été considérée comme le sous-domaine de nombreux secteurs. Maintenant qu'elle s'est dotée d'un discours propre, il ne faudrait pas que le problème se déplace, renaisse et lui devienne interne.

Mais ça c'est l'enjeu présent et à venir.

J'ai entendu parler d'un ouvrage collectif qui tente de reposer les bonnes questions :
Pour dissiper le flou: Traduction -traductologie
Les noms des contributeurs t'aiguilleront peut-être :

Gina Abou Fadel, Henri Awaiss, Michel Ballard, Jean Delisle, Christine Durieux, Jean Klein, Charles Le Blanc, Hannelore Lee-Jahnke, Jean Peeters, Lina Sader Feghali, Claude Wehbé

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Message par moptop Dim 10 Nov 2013 - 12:02

Bonjour, Vargas. Je me présente vite-fait, britannique, j'habite la France, ma famille est ici depuis les années 70, j'y ai fait un Bacc. 'A', je suis retournée au Royaume Uni depuis les années 80, et suis de retour en France depuis 2006. Je fais un MA in Translation avec l'université de Bristol (en ligne).

L'approche britannique me semble différer de l'approche française en ce que nous ne séparons pas l'étude de la théorie (traductologie) et l'acte de traduire (études en traduction). Les deux 'branches' font partie de la discipline de Translation Studies, chacun soutient et enrichit l'autre, l'un ne peut pas exister sans l'autre. La théorie a pour devoir, si l'on veut, d'éclairer et d'améliorer la pratique.

Les auteurs et les théoreticiens que nous lisons ne sont pas les mêmes - je suis assez écoeurée, en fait, par la peu de voix que semblent avoir les traductologistes français dans le monde de la théorie de traduction britannique; mais bon, bien d'autres nations de grande tradition de traduction n'ont pas de voix dans l'occident encore, je pense aux japonais, par example.

Ceci étant dit, il y a bien des figures clefs qui sont considérés faire partie de notre école, et Berman en est une. Pour cela, vos articles et vos commentaires ici m'intéressent. Je dois préparer une dissertation, non sur ce livre, mais sur un papier que Berman a présenté l'année d'après (1985), 'La traduction comme l'épreuve de l'étranger', où il appelle à l'étude de la traduction, avec une approche d'analytique négative et positive, déclinant 12 'symptomes' de défaillance (l'analytique négative); cela me semble être une extension de ses idées exprimées dans ce livre.

Parce que nous avons un court temps de préparation pour nos présentations (1 semaine), je crains de ne pouvoir lire ce livre en entier - mais je voudrais me référer à votre résumé et discussions, parce que ceci est pertinent au 'background' de Berman (bien que secondaire au sujet de la présentation).

J'aimerais avoir votre permission de m'appuyer sur votre résumé et vos opinions/discussions - par contre, je pense que cela serait mal vu de me référer à 'Vargas' (déjà que, pardonnez-moi, ceci n'est pas un papier publié par une autorité reconnue...). Auriez-vous la gentillesse de me faire parvenir par message privé, votre nom, et quelque autre détail qui vous semble pertinent? (Je n'ai pas le droit de vous envoyer de MP parce que je viens seulement de m'inscrire ici).

Je suis très contente aussi de lire les noms des contribuables sur la traductoligie/la pensée sur la traduction, et la collection 'Pour dissiper le flou'. Une de mes maintes idées de mémoire (mais l'on me dit que c'est plutôt niveau doctorat) est une comparaison des deux écoles; introduire les idées et les théoristes français dans le monde britannique. Vive l'inter-culturalité, hein!

Merci!

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Message par Courtial Mar 12 Nov 2013 - 14:44

Je suis très contente aussi de lire les noms des contribuables sur la traductoligie/la pensée sur la traduction, et la collection 'Pour dissiper le flou'. Une de mes maintes idées de mémoire (mais l'on me dit que c'est plutôt niveau doctorat) est une comparaison des deux écoles; introduire les idées et les théoristes français dans le monde britannique.
Solliciter le contribuable français, ce n'est vraiment pas la bonne idée, en ce moment:biggrin-a20: 

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Message par moptop Mar 12 Nov 2013 - 18:08

Bon, M./Mme l'Admin, sans doute devrez-vous bouger ce poste, mais c'est votre faute, c'est vous qui avez commencé! TRADUCTOLOGIE - L'épreuve de l'étranger 2577518336 

N'ayant pas droit de vote j'essaie d'habitude de ne pas m'en mêler! Mais qu'est-ce que vous êtes raleurs, vous français.

Petite histoire. Il a été découvert récemment qu'un grand hôpital anglais falsifiait les records des patients cancéreux pour avoir l'air d'avoir rempli leurs quotas. Déjà que la barre n'était pas très haute, le but étant qu'un patient cancéreux devait avoir son premier rdv en pas plus de 60 jours après avoir été réferé par son généraliste. 2 mois, avec un cancer, c'est beaucoup.

Plusieurs milliers de records ont été falsifiés, pour dire que les patients avaient reçus des soins alors que ce n'était pas vrai. Certains ont dû attendre plus de 18 mois - je parle de personnes avec un cancer vérifié - le temps de creuver, quoi.

Il n'y a pas de 'plans sociaux' au Royaume Uni. Il y a très peu d'aide d'état maintenant. Il n'y a pour ainsi dire pas de système de santé public. Le système éducatif est très cher et les niveaux secondaires et primaires sont à pleurer. La qualité de l'éducation de haut niveau reste bon, mais c'est très cher. Ici l'éducation reste foncièrement gratuit.

Et, chouette, le gouvernement brittanique continue à couper les droits, réduire la qualité des services en réduisant le nombre de fonctionnaires, sans toutefois faire grandes économies, parce que le niveau cadre sup. continue à augmenter, et leurs salaires aussi: plus de £100 000 par an pour les chefs de service de l'hopital cité ci-dessus, par example. De quoi pouvoir se permettre les soins privés, hein. Et le gouvernement continue à réduire les impôts. Et le fossé entre riche et pauvre continue à se creuser...

Il y a pire que la France, et pas très loin! Personellement je suis ravie d'avoir la chance d'être ici et pas là-bas.

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Message par Courtial Mar 12 Nov 2013 - 18:56

N'ayant pas droit de vote j'essaie d'habitude de ne pas m'en mêler! Mais qu'est-ce que vous êtes raleurs, vous français.
Innocente plaisanterie. Ton français est à peu près impeccable, mais il y a quelques bizarreries. Ainsi quelqu'un qui contribue (à un débat, par exemple,ou dans un journal) est un "contributeur". Mais "contribuable" ne peut désigner que celui qui participe aux Contributions publiques, nullement choisies mais obligatoires, autrement dit qui paye un impôt.
Et nous sommes en effet un peu châtouilleux à ce propos, ces derniers temps...  

Il n'y a pas de 'plans sociaux' au Royaume Uni. Il y a très peu d'aide d'état maintenant. Il n'y a pour ainsi dire pas de système de santé public. Le système éducatif est très cher et les niveaux secondaires et primaires sont à pleurer. La qualité de l'éducation de haut niveau reste bon, mais c'est très cher. Ici l'éducation reste foncièrement gratuit.
Sur le système de santé, j'ai lu tout autre chose : savoir qu'il était excellent en Grande-Bretagne, le gros inconvénient étant les listes d'attente. Il est excellent en France aussi, excepté le gros inconvénient qu'il coûte horriblement cher.
Mais je n'ai fait que lire et je n'ai aucune expérience du système anglais.
On nous ment ?

Ceci nous conduit loin de la traductologie. Mais ce forum s'appelle Digression, aussi.
Si cela parasite une discussion sérieuse, nous pourrons aviser.
Pour l'instant, tu as posé une question à laquelle je n'ai nulle réponse, mais qui n'est pas un objet de débat (pas formulé comme tel, mais comme une demande d'information).

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Message par neopilina Mar 12 Nov 2013 - 19:00

Bonsoir moptop,

( Pas de chichi avec Courtial, c'est un trou du cul malgré son âge des plus vénérables, ce qui est somme toute rassurant quant à ses facultés intellectuelles !  TRADUCTOLOGIE - L'épreuve de l'étranger 3900028071  )
Plus sérieux. Peut être n'a tu pas fait attention à la date du message de Vargas auquel tu réponds : 15 avril 2008.
Vargas est toujours le boss, mais il passe beaucoup moins. Eventuellement si quelqu'un de l'administration éprouve le besoin de lui dire qu'on requiert son Auguste Présence ... TRADUCTOLOGIE - L'épreuve de l'étranger 2528771386  .

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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
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Message par victor.digiorgi Mar 12 Nov 2013 - 21:01

moptop a écrit:un grand hôpital anglais falsifiait les records des patients cancéreux
moptop a écrit: Plusieurs milliers de records ont été falsifiés
En toute amitié, attention à l'anglicisme ...

Petite interrogation personnelle : Avez-vous déjà eu l'occasion de vous pencher sur les travaux de madame Danica Seleskovitch ?

http://en.wikipedia.org/wiki/Danica_Seleskovitch

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Message par victor.digiorgi Mar 12 Nov 2013 - 21:01

Vargas a écrit:J'ai entendu parler d'un ouvrage collectif qui tente de reposer les bonnes questions :
Pour dissiper le flou: Traduction -traductologie
Les noms des contributeurs t'aiguilleront peut-être :

Gina Abou Fadel, Henri Awaiss, Michel Ballard, Jean Delisle, Christine Durieux, Jean Klein, Charles Le Blanc, Hannelore Lee-Jahnke, Jean Peeters, Lina Sader Feghali, Claude Wehbé
Pour mémoire, l'un des auteurs de cet ouvrage collectif, Jean Delisle, a été pendant quelques années l'élève préféré de madame Seleskovitch. Il est ensuite devenu professeur de traduction à l'Université d'Ottawa.

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Message par victor.digiorgi Mar 12 Nov 2013 - 21:25

Courtial a écrit:quelqu'un qui contribue (à un débat, par exemple,ou dans un journal) est un "contributeur". Mais "contribuable" ne peut désigner que celui qui participe aux Contributions publiques, nullement choisies mais obligatoires, autrement dit qui paye un impôt.
Cet exemple contribue à mettre en lumière l'un des aspects fondamental de tout travail de traduction qui se respecte, à savoir la relecture de toute traduction par un traducteur-réviseur chevronné.

Cela dit, et pour parler d'autre chose, toute théorie sur la traduction ne devrait jamais être considérée autrement que sous la forme d'une EXPLICATION donnée À LA SUITE de la traduction elle-même.

On traduit d'abord. On explique après.

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Message par Courtial Mer 13 Nov 2013 - 16:10

Oui, peut-être, mais on ne traduit pas d'abord innocemment et sans principes, par exemple.
Je n'ai pas travaillé philosophiquement sur la question de la traduction, c'est pourquoi je n'ai en principe rien à dire d'une "traductologie" dont je ne sais même pas en quoi elle consiste. C'est la raison pour laquelle je serais fort aise que notre nouvelle amie nous donne un peu de grain à moudre, car le sujet est très intéressant (pour moi).
Je n'ai de la traduction qu'une expérience pratique, aussi je songe en particulier aux aspects normatifs, quand je parle de "principes" (et de l'absence d'innocence).
Quand j'ai eu à en faire, on m'a imposé des règles. Par exemple, s'il y a une phrase dans le texte original, il faut que la traduction soit une phrase. C'est très contraignant quand on a affaire à des auteurs qui font des phrases à rallonge par exemple (comme Thomas Mann ou Musil, pour citer ce que je connais(1) et où on est bien tenté de tronçonner. Une règle de ce genre peut faire réfléchir : après tout, en quoi "la phrase" serait-elle une entité intouchable, une unité sacrée, etc. (surtout que je compare ici des langues relativement voisines, qu'en est-il avec des langues complètement différentes, etc.).
Autre exemple : dans la traduction philosophique en particulier, on prétend qu'il est impératif de toujours traduire le même mot (grec, latin, anglais) par un même mot (français). On ne peut évidemment le faire dans l'absolu, cela donnerait lieu à des absurdités, mais cela reste une norme générale à appliquer sauf si absurde.
Cela peut donner aussi, si ce n'est des absurdités, au moins des bizarreries : je crois que j'avais cité cet exemple : dans sa traduction de l'Encyclopédie de Hegel, Bourgeois choisit de traduire "Dasein" par "être-là". N'importe quel traducteur "littéraire" de l'allemand traduira ce mot par "existence". (Bourgeois ne fait pas cela par coquetterie ou pour s'heideggerianiser, il le fait parce que Hegel parle aussi d'Existenz, qui est un concept différent, et qu'il faut bien traduire "existence"). Mais lorsqu'il est contraint, selon le respect de ce principe, de parler "des preuves de l'être-là de Dieu" (Beweise des Daseins Gottes) ça ne fait ni très joli ni très naturel.

Cela ne vous étonnera pas venant de moi, je trouve surtout, à défaut de réflexion profonde, des sujets d'intense rigolade dans les questions de traductions. Cf ma remarque sur le "contribuable" de Digression.
Je ne sais plus quel dignitaire américain, en visite en Pologne, avait voulu, à la fin de son allocution, faite en anglais, adresser quelques mots dans leur langue à son public de Polonais : il avait dû se faire traduire ça en vitesse (ou prendre une trad. sur internet, je ne sais).
Et il avait jeté un grand froid dans l'assistance en déclarant : "je nique le peuple polonais". Et il avait été étonné que sa déclaration comme quoi il aimait le peuple polonais avait été accueillie avec si peu d'enthousiasme : on lui avait expliqué ensuite que s'il voulait dire qu'il aimait les Polonais, il ne devait pas employer le verbe utilisé, qui veut, certes,  dire "aimer", mais qui n'est plus employé que dans un sens sexuel...

(1) mon prof d'espagnol de terminale m'avait dit (je l'interrogeais sur Garcia Marquez, on avait étudié un passage de Cent ans de solitude), au contraire, que Proust était du beurre à traduire et à lire en espagnol, que la prolifération sans fin des subordonnées ne gêne pas, dans cette langue,  une lecture claire. Je lui avais rétorqué que je tenais l'explication du style incompréhensible de Proust : en fait, personne ne le sait, mais Proust était espagnol...

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Message par victor.digiorgi Mer 13 Nov 2013 - 18:23

Courtial a écrit:on ne traduit pas d'abord innocemment et sans principes
C'est parfaitement exact !

Pour traduire, il faut commencer par connaître au moins deux langues (ça va de soi), la langue d'origine et la langue cible. Si la première doit être connue le mieux possible, la seconde doit être parfaitement maîtrisée. Toute école de traduction qui se respecte commence par vérifier les connaissances réelles de chaque étudiant potentiel avant de l'accepter dans ses rangs.

Ensuite, il faut savoir se montrer le ou la plus humble parmi les plus humbles. Quand on débute, c'est la condition essentielle face à toute révision de son travail par un réviseur chevronné. C'est à ce moment que se joue parfois une carrière entière. Je dirais que l'humilité constitue l'essence même des premières leçons à donner à tout débutant. Sinon, à la sortie de l'université, le risque est grand de se faire bouffer tout cru par les anciens qui sont bien nombreux à ne faire de cadeaux à personne, ce qui est d'ailleurs très bien, si l'on sait accepter les morsures sans rechigner ...

Enfin, le plus important, c'est de s'exercer constamment et de découvrir petit à petit les règles de l'interprétation. Car le principe numéro un, en traduction, c'est ça : C'est l'interprétation. Si c'est en forgeant qu'on devient forgeron, c'est bien en interprétant qu'on devient traducteur. Plusieurs années sont parfois nécessaires pour y arriver, sauf exception, avec certains génies, comme Jean Delisle, professeur de traduction (et pas de traductologie, quelle idée...) à l'université d'Ottawa, qui a été l'élève préféré de madame Danica Seleskovitch, véritable génie de l'enseignement de la traduction à l'ESIT (École supérieure d'interprétation et de traduction de la Sorbonne de Paris)

Puis, en dernier lieu, en tout dernier lieu, après maîtrise totale de tout ça, on peut s'aventurer dans la théorie. Comme madame Seleskovitch, par exemple.

(Commencer par la théorie, en traduction, c'est l'assurance la plus sûre de se fracasser la tête contre le premier mur rencontré sur la route.)

(Je n'aime pas parler de mon expérience personnelle en ce domaine, mais sachons simplement pour l'instant que j'en ai vu quelques-unes et quelques-uns, dans ma petite vie, des traductrices et des traducteurs qui ont été trompés et se sont littéralement brûlés les ailes à raz le corps pour ne pas avoir été bien orientés dès le début.)

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Message par victor.digiorgi Mer 13 Nov 2013 - 18:35

Courtial a écrit: Quand j'ai eu à en faire, on m'a imposé des règles. Par exemple, s'il y a une phrase dans le texte original, il faut que la traduction soit une phrase. C'est très contraignant quand on a affaire à des auteurs qui font des phrases à rallonge par exemple (comme Thomas Mann ou Musil, pour citer ce que je connais(1) et où on est bien tenté de tronçonner. Une règle de ce genre peut faire réfléchir : après tout, en quoi "la phrase" serait-elle une entité intouchable, une unité sacrée, etc. (surtout que je compare ici des langues relativement voisines, qu'en est-il avec des langues complètement différentes, etc.).
Voilà le genre de stupidité qui ne devrait jamais avoir cours en traduction.

L'unité de traduction, ce n'est ni le mot, ni le syntagme, ni la phrase.

C'est le paragraphe !

Et encore, en disant que le paragraphe représente l'unité de traduction, on donne une indication sur un principe à ne jamais prendre pour un dogme. Cela ne constitue en rien une règle ! Cela dit, le « phrase pour phrase » n'est pas interdit non plus, hein ...

On peut d'ailleurs constater que les traductions les mieux ratées sont celles qui ont été révisées à la main par quelqu'un ayant relu une traduction automatique produite par le premier ordinateur branché sur Internet en Azerbaïdjan ou en Tasmanie. (Ce n'est pas de la rigolade, ça c'est déjà produit.) Ces traductions obéissent à la lettre au dogme du « phrase pour phrase ». À bannir (le dogme) !

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Message par Courtial Mer 13 Nov 2013 - 18:44

Nous avons donc les titres de Madame Seleskovitch, son curriculum, son pedigree, tu nous parleras peut-être après des produits dérivés ? Seleskovitch en affiche, le fond d'écran Seleskovitch, les poupées Seleskovitch, la tente de camping à l'effigie de Seleskovitch, etc.
Comme Inès machin ou Peggy truc : rien sur le contenu, que la com' et la pub, le busyness au service de votre linge...
Mais tu rates ton coeur de cible, là. Y a comme du brouillage dans le busyness plan, tu devrais aller chercher ailleurs des acheteurs.

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Message par victor.digiorgi Mer 13 Nov 2013 - 19:25

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Je reviendrais un instant sur le titre de ce fil de discussion, à savoir « L'épreuve de l'étranger ». Je pense qu'en posant une telle chose, on risque de ne pas voir que la véritable épreuve, en traduction, ce n'est pas celle de l'étranger, mais celle qui concerne la langue cible, qui est le plus naturellement et le plus souvent la sienne propre.

C'est avant tout sa propre langue qui est mise à l'épreuve de la traduction. Les plus beaux ratés de la traduction viennent d'un défaut de maîtrise de la langue cible, qui est le plus souvent la langue maternelle. Cette maîtrise est indispensable pour parvenir à jongler lors des passages incessants entre la langue d'origine et la langue cible. Cette jonglerie doit être maîtrisée, et la seule façon de parvenir à une telle maîtrise, c'est de commencer par maîtriser ABSOLUMENT la langue cible.

Quiconque ne maîtrise pas ABSOLUMENT la langue cible devrait être interdit de traduction pour la bonne raison que c'est le plus grand service qu'on lui rendra en vue de lui éviter d'amers déboires.

Ne pas oublier qu'en traduction, en traduction professionnelle, s'entend, c'est-à-dire en traduction permettant de bien gagner sa vie, ne pas oublier que la première erreur, du point de vue du client, eh bien c'est la dernière ...

Mais pour terminer sur une note joyeuse, disons aussi que quiconque désire se consacrer à la traduction non seulement pour vivre, mais pour BIEN vivre, quiconque a ce but ne devrait jamais sous-estimer la valeur des modestes conseils donnés par les vieux renards ...

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Message par victor.digiorgi Mer 13 Nov 2013 - 19:53

Courtial a écrit:Nous avons donc les titres de Madame Seleskovitch, son curriculum, son pedigree, tu nous parleras peut-être après des produits dérivés ? Seleskovitch en affiche, le fond d'écran Seleskovitch, les poupées Seleskovitch, la tente de camping à l'effigie de Seleskovitch, etc.
Comme Inès machin ou Peggy truc : rien sur le contenu, que la com' et la pub, le busyness au service de votre linge...
Mais tu rates ton coeur de cible, là. Y a comme du brouillage dans le busyness plan, tu devrais aller chercher ailleurs des acheteurs.
Disons pour résumer mon point de vue que suis manichéen à mort, en traduction. (Et que je me fous bien de vendre quoi que ce soit en ce domaine, puisque, comme je l'ai souvent dit ici, je ne me soucie que de faire mes petits exercices quotidiens en vue d'entretenir comme il se doit les câblages de ma propre neurologie, qui est si bien-aimée de moi.) (De MOÂHHhh ...) (LoL)

Cela dit, le monde de la traduction se divise pour moi en deux, donc.

Celui des traducteurs qui n'ont jamais entendu parler de Danica Seleskovitch, et celui de ceux qui en ont entendu parler.

La bonne remarque de ta part, puisqu'il faut encore t'apprendre à vivre malgré ton âge avancé, ça aurait été de poser la question suivante à ma très modeste personne en ton humble serviteur :

« Quel est le fond de la pensée ou de la méthode de Danica Seleskovicht, à toi, Victor, qui semble tant aimer cette dame ? »

J'attends ... (Mais pas longtemps, hein, parce que je dois m'occuper aussi de mes glandes, de ma viande et de mes os, en plus de mon câblage électro-chimique, et dans pas longtemps, je vais marcher un peu, suivant le conseil du camarade Nietzsche et de ses copains philosophes-endocrinologues du 21e siècle...)

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Message par hks Jeu 14 Nov 2013 - 11:49

à neo

Peut être n'a tu pas fait attention à la date du message de Vargas auquel tu réponds : 15 avril 2008.
Comment tu sais l 'année ?
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